Développer un objectif de bodhichitta

Révision

Mettons en place la motivation correcte pour écouter ces enseignements, à savoir un cœur voué à la bodhichitta, c’est-à-dire dédié à venir en aide aux autres et à réaliser l’illumination afin d’être capables de les aider. Ces enseignements ont été présentés dans la perspective des trois niveaux de motivation. Au niveau initial, le point principal que le Bouddha a indiqué est que nous devons suivre la stricte autodiscipline éthique consistant à éviter les dix sortes d’actes destructeurs et à toujours essayer d’être constructifs par tous les moyens. Nous faisons cela afin d’éviter une renaissance dans un des pires états. Au deuxième niveau, nous considérons l’autodiscipline éthique de garder les diverses séries de contraintes d’engagement, ou vœux, en vue de la libération individuelle – c’est-à-dire les vœux de pratimoksha. Nous préservons cette autodiscipline éthique supérieure afin qu’elle serve de base pour développer l’entraînement à la conscience discriminante supérieure. Après tout, nous comprenons que pour développer une conscience discriminante supérieure, nous avons besoin de l’entraînement à la concentration d’absorption supérieure, or le fondement ou racine pour cette concentration d’absorption supérieure est l’entraînement à l’autodiscipline éthique supérieure. C’est pourquoi, préserver l’autodiscipline éthique d’une série de vœux de pratimoksha constitue l’essence de la pratique à ce niveau intermédiaire. 

Enfin, au troisième niveau, ou niveau avancé, nous devons réfléchir au fait que nous ne sommes pas les seuls dans la situation de vouloir être heureux et de ne pas vouloir souffrir, mais également tous les autres, lesquels se trouvent dans la même situation. C’est pourquoi il ne suffit pas juste de nous libérer seuls de nos problèmes. Nous devons travailler à aider tous les autres à se sortir de leurs problèmes aussi bien. Pour ce faire, nous devons réaliser un état d’illumination. En conséquence, nous développons un cœur dédié à la bodhichitta grâce auquel nous nous consacrons aux autres et à la réalisation de l’illumination afin de leur être bénéfique, de les soulager de tous leurs problèmes et de toutes leurs souffrances le plus possible. Telle est l’essence de la pratique du niveau avancé.

Les deux stades d’un cœur dédié à la bodhichitta

En termes de sa nature, il y a deux stades d’un cœur dédié à la bodhichitta : la bodhichitta d’aspiration et la bodhichitta d’engagement. Le simple souhait ou aspiration à être capable de réaliser l’illumination pour être en mesure d’aider tout le monde est connu comme un « cœur dédié d’aspiration » (bodhichitta de souhait). Quand on s’engage véritablement dans les pratiques qui nous mèneront à ce but, on parle « d’un cœur dédié d’engagement » (bodhichitta d’implication).

Il existe deux façons de s’entraîner et de travailler afin d’être capables de dédier nos cœurs purement au stade d’aspiration. Ce sont : (1) l’enseignement quintessentiel en sept points sur la cause et l’effet et (2) l’égalisation et l’échange de nos attitudes entre nous et les autres.

L’enseignement quintessentiel en sept points sur la cause et l’effet en vue de développer un cœur dédié d’aspiration

En ce qui concerne l’enseignement quintessentiel en sept points sur la cause et l’effet en vue de développer un cœur dédié à la bodhichitta, celui-ci place la compassion au centre et considère les résultats qui en découleront ainsi que les causes pour être en mesure de le générer. Avant de pouvoir engendrer la grande compassion, nous avons besoin de l’amour chaleureux – le genre d’amour, ou souhait, que les autres soient heureux, grâce auquel automatiquement nous nous sentons proches et chérissons tout le monde, sommes sincèrement concernés par leur bien-être, et nous sentirions tristes si quelque chose de mal leur arrivait.

Quant à la manière de développer cet amour chaleureux, ce n’est pas une chose pour laquelle nous devons faire une pratique séparée. Il s’élève automatiquement une fois que nous possédons les trois attitudes que nous développons au préalable. Il s’agit de (1) reconnaître que tout le monde a été notre mère, (2) de se rappeler la bonté de l’amour maternel, et (3) d’éprouver de la gratitude pour cette bonté et souhaiter la payer en retour.

Tous ces états d’esprit positifs découlent de notre entraînement à être conscients du fait que tout le monde, à un moment ou à un autre, a été notre mère. Quand on y réfléchit, la personne qui nous a aidé le plus, parmi tous nos amis, est, en fait, notre mère. Quand nous étions de tout petits enfants, nous ne valions pas mieux qu’un jeune animal. Nous n’avions aucune capacité à prendre soin de nous. Nous ne savions pas marcher et n’avions aucune dent. Nous étions complètement nus. Le fait que nous ayons survécu à cet état désespéré est entièrement dû à la bonté de notre mère qui a pris soin de nous. Et donc, pour quelqu’un qui nous a tant aidé, il nous incombe d’essayer de nous souvenir de sa bonté. Par exemple, si nous sommes mortellement malades et qu’un médecin très compétent vienne et nous donne un traitement spécial qui nous guérisse et nous sauve la vie, nous serions extrêmement heureux et reconnaissants. Si nous pensons ainsi, alors, quand nous étions des nourrissons, notre mère n’a cessé de nous sauver la vie. 

Bien que quelqu’un ait été très bon avec nous et que nous souhaitions lui rendre la pareille, si on se contente de le faire juste en donnant à cette personne nourriture et boisson, ou de l’argent ou des biens, bien que ce soit là une certaine manière de la rembourser pour sa bonté, ce n’est pas une très bonne façon de faire. Les gens ont pris renaissance un nombre incalculable de fois, et au cours de ces diverses périodes ils ont sans aucun doute été extrêmement aisés et dans des situations très prospères, et cela ne leur a été d’aucun secours. Mais si nous pouvions surmonter et résoudre tous nos problèmes personnels et nous en délivrer complètement, puis atteindre notre plein potentiel et devenir un bouddha illuminé, nous aurions alors la capacité d’aider notre mère à se sortir de toutes ses souffrances et problèmes récurrents incontrôlables. Ce serait une manière réellement sensée de la rembourser de sa bonté. 

La manière de démarrer ce raisonnement qui mène à vouer notre cœur à la bodhichitta consiste à se souvenir de notre propre mère et de sa bonté envers nous. Nous essayons de nous rappeler toutes les bonnes choses qu’elle a faites pour nous au cours des années, puis nous pensons que non seulement elle a été tellement bonne à notre égard dans cette vie, mais également dans des vies passées sans nombre. Ensuite, nous élargissons, par paliers, la portée de cette façon de penser. Nous pensons à notre père et comment lui aussi a été notre mère dans quelque vie antérieure. Puis nous élargissons cela encore plus et finalement pensons à nos ennemis tout aussi bien. Nous pensons aux gens que nous détestons : eux aussi, en fait, ont été nos mères dans des vies passées, et ont été très bons envers nous. Nous élargissons cela finalement de telle sorte que nous pouvons penser à tous les êtres limités comme ayant été nos mères et très bons envers nous dans le passé. 

Développer l’équanimité

Il est extrêmement difficile d’édifier une « conscience de la mère » en tant qu’habitude bénéfique de l’esprit. La raison en est que nous manquons d’équanimité. Nous avons divers amis et des gens dont nous nous sommes entichés et auxquels nous sommes attachés. Nous éprouvons un sentiment très fort, mêlé d’attachement, envers eux. Il y en a d’autres qui nous ennuie et que nous ne pouvons pas supporter. Nous les considérons comme nos ennemis, ressentons une grande hostilité à leur égard et sommes rebutés par eux. Agissant ainsi, nous n’avons pas d’équanimité envers chacun d’entre eux. Le genre d’équanimité dont nous parlons ici dans ce contexte est l’équanimité grâce à laquelle nous dépassons et cessons toute pensée d’attraction et de répulsion. Si nous pouvons développer au mieux cette sorte d’équanimité et de façon très sincère, alors toutes les autres attitudes qui en découlent viendront plus facilement.

La manière de développer ce type d’équanimité consiste à imaginer trois personnes en face de nous : tout d’abord quelqu’un qui nous a été d’une grande aide, ensuite une personne qui nous a blessé très profondément, puis une troisième personne qui ne nous a ni aidé ni fait du tort, une personne totalement étrangère. Nous pensons à ces trois sortes de personnes et regardons les attitudes et les sentiments qui surgissent quand nous pensons à chacune d’entre elles. Envers la personne qui nous a beaucoup aidé, le genre d’attitude qui s’élève est que nous nous sentons attiré et attaché, et souhaitons l’aider en retour. La raison pour laquelle nous avons ces puissants sentiments positifs envers cette personne, les sentiments d’attirance, est simplement dû au fait que celle-ci a été bonne avec nous et nous a aidé. Mais ce n’est pas du tout une raison stable. Bien qu’elle ait pu nous aider, et c’est pour cette raison que nous la considérons comme amie et y sommes attaché, néanmoins il est fort possible qu’elle puisse également nous faire du mal et nous causer de grandes douleurs. Il n’est donc pas du tout certain que cette personne nous aidera toujours.

En outre, quand on examine l’état mental d’être attiré par et attaché à quelqu’un, il s’agit d’un état d’engouement. Ce désir qui consiste à s’éprendre de quelqu’un surestime la personne. C’est un état d’esprit très perturbé. Du fait qu’il s’agit d’une émotion perturbatrice, cela nous conduit dans un des pires états de renaissance, il y a donc en fait de nombreux désavantages à être excessivement infatué de quelqu’un. En y réfléchissant, nous essaierions alors de mettre un terme à notre attachement. Par exemple, il y a certains types d’esprits cannibales mâles et femelles qui sont comme des sirènes dans le sens où ils apparaissent sous des formes très plaisantes et séduisantes. Ils peuvent s’émaner sous toutes sortes de formes miraculeuses. Ils piègent les gens en les forçant à s’enticher d’eux et être attirés par eux, puis, une fois que les gens sont près d’eux, ils retournent à leurs véritables formes et les engloutissent. Si nous sommes très entichés de quelqu’un qui semble à ce point séduisant, nous devons penser à l’exemple des hommes et des femmes sirènes, et à la manière dont de tels êtres peuvent juste nous engloutir. De cette façon, nous pouvons essayer de bloquer notre engouement et notre attachement. 

Si nous considérons la personne que nous ne pouvons pas supporter, la raison pour laquelle nous nous sentons si hostile et rebuté est peut-être parce que cette personne nous a blessé d’une manière ou d’une autre. Mais, nous devons essayer de nous débarrasser de ce sentiment en pensant qu’il ne s’ensuivra pas nécessairement que cette personne nous blessera toujours. Il est fort possible qu’elle puisse nous aider beaucoup dans le futur. Par ailleurs, nous devons considérer comment, en dépendance de cette personne, il se pourrait que nous soyons en mesure de surmonter colère et hostilité, et de développer tolérance et patience. En fait, nous pourrions être capables de parfaire l’attitude de longue portée de la patience et, par ce moyen, être capable d’être totalement lucides et pleinement évolué tel un bouddha. Donc, en réalité, cette personne est très bonne en nous donnant l’opportunité de parfaire cette attitude de grande envergure qu’est la patience. 

En outre, si, face à quelqu’un qui nous met en colère, nous pouvons demeurer placide et lui venir en aide, ce serait réellement une grande forme de pratique spirituelle. Mais si nous nous mettons toujours en colère, notre colère et notre haine nous enverront dans un des pires états de renaissance. D’un autre côté, si nous pouvons surmonter et éliminer haine et colère, il n’y a alors aucune raison d’avoir à renaître dans l’un des pires états.

Il se pourrait que des gens émettent ici certaines réserves et se posent des questions. Dans les royaumes divins, il n’existe pas de choses telles que la colère et la haine. Si tel est le cas, si les dieux ne se mettent jamais en colère, comment se fait-il qu’ils puissent renaître dans les pires états de renaissance ? N’y a-t-il pas là une contradiction, car quand on examine les étapes de la pratique, quand notre colère diminue et que nous atteignons le stade de pratique appelé le stade de la patience, parvenus à ce point, du fait que nous n’éprouvons plus aucune espèce de colère, nous ne renaissons jamais dans l’un des pires états. Que se passe-t-il alors ici ? Quelle est la différence ici entre réaliser l’état d’esprit de la patience et, en conséquence, ne jamais renaître dans un des royaumes inférieurs, et le fait que les dieux n’éprouvent aucune colère ?

La réponse est que, dans le cas des dieux, c’est juste que dans leur état particulier de renaissance, ils n’éprouvent plus de colère ou de haine manifestes, mais ils ne les ont pas complètement éliminées. Elles peuvent surgir à nouveau et donc les dieux peuvent renaître une fois de plus dans l’un des royaumes inférieurs.

Si nous avons une profonde hostilité, colère et haine envers ceux qui nous provoquent et nous font du mal, nous devons réfléchir à la manière dont, en agissant ainsi, nous ne sommes en rien différents d’un scorpion ou d’un serpent. Avec ces créatures, pour qu’elles attaquent immédiatement, tout ce qu’il suffit de faire c’est de les exciter avec un bâton. Si nous sommes prompts à nous irriter et à mordre en retour, alors nous ne sommes nullement différents d’un scorpion ou d’un serpent. De cette façon, nous apprenons à contrôler et à surmonter le fait de nous mettre autant en colère.

Quand nous considérons la troisième personne, celle qui nous est complètement étrangère, qui ne nous a ni aidé ni fait du mal en aucune façon, le sentiment que nous développons est celui de ne pas nous soucier réellement d’elle. Nous ne souhaitons ni l’aider ni faire un détour pour lui causer du tort ; nous ressentons juste l’envie de l’ignorer et de la laisser dans son coin. Cette attitude, également ne conviendra pas car en fait il est fort possible que cette personne puisse très bien nous aider grandement dans le futur. C’est juste une question de temps. Et donc, il n’est ni correct ni honnête de rester totalement indifférent à quelqu’un de ce genre.

En pensant de la sorte, nous développons un sentiment d’équanimité envers tous les êtres. Qu’ils soient amis, ennemis ou étrangers, nous aurons envers eux le même sentiment de souhaiter qu’ils soient heureux et qu’ils n’aient aucun problème ni souffrances. Nous développerons un état d’équanimité grâce auquel nous n’éprouverons plus de sentiments de fort attachement ou d’engouement, d’hostilité ou de colère, ou d’indifférence.

La manière de démarrer cette pratique est d’abord d’essayer d’éliminer les sentiments d’engouement à l’égard de ceux qui nous ont aidés et d’hostilité envers ceux qui nous ont fait du mal. Nous essayons d’avoir une attitude égale, non perturbée, envers tout le monde, comme celle que nous aurions envers quelqu’un qui ne nous a jamais fait de bien ni causé du tort. Puis, nous travaillons à dépasser les sentiments d’indifférence envers tous.

Les étapes suivantes de l’enseignement quintessentiel en sept points sur la cause et l’effet

Ce qui vient ensuite, alors, c’est de devenir conscients que tous les êtres ont été nos mères, en nous rappelant la bonté de leur amour maternel, puis de développer à leur égard un sentiment sincère de gratitude et de souhaiter les payer en retour pour leur bonté. Si nous incluons l’équanimité ici, alors cela fait quatre points. Si nous ne l’incluons pas et commençons juste à compter à partir de la « conscience de la mère », alors cela fait trois, mais cela ne fait aucune différence.

Une fois développées ces trois ou quatre attitudes reposant successivement les unes sur les autres, ce qui en découle c’est d’avoir un amour chaleureux envers tous. C’est une chose qu’on développe sans pratiques additionnelles supplémentaires. C’est une chose qui s’élèvera indirectement et automatiquement comme résultat de notre entraînement préalable.

Le point suivant est de développer la compassion grâce à laquelle nous souhaitons que tout le monde soit libéré de ses problèmes et difficultés. Nous devons développer un état d’esprit compatissant qui soit complètement sincère et en aucune façon simulé. Développer pareille compassion est extrêmement important ; c’est la base pour être en mesure de nous purifier totalement et réaliser l’état de croissance le plus haut. C’est la racine et le fondement pour tous les véhicules de l’esprit, il est donc extrêmement important de nous entraîner à avoir une telle compassion.

Le grand maître indien Aryashura a dit : « Tous les êtres errants sont liés par leurs émotions et attitudes perturbatrices. Mais vous, le Bouddha, avez le souhait de tous les en libérer. En fait, vous avez liés tous les êtres avec votre compassion. » Il formula ensuite la question : « Devant qui devrais-je d’abord me prosterner : la compassion dans le courant de conscience du Bouddha ou devant vous, Ô Bouddha ? » Dans le verset de salutation de son Supplément (aux « versets racines de Nagarjuna sur la Voie du Milieu »), le grand Chandrakirti répondit à cette question. Dans ce texte, il dit : « Je me prosterne d’abord devant la grande compassion, puisque c’est la racine de toutes les choses constructives et positives des trois véhicules de l’esprit dans leur totalité. » C’est pourquoi nous devons écouter et très bien étudier les textes concernant le sujet traitant de la compassion, et essayer de pratiquer en conséquence.

Telle est la tradition de l’enseignement quintessentiel en sept points sur la cause et l’effet – six de ces points concernent la cause, tandis que le point final, un cœur dédié à la bodhichitta, constitue l’effet ou résultat.

Les étapes initiales de l’égalisation et de l’échange de nos attitudes à propos de nous et des autres

La seconde tradition pour développer un cœur dédié à la bodhichitta consiste à égaliser et échanger nos attitudes à notre sujet et au sujet d’autrui. Cette méthode commence par le développement du même état d’équanimité – ou conscience des autres comme ayant été nos mères– en nous souvenant de leur bonté, et en ressentant de la gratitude et le souhait de les payer en retour pour cette même bonté que nous avons reçue auparavant. Toutes ces étapes jusqu’à celle de l’amour chaleureux sont exactement les mêmes, hormis le fait qu’il existe une façon spéciale de se rappeler la bonté d’autrui dans cette dernière tradition.

Dans la première tradition, on se rappelle la bonté des autres dans la perspective d’avoir été nos mères. Ici, on se souvient de la bonté des autres même quand ils n’ont pas été nos mères car, en fait, il n’y a personne qui soit aussi bon à notre égard qu’autrui. On pense à la manière dont nous sommes totalement dépendants de la bonté des autres êtres en rapport avec les diverses choses dont nous jouissons. Par exemple, quand il fait froid et que nous portons d’agréables chandails en laine, d’où vient cette laine ? Elle est venue d’un mouton. Sans mouton, nous n’aurions pas de laine. C’est la même chose, par exemple, quand nous sommes malades et très faibles et que nous mangeons de la viande, cette viande vient de la chair d’animaux. Elle vient de la bonté des animaux. De même, quand nous prenons plaisir à manger du miel, cela provient du travail d’un grand nombre d’abeilles : voler à la ronde et recueillir du nectar représente beaucoup de travail. Nous sommes très dépendants du travail de ces petites créatures. C’est la même chose pour toutes les autres sortes de produits animaux dont nous profitons – le lait et tout le reste.

En pensant ainsi, nous deviendrons plus conscients de combien bonnes ont été à notre égard toutes les créatures autour de nous. En fait, il n’y a rien dont la bonté égale celle-là. Pensez à un ennemi, quelqu’un que nous ne pouvons pas supporter. Cette personne nous donne l’opportunité de développer patience et tolérance. En développant pareilles attitudes de grande envergure comme la patience et la tolérance, nous pouvons devenir totalement lucide et pleinement évolué ainsi qu’un bouddha illuminé. Donc, en fait, cette personne que nous ne pouvons pas supporter et que nous considérons comme notre ennemie est extrêmement bonne de nous offrir pareilles grandes opportunités de nous développer.

Afin de développer patience et tolérance, nous avons besoin d’avoir quelqu’un qui nous tourmente, quelqu’un que nous ne pouvons pas supporter. C’est seulement envers une telle personne que nous pouvons alors développer la patience. La patience n’est pas quelque chose que nous développons envers les bouddhas ou les bodhisattvas ; nous la développons seulement envers un ennemi, quelqu’un que nous détestons. C’est pourquoi, de telles personnes sont très bonnes de nous offrir cette opportunité de nous développer et d’atteindre l’illumination. Voyez ma propre situation en tant que réfugié tibétain. Nous avons perdu notre pays, lequel est aux mains de gens que nous considérons comme nos ennemis. À la suite de cela, nous nous sommes aventurés dans cette partie du monde. Nous sommes capables de voyager et de voir de grands pays comme celui-ci et de vous rencontrer, vous tous. Tout ceci est dû à la bonté de nos ennemis nationaux.

Donc si nous pensons de la sorte, alors quand nous considérons tout ce que les êtres limités ont fait pour nous, nous réalisons qu’ils ont été extrêmement bons. Quand nous comparons la bonté de tous les êtres limités avec les bontés des bouddhas eux-mêmes, les uns comme les autres, tous sont, en fait, également bons. C’est une chose qui a été attestée par le grand Shantideva. En pensant de la sorte, nous développons un état d’esprit grâce auquel nous chérissons les autres et serions très contrariés si quelque chose de mal leur arrivait. C’est ce qui est connu comme « l’amour chaleureux », l’attitude de chérir les autres et de se sentir bouleversé si quelque chose de mauvais leur arrive.

Un jour, un grand mentor de la tradition Kadam demanda à son disciple ce sur quoi il méditait toujours – autrement dit, ce qu’il essayait toujours d’accumuler en tant que bonne habitude d’esprit. Le disciple répondit : « J’essaie toujours d’accumuler l’amour comme bonne habitude d’esprit. C’est ce sur quoi je médite tout le temps. » Le maître ôta son chapeau en signe de respect et dit au disciple : « Tu accomplis réellement la plus excellente des pratiques. »

Égaliser notre attitude vis-à-vis de nous-même et de tous les autres

Maintenant, en plus de cela, nous devons égaliser notre attitude envers soi et autrui. Si on s’examine honnêtement, nous voyons que nous sommes tous dans une situation d’égoïsme extrême – nous nous chérissons nous-mêmes et ignorons les autres. Plus encore, nous faisons preuve de favoritisme ; nous avons des favoris. Il y en a certains de qui nous nous sentons très proches et d’autres de qui nous nous sentons très distants. Des gens qui nous ont aidés et que donc nous aimons, nous nous sentons proches et voulons les aider. Il y en a d’autres qui ne nous ont rien fait et dont nous nous sentons éloignés. L’idée d’essayer de leur venir en aide ne nous effleure même pas l’esprit. Ce par quoi nous sommes concernés ici c’est de développer une deuxième sorte d’équanimité – l’équanimité grâce à laquelle nous n’avons pas de favoris.

Pour développer ce genre d’équanimité, nous pensons d’abord à la façon dont tous les êtres – ce qui veut dire tout le monde – ont été de manière égale bons envers nous dans toutes sortes de situations différentes. Dans le passé, nous avons dû nous reposer sur les autres pour diverses choses, et, dans le futur aussi bien, nous allons avoir à nous appuyer sur eux.

Quand on pense à la manière dont les autres ont été également bons à notre égard et nous ont aidés dans tellement de situations différentes, la pensée peut nous venir à l’esprit : « Mais ils ne nous ont pas tous aidés tout le temps. Parfois d’autres ont été très méchants avec nous et nous ont blessés. Qu’en est-il de cela ? » Bon, ce que nous devons faire, si nous pensons ainsi, c’est de considérer que chaque individu a été notre ennemi et nous a blessé juste en quelques rares occasions. Mais la quantité d’aide qu’ils nous ont donnée sur la durée dépasse largement le moindre genre de tort ou d’ennui qu’ils ont créé. De cette manière, nous devons penser aux grands bienfaits que les autres nous ont octroyés et en particulier nos ennemis. Et, ainsi, faisons des prières pour égaliser nos attitudes envers soi et autrui.

Le point suivant est de considérer l’impermanence. Aucune situation ne demeure statique pour toujours. Si nous pensons à un ennemi, si ce dernier devait être exécuté dans la soirée, lui faire du mal dans la matinée serait absurde ; cela n’aurait aucun sens s’il devait mourir ce soir-là. De même, si nous devions mourir dans la soirée, cela ne vaudrait pas la peine de faire du mal aux gens le matin. Si nous pensons ainsi à propos de la mort et de l’impermanence, cela nous permettra également de surmonter des sentiments d’hostilité et de manque d’équanimité.

D’autre part, tout comme nous voulons être heureux, la même chose est vraie pour tout le monde. De plus, personne n’aime être malheureux ou avoir des problèmes et souffrir. C’est une chose à laquelle nous devons beaucoup réfléchir. Si nous étions un médecin et qu’il se trouvait dix patients, tous désespérément malades et affligés de la même terrible maladie, il serait complètement inapproprié de traiter juste un ou deux d’entre eux et d’oublier les autres. Les dix malades ont tous le même droit à être soignés ; il n’y a pas de place pour aucun favoritisme de la part du médecin. De même, nous devons essayer de développer le même type d’attitude en respectant la volonté d’aider et d’être bénéfique à tous, sans favoriser quiconque. Cet exemple du médecin confronté à dix patients est très utile pour développer ce genre d’attitude.

De même, si dix personnes affamées et assoiffées venaient frapper à notre porte, toutes auraient la même souffrance et le même problème d’avoir faim et soif. À nouveau, il serait complètement injuste et incorrect de donner à boire et à manger à seulement une ou deux d’entre elles, et de renvoyer les autres. Il n’est pas du tout loyal de faire preuve de favoritisme. Toutes ces personnes ont le même droit et c’est notre devoir de toutes les aider de manière égale. Tous ces points sont implicites dans un verset de quatre lignes de la Lama Chopa (Une cérémonie d’offrande aux maîtres spirituels, la Puja du Gourou) : « Inspirez-nous pour accroître le confort et la joie des autres, en pensant que les autres et nous-mêmes ne sommes pas différents : personne ne souhaite ne serait-ce que la plus petite souffrance, ni ne se satisfait du bonheur qu’il ou elle a. » Nous devons réfléchir à ces points quand nous récitons ce texte.

De plus, s’il existait une chose telle que ces véritables catégories d’« amis » et d’« ennemis », alors le Bouddha lui-même aurait considéré différents individus à la lumière de ces catégories. Mais, en fait le Bouddha n’a jamais considéré les autres sous l’angle exclusif, tranché, de ces catégories d’amis et ennemis. Si on demande comment se fait-il que le Bouddha ait perçu tout le monde sans ces catégories, nous devons alors considérer l’exemple de Devadatta, le cousin du Bouddha.

Devadatta essayait toujours d’assassiner le Bouddha en lui lançant des blocs de pierre, etc. Un jour, un médecin offrit une très forte dose d’un puissant médicament au Bouddha. Devadatta qui essayait toujours de se mesurer au Bouddha, insista pour que le médecin lui donne la même dose du même médicament. Le médecin dit : « Cela ne convient pas pour vous ; vous n’avez pas la force physique du Bouddha. » Mais Devadatta insista en continuant de l’importuner. Le médecin lui donna donc une forte dose et, comme prévu, Devadatta devint extrêmement malade, dans un état épouvantable. Le Bouddha vint à lui et, plaçant sa main sur sa tête, dit : « Si je ne fais aucune préférence entre toi, qui essaies toujours de me nuire, et mon propre fils Rahula, par le pouvoir de vérité de cette affirmation puisses-tu guérir », et Devadatta fut guéri. Mais au lieu de le remercier, Devadatta se contenta de lever les yeux vers le Bouddha en grommelant : « Ôte ta sale main de ma tête ! »

Par cet exemple, le Bouddha lui-même illustra le fait qu’il ne considéra jamais son fils comme celui qu’il aimait et préférait, plus proche de lui que n’importe qui d’autre, et les autres comme distants, et même ses ennemis. Il ressentait toujours une attitude égale envers tout le monde, sans favoris aucuns. Nous devons penser à la manière, sur la base de ce genre d’attitude, dont il fut capable d’atteindre le potentiel maximum et devint un être illuminé, un bouddha.

Nous devons poursuivre et réfléchir à la manière dont nous paraissons toujours penser en termes de ces deux facteurs : il y a des gens qui sont nos amis et que nous aimons, qui toujours nous aident, et il y a les autres que nous considérons comme des gens simplement corrompus et que nous n’aimons pas du tout. Ce sont nos ennemis. Mais nous devons alors nous rappeler qu’en fait il n’y a aucune certitude de statut dans l’existence compulsive. C’est un point qui a été soulevé quand nous nous entraînions au niveau intermédiaire de motivation – le fait qu’il n’y ait aucune certitude d’aucune sorte dans les situations récurrentes incontrôlables du samsara. Nous devons appliquer ce point ici pour voir qu’il n’existe pas de choses telles que ces catégories concrètes définitives comme quoi certaines personnes sont nos amies et d’autres nos ennemies. 

En outre, nous devons penser que tous ces termes et catégories sont juste relatifs. Nous avons tendance à penser en catégories concrètes de « moi » et des « autres », d’« amis » et d’« ennemis », comme si celles-ci étaient des catégories établies et existantes par elles-mêmes quelque part « là-bas » de leurs propres côtés. En fait, il n’existe pas de choses telles que des catégories établies et existantes de leurs propres côtés, avec divers éléments siégeant fermement à l’intérieur d’elles.

Considérez l’exemple de la montagne lointaine et de la montagne proche. Il nous semble que la montagne lointaine est quelque chose qui existe au loin, face à nous, et venant vers nous de son propre côté en tant que la véritable « montagne lointaine » là-bas. Si nous devions traverser la vallée et nous tenir sur la prétendue montagne lointaine, ce ne serait plus « la montagne lointaine ». L’endroit où nous nous trouvions précédemment deviendrait maintenant « la montagne lointaine ». De cette façon, nous devons voir que toutes les catégories d’« ami », d’« ennemi », de « proche », de « lointain », etc., sont tous des termes relatifs. Rien n’existe dans ces catégories de manière inhérente, de leurs propres côtés, en tant que choses concrètes précises quelque part là-bas, et même les catégories n’existent pas selon ces modes impossibles.

En bref, jusqu’à maintenant nous avons été très égoïstes, concernés seulement par nous-mêmes, et avons ignoré de nous soucier des autres. Ce que nous devons faire, c’est d’égaliser nos attitudes : ne pas nous préoccuper exclusivement de nous-mêmes, mais avoir une attitude égale envers tous.

Les inconvénients de se chérir soi-même

Maintenant, quand on parle de cet égoïsme, il s’agit d’une chose extrêmement destructrice. Si on considère diverses maladies des temps modernes, le cancer, par exemple, est perçu comme la plus horrible. Mais pire encore est la maladie de l’égoïsme. L’égoïsme est pire parce qu’on se chérit soi-même et qu’on veut passer avant tous les autres. En conséquence, nous pouvons aller jusqu’à voler, commettre un meurtre et faire toutes sortes d’actes destructeurs. Ces actions, dès lors, causeront notre ruine, pas seulement maintenant, mais dans les vies futures également, nous conduisant dans les pires états de renaissance. Quand on regarde tous les troubles et la disharmonie qui surgissent dans d’autres groupes, dans les familles ou les pays, la racine qui en est à l’origine est l’égoïsme. Tous les troubles et la discorde s’élèvent du fait que les groupes sont égoïstes, préoccupés seulement d’eux-mêmes et de leurs propres points de vue.

Quand on regarde la situation des êtres libérés, les Arhats, ils ont surmonté tous leurs ennemis internes – leurs obscurcissements émotionnels – et ont réalisé un état grandiose ; cela est vrai. Mais ils sont incapables de réaliser un état d’illumination. Ils ne sont pas capables de dépasser les obscurcissements cognitifs empêchant leur omniscience. La raison de cela est leur préoccupation égocentrée ; ils sont seulement intéressés par leur capacité à surmonter leurs propres problèmes, et non à connaître toutes les méthodes et les détails qui leur permettraient d’aider tous les autres à se libérer également. De même, si nous avons un responsable qui est très égoïste et seulement concerné par son avancement, une telle personne n’est pas très bien vue par quiconque. On la considère simplement comme un responsable ou un politicien égoïste et ambitieux. C’est la même chose si nous avons un groupe de gens vivant ensemble. Disons que cinq ou six personnes vivent ensemble, et il y a une personne dans le groupe qui est extrêmement égoïste, et qui pense seulement à faire des choses qu’elle aime, sans aucune considération pour les autres. Ceux-ci tout naturellement ne l’aimeront pas.

Il est nécessaire, alors, de réfléchir aux points soulevés dans le verset suivant de la Pouja au Gourou et de les faire s’accumuler en tant qu’état d’esprit bénéfique : « Inspirez-nous pour que nous voyions que cette maladie chronique du chérissement de soi est la cause donnant lieu à notre souffrance non voulue, et ainsi, en l’incriminant comme la chose à blâmer, pour que nous détruisions le démon monstrueux de l’égoïsme. »

Les bienfaits de chérir les autres

D’autre part, en nous souciant de tous les autres, l’attitude qui consiste à les chérir est la racine de toutes les bonnes qualités. La raison pour laquelle nous avons pris renaissance en tant qu’êtres humains est dû au fait d’avoir chéri les autres, dans le sens où nous nous sommes abstenus de les tuer. Nous avons eu un comportement extrêmement éthique dans nos actions envers eux et, en conséquence, nous avons pris renaissance comme êtres humains. Cela vient d’avoir chéri les autres. Le Bouddha lui-même a chéri tous les autres et, comme résultat, devint totalement lucide et pleinement évolué. S’il y a un dirigeant dans un pays qui se sent concerné par le bien-être de tous et les chérit, alors tout le monde dans ce pays l’aime. Si ce dirigeant venait à mourir, les gens en éprouveraient une grande perte et une grande tristesse. À partir de cet exemple également, nous pouvons voir comment une attitude d’amour des autres est la racine de toutes les bonnes choses et pour qu’elles se passent bien.

Ceci est traité dans le verset suivant de la Pouja au Gourou : « Inspirez-nous pour voir que l’esprit qui chérit nos mères en leur assurant la félicité est la porte d’entrée conduisant à d’infinies vertus, et pour que nous chérissions ainsi ces êtres errants plus que nos vies, même s’ils devaient se dresser contre nous en ennemis. »

De nouveau, dans la mesure où nous récitons souvent cette Pouja au Gourou, nous devons rester conscients de ce que nous disons et essayer qu’elle devienne une bonne habitude d’esprit.

En bref, le Bouddha réalisa ses potentiels dans leur plénitude et devint illuminé en conséquence d’avoir chéri les autres, tandis que nous continuons d’avoir tous nos problèmes et nos souffrances car nous sommes tellement égoïstes et ne chérissons que nous-mêmes. C’est pourquoi, nous devons penser qu’à moins de nous débarrasser et de surmonter notre égoïsme et commencer maintenant à chérir tous les autres au lieu de nous chérir, il n’y a pas d’autre voie. La stance suivante de la Pouja au Gourou traite de ce point : « En bref, inspirez-nous pour que nous développions l’esprit qui comprend les distinctions entre les fautes des êtres infantiles travaillant dur seulement à des fins égoïstes et les vertus des Rois des Sages travaillant uniquement pour le bien des autres, et ainsi, pour être capables d’égaliser et échanger nos attitudes concernant les autres et nous-mêmes. »

De la sorte, nous considérons toutes les fautes et les désavantages d’être égoïstes et d’ignorer les autres et pensons à tous les bénéfices et les avantages qu’il y a à chérir les autres et à ignorer nos propres préoccupations égoïstes.

Échanger nos attitudes à propos de nous-mêmes et des autres

En se fondant sur cette étape préalable, nous prenons maintenant la résolution très ferme de changer nos attitudes : au lieu de penser seulement à nous, nous penserons désormais aux autres, et au lieu de les ignorer, c’est nous maintenant que nous ignorerons. Tel est le sens de « échanger nos attitudes à propos de nous-mêmes et des autres. »

Il y est fait référence dans le verset suivant de la Pouja au Gourou : « Puisque se chérir soi-même est la porte d’accès à tous les tourments, alors que chérir nos mères est le fondement de tout bien, inspirez-nous pour faire du yoga de l’échange de soi avec les autres le noyau de notre pratique. »

Échanger nos attitudes à propos de nous-mêmes et des autres ne veut pas dire que désormais je suis vous et que vous êtes moi. Ce n’est pas aussi simple. Ce que ça veut dire, c’est d’échanger l’attitude que nous avons eue vis-à-vis de nous-mêmes avec l’attitude que nous avons eue avec les autres. Nous avons toujours été égoïstes auparavant et avons ignoré les autres, désormais nous renverserons cela et ignorerons nos propres besoins égoïstes et ferons des autres notre préoccupation majeure. Telle est la racine, la seule méthode pour devenir illuminé. Si nous ne voulons pas devenir illuminé, c’est une chose ; mais si nous le voulons, il n’y a pas d’autre moyen que d’échanger nos attitudes nous concernant avec les autres. Il s’agit d’une condition préalable au développement de la compassion.

Les étapes restantes conduisant au développement d’un cœur dédié à la bodhichitta

La manière de développer la compassion est de regarder les pauvres petites bêtes et les créatures tout autour de nous. Nous pensons aux problèmes terribles auxquels elles doivent faire face et comme il doit être horrible d’être une telle créature. En ce qui nous concerne, nous avons accumulé le potentiel pour renaître sous le même aspect. Nous devons donc penser à combien horrible ce serait pour nous d’être une petite bête ou quelque chose de ce genre. On continue à y réfléchir dans le cas de notre mère et combien horrible ce serait si elle devait renaître ainsi. Puis nous élargissons notre réflexion à notre père, à nos amis, à nos ennemis et à tous les êtres. De cette façon, nous développons un sentiment sincère, chaleureux, de compassion – un souhait sincère que tout le monde n’ait jamais ni problèmes ni souffrance.

Puis nous pensons à la manière dont tous les êtres veulent être heureux et ne pas avoir de problèmes, mais ils ne savent pas comment les éviter. En fait, ils se retrouvent juste dans des situations récurrentes incontrôlables pleines de problèmes et de malheur. Non seulement nous développons un sentiment sincère de compassion à leur égard, mais aussi d’amour – le souhait qu’ils soient heureux – ainsi qu’une résolution exceptionnelle – le souhait que nous soyons capables d’amener tous les autres à l’état optimal de bonheur et de les soulager de tous leurs problèmes et souffrances. Ceci nous conduit à développer un cœur dédié à la bodhichitta.

Ce dont nous avons besoin, en fait, c’est de développer le sentiment ou l’attitude suivante : « Je vais dédier mon cœur sincèrement aux autres et à la réalisation d’un état d’illumination, et je n’abandonnerai jamais ce but jusqu’à ce que j’aie réalisé cet état. » Quand nous faisons une promesse aussi forte, « je n’abandonnerai jamais ! », on appelle cela « un cœur dédié à une promesse d’aspiration ». C’est décrit ici dans le texte de Tsongkhapa :

(7) Tout comme je suis tombé dans l’océan de l’existence compulsive, de même, tous les êtres errants y sont tombés aussi – eux qui ont été mes mères. Voyant cela, je fais la requête d’inspiration de faire grandir en moi l’objectif de la bodhichitta suprême afin de prendre la responsabilité de libérer ces êtres errants.

Les stances suivantes traitent du sujet d’avoir un cœur dédié engagé, et j’en parlerai cet après-midi.

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