Histoires traditionnelles : les maîtres, la renaissance humaine et la mort

Relations saines avec les maîtres spirituels

Il est très important pour le disciple d’examiner et de tester le lama très soigneusement avant d’étudier avec lui. Ne vous rendez pas à un enseignement parce que c’est un enseignement fameux. Vous devez examiner très soigneusement le lama. On dit dans un texte que cela demande environ douze années au maître et au disciple pour se tester l’un l’autre et voir s’ils peuvent nouer une relation correcte. Bien que ce soit le cas, en vérité c’est une période très longue, et il y a de nombreux inconvénients à ce que cela prenne autant de temps.

Il y a l’exemple de ce grand maître Sakya invité en Chine pour donner des enseignements à l’empereur. Ce dernier l’observa pendant neuf années avant de se décider finalement à étudier avec lui. Une fois les neuf ans écoulés, il le pria de l’enseigner. Quand le maître lui demanda : « Pourquoi avez-vous attendu neuf ans avant de faire la requête d’enseignements ? », l’empereur lui dit : « Pendant tout ce temps je vous observais. » Le maître répliqua : « Eh bien maintenant, c’est à moi de prendre neuf ans pour vous examiner ! » En fait, il s’avéra qu’il ne fut jamais en mesure d’enseigner l’empereur. Cela peut arriver, si on attend trop longtemps.

Quant à examiner un lama de nos jours, la première chose à faire est de se poser deux questions : « Quel genre de sentiment avez-vous éprouvé quand vous l’avez rencontré pour la première fois ? Est-ce que vous vous êtes senti tout de suite très heureux, ou est-ce que rien ne s’est passé du tout ? Le deuxième point c’est, quand vous avez entendu le nom du maître la première fois, est-ce que cela vous a rendu heureux, ou non ? » Quelquefois quand les gens vont pour rencontrer un maître la première fois, ce dernier est absent. Ceci n’est pas de très bon augure. Le troisième point c’est d’écouter ce que les gens disent à propos du maître spirituel, et d’entendre diverses opinions. Malgré tout, il est difficile pour les maîtres spirituels d’avoir toutes les qualifications requises, les points principaux étant qu’ils doivent avoir un cœur très chaleureux et bienveillant, un amour et un très grand souci pour tout le monde, et enfin qu’ils soient honnêtes.

Il est très important de procéder à un examen approfondi d’un maître spirituel ou d’un lama avant de s’engager à étudier avec lui. Ne vous contentez pas d’être excité quand vous entendez dire qu’un lama va venir, et d’aller vers lui sans réfléchir. Ce n’est pas du tout correct. Mais, une fois que vous vous êtes engagé de tout votre cœur auprès d’un maître spirituel, il n’est plus temps d’avoir des doutes à son sujet et de faire des vérifications, qu’il soit un homme ou une femme.

Dans le passé, des traducteurs et des gens du Tibet, comme le grand traducteur Marpa, passèrent au travers de grandes difficultés pour récolter l’or nécessaire à un voyage en Inde afin de rencontrer des maîtres spirituels. Milarepa, qui étudia avec Marpa, dut construire une tour de neuf étages de ses propres mains. Il transportait les pierres sur son dos et en eut de terribles plaies. Il endurait souffrance après souffrance. Après avoir construit la tour, Marpa refusait toujours de lui donner des enseignements et des initiations. Marpa avait un autre disciple du nom de Ngog Choku Dorje (rNgog Chos-ku rdo-rje) qui avait fait la requête de recevoir l’initiation de Chakrasamvara. Il vivait à une journée de cheval de là. Quand la tour fut finie, Dagmema (bDag-med-ma), la femme de Marpa, donna naissance à un fils appelé Darma-dodey (Dar-ma mdo-sde). Pour célébrer la naissance de son fils ainsi que l’achèvement par Milarepa de la tour de neuf étages, Marpa envoya un message à Ngog Choku Dorje disant qu’il allait conférer l’initiation de Chakrasamvara, et qu’il devait venir pour cette occasion.

Quand Ngog Choku Dorje arriva, il avait apporté en offrande à Marpa tout ce qu’il possédait. Parmi ses possessions, il y avait une chèvre qui s’était cassé la patte et qui ne pouvait marcher, aussi la laissa-t-il derrière lui. Marpa lui dit : « Qu’est-ce que ça veut dire ? Tu n’as pas apporté l’autre chèvre ? J’ai passé par tant d’épreuves pour me rendre trois fois en Inde afin d’obtenir ces enseignements, et c’est une initiation très précieuse. Tu dois t’en retourner et aller chercher la chèvre. » Quand Marpa donna l’initiation de Chakrasamvara, Dagmema, la femme de Marpa, eut pitié de Milarepa et le fit entrer pour recevoir la transmission de pouvoir. Marpa se saisit d’un grand bâton et chassa Milarepa tout en le réprimandant afin de l’empêcher de recevoir l’initiation. La femme de Marpa continua d’implorer Marpa pour que Milarepa reste et reçoive l’initiation.

Finalement, à cause de la compassion qu’il avait pour sa femme, Marpa accepta de conférer l’initiation à Milarepa. La raison pour laquelle Milarepa dut faire face à de tels obstacles était que Marpa avait atteint l’illumination grâce aux terribles difficultés endurées pour étudier avec Naropa en Inde, et que Naropa lui-même avait également rencontré d’énormes épreuves et difficultés pour étudier avec son maître Tilopa. L’illumination n’est pas chose facile à atteindre. C’est la raison pour laquelle, afin d’obtenir les mêmes réalisations, Milarepa, lui aussi, devait passer par des épreuves.

Marpa disait : « Chaque fois que Milarepa me rend service, je suis toujours très courroucé et brutal avec lui, en conséquence de quoi il sera en mesure d’atteindre l’illumination dans cette vie même. Il a déjà accompli des choses aussi difficiles que de construire une tour. » Mais Marpa eut pitié de sa femme qui faisait montre de tant de compassion envers Milarepa et il autorisa ce dernier à recevoir l’initiation. Après l’initiation, Milarepa dut partir pour accomplir une grande quantité de pratiques méditatives afin d’atteindre l’illumination dans cette vie même. Mais, grâce au fait d’avoir été un très fidèle serviteur pour Marpa, il fut en mesure d’atteindre l’illumination – toutefois, même alors, il dut surmonter les difficultés d’avoir à méditer dans des grottes.

La rareté de l’opportunité de rencontrer le Dharma

Si on rapporte tout ceci à l’époque actuelle, il y a de nombreux grands pays dans le monde où le mot Dharma n’est même pas prononcé ni entendu, en plus du fait qu’il n’existe pas de représentations du corps, de la parole et de l’esprit des bouddhas, fussent-elles de la taille d’un pouce. Et quand bien même il y en aurait, on ne les traite pas comme des objets saints, et on ne les considère pas comme précieuses. Dans ces pays, les gens sont complètement accaparés par l’idée d’essayer de faire en sorte que les choses se passent bien dans cette vie, et consacrent toute leur énergie pour eux. De cette manière, ils s’illusionnent en pensant que c’est la seule chose à faire dans cette vie. Partant de ce principe, ils ont voulu réaliser de grands progrès matériels, construire des routes et accomplir toutes sortes de choses. Aussi magnifiques soient-elles, aussi grands soient les progrès matériels dont ils jouissent, cela ne fait que créer de plus en plus de problèmes, de la misère et de l’insatisfaction. C’est quelque chose que vous connaissez tous. Le Bouddha Shakyamuni lui-même naquit dans une famille royale. Il était le fils d’un roi, et possédait une prodigieuse quantité de richesses. Il vit que tout cela était sans essence aucune, aussi abandonna-t-il ses biens et, au prix de durs efforts, atteignit l’illumination.

Tous autant que vous êtes, vous avez pu constater que passer sa vie entière simplement à la poursuite des choses matérielles pour le bonheur de cette seule vie n’a pas de grande valeur en soi ni de sens. À cause de cela, vous vous êtes tournés vers les domaines spirituels du Dharma, et je pense que c’est excellent. Quant à ce qu’impliquent les choses spirituelles, il y a les diverses mesures et pratiques qui vous seront bénéfiques dans vos vies futures et au-delà. Les meilleures méthodes concernant cette question furent enseignées d’abord en Inde puis gagnèrent le Tibet.

Il se trouve que les conditions sont devenues insupportables au Tibet et qu’il n’était pas possible d’y pratiquer le Dharma plus longtemps. Or nous avions le sentiment que vivre une vie sans les pratiques spirituelles du Dharma ne valait pas la peine, aussi avons-nous quitté le Tibet en tant que réfugiés. Nous sommes venus dans des pays comme celui-ci où nous avons rencontré des gens tels que vous, qui font montre d’un grand intérêt pour le Dharma et les choses spirituelles, mais qui ne connaissent pas la langue tibétaine. C’est à cause de votre grande curiosité et intention de pratiquer que nous vous donnons ces explications du mieux que nous pouvons.

Si vous prenez mon exemple, au Tibet, j’ai principalement étudié avec des lamas et des maîtres de la tradition Guéloug. En fait, j’ai également reçu des enseignements de différents lamas et maîtres des traditions Sakya, Kagyu et Nyingma. Dans l’ensemble, j’ai étudié avec cinquante-trois maîtres spirituels. Je me sens très concerné par le fait que la continuité des enseignements du Dharma soit assurée, qu’elle ne se détériore pas et disparaisse tout simplement. Vous tous avez un tel intérêt pour étudier du Dharma. C’est pourquoi je tente d’enseigner des gens comme vous avec le sentiment d’essayer de vous être bénéfique.

Vous avez vu qu’il n’y a pas grand sens à s’impliquer seulement dans les choses de cette vie. Vous êtes tous curieux d’apprendre à connaître ces mesures spirituelles mais vous ne connaissez pas le tibétain. Pour vous c’est très dur. Je commence à me faire vieux et, si le Dharma n’est pas enseigné, il ne sera bientôt plus disponible. C’est pourquoi, même si je ne connais pas tout parfaitement, je vais essayer  de vous expliquer les enseignements des soutras et des tantras du mieux que je peux.

Il est fort possible que vous ayez des doutes. Vous avez entendu dire qu’il est de mise de faire la requête d’enseignements, et de le faire sur une période de trois ans. Avant qu’elle ne soit effectivement donnée, vous savez qu’il est de coutume de faire la demande d’une initiation et qu’il est incorrect que des initiations soient conférées immédiatement à la première requête. Aussi, il se peut que nous ayons des doutes sur la question de savoir pourquoi des enseignements et des initiations sont donnés si promptement de nos jours. En ce qui me concerne, je me place du point de vue de celui qui ne veut pas que ces enseignements et ces lignées disparaissent. Puisque que vous tous faites montre d’un grand intérêt et de l’intention de pratiquer, et que de mon côté je deviens vieux, je suis d’accord pour donner des enseignements et des initiations quand les gens me les demandent, sans les faire attendre trop longtemps. Je le fais avec la pensée d’être bénéfique aux autres.

La signification du Dharma et les trois niveaux de pratique

Quelle est la signification du Dharma ? Le Dharma est une mesure préventive qui profitera à nos propres vies futures et au-delà. Quels que soient les efforts que vous mettiez à améliorer les choses de cette vie – avoir une bonne nourriture, boire, jouir d’une belle maison pour y vivre – aucune de ces choses ne peut être considérée comme une mesure préventive (comme du Dharma). Ce ne sont pas des pratiques spirituelles. Si vous souhaitez que les choses se passent bien dans cette vie et, dans ce but, faites une offrande de cent mille florins d’or à une représentant officiel, on ne peut pas considérer cela comme une mesure préventive. Votre façon de penser en donnant cent mille florins d’or, c’est d’en obtenir un million en échange. C’est du commerce ; ce n’est pas une pratique spirituelle. Si vous faites juste une petite action, comme de donner un morceau de pain à un animal, dans l’intention que cela vous apportera du bonheur dans les vies futures, il s’agit bien là d’une mesure préventive ; c’est une pratique spirituelle.

Il y a différents niveaux et différentes portées de mesures préventives pour améliorer les vies à venir et au-delà. Si vous prenez des mesures préventives pour être heureux dans les vies futures, il s’agit d’une pratique Hinayana d’esprit modeste et limité. Si vous prenez des mesures préventives pour apporter le bonheur à tous dans toutes les vies futures, il s’agit là d’une pratique Mahayana d’esprit vaste. La meilleure attitude, donc, est de toujours travailler avec l’idée d’essayer d’améliorer les choses et d’aider tous les êtres limités, tous les êtres sensibles.

Chacun a une idée différente de la façon d’être heureux, et tout le monde suit une méthode différente pour réaliser le bonheur. De la même manière, dans la poursuite des vies futures, il existe différentes méthodes de pratique. Parmi celles-ci, il est nécessaire de pratiquer de telle sorte qu’on souhaite le bonheur pour tous – pour tous les êtres limités sans exception. La motivation la moins élevée que vous puissiez avoir est celle grâce à laquelle vous souhaitez ne pas tomber dans une renaissance de type inférieure dans les vies futures. Dans ce but, vous apprenez à pratiquer l’abandon des dix actions destructrices, à savoir les dix actions non vertueuses. Quelqu’un qui enseigne le Dharma aura coutume de commencer par expliquer la façon de se réfréner des actes destructeurs afin d’éviter de renaître dans les pires états.

Il existe diverses sortes de pratiques spirituelles et de religions qui toutes ont pour but d’apporter le bonheur, de soulager ou de se débarrasser des problèmes, de la souffrance et du malheur. Dans le bouddhisme, trois méthodes principales sont concernées. La première de ces pratiques est d’éviter les dix actes destructeurs afin de se prémunir contre une renaissance dans un état infortuné. Viennent ensuite les  trois entraînements exceptionnels qui permettent de se dégager de tous les problèmes récurrents incontrôlés, c’est-à-dire du samsara. La troisième méthode consiste à mettre en œuvre la totalité des diverses pratiques pour atteindre l’illumination afin d’être en mesure d’en faire bénéficier tout le monde. Tels sont les trois niveaux de pratique.

Réaliser le bonheur

Quand j’enseigne le Dharma, mon intention est d’être capable de vous transmettre les diverses méthodes pour atteindre ces buts. Je n’enseigne pas avec l’intention de faire de tout le monde des Guélougpas en enseignant le Dharma guélougpa. Je n’enseigne même pas avec l’idée que chacun doive devenir bouddhiste. Ce que je souhaite vous dire et vous expliquer, dans la mesure où vous ne voulez pas être malheureux, c’est que tous vos problèmes et votre souffrance viennent du fait d’agir de manière négative. Et que, si vous cessez d’agir négativement, vous n’endurerez plus de problèmes ni de souffrance. Si vous voulez être heureux, car le bonheur est la conséquence d’avoir agi de façon constructive, vous devez agir de la sorte. C’est cela que je tiens à vous dire. Tout le monde est identique dans son désir d’être heureux et personne ne veut être malheureux ou avoir des problèmes. Chacun veut le plus grand bonheur possible et qu’il dure pour toujours.

Quant à être capable de faire advenir un état de bonheur durable, qui se perpétue encore et encore, lequel est le niveau le plus élevé de bonheur possible, ce dernier ne peut être obtenu qu’en atteignant l’état pleinement illuminé d’un bouddha. Atteindre un tel état veut dire devenir un être pourvu d’un esprit totalement clair et pleinement évolué, et de réaliser le plus haut niveau de tous les potentiels. Quant à la manière de devenir un bouddha dans cette vie même, les méthodes pour y parvenir sont expliquées dans les enseignements des tantras. Telles sont les mesures cachées pour protéger l’esprit. Quant au genre de personne à même de véritablement accomplir de telles pratiques, nous possédons tous la base pour être capables de les faire. Cette base, c’est cette vie humaine-ci.

Bien que nous possédions la base d’un esprit et d’un corps humains, la meilleure façon d’en faire véritablement usage pour atteindre l’illumination dans cette vie même est de se plier au genre de pratiques auxquelles le grand Milarepa s’est astreint. Il avait investi toutes ses énergies, du plus profond de son cœur, à surmonter toutes les difficultés nécessaires, quelles qu’elles soient, pour être illuminé. C’est parce que nous ne voulons pas prendre un engagement aussi complet, et que nous ne voulons pas endurer pareilles prodigieuses épreuves que nous sommes incapables d’avoir un esprit clair et pleinement développé dans nos vies. Si on prend l’exemple de Milarepa, il a dû en passer par de terribles difficultés et accomplir une énorme quantité de dur labeur avant même de recevoir la moindre instruction ou le moindre enseignement. Par la suite, sur la base de la pratique du tantra, il fut en mesure de réaliser son plein potentiel et de devenir un bouddha dans cette vie même. Vous tous êtes très fortunés, car en fait, Sa Sainteté, un être pleinement illuminé, s’est rendue ici à l’Ouest. Il vous a conféré des initiations, et, de fait, vous avez eu la chance de recevoir de telles initiations. Que vous ayez été suffisamment chanceux pour les recevoir montre que vous avez eu la bonne fortune d’être des récipients adéquats pour les recevoir.

Devenir conscient de la mort et de l’impermanence

Si vous vous demandez par où commencer réellement une pratique du Dharma, le premier point est de ne pas vous leurrer en vous impliquant totalement dans les choses de cette vie. Si on se demande pourquoi on s’est illusionné en travaillant seulement aux choses de cette vie, la réponse est que nous n’avons pas été conscients du fait que nous allons mourir. Nous n’avons pas été conscients de la mort et de l’impermanence, du fait qu’aucune situation dans la vie ne demeure à jamais statique ni qu’elle dure pour toujours. En premier lieu, il est extrêmement important de réfléchir et de devenir conscients de la mort et de l’impermanence.

Si on pouvait faire en sorte que la mort s’en aille en ne prêtant l’oreille à rien de ce qui se dit à son sujet parce qu’on ne l’aime pas, ça serait merveilleux. Mais qu’on l’aime ou non, la mort arrivera pour tout le monde. Quand elle se présentera, vous ressentirez beaucoup de misère, de problèmes et de souffrance. C’est juste une question de temps, et il n’y a aucun moyen de l’empêcher. En revanche ce que vous pouvez empêcher, c’est tout le malheur et la souffrance qui se produiront quand elle se présentera à vous pour de vrai. Si vous suivez la pratique d’essayer d’agir de manière aussi constructive et positive que possible, de vous réfréner des dix actes négatifs autant que vous le pouvez, et que vous menez votre vie de cette façon, alors, à mesure que vous vieillirez, vous deviendrez de plus en plus heureux. Au moment de mourir, vous ne serez pas malheureux ni dans un état d’esprit dévasté. C’est là que commence toute la pratique du Dharma. En progressant, il y a toutes sortes de méthodes proposées dans les divers thèmes de pratique des soutras et dans les courants éternels des pratiques des divinités tantriques (les tantras). Dans mes prochaines conférences, je tâcherai d’en expliquer un peu plus à propos de leurs différences.

Si vous voulez méditer, construire des habitudes de pensée bénéfiques, la première chose à laquelle réfléchir est que le fait d’être né implique nécessairement, au bout du compte, celui de mourir. C’est la conséquence naturelle du fait d’être né. Vous construirez un état d’esprit très bénéfique si vous devenez conscient et attentif au fait qu’un jour vous mourrez et si vous prenez cela au sérieux. Quand on y réfléchit sérieusement, ce qui vient à l’esprit c’est que si on passe tout son temps simplement à travailler à accumuler des choses et des objets durant cette vie, au moment de la mort ces choses ne nous seront d’aucune aide. De tous les objets qu’on aura accumulés, il n’y a rien que l’on puisse emporter avec soi. Voilà une chose que vous devez travailler à construire et dont vous devez faire une habitude de pensée forte.

Une précieuse vie humaine

Vous accumulerez également une très bonne habitude mentale si vous essayez de vous réjouir du fait que vous disposez actuellement d’une précieuse vie humaine. Vous devez penser que c’est le résultat de toutes les choses positives que vous avez faites au cours de vies passées. Vous devez vous réjouir et vous sentir très heureux de ce que vous avez fait dans le passé pour produire cette précieuse vie humaine. Sur la base de cette vie humaine, il est possible de mettre en œuvre toutes les mesures préventives du Dharma, lesquelles, dans les vies futures, nous permettront de renaître dans des états fortunés et dans d’heureuses conditions. Sur la base de ce dont nous disposons maintenant, nous pouvons travailler à cela.

Bien entendu, la meilleure chose que nous puissions faire est d’atteindre notre plein potentiel et de devenir un bouddha à l’esprit parfaitement clair, pleinement évolué, au cours de notre vie même. C’est une chose que nous pouvons faire sur la base de la précieuse vie humaine dont nous disposons maintenant. Donc, il est très important que vous appreniez à apprécier votre précieuse vie humaine, et à vous réjouir et vous sentir heureux de toutes les possibilités que vous avez de faire des progrès. Méditez en pensant que sur la base de la précieuse vie humaine que vous avez maintenant, vous pouvez véritablement vous empêcher d’avoir à chuter dans des états de renaissances pires dans le futur. De la sorte, vous pouvez réellement vous empêcher d’avoir jamais à faire l’expérience à nouveau des problèmes récurrents incontrôlables et des misères du samsara. Vous pouvez réellement atteindre votre plein potentiel, réaliser l’état d’illumination d’un bouddha, et être mesure d’en faire profiter tous les autres. En premier, méditez que vous essayez de bâtir l’habitude mentale bénéfique consistant à être conscients de toutes ces possibilités et de vous en réjouir.

Est-ce que ma façon de parler vous aide ? Préféreriez-vous que je vous enseigne d’une autre manière ? Si vous tous connaissez déjà tout ceci, je pourrais vous l’expliquer d’une façon différente. Mais si vous pensez que c’est une chose bénéfique, je peux continuer à expliquer de cette façon. Même si vous connaissez déjà tout cela, il est très important d’entendre et d’écouter les enseignements encore et encore. Il est possible que vous sachiez déjà tout cela et que, quand vous vous rendez à un enseignement, vous soyez conscients que le maître va expliquer ceci à tel moment, et qu’ensuite il expliquera cela, puis, qu’il utilisera tel ou tel exemple. Mais, même s’il s’agit des mêmes mots, les disciples peuvent en tirer une compréhension différente ; leur niveau de compréhension changera. Quand vous écoutez des enseignements, n’écoutez pas simplement avec l’idée de collecter des informations ; vous devez écouter plutôt afin de véritablement mettre en pratique ce que vous entendez. C’est le point principal.

L’inutilité de travailler aux accomplissements de cette seule vie

Voici une histoire à propos de Guéshé Langri Tangpa (Glang-ri thang-pa). Durant sa vie, il ne rit que trois fois. Parmi les offrandes de son mandala, il y avait une très grosse turquoise. Un jour, il vit cinq souris. L’une d’elles était sur le dos avec la pierre sur son estomac et les quatre autres souris la tiraient par les pattes, chacune avec une patte dans la bouche. Quand il vit cela, il rit. Après tout, ce n’est pas un grand accomplissement que d’être capable d’avoir des objets matériels. Même des animaux comme les souris sont capables d’amasser des choses.

La deuxième fois que ce grand maître rit fut quand il vit un homme, sur le point d’être exécuté le jour suivant, en train de passer sa dernière nuit à réparer ses chaussures. La troisième fois ce fut quand il vit des gens dans une prairie en train de rassembler des pierres pour construire un foyer. L’un d’eux vit quelque chose qui ressemblait à un rocher avec de l’herbe dessus, et, comme il s’employait à le déterrer, il s’avéra que c’était la tête d’un ogre couché sur le sol. Comme on peut le constater, ce n’est pas un grand exploit que d’être en mesure d’accomplir des choses dans cette vie. C’est une réalisation bien supérieure que d’être une personne intéressée par les pratiques spirituelles, lesquelles profiteront aux vies futures et au-delà.

Quand nous jouissons d’une précieuse vie humaine, vie à laquelle nous portons tellement d’intérêt, nous devrions nous sentir très heureux de cet état de fait. En général, si nous avons cent mille florins à la banque, nous sommes très contents. Mais, avec cet argent, vous ne pouvez pas empêcher d’avoir à renaître dans un état de renaissance pire, et vous ne pouvez pas acheter l’état d’illumination. Sur la base de cette précieuse vie humaine, nous pouvons en effet atteindre l’état illuminé d’un bouddha. En conséquence, nous devons nous réjouir de ce que nous avons. La meilleure chose à faire, bien sûr, est de suivre l’exemple du grand Milarepa, d’abandonner toute préoccupation pour cette vie et de nous dédier simplement de façon concentrée à devenir illuminés dans cette vie. Mais il est très difficile pour tous les pratiquants du Dharma d’être ainsi. Si nous ne pouvons pas faire comme Milarepa et laisser de côté complètement toutes les choses de cette vie, du moins pouvons-nous générer l’attitude de ne pas être aussi impliqués et concernés par les affaires de cette vie.

Par exemple, nous pouvons essayer de développer l’attitude qui consiste à voir qu’il n’y a pas la moindre essence dans toutes les diverses possessions que nous avons, car, quand nous mourrons, nous ne les aurons plus, qu’on le veuille ou non. Donc, en un sens, elles appartiennent déjà à d’autres gens. Si on pense de cette façon, on ne s’accroche pas aussi fortement à ce qu’on a. On se sert de ce qu’on a pour la pratique spirituelle, comme de donner aux gens qui sont dans le besoin.

Même quand on a cette attitude de ne pas s’impliquer trop ni d’être accaparé par les choses de cette vie, si, comme conséquence des chose positives que vous avez faites dans les vies passées, vous naissez dans des circonstances où vous avez des biens et des richesses matérielles, ne les rejetez pas toutes d’emblée et ne les gâchez pas. L’extrême opposé serait de s’accrocher fermement à ce qu’on a et de ne jamais vouloir se séparer de rien. C’est dangereux, car, si on est à ce point possessif et qu’on se cramponne fortement à ce qu’on a, on pourrait renaître en tant qu’esprit avide et affamé. Ce sont là quelques unes des choses que l’on doit prendre en considération quant à la manière de se comporter vis-à-vis de la pratique spirituelle du Dharma.

Le fait que nous ayons eu l’opportunité de rencontrer Sa Sainteté le Dalaï-Lama, qui est en réalité un vrai bouddha illuminé, et le fait que nous nourrissions un intérêt pour les choses spirituelles sont le résultat d’avoir effectué une prodigieuse somme de dur travail positif dans des vies antérieures, travail qui nous a permis d’accumuler un énorme potentiel positif. Maintenant, sur la base de cette précieuse vie humaine, nous devons travailler très dur pour réaliser un cœur dédié à la bodhichitta et pour essayer d’atteindre l’état illuminé d’un bouddha. Nous avons déjà déployé un si dur labeur dans les vies passées pour en arriver là et disposer de cette précieuse vie humaine que nous devons réfléchir pour savoir si nous voulons tout recommencer à zéro. Maintenant que nous sommes parvenus à ce point, nous devons faire le reste du chemin, développer ce cœur dédié à la bodhichitta et parachever réellement l’illumination. Dans la mesure où il est possible d’atteindre l’illumination sur la base de cette vie, il est important de ne pas gaspiller nos vies.

Si vous aviez un lingot d’or de la taille de votre main, vous ne le jetteriez pas à la poubelle. Si vous deviez prendre ce lingot et le jeter dans la rivière, puis prier pour en avoir un autre, il serait très difficile que ce souhait devienne réalité. Ne suivre aucune pratique spirituelle dans cette vie, la gâcher, et ensuite prier pour avoir une autre précieuse vie humaine dans le futur, cela revient exactement au même. Si vous demandez : « Quelles sont les différentes sortes de mesures préventives que je peux réellement prendre ? », il y a beaucoup de choses que l’on peut faire. Laissez-moi vous en expliquer quelques-unes.

S’empêcher d’ôter la vie des autres

La première chose a trait aux actes de votre corps. N’ôtez la vie à aucune créature. Pour tuer réellement quelqu’un, quatre conditions doivent être remplies. Il se peut que le support d’un meurtre soit, par exemple, un mouton. L’intention ou la pensée comporte une motivation et la reconnaissance de l’objet. Vous pouvez tuer à partir de trois différents types de motivation : par désir, par colère et haine, ou par ignorance. Par exemple, la manière de tuer par désir est d’égorger un animal pour satisfaire l’envie de manger de la viande. Ou bien vous êtes en colère et haïssez tellement une créature que vous décidez de la tuer. La possibilité de tuer par naïveté ou étroitesse d’esprit vient du fait de ne pas en savoir plus que ça, d’être ignorant. Il y a des gens qui sacrifient de nombreux animaux pour offrir leur sang à des dieux ; similairement, certaines personnes, quand elles sont malades, pensent qu’en sacrifiant un animal, cela les guérira de leur maladie. Pour ce qui est de la reconnaissance de l’objet, si vous avez l’intention de tuer un mouton et qu’il y a deux animaux présents, une chèvre et un mouton, pour que l’acte soit complet, vous devez tuer le mouton et non la chèvre.

Quant à la véritable action qu’entraîne le fait de tuer, certaines personnes tuent les animaux en les étouffant, en mettant un bâillon sur leur bouche ou leur nez afin qu’ils ne puissent plus respirer. D’autres introduisent leur main à l’intérieur de leur corps et en extirpent les entrailles. D’autres encore tranchent la gorge des animaux. Pour que l’action de tuer un mouton soit vraiment complète, ce dernier doit perdre la vie ; sa vie doit cesser.

Il y a quatre types de résultats. Le premier type de résultat qui s’ensuit est le résultat venu à maturation. Le résultat venu à maturation du fait de tuer est une renaissance soit comme être des enfers, soit comme fantôme, soit comme animal. Même quand cette renaissance s’achève et que vous renaissez à nouveau en tant qu’être humain, les effets de cette ancienne action ne sont toujours pas terminés. Il existe d’autres résultats semblables à leur cause du point de vue de ce dont nous faisons l’expérience. En conséquence d’avoir abrégé et pris la vie de quelqu’un d’autre, vous-même aurez une vie très courte, sujette à de nombreuses maladies. Il existe aussi un résultat semblable à sa cause en termes de comportement instinctif. Un des effets de tuer, quand on renaît en tant qu’être humain, c’est que, même pendant l’enfance, vous serez une personne particulièrement sadique qui prend toujours plaisir à tuer des créatures. Puis, il y a le résultat d’ensemble qui englobe toute une région ou un groupe de gens qui sont tués. De même, dans la région où vous naissez, les conditions de subsistance sont très faibles. La nourriture est rare et sans pouvoir nutritionnel ; les médicaments ne sont pas très efficaces ou puissants, etc.

Si vous envisagez tous les désavantages et les inconvénients qu’entraîne le fait de tuer, et qu’en conséquence vous décidez de ne pas tuer, et donc de vous en empêcher, il s’agit d’un acte constructif. Le résultat d’une action positive et constructive est que vous renaissez en tant qu’être humain ou comme dieu. Dans votre expérience, un des résultats correspondant à sa cause est qu’une fois rené en tant qu’être humain, vous-même jouirez d’une longue vie et d’une bonne santé, exempte de maladie. Puisque tout le monde veut avoir une longue vie et ne pas être malade, et que personne ne souhaite mourir jeune ou contracter des maladies, la cause en est de toujours se réfréner de tuer. Le résultat correspondant à sa cause dans votre comportement c’est que, même dans la petite enfance, vous serez toujours horrifié par le fait de tuer. Pour rien au monde vous ne tueriez, et vous seriez même dégoûté à l’idée de manger de la viande. Le résultat d’ensemble sera que dans la région où vous renaîtrez, la nourriture sera très riche et nourrissante, et les médicaments seront puissants et efficaces. Si, en s’empêchant juste une seule fois de tuer, cela implique une série d’effets tels que ceux-ci, alors, si vous promettez de ne plus jamais tuer, cela produira des effets continuellement, même quand vous dormirez. Ce sera tout le temps un acte constructif.

Le Bouddha Shakyamuni avait de nombreux disciples éminents – des shravakas, grands auditeurs des enseignements – et chacun d’eux avait une spécialité. Certains avaient la spécialité de détenir des pouvoirs miraculeux, d’autres avaient celle de la sagesse, etc. Celui dont la grande spécialité était d’être capable de pacifier l’esprit des régions frontalières non civilisées était l’Arya, l’être hautement réalisé, Katyayana (Ka-tya’i bu). Un jour, alors que Katyayana mendiait sa nourriture, il alla dans la maison d’un boucher. Il lui expliqua tous les désavantages et les inconvénients d’égorger des animaux et le boucher lui dit : « Je ne peux pas promettre d’arrêter d’égorger des animaux durant la journée, mais je promets de ne jamais tuer un animal la nuit. » Ce qu’il fit.

Quelque temps après, il y avait un autre être hautement réalisé du nom de Sangharakshita (dGe-’dun ’tsho). En ce temps-là, nombreux étaient les gens qui avaient coutume d’aller sur l’océan pour essayer de trouver de grands trésors. À cette époque, il n’y avait pas de grands navires comme nous en avons de nos jours. On avait juste des embarcations à voile. L’usage était d’inviter à bord une personne religieuse pour servir d’aumônier, aussi invitèrent-ils Sangharakshita, cet être hautement réalisé. Ils se perdirent en mer, et finirent dans un étrange pays lointain. Sangharakshita débarqua et se rendit dans une très belle demeure. La nuit, tout y était magnifique. Il y avait beaucoup à boire et à manger, et tout était très confortable. Le propriétaire de la maison dit : « S’il vous plaît, ne restez pas ici après le lever du soleil. » Il expliqua que durant la journée, dès que le soleil se levait, les animaux arrivaient. Tous l’attaquaient. Certains le mordaient, d’autres lui donnaient des coups de sabot, d’autres enfin le chargeaient avec leurs cornes. C’était tout simplement horrible. Mais à la tombée de la nuit, dès que le soleil se couchait, tout redevenait paisible et calme. « De grâce, partez avant que le soleil ne se lève, mais revenez dès qu’il fera nuit. »

Quelque temps plus tard, Sangharakshita retourna auprès du Bouddha Shakyamuni et lui raconta ce qu’il avait vu. Le Bouddha lui expliqua que la personne dans la maison était la réincarnation du boucher qui avait fait le vœu de ne pas tuer pendant la nuit, mais de continuer à tuer durant le jour. Du fait qu’il ne tuait pas durant la nuit, tout était harmonieux à ce moment-là. Mais comme il avait continué de tuer des animaux dans la journée, les animaux ne cessaient de l’attaquer.

En ce qui concerne les êtres que vous tuez, il y a une différence quant au type de potentiel négatif accumulé en fonction de la taille de la créature. Il est bien pire de tuer un être humain qu’un insecte. Si vous tuez un Arhat, un être complètement libéré, ou si vous tuez votre mère ou votre père, cela est reconnu comme un crime haineux, et c’est le meurtre le plus grave que vous puissiez commettre. Par exemple, il se peut que vous tuiez un minuscule pou. Bien que ce soit un acte nocif mineur, si vous le tuez aujourd’hui et que vous n’admettez pas que ce que vous avez fait est mal et n’essayez pas de vous purifier, le potentiel négatif s’accumule, et le lendemain c’est comme si vous en aviez tué deux. Si vous laissez passer encore un jour, le potentiel négatif équivaut à en avoir tué quatre. Cela continue de croître, doublant avec chaque jour qui passe. Si vous laissez passer une année, le potentiel négatif pour avoir tué un minuscule pou est énorme.

La conséquence d’avoir écrasé un insecte entre vos doigts, c’est de renaître dans un royaume sans joie, un enfer où vous avez un corps très grand et où on vous écrase entre deux grandes montagnes. C’est quelque chose que l’on peut constater également dans le royaume humain. Il y a des gens qui tombent de rochers ou de falaises et qui vont s’écraser sur des rochers en contrebas, ou des gens dont les maisons s’écroulent sur eux. C’est également le résultat de l’acte similaire d’avoir écrasé une créature dans leurs vies passées. Si vous considérez toutes les choses horribles qui arrivent, tous les désavantages et les inconvénients qui découlent du fait de tuer, et que vous faites la promesse de ne plus jamais ôter la vie à une créature, c’est très bénéfique. Quand vous marchez et que vous voyez qu’il y a beaucoup d’insectes sur le sol, vous devez essayer d’éviter de marcher dessus. Si, pendant que vous marchez, vous marchez accidentellement sur de petits insectes que vous n’aviez pas remarqués, ce n’est pas intentionnel. Ce n’est donc pas le même genre d’acte négatif.

Il est très important de voir les désavantages qu’il y a à tuer et de promettre de ne plus le faire. En faisant une telle promesse, vous serez en mesure d’avoir une longue vie, une bonne santé et d’être exempts de maladies. Si vous pratiquez comme un bodhisattva, comme un être dédié, votre esprit et vos buts seront extrêmement larges et vastes. Nous pouvons nous reporter aux exemples des vies antérieures du Bouddha quand lui-même était un bodhisattva.

Il y avait une fois 500 passagers sur un bateau qui rapportaient de grands trésors de perles et autres choses précieuses. Parmi eux se trouvait un criminel du nom de Minag Dungdung (Mi-nag gDung-gdung). En ce temps-là, le Bouddha était un vigoureux rameur. Il vit que Minag était sur le point d’assassiner les 499 autres passagers, de voler leurs trésors et de prendre le commandement du navire. Le Bouddha ressentit une grande compassion pour toutes les victimes et combien terrible ce serait. Et non seulement cela, il vit combien terrible ce serait pour le criminel lui-même parce que, comme résultat du fait de tuer 499 personnes, il accumulerait un tel potentiel négatif qu’il renaîtrait dans une situation incroyablement mauvaise. En tant que bodhisattva dédié, le Bouddha vit que la seule chose qui pourrait aider à la situation serait qu’il tue lui-même Minag Dungdung. Il comprit qu’en faisant cela, les 499 personnes ne perdraient pas la vie et qu’il empêcherait Minag d’accumuler un aussi terrible potentiel négatif. Il pensa : «  Si je tue ce criminel, j’accumulerai le potentiel négatif d’avoir à tuer une personne, mais, malgré tout, ça ira comme ça. Peu importe si je dois faire l’expérience de grande souffrance en conséquence de cet acte. Cela vaut la peine de soulager toutes les souffrances des autres personnes concernées. » Fort de cette pensée très courageuse, il tua Minag Dungdung. Si vous êtes un bodhisattva, alors dans de telles situations tuer s’impose. Mais si vous n’en êtes pas à ce niveau vous-même, il est tout a fait impropre de tuer.

Il se peut que vous tuiez vous-même quelqu’un, ou que vous mandatiez quelqu’un d’autre pour commettre le meurtre à votre place, ce qui fait que vous accumulez un potentiel très négatif. En fait, c’est bien pire. Cela crée une double quantité de potentiel négatif : non seulement vous accumulez le potentiel négatif d’obliger quelqu’un d’autre à tuer, mais l’autre personne accumule également le potentiel négatif en accomplissant l’acte pour vous. Si vous participez à une bataille en tant que soldat d’une armée de 500 hommes, et que vous entretenez le fort sentiment que vous allez vous engager dans la mêlée et égorger l’ennemi, alors, même si vous ne tuez personne, malgré tout vous accumulez le même potentiel négatif que si vous aviez tué personnellement tous ceux que l’armée aura tués. S’il s’avérait qu’une des personnes de ce groupe devait tuer mille personnes, vous accumuleriez le potentiel négatif d’avoir tué mille personnes vous-même.

Quand vous êtes dans un groupe de soldats, il peut se produire ce qu’on appelle un « vœu sans contrainte ». Autrement dit, on prend la décision très ferme de ne se restreindre en aucune façon de tuer, de simplement s’engager et détruire tout ce qui se trouve sur son passage. Cela accumule un potentiel négatif encore plus grand. Si quelqu’un fait ce genre de serment ou de vœu, il continue d’accumuler du potentiel négatif même pendant son sommeil. D’un autre côté, même si vous portez l’étiquette de soldat, si vous n’avez nulle pensée d’aucune sorte de tuer quiconque, il n’y a pas faute. Donc, même si vous êtes soldat, si vous réalisez qu’il est très néfaste de tuer, sans aucune intention de le faire, et promettez de ne pas tuer, il n’y a aucune faute du tout. Si quelqu’un est sur le point de tuer un grand nombre de gens, et qu’il n’y a pas d’autre moyen que de le tuer, alors si on le fait avec une motivation pure, comme dans l’exemple précité de la vie antérieure du Bouddha, c’est un acte positif bien que cela accumule le potentiel négatif de tuer.

Tels sont quelques uns des éléments impliqués dans le fait de s’empêcher de tuer. Si vous promettez de ne pas le faire, ce sera très positif. Parfois, il y a des insectes dérangeants comme les moustiques, qui peuvent vous transmettre la malaria, etc. Il existe des aérosols et des produits chimiques que vous pouvez utiliser pour les tuer. Si vous répandez de telles substances quand il n’y a pas d’insectes dans la maison afin de les empêcher de rentrer, il n’y a pas de faute commise. Mais si vous faites cela alors que la maison est infestée d’insectes, alors il y a la faute de tuer. Il existe de nombreux points de pratique sur la façon de s’empêcher de tuer.

Se retenir de voler

Le deuxième point est de ne pas être un voleur, de ne pas voler. L’objet concerné, la base, doit être un objet qui appartient à quelqu’un d’autre. La motivation peut être le désir ou la colère. Comme on l’a dit précédemment, il se peut qu’on vole quelqu’un parce qu’on ressent le fort désir d’avoir un objet lui appartenant, ou parce qu’on est très en colère après une personne. L’acte de voler est complet quand on a le sentiment que, dorénavant, ce qu’on a pris nous appartient. Le résultat qui s’ensuit est une renaissance comme créature des enfers ou comme fantôme avide. Même si vous renaissez en tant qu’être humain, vous pouvez renaître comme quelqu’un de totalement démuni, sans aucune possession d’aucune sorte. Ou bien, quand vous possédez quelque chose, on vous le dérobe toujours. Cela serait l’effet correspondant à sa cause du point de vue de votre expérience. Pour ce qui est des résultats similaires à leurs causes en matière de comportement instinctif : il y a des enfants qui instinctivement vont se mettre à voler, même s’ils sont nés dans une famille riche. Un résultat d’ensemble consiste à naître dans une région très pauvre ou dans un pays où les gens n’ont rien. Par ailleurs, le résultat de toujours se retenir de voler est de renaître comme quelqu’un de très à l’aise dans un pays très riche.

À ce propos, je peux citer l’exemple de la vie du grand Guéshé Ben Gungyal (’Ban Gung-rgyal, ’Phen rKun-rgal), le fameux bandit du Penpo. Avez-vous entendu des anecdotes de sa vie ? Qui les a entendues ? De qui les avez-vous entendues ? Si vous voulez bien m’excuser, je vais les expliquer à nouveau pour celles et ceux qui ne les connaîtraient pas. Si je les raconte, c’est parce qu’elles sont d’une grande aide pour l’esprit. Elles illustrent une question importante et ce ne sont pas juste des contes de fée ou des histoires inventées.

Ben Gungyal était un voleur célèbre. Il vivait dans une maison avec quarante arpents de terre qu’il avait l’habitude de cultiver. Il allait aussi à la chasse, tuait des animaux et des poissons, et volait. Un jour, au détour d’un col de montagne élevé entre sa maison et Lhasa, il rencontra un voyageur sur son cheval. Ce voyageur, ne sachant pas à qui il parlait, demanda : « J’espère que ce bandit de Ben Gungyal n’est pas dans les parages, n’est-ce pas ? » Quand Ben lui dit : « Je suis Ben Gungyal », le voyageur fut si effrayé qu’il tomba de cheval et roula jusqu’au bas de la montagne. Ben fut si contrarié de voir que la seule mention de son nom avait le pouvoir de faire tomber quelqu’un en bas d’une montagne, qu’il décida qu’à partir de ce jour il ne volerait plus jamais.

Suite à cet événement, il se mit à pratiquer le Dharma. Il essaya de se réfréner de commettre les dix actes destructeurs, et de toujours suivre les dix actions constructives. Chaque fois qu’il faisait quelque chose de constructif, il traçait un trait blanc sur un morceau de caillou. S’il faisait quelque chose de négatif et de destructeur, il traçait un trait noir. Au début, il y avait très peu de marques blanches et beaucoup de noires. Finalement, il avait  de plus en plus de traits blancs et de moins en moins de noirs. Le soir, s’il y avait plus de marques noires, il prenait sa main droite dans sa main gauche et disait : « Eh toi, roi des bandits du Penpo ! Tu es un affreux personnage ! Dans le passé, tu étais un voleur invétéré et maintenant tu continues d’agir comme quelqu’un d’horrible ! » Il se faisait de lourds reproches. En revanche, si, à la fin de la journée, il y avait plus de marques blanches, il prenait sa main gauche dans sa main droite, la serrait et se félicitait. Il s’appelait alors par son nom de Dharma, Tsultrim Gyalwa (« Le Victorieux dans l’autodiscipline éthique ») et disait : « Maintenant, tu es vraiment en train de devenir quelqu’un de positif », et il se congratulait.

En fin du compte, on le connaissait comme un grand pratiquant du Dharma. Une fois, une riche propriétaire l’invita dans sa maison pour prendre un repas. Quand la patronne sortit, dû au fait qu’il avait un si fort instinct de voler, il plongea sa main dans un panier où elle gardait du thé et commença à se servir. Il se saisit de lui-même, s’empara de sa main avec son autre main et s’écria : « Eh, petite mère, venez vite, j’ai attrapé un voleur ! »

Une autre fois, il fut invité avec beaucoup d’autres pratiquants du Dharma chez quelqu’un qui leur offrit à tous du yaourt. Il était assis au dernier rang et regardait le maître de maison servir de larges portions de yaourt aux gens qui se trouvaient devant. Il commença à s’inquiéter et s’irrita à l’idée qu’il ne resterait plus rien quand son tour arriverait. Il restait assis là, rempli de pensées négatives, regardant le yaourt qu’on distribuait. Quand la personne arriva près de lui, il réalisa quel genre d’état d’esprit était le sien, aussi retourna-t-il son bol à l’envers et dit : « Non, merci bien, j’ai déjà mangé toute ma part de yaourt en regardant les autres. »

Une autre fois, une de ses bienfaitrices devait venir lui rendre visite chez lui. Ce matin-là il se leva très tôt, nettoya sa chambre à fond et dressa un bel autel avec des fleurs et toutes sortes d’encens. Puis, ayant fait cela, il s’assit et examina honnêtement sa motivation à propos de ce qu’il venait juste de faire. Il prit conscience qu’il s’était donné tant de mal pour décorer un bel autel simplement parce que sa bienfaitrice allait venir et qu’il voulait lui faire bonne impression. Il sortit, ramassa une poignée de cendres, revint à l’intérieur et répandit les cendres partout. Il se dit : «  Avant, quand j’étais un voleur et travaillais si dur, ma bouche trouvait tout juste assez de nourriture pour la nourrir. Maintenant que je suis devenu un pratiquant du Dharma, tellement de gens viennent et me font des offrandes que la nourriture ne peut trouver en moi une bouche assez grande pour l’avaler. »

Si vous réfléchissez à tous les points illustrés par la vie de Guéshé Ben Gungyal, cela vous donne beaucoup à penser et de nombreuses indications sur la vraie façon de pratiquer. Vous ne pouvez tout simplement pas du jour au lendemain cesser d’être une personne négative et d’agir de manière aussi destructive. Vous devez procéder par étapes.

Si vous pratiquez du mieux que vous pouvez, vous devenez une personne plus positive et constructive. Alors, au moment de mourir, vous n’aurez ni problèmes, ni misère ni souffrance. Tout le monde doit mourir. Vous n’êtes pas la seule personne confrontée à cette situation. Si vous mourez en ayant travaillé toute votre vie à devenir meilleur, alors vous vous direz : « Je n’ai pas vraiment de regrets au sujet de la vie que j’ai menée. J’ai fait de mon mieux et ai travaillé dur pour être positif. » Alors vous pourrez partir sans vous sentir misérable. Ce sera une très bonne chose.

Se réfréner d’avoir un comportement sexuel inapproprié

Nous avons traité des deux premières actions destructrices du corps. La troisième sorte d’action physique destructive est un comportement sexuel inapproprié. Un exemple nous est fourni par un homme marié qui prend une autre femme comme partenaire sexuelle. Le résultat c’est qu’une fois né à nouveau comme être humain, votre femme vous sera infidèle et aura des relations amoureuses à votre insu. De plus, quand vous voyez les insectes, tels que les mouches et les asticots, qui naissent dans les latrines ou dans des endroits sales avec beaucoup d’immondices, c’est principalement un effet d’un comportement sexuel inapproprié.

Le grand être réalisé Katyayana rencontra un jour un homme toujours engagé dans des comportements sexuels inappropriés et entretenant sans cesse des relations amoureuses. Il promit qu’il ne ferait plus rien de ce genre durant la journée, mais qu’il ne pouvait pas s’empêcher ni arrêter d’avoir de tels comportements la nuit. Il fit donc le vœu de cesser d’avoir des rapports pendant le jour. Quelque temps après, l’être réalisé Sangharakshita se trouva dans une demeure où vivait quelqu’un de très heureux pendant la journée, mais, dès que la nuit tombait, la situation devenait horrible et insupportable. Cette personne avait d’effrayants problèmes. Sangharakshita demanda au Bouddha la raison de tout cela et le Bouddha lui expliqua que c’était le résultat d’avoir promis de ne plus s’engager dans des comportements sexuels inappropriés durant le jour, mais de ne pas s’en être empêché pendant la nuit.

Se retenir de mentir

Pour ce qui est de la parole : si vous mentez et dites ce qui est faux, cela aussi accumule du potentiel négatif. Un mensonge, par exemple, c’est de dire d’une chose dont c’est le cas, que ça ne l’est pas ; ou que quelque chose dont ce n’est pas le cas, que ça l’est, ou encore de dire que quelqu’un n’a pas une chose alors qu’il l’a, et vice-versa. Le résultat du fait de mentir est de devenir dans cette vie comme ceux à qui l’on voit que tout le monde ment – ils sont sans cesse trompés et déçus. Le résultat de vous abstenir de mentir, c’est de renaître dans un pays où tout le monde est honnête et où personne n’essaie de vous tromper. On ne vous ment jamais.

À l’époque du Bouddha, il y avait quelqu’un du nom de Kyewo Sude (sKye-bo bsu-bde). En conséquence du fait de ne jamais mentir, chaque fois qu’il riait une perle tombait de sa bouche. Un jour, un moine qui arborait pompeusement les robes jaunes d’un religieux et tenait un bâton de moine se rendit à la cour du roi de la région. Le roi lui fit faire la visite du palais. Il y avait partout de nombreuses pièces d’or étalées par terre, certaines très empilées. Le moine mit un peu de miel gluant au bout de son bâton. Tout en se promenant, il posait la pointe de celui-ci sur le sommet des pièces d’or et les pièces restaient collées à son bâton. Quand il fut à l’extérieur du palais, un brin de duvet comme une plume d’oiseau, vint se coller sur sa robe de moine. Il pensa que cela ne lui donnait pas bonne allure, aussi l’enleva-t-il de sa robe et le chassa en soufflant dessus. Kyewo Sude vit ce moine arrogant sortir du palais, avec des pièces d’or collées au bout de son bâton de moine, qui époussetait un brin de duvet blanc de sa robe en soufflant dessus, car il était préoccupé par son aspect, et il se mit à rire. Seules des occasions comme celle-ci étaient en mesure de faire que Sude éclate de rire.

La reine de cette contrée avait des mœurs très relâchées. Elle avait coutume de se rendre dans les écuries là où se tenait le palefrenier qui prenait soin des chevaux royaux. Un jour elle fit une chose qui ne plut pas à ce serviteur et ce dernier gifla la reine au visage. Mais la reine ne s’en formalisa pas. Un autre fois, le roi ôta son anneau de son doigt et, en jouant, le lança sur la reine. La bague la frôla doucement et elle se mit à pleurer. Sudey vit cela et éclata de rire. Si vous vous retenez de mentir, il est fort possible d’avoir également ce genre de résultat ; chaque fois que vous rirez, une perle tombera de votre bouche. Ce genre de choses peut arriver.

Se retenir d’employer un langage qui crée la discorde

On peut constater dans certaines familles les effets de l’utilisation d’un langage qui crée la division. Les membres sont constamment en train de se disputer et d’argumenter les uns avec les autres ; les parents et les enfants ne s’entendent pas du tout. Ceci est le résultat de s’être servi de paroles qui créent la discorde et d’avoir dit des choses qui font que les gens s’évitent et restent distants les uns avec les autres. Pareillement, si vous vous trouvez dans une région où les choses sont rudes et difficiles, où le paysage est escarpé et le terrain difficile à pratiquer, ceci est également le résultat d’un langage discordant. Le résultat de s’abstenir de se servir d’un tel langage, c’est que vous renaîtrez dans un pays très plat, non accidenté et beau, et que vous-même entretiendrez des relations harmonieuses avec tout le monde.

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