Harmoniser notre vie : contextes personnels & tableau d’ensemble

La différence entre un égo sain et un égo exagéré

Tout d’abord, quelques questions. Pendant la pause, il y a eu une question qui était de savoir quelle était la différence entre le « soi » et le « moi », ou le « je ». Je pense que puisque cette question a été posée par un psychologue, et que le terminologie est un peu différente, la question revient à savoir quelle est la différence entre le « moi » impossible ou faux « moi », celui qu’on doit réfuter, et le « moi » conventionnel, selon la terminologie bouddhique, et ce qu’on appelle en psychologie la différence entre un « moi » sain et un « moi » exagéré. Car, en vérité, le mot « moi » ou « soi », d’un point de vue bouddhique, est une même chose. La question concerne donc, à mon avis, ces deux cadres conceptuels.

En psychologie, quand on parle de l’égo, on parle d’un état d’esprit conscient qui pense « moi ». Nous sommes d’accord ? Je ne vais pas l’analyser en fonction d’une école particulière, je parle donc juste de manière générale. Quand on pense « moi » à propos du « moi » conventionnel, c’est de l’objet de l’esprit dont parle le bouddhisme. Donc, quand on pense au « moi » conventionnel, il s’agit d’un égo sain. Quand on pense au « moi » comme à un égo impossible, un faux « moi », il s’agit d’un égo exagéré. Cela a à voir avec quelque chose qui n’existe pas, dont l’existence est impossible.

Un exemple serait de dire : « Non seulement j’existe en tant qu’entité solide, mais je suis le centre du monde. Je suis la personne la plus importante. Je dois toujours en faire à ma guise. » Les analyses bouddhique et psychologique ne sont pas contradictoires, mais peut-être que l’analyse bouddhique va plus loin dans ce que sont vraiment le « moi » impossible et le « moi » conventionnel.

Apprendre à vivre avec des problèmes

De nombreuses thérapies se définissent comme suit : « Vous avez certains problèmes et, tels qu’ils sont, la thérapie vous aidera à vivre mieux avec eux », tandis que le bouddhisme vise à se débarrasser de la cause des problèmes et à les éliminer complètement, et à ne pas se contenter de vivre avec eux. Bien entendu, apprendre à vivre avec nos problèmes est certainement une étape initiale importante. Dans le bouddhisme, nous parlons de la portée initiale, à savoir que quand une émotion perturbatrice s’élève, nous ne la traduisons pas en acte mais exerçons plutôt la maîtrise de soi. En sens, cela revient à apprendre à vivre avec. Mais, comme le dit Shantideva, des choses comme la colère sont l’ennemi réel et ce n’est pas avec elles qu’on peut pactiser. Elles se tiennent en embuscade et reviennent pour nous attaquer à nouveau et nous tourmenter encore. Ce n’est donc pas juste une question de faire la paix avec les problèmes et, dans un coin de notre tête, d’apprendre à vivre avec. Au lieu de cela, on doit se débarrasser d’eux complètement.

Faire la paix avec des situations problématiques est ce que nous faisons quand nous n’avons d’autre choix que d’accepter certaines choses. Par exemple, il se peut que nous devions accepter d’être né au sein d’une minorité, ou que nos parents se soient séparés avant notre naissance, ou que nous ayons grandi dans un ghetto, ou dans tout autre situation. D’accord, nous devons accepter cette réalité, en un sens nous pactisons avec elle plutôt que de nous contenter de passer notre vie tout entière à nous plaindre et à penser que tout le monde nous doit quelque chose parce que nous avons tiré une aussi mauvaise carte dans la vie. Mais alors, sur la base d’avoir pactisé avec, d’en avoir accepté la réalité, nous allons de l’avant pour essayer d’améliorer et nous sortir de tous les inconvénients afférents à cette situation. Nous appliquons les méthodes issues de l’enseignement sur l’entraînement de l’esprit, le lojong, pour tourner les circonstances négatives en positives.

Le même raisonnement que celui que vous venez d’utiliser s’applique-t-il aux maladies ?

Absolument. Si vous avez une grave maladie, cela ne sert à rien de se plaindre et de s’apitoyer sur soi-même. Cela n’aidera certainement pas. Au lieu de cela, nous essayons de tourner les circonstances négatives en positives. Tout d’abord, bien sûr, nous devons reconnaître que la maladie est une souffrance ; ce n’est pas terriblement plaisant. Nous ne nions pas le côté désagréable d’une sérieuse maladie. Cela n’aide pas de prétendre que ce n’est pas terrible, c’est terrible d’avoir un cancer, ou une sclérose en plaques, ou d’être paralysé, peu importe. Mais on doit accepter la réalité.

On pourrait dire que le principe le plus fondamental du bouddhisme consiste à « accepter la réalité », à la comprendre et à l’accepter. Ne projetez pas toutes sortes de fantasmes impossibles. Transformez une circonstance négative en une circonstance positive. Il y a plusieurs façons de faire cela. Par exemple, un de mes amis avait une tumeur au cerveau, et on la lui a ôtée. Après cela, il est devenu un pratiquant bouddhiste très sérieux, car, plus que jamais, il reconnaissait la précieuse renaissance humaine qu’il avait et, pour le temps qu’il lui restait, il voulait en faire le meilleur usage et ne pas la gâcher. Cela l’a donc aidé à devenir beaucoup plus fort dans la voie bouddhique.

Avez-vous entendu la définition suivante de la vie ? Une maladie sexuellement transmissible avec un taux de mortalité de 100%. C’est tout à fait vrai ! Il se peut que nous ayons une précieuse vie humaine maintenant, mais cela aura un terme. Le taux de fatalité est de 100%. C’est juste une question de savoir quand, or nous ne savons jamais quand. Si nous avons une maladie vraiment grave, cela nous fait prendre beaucoup plus au sérieux la réalité à laquelle nous devons faire face. Nous devons aussi nous rappeler qu’une personne en parfaite santé peut mourir bien avant que nous mourrions, même si nous avons une maladie chronique. Tout le monde peut être renversé par une voiture à tout moment.

Un autre de mes amis, qui avait une sclérose en plaques et était confiné dans un fauteuil roulant, devint sérieusement paralysé. Avant cela, il avait étudié le bouddhisme et, pareillement à l’ami avec une tumeur au cerveau, il prit la chose beaucoup plus sérieux. Il devint alors psychologue et commença à conseiller les autres qui étaient paralysés ou qui avaient des maladies chroniques graves semblables, car souffrant lui-même de l’une d’elles, il était dans une position bien meilleure pour donner des conseils aux autres sans qu’ils en éprouvent du ressentiment. Vous savez bien que si une personne en très bonne santé conseille quelqu’un dans cette situation, si une personne voyante conseille une personne non voyante : « Bon, vous êtes aveugle, mais ne vous sentez pas si mal à ce sujet », cela n’a pas le même impact que quand cela émane d’une personne atteinte de la même affliction. Que nous parlions du fait d’être aveugle, d’avoir un cancer, d’être séropositif au VIH, il est possible de changer et transformer ces circonstances adverses en circonstances positives. Cela nous permettra non seulement de nous développer plus avant spirituellement, mais d’être en mesure d’aider les autres. Comme je l’ai dit, la base pour cela, pour nous aider à ne pas nous apitoyer sur notre sort, c’est de reconnaître et d’admettre que : « Oui, c’est terrible. » Il s’agit de la première noble vérité, la vérité de la souffrance.

Exercices

Maintenant, travaillons plus loin avec nos exercices. Nous avons travaillé avec des membres de la famille, en nous focalisant sur notre mère et notre père. À moins de faire partie de ces gens fortunés qui ont une mère et un père merveilleux ainsi qu’une merveilleuse relation avec les deux, nous avons peut-être rencontré quelques difficultés sinon avec les deux du moins avec l’un d’entre eux. Nous avons peut-être noté une résistance en essayant de trouver leurs bonnes qualités ; il a été difficile de les découvrir. Mais rappelez-vous, il est quasiment impossible que quelqu’un n’ait que des mauvaises qualités. Ils ont sans doute, les premiers, fait montre envers nous de leurs qualités négatives, mais qu’en est-il des bonnes qualités qu’ils ont montrées aux autres ? Il s’agit peut-être d’un tout autre domaine, d’un tout autre aspect de cette personne. Cela veut dire que nous avons restreint la base de désignation pour notre mère ou notre père aux seuls aspects de leurs interactions avec nous, la majorité desquelles était négatives. Nous devons donc élargir la base de désignation de notre mère ou notre père et réfléchir à leur vie tout entière : leurs interactions avec tout le monde ainsi que leurs interactions avec leurs propres parents, etc. De cette façon, dans cet exercice, nous obtenons une perspective un petit peu plus objective sur l’un ou l’autre parent ou sur n’importe quelle autre personne.

De toute évidence, cet exercice n’est pas simple. Aucun des exercices bouddhiques n’est simple. Mais quand des blocages mentaux et des difficultés surviennent, c’est une très, très bonne chose. Comme Tsongkhapa l’a toujours fait remarquer, vous devez être capables de reconnaître l’objet à réfuter afin de le réfuter. Nous devons donc reconnaître ce sur quoi nous devons travailler avant de pouvoir travailler dessus. L’image souvent utilisée est que si vous ne pouvez pas voir la cible, vous ne serez pas en mesure de la frapper avec une flèche.

Nous avons travaillé avec notre mère et notre père, et nous pouvons voir aisément comment étendre cela aux divers autres membres de notre famille. Même si nous n’avons pas eu une relation étroite ou beaucoup d’interactions avec eux, cela n’a pas vraiment d’importance car, en un sens, nous appartenons et venons de cette famille. Nous pouvons considérer les bonnes qualités de cette personne dans tous les cas. Si nous pensons que notre famille est une merde complète, excusez le terme, alors qui sommes-nous ? Ce que je veux dire c’est qu’ils ont produit un autre morceau de merde. Je pense qu’il est très important d’avoir un sentiment plus positif à propos de celles et ceux qui nous ont produit, pas juste nos parents, mais la famille tout entière. 

Attention portée à notre pays natal

Donc, avançons. Réfléchissons à notre pays natal. Et j’aimerais enchaîner cela avec la religion d’origine dans laquelle nous sommes nés. Je sais que dans un pays comme celui-ci, le Mexique, il est un peu difficile de séparer les influences du caractère mexicain de celle du catholicisme. Je ne parle pas d’identité ici, je parle d’influence. L’influence de la culture mexicaine et l’influence du catholicisme peuvent s’avérer difficiles à démêler. Mais, en dehors du catholicisme, essayons de penser qu’il y a d’autres caractères de la culture mexicaine et de la mentalité mexicaine qui sont positifs et font partie de nous.

  • Pour commencer, nous devons calmer notre esprit.
  • Puis, nous générons une attitude bienveillante envers nous-mêmes. « Je suis un être humain. J’ai des sentiments, je me préoccupe d’être heureux et de ne pas être malheureux. »  Nous n’avons pas besoin d’entrer dans les détails.
  • Maintenant, pour l’étape suivante, nous faisons remonter dans l’esprit une représentation de notre pays.

Avec nos parents, nous avons ramené à l’esprit une image des personnes ou une image qui les représentent. C’est beaucoup plus difficile quand on pense à notre pays natal, qu’il s’agisse des gens ici au Mexique, ou à Cuba, ou en Allemagne, ou aux États-Unis. Et, bien entendu, visualiser un drapeau ou une carte est un petit peu idiot. Dans la mesure de nos capacités, même s’il s’agit juste du nom du pays, essayons de focaliser notre attention dessus.

  • Nous pouvons nous remémorer les défauts et les qualités négatives et voir qu’ils ont surgi en dépendance de causes et de circonstances et qu’il n’y a aucun bienfait à s’y complaire et à s’en plaindre. Nous les mettons alors de côté.
  • Nous nous rappelons alors les bonnes qualités du pays, et celles que nous avons tirées d’être issus de ce milieu. Nous nous concentrons sur ces faits avec la ferme conviction que ce sont là de bonnes qualités et que nous avons réellement été influencés par elles.
  • Puis nous essayons de reconnaître les bénéfices que nous avons tirés de cette nationalité en termes de choses que nous avons apprises.
  • Une fois que nous avons reconnu cela, nous essayons de développer un sentiment de profonde appréciation et de respect pour notre milieu culturel national.  Cela ne veut pas dire que nous devenons des patriotes fanatiques et que nous nous promenons en agitant des drapeaux. Cela reste à un niveau beaucoup plus réaliste, sans exagération.
  • Enfin, nous essayons de nous sentir poussés à développer ces qualités plus avant.

Attention portée à notre religion de naissance

Puis nous réfléchissons à la religion dans laquelle nous sommes nés.

  • Nous pensons à la religion de notre famille.

Il ne s’agit pas nécessairement de la religion dominante de notre pays, à moins d’avoir été dans une école qui a dispensé un entraînement religieux, etc., dans une religion qui n’était pas celle de notre famille. Assurément, on rencontre des cas de cette sorte. Et celles et ceux qui ne sont pas nés dans une religion particulière peuvent penser à des systèmes de croyance qui leur ont été inculqués quand ils étaient plus jeunes.

Représentez-vous cela de manière à pouvoir y réfléchir. Cela peut se faire juste avec le mot mental. Cela n’a pas besoin d’être spécifié. Vous n’avez pas besoin de visualiser une croix ou quelque chose de cette sorte, à moins que cela ne soit utile.

  • S’il y en a, rappelez-vous les inconvénients et les qualités négatives et voyez qu’ils ont surgi en dépendance de causes et de circonstances, et décidez qu’il n’y a aucun bénéfice à s’y complaire et à en faire toute une montagne, sans pour autant les dénier. Puis laissez-les de côté.
  • Ensuite, nous nous rappelons les bonnes qualités de la religion ainsi que celles que nous avons tirées de ladite religion. Même si nous nous en sommes détournés, il est presque impossible qu’elle n’ait pas eu une certaine influence positive sur nous.
  • Pensez avec une ferme conviction que ces bonnes qualités sont vraies, et qu’elles ont eu une influence positive sur vous.
  • Nous reconnaissons maintenant les bienfaits que nous avons tirés de cet arrière-plan religieux en ce qui concerne les choses que nous avons apprises, et que nous avons obtenues.
  • Nous ressentons une profonde appréciation et du respect pour cette religion.
  • Et nous essayons de nous sentir inspirés pour développer ces qualités plus avant.

Faire s’intégrer l’ensemble

  • Nous imaginons maintenant notre mère et notre père devant nous, ainsi qu’une représentation de notre arrière-plan national et religieux. Nous pensons aux bonnes qualités que nous avons héritées de notre mère. De la lumière jaune vient vers nous et nous remplit de plus d’inspiration à les développer plus avant. De la lumière jaune émane de son cœur à notre cœur.
  • Ajoutez maintenant à cela les bonnes qualités issues de votre père. De la lumière vient de son cœur, nous avons dès lors de la lumière qui émane de leurs deux cœurs, réunissant ensemble leurs qualités respectives.
  • Puis nous ajoutons le caractère national, l’influence positive que nous en avons reçue.
  • Ensuite pour intégrer cela, il se peut que nous ayons besoin d’un mot clé qui représente les choses positives de chacun de ces éléments, et de le répéter pour les grader fraîches à l’esprit.
  • Puis, nous ajoutons toutes les bonnes qualités et l’influence que nous avons reçues de notre religion de naissance. Nous avons donc maintenant les quatre choses réunies.
  • Enfin, tel un ensemble intégré de toutes ces qualités positives, nous imaginons que leur intégration irradie de nous sous forme de lumière jaune bénéfique à tous, comme un soleil.
  • Nous essayons de laisser cela sombrer en nous et pensons que quelque soit la force positive, quelque que soit la compréhension que nous en avons tirées, puissent-elles agir comme cause pour être en mesure d’utiliser toutes ces bonnes qualités afin d’atteindre l’illumination pour le bien de tous.
  • Et, tout doucement, nous sortons de cet état méditatif.

Pour ces exercices, le vide est crucial 

Il faut rajouter quelque chose de plus ici, qui est notre compréhension du vide et de l’étiquetage mental. Nous devons avoir cette compréhension en tant que cadre et réceptacle de tout ce processus. Une façon de le faire est d’y penser au début, avant de démarrer le processus et de réaffirmer notre compréhension à la fin. Nous commençons donc par la compréhension qu’il n’existe rien de tel qu’un « moi » solide. J’existe, mais il n’y a rien de trouvable du côté du « moi » qui ait le pouvoir d’établir que j’existe. La seule chose qui établisse que j’existe est qu’il y a le concept « moi » et le mot « moi », et « moi » est juste ce à que ce concept et ce mot font référence sur la base de toutes les choses en perpétuel changement dont je fais l’expérience dans la vie. Ces divers aspects dont je fais l’expérience surgissent en dépendance de causes et de conditions, et possèdent de nombreuses parties. Il n’y a donc rien de solide à propos de la base et rien de solide au sujet du phénomène imputé, « moi », lequel est lié de manière inextricable à cette base. 

La méditation que nous avons apprise construit une base positive pour étiqueter le « moi » conceptuellement, et fait s’accumuler également un sentiment positif d’être un tout intégré, que nous appellerions le sentiment d’un égo sain, ce dont nous avons débattu auparavant en ce qui concerne le « moi » conventionnel. C’est en ces termes que le « moi » est désigné. Quand on fait ce processus dans le cadre de la pratique du tantra et d’une figure-de-bouddha, nous appellerions ce sentiment du « moi », étiqueté sur cette base, la « fierté de la déité », le sentiment que nous sommes vraiment cela.

À la fin, il est important de se rappeler que le « moi » n’est identique à aucun des agrégats qui le composent. Pas plus qu’il n’est une chose qui existe de manière totalement séparée d’eux. Ce n’est pas quelque chose qui possède ces agrégats ou vit à l’intérieur d’eux, comme de vivre à l’intérieur d’une maison. Pas plus qu’il n’est un patron qui disposerait désormais de tous ces composants et dont il pourrait se servir. Et le « moi » n’est pas identique à la totalité de sa base, comme si la totalité de tout ça, telle qu’illustrée par cette lumière composée brillant au dehors, était une chose, c’est-à-dire ce « moi », car de toute évidence toutes les parties, comme nous l’avons vu avec les agrégats, changent à chaque instant à des vitesses différentes. Chacun de ces composants a surgi en dépendance de causes et de circonstances, c’est-à-dire des parents et de la manière dont ils ont grandi, du pays et comment celui-ci s’est développé, etc. ; il n’y a rien de solide dans tout ça. Néanmoins – notre fameux « néanmoins » – sur la base de tout ça, nous sommes capables d’aider les autres et d’atteindre l’illumination. C’est important, sans quoi, à nouveau, nous pourrions aller vers une projection de modes d’existence impossibles, du genre « je suis cette grande lumière » et nous identifier avec tel aspect ou tel autre, et alors, à nouveau, nous souffririons d’un égo exagéré.

Les étapes finales

Laissez-moi parcourir les autres étapes très brièvement.

Après avoir travaillé en passant par toutes ces catégories d’influence positive sur nous, comme celle de la famille, de notre milieu culturel et religieux, et de ce que nous avons appris de nos maîtres et de nos amis, etc., ce qui pourrait être alors bénéfique serait de faire une liste, et de lister chaque personne ou élément dans chacune de ces catégories. Couchez-les par écrit et, en face de chacune des entrées, mettez un mot clé synthétisant les choses positives que vous en avez tirées. Puis, chaque matin, si on veut en faire une pratique quotidienne, ou chaque fois qu’on en a envie, passez en revue la liste que vous avez dressée. C’est beaucoup plus efficace ainsi, plutôt que d’essayer de s’en souvenir toujours, bien qu’idéalement nous ne devrions pas avoir besoin de recourir à une liste, mais celle-ci rendra les choses beaucoup plus faciles. Lire une liste est calqué sur la pratique bouddhique tibétaine habituelle de parcourir une sadhana, qui est fondamentalement le script de ce que nous imaginons et de ce sur quoi nous essayons de méditer. Cela vient de la tradition.

Pour chacun de ces groupes d’éléments, nous imaginons les gens dans ce groupe ou une représentation de ce groupe autour de nous et, à mesure que nous récitons ou lisons les qualités positives que nous avons héritées de chacun d’eux, alors, dans un état de ferme conviction, d’appréciation et de respect, imaginons que de la lumière jaune vient de chacun d’entre eux vers nous. Nous pouvons le faire en prenant chaque personne une par une tout d’abord, ou si ce n’est pas nécessaire, nous pouvons juste passer à la seconde phase où nous les faisons s’ajouter les unes aux autres, la première avec la deuxième et la troisième par-dessus, en sorte qu’elles s’accumulent plutôt que de les imaginer une par une à la fois.

À la fin de chaque groupe, nous parvenons à intégrer tous les éléments au sein de ce groupe, disons ceux de notre famille, et de tous nos amis. Et même si nous ne parvenons pas à goûter la qualité, disons d’un ami, on peut se reporter à la qualité d’un ami que nous admirons réellement, et dont nous pourrions tirer de l’inspiration pour essayer de nous développer. Puis, après avoir parcouru chacun des groupes, nous essayons d’obtenir un sentiment cumulé de chacun de tous ces groupes. En premier, donc, celui de la famille et son influence complète. Puis, celui des arrière-plans nationaux, culturels et religieux. Ensuite, celui de nos amis et ce que nous avons étudié et appris, etc. Finalement, de façon cumulative, nous essayons de les mettre tous ensemble. Disposer de mots clés pour chacun de ces éléments rend la chose un peu plus facile car, pour la majorité d’entre nous, cela risque d’être une liste énorme.

Grâce à l’intégration de tous ces éléments, nous irradions de la lumière tout en aidant les autres. Rappelez-vous, nous démarrons l’exercice en apaisant l’esprit avec bienveillance et la compréhension du vide. À la fin, nous réaffirmons la compréhension de la vacuité ainsi que la désignation du « moi » sur l’ensemble.

C’est très complexe, comme n’importe quelle pratique de sadhana, c’est donc une chose que nous devons construire et accumuler dans le temps grâce à la pratique, petit à petit. Il est bon d’éprouver une sorte d’élan pour l’exercice tout entier, mais en se concentrant sur un aspect puis  sur un autre la fois d’après. C’est ainsi que, progressivement, nous construisons et faisons s’accumuler l’effet positif de l’exercice.

Un marchepied vers la pratique du tantra

Cela pourrait prendre un certain temps. Les gens qui sont familiers avec la pratique du tantra verront comment cela est calqué sur le modèle de la sadhana tanrique. On commence par le vide, on imagine ensuite qu’on est une figure-de-bouddha, avec souvent d’autres figures-de-bouddha autour et un mandala, figure dotée de nombreux bras, jambes, visages et tenant différents instruments qui tiennent lieu des différents types de qualités positives. Nous avons le sentiment d’être le tout intégré de la chose tout entière. Pour lors, il s’agit exactement de la même structure mais sur un mode plus accessible peut-être. Comme dans une sadhana, on imagine que de la lumière émane de nous et fait bénéficier tout le monde de toutes ces bonnes qualités. Nous irradions de la lumière et faisons des offrande aux bouddhas. Cela revient à faire montre de respect envers les sources de toutes ces qualités. À la fin de la pratique, à nouveau, nous pensons au vide, puis pour finir nous nous manifestons sous une forme plus simple, et nous terminons cette pratique de la même manière.

Donc, il se peut que ce genre de pratique soit une méthode utile qui nous est plus accessible, en utilisant certains principes qu’on trouve dans un aspect du tantra. Cependant, nous ne devrions pas penser que le tantra se résume à cela, bien que cela y ressemble et soit peut-être d’un abord plus accessible sans avoir recours à un rituel ou des choses de ce genre. C’est sans doute pour nous un marchepied pour travailler ensuite avec les méthodes tantriques, non pas un substitut mais un marchepied. La plupart d’entre nous qui venons d’un milieu occidental possèdent une façon de penser très différente ainsi qu’une approche différente de la manière bouddhique traditionnelle d’aborder le travail sur soi. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un pont entre les deux modes de pensée et d’approche du travail sur nous-mêmes, et de la façon de nous aider. Peut-être que cette méthode que nous avons présentée pendant ce week-end peut jouer le rôle de pont entre la psychologie occidentale et le tantra.

D’autre part, je soupçonne de n’avoir pas été explicite sur le fait que, si nous devions en faire une pratique quotidienne, ce que nous répéterions chaque jour soit juste l’apaisement, l’attitude bienveillante, le vide, la lecture de la liste, faire la pratique que j’ai définie, et terminer par le vide et la dédicace.

Ce que nous avons fait ici était un travail d’exploration afin de créer notre propre liste personnelle. Si vous voulez un genre de programme plus complet dans la veine du travail sur soi, alors je vous recommanderais ce programme que j’ai développé qui s’intitule Développer une sensibilité équilibrée. Ce que nous avons fait ici n’est qu’un ajout à ce programme, quelque chose en plus. Mais dans Développer une sensibilité équilibrée nous avons vingt exercices, chacun étant aussi complet que celui-ci pour ce qui est de la gestion des différents aspects qui nous aideront à nous développer le long du chemin spirituel afin d’être mieux à même d’aider les autres.

Terminons par une dédicace finale. Pensez que quelle que soit la compréhension, quelle que soit la force positive issue de cela, puissent-elles s’approfondir de plus en plus, et agir comme cause non seulement pour nous mais pour tous afin de réaliser l’illumination pour le bien de tous.

Merci. 

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