Détails à propos des dix actions destructrices

Si j’explique les choses comme je l’ai fait, est-ce que vous trouvez cette façon de faire bénéfique ? Si je demande cela, c’est parce qu’il y a de très nombreuses façons dont le Dharma peut être enseigné.

Dr. Berzin : Rimpotché demande votre réaction en retour. Est-ce une manière de vous présenter ce matériau qui vous convient ?

Si vous trouvez que c’est une bonne façon de procéder, alors je continuerai ainsi car toute la question est de vous expliquer quelque chose qui vous sera bénéfique et de faire de cette expérience un bienfait. Quel que soit le genre d’enseignement que vous entendez, et quoi que vous appreniez au sujet de ces mesures préventives, c’est quelque chose que vous écoutez d’abord, puis, sur cette base, dont vous prenez connaissance. Sachant de quoi il s’agit, vous devriez essayer de les mettre toutes en pratique – c’est ce à que nous nous engageons ici.

Simplement connaître ces mesures préventives sans les prendre à son compte, sans les mettre en pratique, n’est pas un grand accomplissement. Même si vous voulez prendre des mesures préventives et les mettre en pratique, si vous ne savez pas quelles mesures prendre, alors vous ne pouvez pas les prendre. C’est pourquoi, il est important à la fois d’apprendre et aussi de mettre les choses en pratique. Vous devez écouter les enseignements, écouter les explications de ces mesures, apprendre à leur sujet et les pratiquer. Tout ceci doit aller de pair : il s’agit d’un même processus. 

Les trois actions destructrices du corps (suite)

Rappel du fait de s’abstenir de tuer

Je vous ai expliqué maintenant ce qui est en jeu dans cette acte destructeur d’ôter la vie à n’importe quelle créature, et maintenant vous êtes au courant de ce dont il s’agit sur la base d’avoir entendu cette explication de ma part. Or, qu’avez-vous entendu ? Vous avez entendu tous les inconvénients et désavantages qu’il y a à tuer, et vous avez entendu tous les avantages et bénéfices qu’il y a à s’abstenir de prendre la vie de n’importe quelle créature. Donc, maintenant, vous savez, et maintenant que vous savez, alors mettre cela en pratique reviendrait dorénavant à faire une très forte promesse ou le vœu comme quoi : « Je n’ôterai la vie à aucune créature vivante, fût-ce celle d’un minuscule insecte. »

Se réfréner ou s’abstenir de commettre ce genre d’action destructrice reviendrait en fait à pratiquer. Mais, dans votre vie de tous les jours, vous marchez, et en marchant vous écrasez inévitablement de petits insectes sur le sol. Dans ce cas, vous le faites par accident, sans avoir une claire récognition de ce que vous faites. Il n’y a chez vous aucune motivation de sortir dehors et de piétiner ces insectes. C’est quelque chose de non intentionnel et tous les facteurs impliqués pour rendre l’action complète ne sont pas réunis. Il s’agit donc d’un cas différent.

Il y avait une fois un homme qui égorgeait les animaux et vivait à l’époque de l’arya, ou être hautement réalisé, Katyayana. Quand il rencontra Katyayana, il fit le vœu de se restreindre. Il dit : « Je ne peux arrêter de massacrer des animaux durant le jour, mais je fais le vœu de m’abstenir d’en tuer pendant la nuit. » Il fit donc ce vœu : durant le jour il continuerait de tuer mais, la nuit venue, il cesserait et ne tuerait jamais un animal après le crépuscule. Comme résultat de cela, dans sa prochaine vie, pendant la nuit, pendant le temps correspondant au temps où il s’était abstenu de tuer des animaux, tout se passait extrêmement bien. Il avait suffisamment à manger et à boire, et tout était confortable et plaisant. Mais, pendant la journée, tous les animaux alentour l’attaquaient, et la situation était absolument horrible dans la mesure où toutes les créatures sauvages et les animaux qui se trouvaient à la ronde cherchaient à lui donner des coups de corne et à l’attaquer.

Si vous prenez la situation inverse d’un homme qui tuerait la nuit et s’abstiendrait de tuer le jour, dans ce cas, tout lui serait agréable dans la journée. Il disposerait d’une grande quantité de nourriture et de boisson ; tout serait confortable et tout le monde autour de lui vivrait en harmonie. Il y avait une fois un moine qui rencontra quelqu’un qui faisait l’expérience de ce genre de situation, où tout se passait bien dans la journée, mais où le soir tous les animaux l’attaquaient. Il demanda au Bouddha quelle en était la cause et le Bouddha expliqua que c’était le résultat du fait que cette personne avait été un égorgeur d’animaux dans sa vie précédente, qu’il s’était abstenu de tuer des animaux durant la journée, mais avait massacré toutes sortes de créatures durant la nuit. 

Voler

Le type suivant d’action destructrice du corps est le vol, le fait de prendre des choses qui ne vous ont pas été données. Cela se réfère à tout objet qui ne vous appartient pas. Prendre ce qui ne vous a pas été donné inclue non seulement le vol véritable mais aussi, par exemple, le fait de ne pas payer si vous passez par un poste de péage quand vous conduisez sur une route payante. Cela revient aussi à prendre ce qui n’a pas été donné : c’est du vol.

Quant aux genres de résultat qui mûriront en termes de renaissance, alors bien sûr, comme pour les autres actions destructrices, ce sera une renaissance dans l’un des pires états en tant que créature infernale, ou fantôme avide, ou animal. Dans le cas où vous naissez à nouveau en tant qu’être humain, le résultat sera que durant cette vie vous serez extrêmement pauvre et ne posséderez rien. Ce sera le résultat correspondant à sa cause en termes de votre expérience : vous serez très pauvre. Pour ce qui est du résultat correspondant à sa cause en termes de votre comportement instinctif, alors, peu importe votre richesse, ou votre éducation, ou votre habileté, vous serez instinctivement poussé à voler. En termes de résultat dominant, vous renaîtrez dans un endroit très pauvre, où les pluies ne tombent pas au bon moment et où les choses comme la nourriture et la boisson sont très rares.

Pour servir d’exemple, l’Amérique est un pays très riche avec une abondance de nourriture et de boisson, et ce serait pour les gens d’ici la conséquence de n’avoir pas volé dans le passé. C’est pourquoi, si vous voulez continuer à renaître dans des pays riches, dans des endroits prospères, alors vous devez vous abstenir de voler, de prendre quoi que ce soit qui appartient à quelqu’un d’autre et ne vous appartient pas. Le résultat qui mûrit en conséquence du fait de s’abstenir de voler, sera que vous renaîtrez dans un endroit riche comme celui-ci. Pour ce qui serait du résultat correspondant à sa cause en termes d’expérience, vous seriez très à l’aise et auriez tout ce que vous voudriez. Le résultat dominant serait que la région où vous renaîtriez serait très prospère et riche. Vous devriez donc considérer les désavantages et les inconvénients du vol, du fait d’être un voleur, et penser aux résultats bénéfiques de s’abstenir de voler. Dès lors, si vous faites le vœu de vous réfréner et promettez de ne plus jamais voler, ce sera très constructif et il en découlera des résultats très positifs.

Le Dharma est une pratique spirituelle concernée par la prise de mesures préventives en prévision des vies futures, de votre prochaine vie et des suivantes. C’est la raison pour laquelle, par exemple, cela reviendrait à se dire : « Dans ma vie future je veux avoir une longue vie en bonne santé et, à cette fin, je prendrai la mesure préventive de m’abstenir de tuer. Dans mes vies futures, je veux être à l’aise et prospère, et donc je prendrai la mesure préventive de m’abstenir de voler, de ne jamais prendre ce qui ne m’a pas été donné. » C’est de cela qu’il est question quand on parle d’adopter les mesures préventives du Dharma.  

Comportement sexuel inapproprié

L’action destructrice suivante du corps est le comportement sexuel inapproprié. Ce qu’on entend par comportement sexuel inapproprié, c’est, par exemple, l’adultère qui consiste à avoir des relations sexuelles avec quelqu’un d’autre que votre partenaire. Le résultat qui découlerait et mûrirait de tels types d’inconduites sexuelles en termes de renaissance, serait, par exemple, de renaître comme créature inférieure dans un endroit extrêmement sale. Pour illustrer cela, vous pouvez voir tous ces insectes et ces mouches qui vivent dans des cloaques et des marais pollués de manière absolument horrible. Ce serait le résultat du mûrissement issu d’un comportement sexuel inapproprié. Le résultat correspondant à sa cause en termes de votre expérience, serait, quand vous renaissez en tant qu’être humain plus tard, que votre propre partenaire vous soit infidèle, que vous serez incapable de retenir ou de garder aucun partenaire dans le cadre d’un mariage, et que votre corps dégagera de très mauvaises odeurs. En revanche, comme résultat du fait de vous abstenir de tout comportement sexuel inapproprié, votre corps sentira très bon et sera lumineux, et vous jouirez de votre partenaire harmonieusement.

Quand nous parlons de voler, de prendre ce qui ne nous a pas été donné, rappelez-vous que dans l’analyse de ces actes il y a quatre choses qui doivent être au complet. L’accomplissement du fait de voler est de développer l’attitude ou le sentiment que ce que vous avez pris vous appartient désormais. L’accomplissement nécessaire dans le cas d’un acte de comportement sexuel inapproprié serait d’éprouver véritablement la félicité de l’orgasme.

Telles sont les trois actions destructrices du corps.

Les quatre actions destructrices de la parole

Mentir

La quatrième action destructrice nous amène à la catégorie des actions destructrices de la parole. Il en existe quatre et la première d’entre elles est de mentir. La base impliquée, au sujet de laquelle nous mentirions, est l’une des quatre choses suivantes : une chose que vous avez entendue ou vue, que vous avez rencontrée, ou que vous connaissez. Similairement, ce pourrait être les quatre opposés ou les quatre contraires de celles-ci : une chose que vous n’avez pas vue ou entendue, ou que vous n’avez pas rencontrée, ou dont vous n’avez pas fait l’expérience, ou encore une chose que vous ne connaissez pas.

La récognition impliquée doit être le contraire de ce dont vous avez fait l’expérience. Autrement dit, vous devez reconnaître que vous avez vu une chose puis que vous avez dit que vous ne l’avez pas vue, ou que vous avez entendu une chose puis que vous avez dit que vous ne l’avez pas entendue ; ou le contraire de celles-ci : reconnaître que vous n’avez pas vu une chose puis dire que vous l’avez vue pour de vrai. Ce devrait être ce genre de récognition.

Tous les types de motivation peuvent être convoqués pour mentir, et ceux-ci peuvent entrer dans les catégories du désir, de la colère ou de l’ignorance. Les mêmes motifs s’appliquent à toutes les actions destructrices ; elles peuvent venir de n’importe laquelle des trois attitudes toxiques, l’attachement, la colère ou l’ignorance.

Le facteur motivant qui déclenche votre envie de mentir serait votre habitude continuelle de mentir. En d’autres termes, si vous trompez sans cesse les autres, si vous êtes toujours en train d’affabuler des choses, alors la force de l’acte fait s’élever automatiquement votre envie de mentir, tel un menteur compulsif. Quant à l’action impliquée en faisant ce mensonge, ce pourrait être de dire quelque chose. Mais vous n’avez même pas à dire quoi que ce soit, cela pourrait être un geste de votre corps ou votre maintien, ou une quelconque indication d’un mensonge, soit verbale, soit physique. Le stade final, c’est quand l’autre personne comprend vraiment votre mensonge, que ce soit ou non au moyen de mots, d’un geste ou d’une expression. Elle le comprend et est consciente de ce que vous essayez de communiquer. Alors l’action est complète.

Quand je dis que l’autre personne comprend ce sur quoi vous avez menti, cela ne veut pas dire qu’elle comprend que vous avez menti. Cela signifie qu’elle comprend ce que vous avez dit et qu’elle vous croit, dans le sens où vous avez dit avoir vu une chose alors que vous ne l’avez pas vue, et qu’elle a compris ce que vous vouliez dire, et qu’elle comprend que vous avez vraiment vu la chose alors qu’en fait vous ne l’avez pas vue. Ce ne veut pas dire qu’elle reconnaît que vous avez menti, mais simplement que vous avez communiqué avec elle et qu’elle comprend ce que vous avez essayé de communiquer.

Maintenant dites-moi, qu’est-ce que je viens juste de dire ? Quel est le stade final d’un mensonge, comment est-il complet ?

Quand quelqu’un vous comprend, quand vous l’avez dupé ?

Qu’est ce que ça veut dire : « comprendre » ?

Si la personne comprend le sens que vous aviez l’intention de lui transmettre ?

Cela ne veut pas dire que l’autre personne comprend que vous avez menti. Cela veut simplement dire qu’elle a compris ce que vous avez dit ou le geste que vous avez fait. Si elle n’a pas compris que vous avez menti, cela implique qu’elle comprend ce que vous avez dit, ou manifesté par un geste, comme étant vrai.

Langage créateur de division

L’action destructrice suivante, la cinquième des dix, ou la deuxième des quatre actions verbales destructrices ou non vertueuses, c’est de faire usage d’un langage qui divise, de créer la discorde par vos paroles. La base concernée doit être deux groupes en harmonie mutuelle ou en désaccord réciproque ; cela peut être l’un ou l’autre de ces deux cas. Comme précédemment, l’intention doit associer à la fois une récognition des parties en présence et aussi une motivation. La récognition, par exemple, pourrait être la vue de deux personnes que vous reconnaissez comme celles entre lesquelles vous voulez causer une scission ou rupture. La motivation alors doit être l’un des deux cas suivants : si ce sont des amis, créer un fossé entre eux et en faire des ennemis, ou si ce sont des ennemis, aggraver les choses.

L’action impliquée pourrait être de dire quelque chose, le simple fait de dire une chose quelle qu’elle soit, peu importe qu’elle soit vraie ou non. Que vous en ayez entendu parler ou non, importe peu ; mais de dire une chose qui fera que les personnes se séparent, ou si elles le sont déjà, de faire en sorte que la rupture soit plus profonde. Le stade final se produit quand les parties comprennent ce que vous avez dit, les mots que vous avez dits, lesquels leur feraient perdre toute espèce d’harmonie entre elles – tel est le stade final de l’action. À nouveau, ça ne veut pas dire qu’elles comprennent que vous avez dit cela simplement pour créer la discorde entre elles.

En ce qui concerne l’action impliquée, en plus de votre déclaration utilisant un langage clivant, cela doit associer au moins deux camps, différents de vous, que vous êtes en train de faire se diviser. Cela pourrait être n’importe quel groupe au-delà de deux personnes, cela pourrait être, par exemple, essayer de créer une division au sein d’un pays tout entier, ou de toute une région, en sorte que tout le monde soit en disharmonie.

Paroles brutales et injurieuses

Le type d’acte destructeur suivant est le sixième des dix, ou, parmi les quatre de la parole, le troisième des quatre, et consiste à se servir d’un langage brutal (rude, dur) et injurieux. Le groupe concerné par votre langage brutal et injurieux serait n’importe quel individu, ou être, autre que vous-même – un ennemi, un ami, ou un proche – qui dans le passé ou le présent ou le futur pourrait vous causer, à vous ou à quelqu’un d’autre, du tort, et qui simplement vous dérange. La motivation et la récognition impliquées sont similaires à celles des précédentes actions destructrices, et l’intention associée serait de dire ou de crier quelque chose de violent et de rude après cette personne ou créature.

Puis, la vraie action impliquée serait de crier quelque chose ou de dire quelque chose de rude et d’injurieux, que ce soit vrai ou non, par rapport à la classe sociale de l’autre personne, ou quelque chose à propos de leur richesse ou de leur corps physique, ou au sujet de leur moralité, peu importe : de dire quelque chose de dur et de cruel sur un de leurs aspects.

En ce qui concerne la première de ces choses, appeler quelqu’un par un vilain nom en ce qui concerne sa caste ou sa position sociale, ça pourrait être, en français par exemple, de dire de quelqu’un qu’il est un bâtard, quelque chose de ce genre. En Inde, un eunuque travesti qui bat du tambour lors de certains festivals, ou un balayeur ou un concierge appartiennent à une très basse caste ; aussi, traiter quelqu’un de balayeur ou de concierge est très mal vécu. Ou, au Tibet par exemple, quelqu’un qui est maréchal ferrant ou qui égorge des animaux, ou qui est fossoyeur, qui prend en charge les cadavres des morts, ces gens font partie d’une caste très basse. Ça reviendrait donc à traiter quelqu’un par l’un de ces noms, comme d’appeler quelqu’un un bâtard.

En ce qui concerne l’aspect physique, ce serait de traiter quelqu’un d’infirme, ou de dire « tu es aveugle », ou « tu es sourd », ou « tu es laid », ce genre de chose, en rapport avec sa condition physique. Pareillement, vous pouvez injurier quelqu’un en référence à son comportement, comme de le traiter, d’idiot, d’âne, ou de chien, ou de cette sorte de nom. En somme, il s’agit de n’importe quel type d’injure que vous adressez à quelqu’un. Et le stade final serait que l’autre personne comprenne ce que vous avez dit.

Le bavardage

L’action destructrice suivante est la septième des dix, ou la quatrième des quatre actes destructeurs de la parole, et elle consiste à s’engager dans le bavardage oiseux. La base doit être de parler de quelque chose de complètement insignifiant et trivial. Vous devez reconnaître et considérer que cette chose insignifiante dont vous parlez est insignifiante. La motivation doit être le souhait de véritablement dire ces choses futiles et banales, et de les exprimer. L’action serait d’exprimer véritablement à haute voix ces choses futiles insignifiantes. Le stade final ne requiert pas vraiment quelqu’un d’autre pour comprendre ce que vous dites, mais juste de les exprimer vous-même. Les marmonner pour vous-même suffit pour que l’action soit complète.

Dois-je comprendre que cela inclut, par exemple, la pensée discursive alors que vous êtes en train de méditer ?

Non. Exprimer à haute voix des pensées discursives pendant la méditation, comme quand vous cherchez à trouver le « moi », et si le « moi » se trouve dans votre tête ou votre pied, ce genre de chose n’est pas du bavardage. Dans le bavardage, la base impliquée doit être une chose complètement insignifiante et triviale. Même le fait d’exprimer des pensées discursives à haute voix au cours de la méditation n’est pas du bavardage, car le processus de méditation n’est pas insignifiant et stupide, même si les pensées discursives en jeu sont stupides et d’insignifiantes.

Voulez-vous dire des choses comme des pensées hasardeuses qui peuvent surgir pendant la méditation ?

Dr. Berzin : Je voulais parler de pensées hasardeuses.

Ce que je considère comme du bavardage quand je trouve mon esprit en train de vagabonder ?

Dr. Berzin : Quoi, par exemple ?

Tout ce qui surgit. Comme de se demander ce qu’on va faire après la méditation.

Dr. Berzin : Se le dire à voix haute ?

Non. Juste y penser.

Dr. Berzin : En fait, penser à une chose n’est pas une action de la parole, mais je vais demander à Rimpotché si le bavardage doit se faire à haute voix. 

Serkong Rimpotché : Tout d’abord cela doit être exprimé à haute voix pour que ce soit considéré comme du bavardage futile ; le bavardage mental est quelque chose d’autre. Ce dont on discute ici c’est d’un véritable acte verbal et, en ce domaine, ce doit être quelque chose de complètement insignifiant et stupide. Si vous êtes en train de méditer et que vous avez faim et que vous dites à haute voix : « J’ai faim. Qu’est-ce que je vais me faire à manger pour le déjeuner ? » Il ne s’agit pas là de bavardage car cela a un sens. En revanche, dire quelque chose de complètement stupide et d’insignifiant, une chose sans raison, le serait.

Les trois actions destructrices de l’esprit

La convoitise

La suivante est la huitième des actions destructrices. Avec elle commence les trois actions destructrices de l’esprit, la première étant de nourrir des pensées de convoitise, des pensées qui désirent des choses appartenant à d’autres. La base pour cet acte serait la richesse ou les possessions de quelqu’un d’autre. La motivation associée requiert une récognition de ce que vous convoitez et voulez pour vous-même. Par exemple, en voyant la maison de quelqu’un d’autre, la maison serait l’objet concerné, et la pensée : « Oh, j’aimerais l’avoir » serait la récognition impliquée, en reconnaissant exactement ce que vous convoitez. La motivation en jeu est cette envie continuelle de vouloir, vouloir, vouloir, en convoitant des choses. La véritable action impliquée est la pensée de vouloir avoir cette chose et de décider de faire ce qu’il faut afin d’obtenir cette chose que vous convoitez. L’action est donc de penser que vous allez faire en sorte de l’obtenir, et le stade final serait de prendre véritablement la décision que vous allez essayer d’obtenir cette chose que vous convoitez.

Penser de façon malveillante

L’action destructrice suivante de l’esprit consiste à avoir des pensées malveillantes ou rancunières envers les autres. La base est similaire à celle de se servir d’un langage cruel et dur. Ce pourrait être, par exemple, un ennemi ou quelqu’un que vous n’aimez pas, qui vous a fait du tort dans le passé, ou actuellement, ou qui pourrait vous blesser dans le futur. De même, ce pourrait être un ami ou un proche, qui a fait quelque chose de mal ou qui vous a dérangé dans le passé, ou qui le fait présentement, ou pourrait le faire dans le futur. Donc, n’importe quelle sorte de personne pourrait faire l’objet d’une pensée malveillante. La motivation associée, l’intention, serait de penser à cette personne, et de souhaiter l’écraser ou la frapper, ou lui faire quelque chose de méchant. La pensée motivante serait de penser agir avec continuité, comme de sortir dehors pour véritablement écraser la personne. Puis l’acte impliqué serait de penser vraiment à sortir et de mettre à exécution votre pensée malveillante, et non seulement d’avoir la pensée de faire du mal à cette personne, mais de véritablement vous efforcer de la mettre en pratique, et de le faire pour de vrai. Le stade final est, par exemple, quand vous prenez réellement la ferme décision : « Je vais me saisir de ce grand bâton là-bas et je vais donner un coup à quelqu’un avec ce bâton. » C’est quand vous prenez la ferme décision de le faire que la pensée malveillante est complète.  

Penser de façon erronée avec un esprit de contradiction

Quant à penser de manière erronée avec un esprit de contradiction, la base impliquée doit être cette sorte d’état d’esprit. La récognition serait de croire que ce qui est faux est vrai ; et la motivation ou l’intention celle de nier que cela est vrai. L’action serait de penser à dire aux autres ce que vous pensez, par exemple, qu’il n’y a pas de vies futures alors que c’est le cas : il y a des vies futures, ou qu’il n’existe pas une chose telle que la relation de cause à effet, ou que le bonheur ne découle pas d’actes positifs et constructifs. Le stade final est quand vous décidez délibérément de répandre vos croyances erronées.

Résumé

Il est très important de connaître ces choses ; non seulement de connaître ces diverses actions destructrices, mais de mettre ces enseignements en pratique pour de vrai en s’abstenant d’agir de façon destructrice. C’est réellement le point le plus important dont nous puissions parler. Quand le grand Atisha fut invité au Tibet, le roi qui l’avait invité lui dit : « S’il vous plaît, parlez-nous du karma, des lois du comportement et de ses résultats. Ne nous parlez pas immédiatement des pratiques élevées du tantra. » Quand Atisha entendit cette requête, il en fut très heureux.

Les divers enseignements sur le lojong, qui est l’entraînement ou la purification de nos attitudes, ainsi que les divers enseignements sur le mahamudra, qui est le grand sceau de la réalité – tous incluent ces points sur le karma, le comportement et ses résultats, en tant que préliminaires. Il n’y a pas de manière correcte d’aborder ces enseignements sans comprendre ces points, dans la mesure où ils servent de toile de fond et de contexte.

Revenons maintenant au point d’où cette discussion est partie, à la question originelle : qu’est-ce que le Dharma, qu’est-ce qu’une mesure préventive ou pratique spirituelle ? Au premier niveau, une pratique spirituelle du Dharma implique de prendre des mesures préventives afin d’éviter d’avoir une renaissance particulièrement horrible. En d’autres termes, cela consiste à travailler à vos vies futures. C’est pourquoi, quand vous examinez votre comportement et réfléchissez à ce que sera le résultat d’un tel comportement dans les vies futures, et que vous vous abstenez de commettre des actes destructeurs qui feraient que vos vies futures soient misérables et horribles, dès lors il s’agit d’une pratique spirituelle du Dharma.

Les quatre lois du karma

Par exemple, vous pourriez être très ignorant et penser que de faire un sacrifice sanglant, de sacrifier un animal, va vous apporter le bonheur dans le futur. Les gens qui font de telles choses se méprennent, car, en agissant de manière destructrice en tuant d’autres créatures, il n’y a aucun moyen pour que les choses qui en résulteront dans le futur aillent bien pour eux. Le seul résultat qui puisse découler de tuer un animal au cours d’un sacrifice sanglant est le malheur et la souffrance. Telle est la première loi du karma, à savoir que si vous faites l’expérience du malheur, c’est définitivement le résultat d’actions destructrices commises préalablement. 

L’aspect suivant des lois du comportement et de ses résultats est le facteur d’accroissement. On peut comprendre cela à un niveau externe : si vous plantez un noyau de pêche ce qui en sortira sera un grand pêcher ; si vous plantez un petit pépin de pomme, le pommier qui en sortira sera très grand. Pareillement, si vous plantez une petite action positive comme cause, les résultats qui s’ensuivront, comme le bonheur, peuvent être immenses et inépuisables.

Par exemple, si vous avez véritablement une pensée particulièrement juste et positive et faites une prosternation de tout votre long avec cette intention extrêmement positive, alors vous pouvez accumuler le potentiel pour renaître en tant qu’empereur cosmique autant de fois qu’il y a de particules de terre sous votre corps étendu. La même chose est vraie pour ce qui est d’agir de manière destructrice : les problèmes et les souffrances qui découlent même d’une petite action destructrice peuvent être très grands. Il y a l’exemple de quelqu’un qui a insulté un moine en disant : « Votre est voix est pareille à celle d’un chien », en conséquence cette personne a repris naissance en tant que chien cinq cents fois. Il y a donc un grand danger à se servir d’un langage injurieux et à crier après quelqu’un. Si vous criez après quelqu’un et le traitez de chien, cela n’a pas le pouvoir de changer cette personne en chien, mais il y a un grand danger à ce que vous-même renaissiez en tant que chien.

Parmi les disciples directs du Bouddha, celui qui était réputé comme ayant la plus grande sagesse était Shariputra. De tous les disciples, il possédait la plus grande clarté d’esprit et de discrimination. La raison en est que dans une vie antérieure il avait été un porteur de courrier, un facteur. Une fois, tandis qu’il voyageait sur la route délivrant des messages et des lettres, il s’arrêta pour la nuit dans un vieux temple abandonné. Dans ce temple, il y avait de nombreuses peintures murales avec de nombreuses scènes représentant le corps, la parole et l’esprit des bouddhas. Cette nuit-là, alors que Shariputra se trouvait dans le temple, il alluma une lampe pour arranger ses chaussures, et cette lampe éclaira toutes les peintures montrant les qualités du Bouddha. Pour avoir rendu visibles et éclairé ces peintures, il acquit la plus grande clarté d’esprit et la plus grande faculté de discrimination. Aussi, dans toute pièce que vous pourriez avoir où se trouvent des images d’êtres illuminés, des bouddhas, etc., si vous les éclairez et faites des offrandes de chandelles ainsi que l’offrande d’allumer une lumière et de les éclairer avec des lampes électriques, les bénéfices sont très grands. Bien entendu, vous devez faire très attention et preuve de bon sens, car quand vous offrez des bougies ou que vous allumez des bâtons d’encens, il y a un risque que vous mettiez le feu à la maison. Vous devez faire attention à la manière dont vous offrez ces choses.

Quant à la troisième loi du karma, parmi les disciples anciens du Bouddha, il y avait un groupe de seize, appelés parfois les seize arhats, dont l’un avait pour nom Kanakavatsa. Dans une vie antérieure, cette personne avait vécu à l’époque du premier bouddha de cette ère. Ce bouddha avait coutume de monter un éléphant magnifique pour se déplacer, et cette personne fit l’offrande à l’éléphant d’un parement en feuille d’or avec une grande foi et un grand respect. En conséquence, quand il prit renaissance dans un foyer à l’époque du Bouddha Shakyamuni, un éléphant doré dont les fientes étaient d’or pur se rendit également dans ce foyer au même moment. Le roi du pays où il était né, le puissant roi Ajatashatru, ordonna qu’on amène ce magnifique éléphant doré au palais. Cependant chaque fois que les intendants essayaient d’emmener l’éléphant de cette maison pour l’amener dans les quartiers du roi, l’éléphant disparaissait dans le sol et réapparaissait miraculeusement dans cette maison. Ils essayèrent d’enlever l’éléphant trois fois, mais à chaque fois l’éléphant disparaissait et réapparaissait dans cette maison, et cela était dû au fait que le roi n’avait accumulé aucun potentiel positif pour s’approprier cet éléphant, alors que cet enfant dans ce foyer l’avait fait. Ceci montre, dans le cas où vous n’avez pas accumulé le potentiel pour une certaine action, que vous ne ferez pas l’expérience de ses résultats.

Quant à la quatrième loi, si vous avez commis une action, le potentiel ne sera jamais en vain ou perdu, mais mûrira en fait comme pour cet enfant qui avait accumulé le potentiel d’avoir un éléphant d’or. Le jeune homme quitta finalement la vie de famille pour prendre l’habit de moine auprès du Bouddha, et le Bouddha lui dit : « Désormais, nul besoin pour toi d’avoir cet éléphant d’or », et, par son propre pouvoir, l’éléphant d’or disparut. Cet homme travailla très dur et réalisa l’état d’un arhat, un être libéré, et fut connu comme l’ancien, l’arhat Kanakavatsa.

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