Le calendrier tibétain

Éphéméride, calendrier et almanach tibétains

Le système tibétain d’astronomie et d’astrologie est extrêmement complexe. Cela prend cinq ans d’étude, au département d’astrologie de l’Institut tibétain de médecine et d’astrologie de Dharamsala en Inde, pour le maîtriser. Les étudiants apprennent à tout calculer à la main, à la manière traditionnelle, sur une planchette en bois recouverte de suie sur laquelle on écrit avec un stylet. Il n’existe pas d’éphémérides complètes pour consulter les positions planétaires. L’un des principaux aspects de cet apprentissage porte sur les mathématiques impliquées dans les calculs.

Le système du Kalachakra, tout comme ceux des traditions hindoues, donne des formules pour déterminer « les cinq planètes et les cinq caractéristiques inclusives du calendrier ». Les cinq planètes sont Mercure, Vénus, Mars, Jupiter, et Saturne. Leurs positions, de même que celles du soleil, de la lune, et des nœuds lunaires, sont calculées pour établir l’éphéméride tibétaine selon un modèle mathématique, comme c’était également le cas dans le système de la Grèce ancienne. Ainsi, ce système diffère de l’astronomie chinoise, laquelle établissait les positions et les mouvements des corps célestes en se fondant le plus souvent sur l’observation. Les mathématiques chinoises, employées à l’occasion, sont avant tout algébriques.

Les anciens Grecs utilisaient principalement la géométrie, à savoir les différents rapports et diverses proportions géométriques, pour déterminer et décrire le mouvement des planètes. Les systèmes hindous ont développé la fonction sinus et se servaient de la trigonométrie plutôt que des seules méthodes géométriques. En revanche, dans le système tibétain, les calculs n’emploient ni les proportions géométriques ni les fonctions trigonométriques, mais sont purement arithmétiques.

La confection du calendrier et de l’almanach comprennent les cinq caractères calendaires inclusifs : le jour lunaire de la semaine, le quantième du mois lunaire, la constellation lunaire, la période de conjonction, et la période d’action. Les deux premiers sont impliqués dans le mécanisme grâce auquel les calendriers lunaire et solaire sont amenés à s’harmoniser.

Tant les systèmes hindou que tibétain présentent trois sortes de jours. Un jour zodiacal est le temps que met le soleil pour parcourir l’un des 360 degrés du zodiaque. Le quantième d’un jour lunaire, en relation avec les phases de la lune, est la période de temps que la lune met pour parcourir un trentième de la distance entre les positions des nouvelles lunes dans chacun des signes successifs du zodiaque. Le point de départ des quantièmes des jours lunaires est calculé selon un processus similaire à celui qu’on utilise pour déterminer la position du soleil et des planètes. Ils sont décomptés selon un cycle de sept jours lunaires nommés d’après les jours de la semaine, lesquels sont également les noms des sept planètes. Pour faire se relier le calendrier lunaire avec le calendrier solaire, ces jours lunaires hebdomadaires doivent être ajustés pour concorder avec les jours solaires. C’est une affaire compliquée.

Tout d’abord, le moment exact de la nouvelle lune ne se produit pas au même moment de la journée chaque mois. Ainsi, la lune peut commencer le trajet de l’une de ces courtes distances d’un trentième de son cycle à n’importe quel moment d’un jour solaire. Le temps que cela prend pour parcourir un trentième de son cycle est désigné par le jour de la semaine. Ainsi, le jour lunaire de la semaine peut commencer à des moments différents au cours d’un jour solaire.

Par ailleurs, pour parcourir chacune des ces courtes distances d’un trentième cela demande à la lune un laps de temps différent, du fait que sa vitesse varie selon sa propre position et la position du soleil dans le zodiaque. En conséquence, la durée d’un jour lunaire de la semaine qui s’écoule entre les aubes de deux jours solaires successifs varie, car la durée d’un jour lunaire de la semaine est également variable.

Les quantièmes du mois lunaire, lesquels constituent la deuxième caractéristique inclusive du calendrier, sont numérotés de un à trente et durent d’une aube à l’aube suivante à la manière des jours solaires. Le problème est de déterminer quel numéro assigner à chacun des jours de la semaine. La solution n’est pas si évidente, car les jours lunaires de la semaine – qui déterminent les jours de ladite semaine du fait qu’on les appelle lundi, mardi, etc. – commencent et ont des durées différentes.

La règle est que le jour de la semaine est décidé en fonction du jour lunaire de la semaine à laquelle se produit l’aube du quantième lunaire. Par exemple, un jour lunaire de la semaine tel que lundi peut commencer l’après-midi du deuxième jour du mois et se terminer l’après-midi du troisième. Dans la mesure où à l’aube du troisième jour, laquelle se produit en moyenne vers cinq heures du matin, le jour lunaire de la semaine est toujours lundi, le troisième jour sera considéré comme un lundi.

Un jour de la semaine ne peut jamais se répéter ou être sauté. Sitôt après un dimanche, un lundi doit suivre, et non un second dimanche ou un second mardi. Cependant, parfois les aubes de deux quantièmes successifs se produisent au cours d’un même jour lunaire de la semaine. Par exemple, le jour « lundi » lunaire de la semaine peut commencer cinq minutes avant l’aube du troisième, et le jour suivant, le mardi, peut commencer cinq minutes après l’aube du quatrième. Cela ferait du troisième et du quatrième jour des lundis ! Or, il ne peut pas y avoir deux lundis qui se suivent. L’un de ces deux quantièmes doit être omis. C’est la raison pour laquelle dans le calendrier tibétain certains quantièmes du mois sautent.

Par ailleurs, quelquefois les débuts de deux jours lunaires de la semaine se produisent avant l’aube du quantième qui suit. Par exemple, si le jour de la semaine du lundi commence cinq minutes après l’aube du troisième et se termine cinq minutes avant l’aube du quatrième, alors, selon la règle énoncée précédemment, le troisième devrait être un dimanche et le quatrième un mardi, il n’y aurait donc pas de lundi. Puisqu’il n’est pas possible d’aller d’un dimanche à un mardi sans passer par un lundi, l’un de ces quantièmes devra être doublé afin que l’un d’entre eux soit un lundi. C’est pourquoi on a parfois deux huitièmes jours ou deux vingt-cinquièmes jours dans un mois tibétain.

Pour faire encore plus se correspondre le calendrier lunaire et le calendrier solaire, un treizième mois doit être éventuellement ajouté à l’année sous forme d’un mois double ou d’un mois intercalaire. Les règles selon lesquelles les quantièmes doivent être doublés ou sautés, et  pour savoir quand on doit ajouter un mois supplémentaire, diffèrent dans les différentes lignées astrologiques tibétaines. C’est là leur différence majeure. Les divers calendriers hindous ont également des quantièmes doublés ou sautés, et, tout comme les calendriers chinois classiques, ils ont des mois doubles. Les règles en vigueur ne sont pas les mêmes que dans aucun des systèmes tibétains.

La troisième caractéristique inclusive du calendrier est la constellation lunaire. Cela ne fait pas référence à la position réelle de la lune à l’aube d’un quantième lunaire, telle qu’elle est calculée par les techniques des cinq planètes, mais plutôt à la constellation successive qui lui est associée. Pour n’importe quel quantième lunaire, il s’agit de la position de la constellation que la lune aurait au début d’un jour lunaire de la semaine se produisant à l’aube de ce quantième, quantième selon lequel elle s’est vue assigner son jour de la semaine.

Les quatrième et cinquième caractéristiques sont les périodes de conjonction et d’action. Il y a vingt-sept périodes de conjonction. Chacune est la période durant laquelle le mouvement conjoint du soleil et de la lune équivaut à un vingt-septième du zodiaque complet. Dès lors, pour n’importe quel moment, on déduit la période de conjonction en ajoutant la position corrigée du soleil à la position de la constellation successive associée de la lune. Ainsi,  chaque période commence à un moment différent. Elles ont des interprétations et des noms spécifiques, certaines étant moins auspicieuses que d’autres.

Pour finir, il y a onze périodes d’action, déduites en divisant les trente quantièmes lunaires d’une manière plutôt asymétrique. Il n’y a pas lieu d’en donner les détails ici. Chacune des onze périodes d’action possède un nom particulier, et, pareillement, quelques unes sont moins favorables que d’autres pour accomplir certaines activités.

Jours spéciaux du calendrier tibétain

Le calendrier et l’almanach tibétains jouent un grand rôle dans la vie des Tibétains. L’un des usages principaux est de fixer les dates pour les diverses cérémonies d’offrandes bouddhiques ou tsog. Le dixième jour des phases montante et descendante de la lune, autrement dit le dix et le vingt-cinq de chaque mois lunaire, est le jour pour procéder à des rituels d’offrandes aux figures-de-bouddha de Chakrasamvara, parfois connu sous le nom de Heruka, de Vajrayogini  ainsi que de Gourou Rinpotché Padmasambhava, le fondateur de la tradition Nyingma. Parmi tous ces dixièmes jours, le vingt-cinquième du onzième mois tibétain est le jour le plus important dédié à Chakrasamvara, et le dixième du douzième mois le jour consacré à Vajrayogini. Le huit de chaque mois tibétain est le jour spécial pour faire des offrandes à Tara. Celui-ci a lieu seulement en phase ascendante de la lune.

Si, par exemple, un mois tibétain a deux dixièmes jours, la cérémonie d’offrande se fait lors du premier des deux. Si le dixième jour est sauté au cours de ce mois, la cérémonie a lieu le neuvième jour. Cette règle est suivie pour toutes les pratiques religieuses qui doivent être accomplies lors d’un jour auspicieux particulier du calendrier tibétain.

Au sein de chaque lignée tibétaine et dans chaque monastère de chaque tradition, le programme des rituels à accomplir au cours de l’année est établi en fonction du calendrier tibétain. La retraite d’été se déroule ordinairement du seize du sixième mois au trente du septième mois. Elle est connue comme la retraite d’été précoce. Les monastères tantriques de Gyutö et de Gyumé de Lhasa effectuent la retraite d’été tardive du seize du septième mois jusqu’au trente du huitième mois. D’autre part, dans la tradition Guelug, le vingt-neuf de chaque mois lunaire est le jour spécial consacré à la figure-de-bouddha de Vajrabhairava, connu également sous le nom de Yamentaka, figure à laquelle on s’en remet en particulier pour se protéger des obstacles et des interférences. Pour cette raison, cette date de n’importe quel mois tibétain est considérée comme la meilleure pour démarrer les retraites méditatives de pratique intensive.

La fête bouddhique de Vesak commémore non seulement le parinirvana du Bouddha, ou son trépas, mais également la date de sa naissance et de son illumination. Vesak, ou parfois Wosak, provient de l’équivalent pali, en usage dans les pays Theravadin, du mois sanskrit de Vaishaka, qui est le deuxième mois du Kalachakra et le quatrième pour les Tibétains. Cette fête est célébrée le jour de la pleine lune, c’est-à-dire le quinze de ce mois. Étant donné que le  calendrier Theravadin diffère du calendrier tibétain et découle de l’un des systèmes indo-hindous, Vesak tombe un mois plus tôt que chez les Tibétains.

On célèbre deux autres événements de la vie du Bouddha. Après que le Bouddha eut manifesté son illumination sous l’arbre de la bodhi à Bodh Gaya, la première personne qu’il enseigna fut sa mère, laquelle était morte dans sa tendre enfance et avait pris renaissance dans le Ciel des Trente-Trois Dieux ou, selon certaines sources, dans la Terre pure de Tushita. Le Bouddha s’y rendit pour lui donner des enseignements. Le jour sacré de la Descente du Royaume céleste, célébrée le quatre du sixième mois tibétain, commémore le retour du Bouddha dans ce monde. Le Bouddha alla ensuite à Sarnath et, au Parc des Gazelles, délivra son enseignement à ses premiers disciples humains. Le jour saint de la Mise en route des Cycles d’enseignement (le fait de Tourner la Roue du Dharma) célèbre cette date, le vingt-deux du neuvième mois tibétain.

Chaque lignée tibétaine a ses jours spéciaux. Par exemple, dans la tradition Guelug, le jour saint des Cinq offrandes à Ganden, le vingt-cinq du dixième mois, commémore le trépas de Tsongkhapa. Le Monlam, le Grand Festival de Prières de Lhasa, a lieu du trois au vingt-quatre du premier mois tibétain. Traditionnellement, le dernier jour, il est d’usage d’accomplir la cérémonie du « Lancer en l’air du Gâteau rituel », cérémonie effectuée par l’Oracle d’état de Nechung au cours de laquelle tous les obstacles de la nouvelle année sont levés. Celle-ci est suivie le jour d’après, soit le vingt-cinq du premier mois, par la célébration du « Festival de l’Invitation de Maitreya », festival au cours duquel une image de Maitreya, le prochain bouddha, est promenée dans Lhasa sur un char décoré.

Il y a aussi des dates spécifiques pour consulter les oracles. Par exemple, selon une tradition, le gouvernement tibétain a coutume de consulter l’oracle d’état de Nechung le dixième jour du premier mois. Au Tibet, les abbés du monastère de Drepung consultaient régulièrement l’oracle de Nechung le deux de chaque mois tibétain.

Les calendriers tibétains signalent de façon régulière trois sortes de dates non auspicieuses. Les « jours néfastes » sont indiqués par la lettre tibétaine zha, et durent d’une aube à l’autre. Les « jours noirs » sont indiqués par la lettre nya et ne couvrent que la journée. Tous se produisent à dates fixes chaque année, un pour chaque mois [du système] Kalachakra. La troisième sorte de dates non auspicieuses, marquées par la lettre ya, dure toute la journée et toute la nuit. On les appelle « les jours de Yen Kuong », d’après le nom d’une divinité chinoise. Il y en a généralement treize chaque année et ils tombent à dates fixes selon le système de calculs jaunes pour les mois élargis de style chinois. D’autre part, d’après le système de calcul chinois des éléments dérivés, chaque année comporte deux mois « noirs » ou néfastes, avec occasionnellement une année « noire ».

L’autre genre de date signalée par une lettre dans le calendrier tibétain, en l’occurrence la lettre sa, sert à marquer, pour les nonnes et les moines, la cérémonie bimensuelle de purification et de restauration de leurs vœux, la cérémonie de sojong. Chaque année, la première d’entre elles a lieu quinze jours solaires après le Nouvel An. Les mois tibétains commencent avec la phase croissante de la lune. Le second sojong du mois, à la fin de la phase décroissante se tient quatorze jours lunaires après la précédente cérémonie. Dans le cas d’un jour double, ces deux quantièmes ne comptent que pour un. Dans le cas d’un jour omis, un quantième de plus doit être compté pour atteindre le chiffre quatorze. Le premier sojong de chaque mois, à la fin de la période croissante, a lieu tout simplement quinze jours solaires après la précédente cérémonie, sans tenir compte des jours doublés ou sautés.

Il faut noter qu’en général la phase ascendante de la première moitié du mois est considérée comme plus auspicieuse que la phase descendante. C’est pourquoi, la plupart des Tibétains commencent à faire des pratiques constructives et positives durant la première moitié du mois lunaire en sorte que leurs résultats s’accroissent et s’étendent à l’instar de la lune montante.

Jours auspicieux et défavorables

Par ailleurs, pour diverses activités spécifiques, certaines dates sont considérées comme auspicieuses tandis que d’autres ne le sont pas. Par exemple, le neuf, le dix-neuf et le vingt-neuf du mois lunaire sont auspicieux pour commencer à voyager, tandis que les dates dites « passoires » du deux, du huit, du quatorze, du vingt, et du vingt-six sont défavorables pour entreprendre un voyage. C’est la raison pour laquelle, si les Tibétains ne peuvent commencer un voyage à une date favorable, souvent, lors d’un jour auspicieux, ils prendront une partie de leurs bagages et les transporteront un peu plus loin sur la route dans une autre maison afin de démarrer symboliquement leur voyage ce jour-là. Toutefois, si quelqu’un meurt le neuf, le dix-neuf, le vingt-neuf ou bien quand la lune est dans la neuvième constellation, ou encore un dimanche, et en particulier si ces trois événements se produisent en même temps, ceci est considéré comme néfaste pour ceux qui restent.

La date la plus néfaste de l’année est le jour des « neuf mauvais présages ». Elle commence le sixième jour du onzième mois tibétain à midi, et dure jusqu’au midi du septième jour. Pendant cette période, la plupart des Tibétains n’essaient pas d'effectuer de pratique religieuse spéciale ou toute autre pratique positive, au lieu de cela ils vont piqueniquer, se détendent et jouent. L’histoire de cette coutume remonte à l’époque du Bouddha quand une personne tenta d’accomplir de nombreux actes positifs ce jour-là et que neuf mauvaises choses lui arrivèrent. Le Bouddha préconisa que chaque année à cette date, il valait mieux ne pas essayer de faire trop de bien.

Toutefois, le jour qui suit immédiatement cette période de vingt-quatre heures, depuis le sept à midi jusqu’au huit à midi du onzième mois, est le « jour des dix bons présages ». Ce jour-là, à l’époque du Bouddha, dix choses merveilleuses arrivèrent à cette même personne alors qu’elle continuait d’essayer de faire des choses constructives. Dès lors, cette période est considérée comme très favorable pour les projets positifs mais, en général, les Tibétains en profitent aussi pour aller piqueniquer et jouer.

Il y a deux autres périodes de l’année indiquées dans l’almanach qui valent la peine d’être signalées. La première s’appelle « le lever de l’étoile Rishi ». On la calcule à partir d’un certain point du huitième mois tibétain et elle dure sept jours. Pendant cette période, la lumière de l’étoile « Rishi » brille sur le joyau de la couronne d’une certaine statue fabuleuse, faisant que du nectar s’en écoule. Cela a pour effet de rendre les sources d’eau chaude plus efficaces et donc ces sept jours sont appelés les « jours propices aux bains », ce qui pousse les Tibétains à se rendre aux sources chaudes pour se soigner et faire des cures.

L’autre période est appelée : les « jours du cochon empoisonné ». Elle dure également sept jours et est calculée à partir d’un autre point du cinquième mois tibétain. Au cours de ces journées, à cause des effets d’une pluie contaminée, les eaux se changent en poison. Toute plante médicinale cueillie ce jour-là sera empoisonnée. En conséquence, les sources d’eau chaude s’avéreront préjudiciables, aussi tout le monde les évite.

Bien que, d’après le système chinois de calcul des éléments dérivés, il y ait de nombreuses périodes d’obstacles au cours de nos vies, la principale, reconnue par tous les Tibétains, est « l’âge de l’année-obstacle ». Il s’agit de chacune des années qui voit le retour de notre signe animal natal. Ainsi, si nous sommes nés l’année du Rat, dès lors chaque année du Rat suivante sera considérée comme une année-obstacle. Cela se produit tous les douze ans. Selon la façon tibétaine de compter l’âge où chaque année calendaire que nous vivons compte pour une année, au cours de la première d’entre elles, nous sommes déjà âgés d’un an, lors de la deuxième occurrence de l’année du Rat nous avons treize ans, et ainsi de suite [vingt-cinq ans pour la troisième, trente-sept pour la quatrième, etc.]

Usage populaire de l’astrologie chez les Tibétains

L’astrologie horaire, la vérification de l’aspect favorable des heures du jour, est la caractéristique astrologique principale issue de l’almanach tibétain. Elle joue également un rôle significatif dans la vie des Tibétains. Elle comprend les deux premiers aspects inclusifs du calendrier, le quantième lunaire de la semaine et la constellation lunaire.

Chacune des vingt-huit constellations lunaires et chacun des sept jours lunaires de la semaine et des sept corps célestes sont associés avec un des quatre éléments. Ils font partie des quatre des cinq éléments indiens, à savoir la terre, l’eau, le feu, et le vent [l’air]. L’élément de la constellation lunaire successive associée pour une date spécifique est comparé avec celui du quantième lunaire en question. Chacune des dix combinaisons possibles d’éléments possède une interprétation différente, à partir de quoi on peut décider du meilleur moment pour entreprendre ou non telle ou telle action.

Tel est le système des dix assortiments mineurs. Par exemple, si on doit faire une cérémonie d’offrande du feu à la fin d’une retraite méditative, celle-ci sera d’autant plus favorable qu’on choisira pour la faire une heure au cours d’une période « double feu » [Feu-Feu], ce qui aura pour effet d’accroître le pouvoir du feu, plutôt qu’une période Eau-Feu, laquelle aura tendance à éteindre les flammes.

Chez les Tibétains, on consulte de préférence les astrologues pour les nouveau-nés, ainsi que pour les mariages et les décès. Pour établir un horoscope, on combine à la fois les systèmes de calculs blancs et noirs. Le système blanc est issu de l’astrologie indienne, le système noir de la chinoise. D’un intérêt particulier pour les parents tibétains est de connaître la durée de vie éventuelle de leurs enfants. Si elle est brève et qu’il se présente beaucoup d’obstacles, diverses cérémonies religieuses préconisées par l’horoscope seront effectuées, ainsi que le parrainage de statues et de peintures.

Avant les mariages, on évalue la compatibilité du couple en comparant les divers « éléments-galets » et les trigrammes, deux caractéristiques du système de calculs noirs. Le samedi est le jour de prospérité de la semaine. En conséquence, dans les calculs de mariage, on considère que c’est le meilleur jour de la semaine pour qu’une fiancée arrive et s’installe dans la maison familiale de son futur époux. Les familles du couple donneront à l’astrologue la date approximative de la semaine au cours de laquelle elles aimeraient que le mariage se fasse. Le jour et l’heure les plus auspicieux de la semaine à l’intérieur de cette semaine seront choisis en accord avec le système des dix assortiments mineurs. S’il s’avère que le samedi est un jour auspicieux, il est toujours préférable de faire le mariage ce jour-là. Si le samedi n’est pas favorable, on choisit alors la date auspicieuse suivante la plus proche bien qu’on conseille à la fiancée de pénétrer dans la maison de son futur mari le samedi qui précède la date arrêtée.

Presque tous les Tibétains consulteront un astrologue quand quelqu’un meurt. Sur la base du moment de la mort, des calculs sont faits d’après le système chinois des éléments dérivés pour savoir à quelle heure et dans quelle direction déplacer le cadavre de l’endroit où il se trouve pour procéder à son enterrement ou à sa crémation. Le moment exact de la crémation lui-même, ou de l’ensevelissement, n’est pas calculé, de même qu’on ne tient pas compte des jours fastes ou néfastes déterminés par les dix assortiments mineurs. Le genre de cérémonies à accomplir pour les morts est également précisé, en particulier si des esprits malfaisants sont impliqués dans la mort des personnes.

De même, en général, les Tibétains recherchent les conseils d’un astrologue afin de connaître les jours auspicieux pour déménager, ouvrir une nouvelle boutique, ou partir en voyage d’affaires. Au Tibet, ce dernier point concerne le jour et l’heure pour démarrer une caravane, tandis qu’en Inde l’occasion la plus fréquente est de savoir quand se mettre en route pour vendre des gilets et des vêtements « prêt-à-porter » dans les rues de lointaines villes indiennes. Il s’agit là du moyen le plus courant de gagner sa vie parmi les Tibétains en exil.

D’autres occasions où l’on choisit toujours des jours auspicieux se produisent lors de l’intronisation d’un jeune Lama réincarné, pour savoir quand ce dernier doit effectuer des offrandes formelles à son monastère pour commencer ses études, quand une famille doit envoyer son enfant rejoindre un monastère ou un couvent de filles, et quand un nouveau Guéshé, après avoir terminé son éducation religieuse et passé ses examens, doit faire des offrandes formelles à son monastère. De même, il est de coutume chez les Tibétains de procéder à la première coupe de cheveux de leur enfant environ une année après la naissance. Ceci doit être fait au cours d’un jour auspicieux, sinon on croit que l’enfant aura toutes les chances de développer des abcès ou des plaies.

Les docteurs tibétains consultent l’astrologie médicale pour déterminer les meilleurs jours de la semaine pour effectuer un traitement particulier pour un patient, tel que la moxibustion ou l’acuponcture au moyen d’aiguilles en or. Les jours de force vitale et de force spirituelle du patient, déterminés d’après leur signe animal natal, seront privilégiés et les jours mortels évités.

Quand une cérémonie de longue vie est offerte à un Lama, on la fait tôt le matin de son jour de force vitale ou de son jour de force spirituelle. Sa Sainteté le Dalaï-Lama est née l’année du Sanglier de Terre. Du fait que son jour de force vitale est un mercredi, nombreux sont les Lamas qui commencent à donner un enseignement ce jour-là de la semaine pour des raisons auspicieuses. Quand on procède à des cérémonies pour aider quelqu’un qui est malade, on choisira également son jour de force vitale ou son jour de force spirituelle.

Une autre occasion pour laquelle les Tibétains consultent régulièrement les astrologues, c’est pour savoir si leurs affaires réussiront au cours de l’année. L’astrologue établit un pronostic d’après un schéma que l’on trouve dans le système du « surgissement des voyelles ». On doit soumettre la question de manière formelle, et le calcul est fait d’après le nombre de mots de la question et le nombre de personnes présentes dans la pièce où la question est posée et à quel moment elle est posée.

Approche bouddhique de l’astrologie

Il y a tellement de paramètres qui peuvent affecter l’interprétation de n’importe quelle période particulière, tant sur le plan général qu’individuel, que pratiquement tout moment recèle en puissance une part néfaste. Tous les facteurs n’ont pas la même importance. Seules quelques variables sont examinées pour telle ou telle situation, et certaines prendront le pas sur d’autres. C’est pourquoi si un voyage peut être commencé un neuf, un dix-neuf, ou un vingt-neuf, ou si une transmission de pouvoir de Kalachakra peut être donnée un jour de pleine lune, le fait que d’autres facteurs soient défavorables n’est pas si crucial.

Le but de ce système n’est pas de paralyser les gens par des superstitions. Bien plutôt, cela fournit aux gens du peuple une sorte de bulletin météo. Si on garde à l’esprit qu’une certaine date n’est pas si favorable, on peut prendre des mesures préventives comme d’accomplir certaines cérémonies, d’agir de manière bienveillante et attentionnée, etc., afin de surmonter ou d’éviter des problèmes. C’est un peu comme de se munir d’un parapluie si on entend dire que la pluie menace.

Le bouddhisme n’envisage pas l’astrologie du point de vue d’influences venant de corps célestes qui existeraient tels des entités indépendantes sans aucun lien avec le continuum mental de chaque individu, mais plutôt comme le reflet des résultats de nos comportements antérieurs compulsifs, ou karma. Un des résultats compréhensibles de nos actes compulsifs  de nos vies passées serait le reflet de nos situations karmiques actuelles d’après les configurations astronomiques et astrologiques sous lesquelles nous sommes nés. En conséquence, l’information astrologique peut offrir un indice à propos des résultats qui pourraient découler de nos actions compulsives passées à moins que nous ne prenions des mesures préventives pour modifier la situation. Ainsi, cela nous aide pour savoir comment gérer toute situation malencontreuse. De même, un almanach indique les effets compréhensibles accumulés, effets destinés à être expérimentés par un grand nombre de personnes ensemble.

Il n’y a rien de fataliste dans la vision bouddhique du monde. La situation actuelle est issue de causes et de conditions. Si on décrypte cette situation avec précision, on peut agir en sorte de créer différentes causes et conditions afin de l’améliorer même dans cette vie, pour notre bénéfice et celui des autres. Cela ne signifie pas faire des offrandes ou des sacrifices aux diverses déités des corps célestes afin de les apaiser et éviter leur méfaits, mais plutôt de modifier nos propres attitudes et notre comportement.

À un niveau populaire, quand il est parfois recommandé pour allonger notre durée de vie de devoir parrainer une statue ou la peinture d’une certaine représentation du bouddha, il semblerait que ce soit pour gagner les faveurs de cette figure. Il s’agit d’un malentendu relevant d’un manque d’éducation. Si l’attitude générée pour une telle entreprise est celle de la peur et de l’égoïsme, c’est elle qui aura le plus d’effet. Son effet sera donc minime. Bien plus efficaces pour prolonger nos vies et améliorer notre santé et notre situation matérielle sont les pratiques méditatives spécifiques faites avec la motivation d’avoir la capacité d’être bénéfique aux autres.

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