Compréhensions préparatoires requises pour les personnes des trois portées de motivation

Les trois types de personnes spirituelles

Pour continuer avec le texte, on lit dans le verset suivant :

(2) Dans la mesure où (les pratiquants) en viennent à disposer de (motivations de portée) restreinte, intermédiaire et suprême, on les connaît comme les trois types de personnes spirituelles. J’écrirai donc à propos de ces divisions particulières, clarifiant leurs caractéristiques précises.

Ce verset présente le système des trois différents niveaux de personnes : celles de niveau de motivation initial, intermédiaire et avancé. Atisha déclare que son intention est d’expliquer la nature de ce système de classification et ses caractéristiques.

Une autre façon de décrire la voie vers l’illumination est que c’est un processus gradué, on progresse étape par étape :

  • La voie de quelqu’un de portée initiale conduit à un statut supérieur (mtho-ris) – à savoir une renaissance supérieure.
  • Sur cette base, la voie intermédiaire conduit à un état de bien certain (nges-legs), un terme partagé en commun aussi bien pour la libération que pour l’illumination, mais voulant dire ici la libération.
  • Sur cette base, la voie avancée ou suprême mène à la bouddhéité elle-même.

Ce schéma de personnes de trois portées est un autre moyen d’assigner des noms à ces différents stades de pratique.

L’expression « statut supérieur », le but de quelqu’un de portée initiale, fait spécifiquement référence au statut supérieur d’une renaissance en tant qu’être humain ou dieu. Ce que nous tous possédons actuellement est un statut supérieur de renaissance en tant qu’être humain. Nous disposons de cela comme base de travail, une précieuse renaissance humaine. Si on demande : « Comment avons-nous été capables de réaliser cette base de travail d’un corps humain ? », c’est le résultat des efforts que nous avons fait dans des vies antérieures, en particulier le résultat des actes positifs et constructifs que nous avons faits, lesquels ont servi de causes karmiques pour faire advenir une renaissance humaine dans cette vie. Cependant, maintenant, si on s’examine honnêtement, on voit que nous n’accumulons plus aucune cause pour obtenir de telles précieuses renaissances humaines dans le futur. Or, si nous n’en accumulons pas les causes, de telles renaissances ne se produiront pas.

La raison pour laquelle nous n’obtenons pas une précieuse renaissance humaine dans le futur n’est pas parce que nous n’agissons pas de manière aussi fervente que Milarépa. Si nous agissions comme il l’a fait, cela voudrait dire que nous travaillons à réaliser l’illumination au cours de notre propre vie comme Milarépa l’a effectivement réalisée. Si nous devions atteindre l’illumination au cours de notre propre vie, alors en réalité nous n’aurions pas besoin d’une précieuse renaissance humaine dans notre prochaine vie. Toutefois, ce n’est pas comme si nous avions atteint l’illumination et que nous n’ayons pas besoin d’une autre précieuse renaissance humaine comme base de travail. Et, dans la mesure où tel n’est pas le cas, alors nous n’obtiendrons pas de précieuses renaissances humaines dans les vies futures car nous ne travaillons pas à cette réalisation.

La raison pour laquelle nous ne travaillons pas en vue de précieuses renaissances humaines dans le futur, c’est que, présentement, nous sommes complètement occupés à obtenir de quoi manger et boire, de vêtements à porter, de logement, de position et de renommée pour cette seule vie. Du fait que nous sommes complètement impliqués dans ces seules poursuites, nous ne travaillons pas à obtenir de précieuses renaissances humaines dans les vies futures.

Pour être clair, ce n’est pas que nous cherchons l’illumination dans cette vie comme l’a fait Milarépa et qu’ainsi nous n’avons pas besoin d’une précieuse renaissance humaine comme base de travail pour continuer à travailler en vue de l’illumination. Nous ne travaillons pas à obtenir de futures précieuses renaissances humaines car nous sommes totalement impliqués dans les affaires de cette seule vie. Si nous continuons ainsi, alors dans les vies futures, non seulement nous ne serons pas en mesure d’obtenir l’illumination, mais nous ne serons même pas capables également d’obtenir une précieuse renaissance humaine qui pourrait servir de base pour réaliser l’illumination.

Laissons de côté le fait que nous n’allons pas être capables d’obtenir une précieuse renaissance humaine dans une vie future. Ne serait-ce que dans la perspective de cette vie, nous devrions considérer que peu importe la quantité de richesse matérielle que nous avons, nous serons dans l’incapacité de l’emporter avec nous dans aucune espèce de vie future. Travailler exclusivement à récolter et accumuler des biens matériels, à nuire à nos ennemis et n’aider que nos amis – pareils genres d’objectifs peuvent être poursuivis dans cette vie, même par des animaux. Si les animaux et les humains peuvent faire le même genre de choses, le fait qu’on nous appelle des « êtres humains » n’est juste qu’une question de mots. Nous ne nous comportons pas vraiment comme des êtres humains dans le plein sens du terme.

Nous entendons et lisons dans ce texte ce terme de « personne » signifiant « être humain », purusha en sanskrit. La connotation de ce mot ici est celle de quelqu’un capable d’accomplir un but, un dessein. Si quelqu’un est capable de travailler et d’accomplir le but de réaliser une renaissance de statut supérieur comme être humain ou comme dieu dans sa prochaine vie et au-delà, alors une telle personne est connue comme « être humain ». Telle est la connotation du mot purusha en sanskrit tel qu’il est utilisé dans le texte pour les personnes des trois différents niveaux de motivation. C’est pourquoi, il est très important de s’efforcer aux diverses méthodes décrites comme la voie d’une personne de portée initiale qui travaille en vue d’un statut supérieur. Il s’agit du même mot dont nous parlions, le mot « personne », purusha.

Les agrégats – corps et esprit

Nous pouvons tous comprendre que nous disposons de deux choses, un corps physique et un esprit ou conscience. Nous savons également comment on peut éprouver le bonheur, le malheur et la souffrance tant sur le plan physique que mental. Le corps, ces agrégats physiques grossiers que tous nous avons, est connecté à la conscience. Toutefois, nous savons également que la conscience ou la perception d’être conscient est en elle-même séparée de ce qui lui est connecté, à savoir nos corps. 

En matière de conscience visuelle, on a la perception consciente de différentes couleurs et formes, par exemple, le blanc, le rouge, etc. ; en matière de conscience auditive, la conscience de différents sons ; avec le nez, nous avons la perception consciente de différentes odeurs ; avec la langue, celle de goûts différents ; et avec le corps, nous avons conscience de sensations tactiles comme le doux ou le rugueux. Telles sont les différentes sortes de consciences sensorielles ou types de perception consciente que nous avons. Tous nous comprenons que nous disposons de ces choses. 

Chacune de ces différentes sortes de conscience sensorielle est exclusive de son objet particulier. Par exemple, la conscience visuelle peut être consciente d’un objet soit blanc soit rouge, et la conscience corporelle peut être consciente des sensations tactiles du doux et du rugueux Toutefois, la conscience visuelle ne peut pas percevoir les sensations tactiles du doux et du rugueux et, pareillement, la conscience corporelle ne peut pas être consciente des sensations visuelles d’une chose blanche ou rouge. Chacune des consciences s’empare d’un type d’objet qui lui est exclusif.

À côté de ces différentes sortes de conscience sensorielle, nous avons également la conscience mentale ou perception de la conscience. Quand nous voyons avec nos yeux une fleur rose, la fleur rose apparaît à notre conscience visuelle. Plus tard quand nous rentrons chez nous et que nous pensons à cette fleur, une image mentale de celle-ci apparaît à notre conscience. L’image est en vérité un simulacre d’une chose. Cela ressemble à la fleur mais n’est pas en réalité la fleur elle-même. De la sorte, nous pouvons comprendre qu’il existe une légère différence entre ce qui apparaît à la conscience mentale et ce qui apparaît à la conscience visuelle. Une fois encore, il y a similarité ; l’image en est un simulacre.

Certains disent que le simulacre, l’image mentale ou apparence (snang-ba) – tous ces termes étant des façons différentes de traduire le même mot – est la fleur elle-même. Néanmoins, on ne peut pas dire que cette image mentale ou apparence de la fleur est véritablement la fleur elle-même, car si la fleur était détruite et que nous en ayons toujours une image mentale, alors cela devrait constituer l’existence de la fleur. Or nous ne pouvons pas dire que la fleur existerait à ce moment-là. Nous devrions comprendre assez bien la différence entre la manière dont nous disposons du corps physique et ces différentes sortes de perceptions conscientes ou consciences.

La continuité de la conscience

Si nous avons une conscience ou cognition – une autre façon de traduire le même mot, shes-pa – alors la cognition que nous avons à cet instant est une continuation de la cognition du moment précédent. De même, le moment présent de cognition agira comme cause pour notre prochain moment de cognition, et, de cette façon, il y aura continuité, continuum mental. Au tout premier moment de notre conception dans la matrice, il y a conscience ou cognition. Cette conscience qui existe au moment de la conception est similaire à ce dont nous venons juste de parler à propos de notre présent moment de conscience. Elle aussi doit avoir un moment de conscience immédiatement antérieur pour servir de cause à sa continuité.

Cette conscience au moment de la conception ne pourrait pas s’être produite à partir d’aucune cause. Cela n’arrive pas subitement de nulle part. Cela doit avoir été précédé par un moment antérieur de conscience comme agent de sa condition de production. Par ce raisonnement, la conscience qui existe au moment de la conception a pour antécédent un moment de conscience d’une vie antérieure. De même, il s’ensuit que le dernier moment de conscience que nous aurons dans cette vie générera un moment suivant de conscience dans une prochaine vie.

Le corps physique, pour autant, n’est pas quelque chose qui vient d’une vie antérieure dans cette vie et qui va de cette vie dans une vie future. C’est seulement le courant de continuité de conscience qui vient d’une vie passée dans cette vie et qui continue dans les vies futures. C’est la conscience qui passe de vie en vie. C’est une chose que nous devrions essayer de bien comprendre. Si nous comprenons cette distinction entre le corps physique et la conscience, nous devrions alors comprendre également qu’avec ces deux agrégats, bonheur et souffrance sont expérimentés, tant du côté mental que physique.

Sur la base du corps, nous pouvons éprouver de nombreux types différents de malheur, tel que le malheur et la souffrance lorsqu’on fait l’expérience de la douleur et de la maladie. Afin de faire advenir un certain bonheur physique et d’éliminer le malheur et la souffrance physique, on s’engage dans toutes sortes de méthodes pour accumuler des choses matérielles. On s’engage dans les affaires, l’agriculture, le commerce, ou bien on s’adonne à toutes sortes de choses « plaisantes » pour essayer de faire advenir un bonheur fondé sur notre confort corporel et le plaisir.

Cependant, sur la base de ces tentatives, nous pouvons aussi faire l’expérience d’un très grand nombre de problèmes. Pour certains, s’engager dans ces activités peut, en fait, apporter une grande somme de progrès matériel pour eux-mêmes. Mais, bien qu’il y ait des gens qui travaillent beaucoup et accumule une grande quantité de richesse matérielle sur cette base, il y a aussi des gens qui travaillent très dur et cependant ne réussissent ni ne parviennent à accumuler aucune quantité de richesse matérielle. Il y a également ceux qui n’ont pas besoin de travailler très dur, comme ces gens qui sont nés dans une famille riche et qui, en se fondant sur la moindre somme d’effort, ou sur aucun effort du tout, réussissent très bien matériellement. Mais peu importe le type de situation matérielle où l’on se trouve, peu importe la quantité de richesses et de biens qu’on a, nous pouvons tous reconnaître que cela n’amène pas le complet bonheur mental. Si nous y réfléchissons, nous en viendrons à le comprendre.  

L’impermanence

Mettons que quelqu’un travaille pendant quarante ans et essaie d’accumuler autant de biens matériels qu’il peut, et que cette personne parvienne à en accumuler une grande quantité. Cette personne, toutefois, peut alors en venir à réaliser que ces choses ne sont pas permanentes et qu’elles ne dureront pas toujours. Elle peut en comprendre toute l’impermanence et que les gens aussi sont impermanents et ne dureront pas toujours.

Même les gens qui vécurent au cours des premiers éons, des gens dont la durée de vie était d’un nombre incalculable d’années et qui possédaient une prodigieuse richesse matérielle, tous s’en sont allés maintenant. Aucun d’entre eux n’est encore là. Nous voyons que les objets matériels ne sont pas des choses qui durent pour toujours, et que les gens aussi ne durent pas toujours.

Le genre de vie mondaine dans lequel quelqu’un s’engage est une chose qui ne fait que tourner en rond. Par exemple, au printemps nous effectuons les travaux en relation avec le printemps, et en été les travaux d’été, en automne les travaux d’automne, et en hiver le travail d’hiver, et on en revient au printemps. Cela ne fait que continuer ainsi sans fin. Même au cours d’une journée, il y a le travail que nous faisons le matin ou l’après-midi ou le soir. Ce n’est qu’un cycle qui va se répétant sans fin.

En vivant de cette façon, il n’y a pas de fin à ce genre de routine mondaine dans laquelle nous nous installons. En général, on peut dire que le travail mondain est quelque chose qui n’a pas de fin. Toutefois, il y a un moment où le travail mondain ordinaire que nous faisons viendra à son terme. Cependant, cela ne se termine pas dans un état ou une condition très plaisante. Cela prendra fin quand nous quitterons ce corps.

Si on y pense, on peut voir comment nous passons nos vies entières dans des poursuites mondaines, essayant d’accumuler le plus de richesse matérielle possible. Nous pouvons même réussir à faire cela à mesure que nous devenons de plus en plus vieux ; toutefois, en fait, ce qui se passe c’est qu’à mesure que nous vieillissons, notre condition devient de plus en plus difficile. À la fin, nous ne faisons qu’atteindre un état très pathétique de totale faiblesse. Ceci est juste un fait de la vie. Nous pouvons tous le comprendre.

Activité dharmique ou carrière mondaine ?

Maintenant, l’activité dharmique, ou activité spirituelle, est quelque chose de très différent. Au début, c’est très difficile et nous devons déployer une grande somme d’effort et de travail afin de faire advenir le bonheur. Mais la nature du travail est telle que, grâce à un effort soutenu, le travail s’améliore et le bonheur qui en résulte devient de plus en plus grand. C’est quelque chose qui a une fin et vient à complétude. Quand le travail dharmique est accompli, dans quel état sommes-nous ? C’est un état de bonheur complet et de joie ultime. Tel est le genre d’état dans lequel le travail dharmique s’achève.

La progression du pratiquant du Dharma est comparable au progrès de la lune montante. Cela commence très petit pour grossir lentement jusqu’à devenir totalement plein. Cela montre comment la carrière d’un pratiquant du Dharma commence dans de grandes difficultés au début pour atteindre un état où toutes les bonnes qualités sont au complet. En revanche, une carrière mondaine est une chose qui ressemble plus à la lune décroissante. Cela peut commencer dans un état de grande plénitude, mais à mesure que nous vieillissons, notre activité mondaine et tous les progrès s’amenuisent jusqu’à ce que notre vie se termine avec rien.

Nous pouvons envisager la réalisation de l’illumination comme genre de carrière dharmique. Il est possible que nous puissions atteindre l’illumination dans cette vie-même, et, si nous atteignons cet état dans cette vie, alors il n’est plus question de travailler à réaliser une renaissance de statut supérieur dans notre prochaine vie. Toutefois, si nous n’arrivons pas à atteindre l’illumination dans cette vie et que nous n’avons rien fait pour atteindre des renaissances de statut supérieur dans nos vies futures, alors nous avons commis une grosse erreur.

La portée initiale  

Les diverses méthodes pour accomplir des renaissances de statut supérieur dans nos prochaines vies sont toutes débattues dans les enseignements de portée initiale. Ceci est abordé par le texte dans le verset suivant :

(3) Quiconque, homme ou femme, porte un intérêt (à réaliser), par quelque moyen que ce soit, le seul bonheur du samsara récurrent incontrôlable est connu comme une personne d’envergure spirituelle minimale.

Dans le texte, quand Atisha parle de travailler au seul bonheur du samsara récurrent incontrôlable, cela fait référence au bonheur éprouvé au cours d’une renaissance en tant qu’être humain, ou comme quelqu’un de très influent, comme un roi ou comme le proverbial chakravartin, l’empereur du monde ; ou bien cela signifie une renaissance en tant que dieu tel Brahma, Indra ou un des rois des divers royaumes divins. Dans la portée initiale, notre but est ce genre de bonheur mondain. Cependant, avec une telle renaissance, là où Atisha dit par quelque moyen que ce soit, cela voudrait dire que nous travaillons avec ferveur à adhérer à l’autodiscipline éthique de nous abstenir de commettre les dix actions destructrices.

Dès lors, ce dont nous avons besoin, c’est d’une méthode pour éviter les pires renaissances, et la méthode consiste en une croyance confiante forte dans les principes de la loi karmique de cause et d’effet, et, sur cette base, de nous abstenir de commettre aucun des dix actes destructeurs. Ainsi, quiconque travaille avec ferveur et a pour objectif un état de renaissance très prospère soit comme être humain, soit comme dieu, doté de tous les genres de plaisir et de bonheur qu’un tel état peut procurer, est connu comme une personne d’envergure spirituelle minimale.

Aperçu des pratiques préparatoires de la portée initiale

Avant de nous engager dans les véritables pratiques de quelqu’un de motivation de portée initiale, nous devons d’abord comprendre la manière correcte de s’en remettre à un maître spirituel. Nous devons aussi penser à la manière dont cette précieuse renaissance humaine que nous avons est remplie de ce qu’on appelle les « huit loisirs et les dix talents » – à savoir les huit répits temporaires (dal-ba brgyad) par rapport aux huit situations sans loisir et les dix richesses (’byor-ba bcu) que sont les situations propices à la pratique. Ces deux points, la manière de se relier à un maître spirituel – aussi appelée « dévotion au gourou » – et la réflexion sur la renaissance humaine pleinement dotée sont une pratique préliminaire commune aux personnes des trois portées, celles de niveau de motivation initial, intermédiaire et avancé.

Avec ces deux pratiques comme préliminaire, le principal et véritable corps des enseignements que nous suivons alors au niveau initial comporte quatre sujets :

  • Le premier est la méditation sur l’impermanence.
  • Ensuite vient la méditation sur la souffrance des trois royaumes inférieurs.
  • Le troisième est la prise de refuge.
  • En dernier vient la réflexion sur la loi karmique de cause et d’effet.

Mais d’abord, nous devons expliquer les compréhensions et pratiques préparatoires dont nous avons besoin comme fondement partagé, commun à la voie progressive dans son entier.

S’en remettre à un maître spirituel

Dans les grandes lignes, s’en remettre à un maître spirituel se divise en deux points : 

  • Le premier est de cultiver la confiance dans le maître spirituel comme racine du succès dans les pratiques.
  • Le second est d’être continuellement conscient de la bonté du maître spirituel.

Quand les textes parlent de cultiver la confiance comme racine ou base, cela fait référence au fait d’être capable de distinguer le maître spirituel qui nous enseigne le Dharma comme étant véritablement un bouddha. Cela n’est pas important en ce qui concerne les autres gourous ; laissons-les de côté. Spécifiquement, cela se réfère au gourou ou maître spirituel qui nous enseigne le Dharma. En se fondant sur la reconnaissance et le respect de ses bonnes qualités, nous devons penser qu’il est un bouddha. Le fait que nous développions ou non des vues pénétrantes ou des réalisations est directement proportionné à la quantité de confiance que nous avons dans cette croyance.

Si nous ne distinguons pas notre gourou comme étant un bouddha, alors, même s’il était en fait le Bouddha, nous serions incapables d’obtenir des vues profondes et des réalisations de ses enseignements. En revanche, si nous le distinguons comme un bouddha, alors, même si cette personne n’est pas un bouddha, nous recevons malgré tout l’inspiration d’un bouddha. Ce genre de croyance confiante est donc d’une extrême importance.

Nous pouvons comprendre cela de manière plus directe à partir d’une histoire. Une fois, au Tibet, il y avait une mère dont le fils se rendit en Inde. La mère demanda au fils de bien vouloir, quand il reviendrait, lui rapporter une dent du Bouddha. Cependant, il oublia complètement cette requête. Quand il revint, alors qu’il approchait de la maison de sa mère et pouvait l’apercevoir au loin, soudain, il se souvint et pensa : « Oh non, je dois rapporter une dent du Bouddha à ma mère ! » Il regarda tout autour de lui et vit le crâne d’un chien sur le sol, il prit donc une des dents du chien et l’offrit à sa mère comme si c’était une dent du Bouddha. Avec une foi et une croyance forte dans la dent, elle fut en mesure d’en recevoir beaucoup d’inspiration, comme si c’était réellement une dent du Bouddha.

Une fois que nous sommes capables de distinguer notre gourou comme un bouddha, nous devrions essayer de rester conscient de sa bonté. Le moyen grâce auquel nous essayons de nous rappeler cette bonté et d’en rester conscients est de penser à la manière dont notre gourou nous enseigne toutes les méthodes pour ne pas avoir à renaître dans un des trois états de renaissances inférieures et malheureuses. Le gourou nous enseigne des méthodes afin de ne pas avoir à renaître dans aucune des existences samsariques récurrentes incontrôlables. Il ou elle nous enseigne les méthodes et la pratique pour être en mesure d’atteindre la pleine illumination d’un bouddha. De cette façon, nous devrions nous souvenir et rester conscients de la bonté qui nous est témoignée. 

Ce qui s’ensuit, c’est de ne pas juste apprécier et être conscients de cette bonté, mais aussi de penser à la payer en retour, à l’égaler. Autrement dit, nous voulons la rembourser dans le sens de faire quelque chose qui soit digne de cette bonté et de cette aide. La façon dont nous pouvons nous hausser à ce niveau de bonté et la rembourser, est de véritablement pratiquer les enseignements délivrés par notre gourou. Milarépa a dit : « La seule façon dont je puisse payer en retour et m’égaler à la bonté de mon gourou serait pour moi de pratiquer comme il le dit. » C’est donc la meilleure façon de payer en retour la bonté d’un bouddha.  

Ceci est juste une courte explication initiale à propos de certains des aspects sur la manière de se relier correctement à un maître spirituel. C’est quelque chose d’extrêmement crucial et important, mais ici nous sommes seulement capables d’en discuter brièvement.

Tels sont, dès lors, dans les grandes lignes, les deux points concernant le fait de s’en remettre à un maître spirituel : générer une confiance racine dans le gourou et rester continuellement conscient de la bonté du gourou.

Les huit loisirs (ou répits) d’une précieuse vie humaine

À la suite de ces points, nous pouvons réfléchir au côté précieux du corps humain que nous avons obtenu et à la grande difficulté de l’obtenir. En premier, il s’agit de reconnaître le précieux corps humain que nous avons comme une base de travail. En quoi cela consiste-t-il ?

Tout d’abord, nous disposons de ce qu’on appelle les « huit loisirs ». « Loisirs » veut dire des répits temporaires par rapport aux situations sans loisir dans lesquelles la capacité à étudier, apprendre et pratiquer le Dharma ferait défaut, ou serait sérieusement entravée. Si nous sommes temporairement délivrés de ces huit états sans loisir, alors nous avons les huit états avec loisir. Il existe quatre états non humains et quatre état humains.

Les quatre états non humains sans loisir concernent le fait d’avoir pris renaissance en tant que :

  • Créature des enfers
  • Fantôme affamé (preta, fantôme avide)
  • Animal
  • Être céleste à longue vie, un dieu.

Les quatre états humains sans loisir sont d’avoir pris renaissance :

  • En un lieu ou à une époque où le Bouddha ne vient pas – par exemple, pendant l’un des éons sombres dont nous avons parlé précédemment.
  • Dans un endroit complètement non civilisé, parmi les barbares ou les sauvages, où il n’existe aucune pratique spirituelle d’aucune sorte. Dans ce cas, il se peut que nous soyons humains mais ce serait un état humain sans loisir.
  • En étant sévèrement infirme ou mentalement handicapé, ou incapable d’entendre, de parler, ou de voir, ou avec peu de capacité pour apprendre à cause d’autres difficultés majeures d’ordre physique, mental ou émotionnel. Bien qu’il ne soit pas impossible d’étudier et de pratiquer le Dharma quand on renaît dans de telles conditions, c’est un beaucoup plus grand défi.
  • Même si nous avons pris renaissance dans des conditions et des circonstances propices à l’étude et à la pratique du Dharma, néanmoins, nous entretenons fortement des vues destructrices et hostiles, comme d’être complètement négatif à l’égard de tout type de pratique spirituelle, de n’avoir aucune croyance dans la loi de cause et d’effet, etc.

Les dix « talents » d’une précieuse vie humaine

En plus de disposer de répits temporaires par rapport à ces huit situations sans loisir pour étudier et pratiquer le Dharma, nos précieuses vies humaines sont dotées des « dix talents » comme on les appelle. Ce sont des dotations de conditions et de circonstances très propices à l’étude et à la pratique du Dharma. Il y a cinq talents personnels de notre propre côté et cinq talents sociétaux du côté des autres. 

Les cinq talents personnels de notre propre côté sont d’avoir pris renaissance :

  • Comme être humain. Nous devons comprendre « être humain » avec la connotation précédemment expliquée. Être un humain seulement concerné par la quête de nourriture, d’abri, de chaleur pour cette vie est une chose que les animaux font également et ne constitue pas le fait d’être humain. Être humain dans ce contexte, c’est être concerné par l’amélioration des vies futures, le reste à l’avenant, et d’œuvrer dans ce sens.
  • Avec des qualités physiques et mentales suffisantes pour être capables d’étudier et de pratiquer.
  • Dans une région centrale. Ce à quoi cela fait référence, par exemple, c’est de renaître dans des lieux où vit Sa Sainteté le Dalaï-Lama ou auxquels il rend visite, et, de la sorte d’être capables de rencontrer directement les enseignements. Compris de cette façon, l’endroit où nous vivons ici serait à considérer comme faisant partie d’une région centrale.
  • N’avoir commis aucun des crimes haineux dans une vie antérieure. Il y a cinq crimes haineux qui comptent parmi les sortes les plus sérieuses d’actions destructrices, comme de tuer notre mère ou notre père. La plupart d’entre nous sommes dotés du fait de n’avoir pas commis de telles choses dans le passé.
  • Avoir une croyance respectueuse dans les enseignements.

Tels sont les cinq talents personnels de notre propre côté, et nous les avons tous.

Les cinq talents sociétaux du côté des autres sont d’avoir pris renaissance quand :

  • Des bouddhas sont venus. Bien que le Bouddha Shakyamouni soit venu dans le passé puis ait trépassé, néanmoins, actuellement nous avons des bouddhas vivants tels que Sa Sainteté le Dalaï-Lama. En conséquence, cela constitue le fait de vivre à une époque où des bouddhas sont venus.
  • Des bouddhas vivants enseignent le Dharma.
  • Les enseignements perdurent – contrairement, par exemple, à la période des éons de désintégration.
  • La communauté spirituelle du Sangha – celles et ceux qui suivent véritablement ces enseignements et les mettent en pratique – est également présente.
  • Des bienfaiteurs soutiennent la pratique du Dharma, et non dans un lieu ou un temps où la pratique spirituelle est hors-la-loi.

Ces points comprennent les cinq dotations sociétales.

Comment médite-t-on sur ces points ? Nous pouvons méditer dessus en premier chaque matin quand nous nous éveillons. Quand nous ouvrons les yeux, nous pouvons réaliser où nous sommes et nous dire à nous-mêmes : « Oh, je ne suis pas mort la nuit dernière et ne me retrouve pas dans un de ces enfers chauds dans lequel mon corps est inséparable des flammes qui l’entourent. » On pourrait continuer en pensant : « Si je m’étais réveillé dans un de ces enfers, que ferais-je maintenant ? » De même, nous pouvons passer en revue tous ces différents loisirs et talents et penser, par exemple : « Qu’en serait-il si je m’étais réveillé comme un fantôme affamé, non seulement il me serait impossible de trouver la moindre nourriture ou boisson, mais je ne serais même pas capable d’entendre les mots « nourriture » et « boisson ». Si j’étais ainsi, que ferais-je maintenant ? » 

C’est une chose à laquelle nous devrions réfléchir. Pareillement, nous pourrions imaginer que nous nous réveillions et nous trouvions dans une famille très aisée, mais nous sommes dépendants à l’héroïne ou le consommateur régulier de drogues psychédéliques, ou de quelque substance qui tord et perturbe complètement l’esprit, que ferions-nous alors ? Donc, ce que nous devrions faire, en fait, c’est de nous réjouir et d’être très, très heureux, de reconnaître que nous disposons d’une précieuse renaissance humaine, dotée de l’éventail complet des huit loisirs et des dix talents.

Ceci est une brève description de la façon de méditer sur la reconnaissance de la précieuse renaissance humaine pleinement dotée. Ayant obtenu une précieuse renaissance humaine, et nous en servant comme base, nous pouvons atteindre l’état illuminé d’un bouddha.

Il n’y a aucune différence, quelle qu’elle soit, entre Jetsun Milarepa et nous pour ce qui est du corps humain que nous avons, ou qu’il avait, en tant que base pour la pratique du Dharma. C’est réellement une chose merveilleuse d’avoir une telle précieuse renaissance humaine comme base de travail grâce à laquelle réaliser l’illumination. Si nous devions avoir 100.000 euros, nous serions extrêmement heureux et nous nous réjouirions. Mais, bien plus encore, nous devrions nous réjouir et nous sentir heureux à propos du fait que nous disposions de nos précieuses renaissances humaines. Tel est le premier point de la reconnaissance de la précieuse renaissance humaine pleinement dotée de loisirs et de talents.

Question sur la purification

Quels sont les crimes haineux et y a-t-il quelque chose que l’on puisse faire pour les purifier et empêcher leurs horribles conséquences ?

D’abord, une façon plus littérale de traduire et définir l’expression « crime haineux » est « action négative après laquelle il n’y a plus d’espace pour intervenir ». Ce à quoi cela fait référence, c’est qu’il y a certains actes destructeurs extrêmement lourds qui, quand quelqu’un qui les commet meurt, ont pour résultat immédiat une renaissance dans le plus bas des royaumes infernaux. Rien d’autre ne se passera dans l’intervalle. Telle est la connotation de ces types particuliers d’actions destructrices. Elles ont ce genre de résultat karmique.

La première chose que nous devons faire pour éviter cela est de développer une très grande appréhension et crainte que ce destin nous arrive jamais. Par exemple, si nous devions avoir ingéré du poison par erreur, et découvert alors que nous venons juste de manger de la nourriture empoisonnée, nous ressentirions un regret extrême. Donc, la première chose à laquelle nous devons penser, c’est de savoir si oui ou non nous avons commis un de ces actes réellement lourds et quelles en seront les conséquences.

Par exemple, si nous avons tué notre père, pensez que la conséquence de cela sera une renaissance immédiate dans le royaume infernal le plus bas. Cela conduirait à une très grande peur et appréhension, et nous éprouverions un grand regret à propos de l’action que nous avons commise. Si nous éprouvons ce puissant regret, cela commence à purifier le fait que nous ayons à en expérimenter le résultat karmique. Nous devons reconnaître que ce que nous avons fait était mauvais.

La deuxièmee chose dont nous avons besoin, c’est d’une attitude de complète résolution grâce à laquelle nous décidons fermement que jamais plus nous ne commettrons un tel acte destructeur.

À la suite de quoi, la troisième chose dont nous avons besoin, c’est de visualiser en face de nous une image de refuge – l’image d’un bouddha, par exemple. Il existe diverses techniques de visualisation, dans lesquelles on imagine du nectar et des lumières s’écoulant de cette image de refuge pour nous purifier de tous les potentiels karmiques négatifs issus d’actes aussi terribles. Nous devons faire ces visualisations tout en récitant divers mantras comme Om Mani Padmé Hum, ou le mantra du Bouddha, ou le mantra de cent syllabes de Vajrasattva.

Outre cela, nous devrions penser à tous les autres êtres vivants et à la manière dont tous peuvent avoir commis un grand nombre d’actions destructrices et accumulé un puissant potentiel négatif. Nous devrions souhaiter que tous autant qu’ils sont n’aient pas à souffrir des conséquences et soient purifiés de ces potentiels négatifs. Nous faisons ce processus dans son entier afin de purifier tout le monde, pas seulement nous. En faisant cela, le processus de purification devient encore plus puissant. 

Purification grâce à la méditation sur le vide

La principale méthode de purification, cependant, reste la méditation sur le vide. Tout d’abord, spécifions les différents types de crimes haineux ou actions négatives les plus lourdes. Ce sont tuer notre mère ou notre père, tuer un arhat, causer un schisme dans la communauté monastique ou communauté du Dharma, ou encore, animé d’intentions funestes, faire couler le sang du corps d’un bouddha. Quand bien même un bouddha ne peut en fait être tué, néanmoins le crime haineux consiste à faire des préparatifs et à essayer d’assassiner un bouddha, en lui lançant des pierres ou par tout autre moyen. 

Avec ces types d’actes très destructeurs, la méditation sur le vide agit comme le plus puissant moyen de purification. Nous devons comprendre que trois choses sont impliquées. Il y a le potentiel karmique négatif, il y a la personne qui a accumulé ce potentiel négatif, et il y a aussi l’action destructrice qui a été commise et qui a fait s’accumuler ce potentiel négatif. Il ne peut y avoir de potentiel négatif à moins qu’il n’y ait eu véritablement une personne pour l’avoir accumulé. Pareillement, il ne pourrait y avoir de personne qui ait accumulé ce potentiel négatif à moins qu’il n'y ait eu un acte destructeur qui ait été réellement commis pour que le potentiel négatif soit accumulé.

En réfléchissant ainsi, nous voyons que ces trois facteurs s’élèvent en dépendance les uns des autres. Aucun d’entre eux n’existe par lui-même. Nous devons comprendre comment ils existent : un potentiel karmique négatif, une personne pour l’accumuler, et l’acte lui-même. L’existence de ces trois facteurs peut seulement être établie en interdépendance les uns des autres, sans qu’aucun d’entre eux n’ait son existence dûment établie et de manière indépendante de son propre côté. Par exemple, ce n’est pas comme si quelqu’un pouvait être établi comme étant solidement existant en tant que pécheur ; au lieu de cela, l’existence d’une chose ne peut être établie qu’en interdépendance avec d’autres choses. Cette compréhension du vide agit comme purification, plus fortement encore que toute autre chose.

Les quatre pouvoirs de purification

Il y a quatre pouvoirs de purification :

  • Le premier est le pouvoir du regret.
  • Le deuxième est la promesse de ne plus jamais commettre une telle action dans le futur.
  • Le troisième est le pouvoir de réaffirmer notre fondement éthique. Cela fait référence au fait de générer la compassion grâce à laquelle nous pensons purifier toutes celles et ceux qui ont accumulé un type similaire de force négative lourde. Cela agit comme fondation ou base pour la purification.
  • Le quatrième est le pouvoir des actions opposées que nous faisons, faisant référence à n’importe quel type d’actions constructives comme d’allumer des lampes à beurre, faire des offrandes, se prosterner, faire des circumambulations, installer des représentations du corps, de la parole et de l’esprit du Bouddha, ou d’aider les malades et les pauvres, ou de faire la charité. Tout acte de cette sorte agirait comme un acte positif et constructif et servirait de force positive pour contrer nos potentiels négatifs.

Par exemple, nous pouvons penser à l’exemple de Djétsun Milarépa qui, dans la première partie de sa vie a tué plus de trente personnes au moyen de la magie noire. Son maître spirituel, Marpa, lui assigna la tâche de construire une tour de neuf étages avec des pierres, et ce plusieurs fois. Il dut faire cela utilisant seulement sa propre force physique, laquelle agit comme moyen pour le purifier du potentiel karmique négatif lourd d’avoir tué plus tôt dans sa vie. En particulier, si nous avons cette attitude de souhaiter que tout le monde soit délivré de la souffrance et jouisse du bonheur, ce genre d’amour et de compassion est une méthode puissante pour nous purifier du potentiel karmique négatif. 

Nous pouvons en voir un exemple dans l’histoire de la vie d’Asanga qui a passé douze années à essayer d’obtenir une vision directe de Maitreya. Après trois années passées à travailler très dur dans sa retraite sans aucun résultat, il sortit de sa retraite très découragé. Cependant, il vit alors un homme avec une tige de fer, lequel la frottait avec un morceau de soie. Il demanda à l’homme : « Que faites-vous ? » et l’homme lui dit : « Je fais une aiguille en frottant le fer pour l’user. » Il ajouta : « Si vous travaillez suffisamment dur, vous pouvez faire une aiguille à partir d’une tige de fer. »

Asanga décida : « S’il peut travailler assez dur pour faire une aiguille, je peux travailler encore plus dur. » Il retourna en retraite pour trois nouvelles années et le même genre d’expérience se répéta. Tous les trois ans il se décourageait, et constatait la chose, puis retournait en retraite, jusqu’à ce douze ans se furent écoulés. Aujourd’hui, on peut réellement se rendre là où sa retraite eut lieu. C’est en Inde près du Pic des Vautours ; il y a un endroit au-dessus de Rajgir où il y a des sources d’eau chaude ainsi que la grotte où tout ceci arriva.

Au terme de ces douze années, quand Asanga redescendit à nouveau dans le monde, il vit un chien sur la route dans une condition des plus pathétiques. Le dos du chien comportait de larges plaies ouvertes, infestées d’asticots, et le chien aboyait férocement. Asanga vit la souffrance de cette pauvre créature et développa une très grande compassion à son égard. Cela lui vint du fait d’être conscient et attentif en pensant à sa souffrance. C’est pourquoi il pensa à lui venir en aide.

Il découpa un morceau de chair de sa propre cuisse et le plaça sur le sol. Il voulait ôter les asticots de la plaie du chien et les placer sur le morceau de chair de sa cuisse pour qu’ils aient toujours quelque chose à manger. Il voulait aussi les enlever de telle façon à ne pas blesser les asticots et réalisa que faire cela avec ses mains les tuerait. Il se pencha donc, les yeux fermés, et sortit sa langue pour être capable de prendre les asticots avec afin de soulager la souffrance du chien. Mais, en se penchant les yeux fermés avec la langue sortie, il ne put parvenir à entrer en contact avec le chien. Comme il rouvrait les yeux, au lieu du pitoyable animal, il y avait la véritable forme de Maitreya. En fait, ce chien avait été simplement une émanation de Maitreya.

Tout ce processus de purification qui permit à Asanga d’être en mesure de recevoir cette vision de Maitreya était dû au fait qu’Asanga avait développé une compassion tellement puissante pour ce chien. Asanga, quelque peu indigné, se saisit de Maitreya et demanda : « J’ai travaillé douze années pour vous essayer de vous voir, or comment se fait-il que vous ne soyez pas apparu avant maintenant ? » Maitreya répliqua : « J’ai été à tes côtés tout au long de ces douze années, mais à cause des lourds obscurcissements et des impuretés de tes potentiels karmiques négatifs préalablement accumulés, tu n’as pas été capable de me voir. Mais j’ai été là tout le temps. » Pour preuve, dit-il : « Regarde le bas de mes habits. Pendant la durée de ces douze ans quand tu te mouchais et crachait par terre, c’est là, tout sec sur mon vêtement. Néanmoins, à cause de ta grande compassion aujourd’hui, celle-ci t’a purifié de tous ces obstacles karmiques et obscurcissements, et maintenant tu es capable de me voir. »

Alors Asanga se saisit de Maitreya, le mit sur ses épaules et se promena dans la ville, voulant que tout le monde sorte et rencontre Maitreya. Il paradait dans la ville en disant à tous : « Venez rencontrer Maitreya. » Toutefois, les gens n’étaient pas en mesure de voir quoi que ce soit, car eux aussi étaient obscurcis par leurs potentiels karmiques impurs. En conséquence, tout le monde dit : « Regardez ce fou d’Asanga, cet obsédé du Dharma, à force de pratiquer le Dharma, il a eu l’esprit dérangé. » Il y avait cependant une vieille femme qui vit la jambe droite de Maitreya sur son épaule. La raison était qu’elle avait purifié un peu de son potentiel karmique négatif.

Après cela, Maitreya emmena Asanga dans son royaume divin et lui enseigna divers textes scripturaux. Asanga demeura là le temps d’une matinée chez les dieux ; cependant, quand il revint sur terre, il découvrit que cinquante années humaines s’étaient écoulées pendant ce temps. Quand il était parti pour ce royaume divin, il avait environ trente ans et quand il en redescendit il avait toujours l’aspect d’un homme de trente ans. Il vécut trois cents ans et pendant toute cette période il ne vieillit jamais. Il resta toujours sous ce même aspect d’un homme de trente ans après sa descente de ce royaume divin.

C’est pourquoi, si nous admettons ouvertement les mauvaises choses que nous avons faites dans le passé, et appliquons les quatre forces opposées, telles que nous les avons décrites, alors il est possible de nous purifier même du potentiel karmique négatif le plus lourd issu de ces crimes haineux. Si la chose est possible, alors il n’est pas besoin de mentionner le fait de nous purifier de formes moindres d’actions destructrices que nous avons faites. Il est très important d’éprouver du regret pour les choses destructrices que nous avons commises dans le passé, de même d’avoir la résolution forte et la promesse de ne plus commettre ces actes destructeurs dans le futur.

Le Bouddha lui-même a dit que le résultat de ces actions destructrices lourdes est une renaissance dans les états infortunés ; toutefois, de même, c’est le Bouddha lui-même qui a dit que si nous appliquons ces quatre forces opposées, nous pouvons nous purifier de ce potentiel négatif. Les actions destructrices ne possèdent aucun bon aspect, seulement des fautes. Néanmoins, il y a un bon point à propos du potentiel karmique négatif de les avoir commises et c’est que, si nous admettons ouvertement que ce que nous avons fait était mauvais et appliquons les quatre forces opposées, alors ce potentiel karmique négatif peut être purifié. Tel est le bon point à leur sujet, elles peuvent être purifiées.

Nous en savons maintenant un peu plus sur les actions destructrices et le potentiel karmique négatif qu’elles accumulent. Nous nous arrêterons ici pour aujourd’hui. 

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