Les mauvaises compréhensions des ngondros

Malentendus fondamentaux sur notre mode d’existence

Les malentendus sont présents dans de nombreux domaines du bouddhisme, et ne se limitent pas exclusivement à notre perception et à notre compréhension de celui-ci. Ce manque de clarté est un thème général que l'on retrouve dans tous les enseignements bouddhiques. Nous comprenons mal la réalité, nous comprenons mal comment nous existons, comment les autres existent, etc. De ce fait, nous projetons toutes sortes d'absurdités qui ne correspondent pas à la réalité. Non seulement nous projetons ces non-sens, mais nous y croyons aussi sans le savoir. Nous croyons qu'ils correspondent à la réalité. En dissipant les malentendus sur le bouddhisme, on peut commencer à reconnaître comment nous projetons toutes sortes de fantasmes, non seulement sur les enseignements, mais également sur nous-mêmes, sur autrui et sur les diverses situations auxquelles nous sommes confrontés dans la vie.

Mauvaise compréhension du karma

L'une des choses que nous comprenons mal est le karma. Beaucoup d'entre nous ont tendance à penser que le karma est lié au destin : si quelque chose de terrible nous arrive, nous disons : « C'est notre karma. » Nous avons tendance à penser que nous avons été mauvais dans des vies antérieures ou plus tôt dans cette vie et que nous méritons maintenant que quelque chose de terrible nous arrive en conséquence de cela, et que nous sommes coupables. Il s'agit là d'une projection de certains cadres conceptuels de la pensée occidentale qui n'ont rien à voir avec les enseignements bouddhiques proprement dits. Pourtant, parce que nous avons inconsciemment accepté ces cadres, nous nous sentons terriblement mal. Notre croyance en ces cadres tend simplement à amplifier notre croyance en un moi solide qui est intrinsèquement mauvais. Ce n'est certainement pas l'enseignement bouddhique. Si nous regardons la signification réelle du mot karma en nous appuyant sur le mot tibétain, il s'agit du mot familier pour « actions ». Souvent, lorsque nous entendons des enseignements sur le karma, les gens le traduisent donc ainsi. Si nous y réfléchissons, cela n'a aucun sens. En effet, si l'une des racines de nos problèmes dans la vie résidait dans nos actions, il s'ensuivrait de manière absurde que nous n'aurions qu'à cesser de faire quoi que ce soit et que nous serions alors libérés. Nous pourrions simplement rester assis, ne rien faire et tous nos problèmes disparaîtraient. Il est clair que le karma ne désigne pas les actions elles-mêmes, bien que le sens du mot familier en tibétain signifie « actions ». En fait, ce dont parle le karma, c'est de la compulsion, la compulsion qui sous-tend nos actions et qui nous pousse à agir, à parler ou à penser d'une certaine manière. Nous agissons de ces diverses manières et cela crée des potentiels, des tendances et des habitudes, ou encore des voies neuronales, si l’on emprunte le vocabulaire scientifique occidental. Ces répercussions de nos actions karmiques mûrissent sous de nombreux aspects différents. Nous y reviendrons plus en détail dans la suite de la conférence. Toujours est-il que l'un des aspects sous lequel elles mûrissent est notre envie de faire quelque chose. Nous nous disons : « J'aimerais faire quelque chose, j'aimerais dire quelque chose. » Lorsque cela se produit, le karma entre en jeu. Le karma est la compulsion qui nous pousse à faire ce que nous avons envie de faire. C'est ce que nous devons surmonter. Nous devons trouver cet espace entre le moment où nous avons envie de dire quelque chose de méchant à quelqu'un et le moment où nous le disons. Si nous parvenons à trouver cet espace, nous avons alors la possibilité d'utiliser la conscience discriminante pour décider si ce que nous avons envie de faire ou de dire sera utile ou nuisible. Cette capacité de discerner si nos actions ou nos paroles seront utiles ou nuisibles est ce qui nous distingue des animaux, car nous n'agissons pas simplement par instinct ou par habitude.

C'est de cela que parle le karma. Il peut s'agir d'une impulsion compulsive à répéter un type de comportement similaire à celui que nous avions auparavant ou d'une compulsion à se mettre dans une situation. Par exemple, si nous avons envie d'aller au centre commercial, nous nous y rendons compulsivement au risque de nous faire renverser par une voiture. La compulsion peut nous mettre dans une situation où des choses nous arrivent. Les difficultés qui résultent de cette compulsion avec laquelle nous faisons les choses ne sont souvent pas du tout évidentes à reconnaître. C’est justement là tout l'enjeu du karma. Ce que nous voulons faire, c'est surmonter le fait d'être sous le contrôle incessant de notre propre karma. Nous voulons nous en débarrasser et nous débarrasser aussi de ce qui nous pousse à développer ces différentes habitudes. Nous pouvons avoir des habitudes négatives destructrices ou même des habitudes positives qui peuvent être assez névrotiques : par exemple, être perfectionniste et vouloir toujours tout nettoyer, reprendre constamment les autres, ou encore agir comme un défenseur extrémiste de la grammaire. Le perfectionnisme, par lequel nous projetons que nous pouvons être parfaits, est un type de syndrome qui peut entraîner de nombreuses difficultés. La maison n'est jamais assez propre, peu importe le nombre de fois que nous la nettoyons, il en faut toujours plus, et notre esprit n'est jamais satisfait.

Mauvaise compréhension du tantra : la voie « facile » vers l’illumination

Le sujet principal sur lequel nous allons nous concentrer est le tantra. Le tantra est l'une des méthodes que nous utilisons pour surmonter le fait d’être sous le contrôle de la compulsion de notre karma. L'une des idées fausses est de penser que le tantra, le mahamoudra ou le dzogchen sont des voies faciles vers l'illumination. Personne n'a jamais dit qu'elles étaient faciles, et bien qu’elles puissent être très efficaces, ce sont des voies très exigeantes.

Il n'existe aucun moyen de contourner la causalité, bien que le tantra soit connu comme le véhicule du résultat du fait que nous pratiquons maintenant d'une manière similaire à celle que nous atteindrons en tant que bouddha. Nous imaginons ou prétendons que nous sommes maintenant sous la forme d'une déité bouddhique ou yidam, une figure de méditation, et que notre comportement est semblable à celui d'un bouddha en ce qu'il est capable d'aider tous les êtres. Nous imaginons que notre parole est un mantra, que notre environnement est un mandala pur et que nous apprécions les choses dans la félicité et dépourvus de toute confusion. Bien que nous pratiquions maintenant d'une manière similaire au résultat que nous voulons atteindre, en réalité, cet état ne se produira pas si nous n’en accumulons pas les causes.

Il n'y a aucun moyen de se soustraire à la causalité, l’illumination ne se produira pas instantanément, comme ça. Cependant, on entend souvent dire à propos du tantra, en particulier de la classe la plus élevée du tantra, qu'il nous permettra d'atteindre l'illumination en une seule vie. Plus encore, nous pourrons l'atteindre en trois ans et trois phases lunaires. Une phase de Lune est la période qui va de la nouvelle lune à la pleine lune ou inversement, de sorte que trois phases de Lune totalisent un mois et demi. Nous aimerions vraiment faire une telle affaire et obtenir l'illumination à bon marché. C'est pourquoi nous nous engageons sur la voie du tantra. Sa Sainteté le Dalaï-Lama appelle parfois cela de la « propagande bouddhiste ». Elle nous encourage à croire que nous pourrons atteindre l'illumination en une seule vie, mais c'est très rare. Cela ne peut se produire que sur la base d'une énorme quantité de force positive et ainsi de suite, accumulée au cours des vies précédentes. Quelle est l'explication du décompte des trois années et des trois phases de la Lune ? Elle provient du tantra de Kalachakra. « Kalachakra » signifie « cycle du temps ». Dans ce système, nous analysons très soigneusement la respiration. Le souffle passe douze fois au cours de la journée d'une narine à l'autre. Lors de cette transition entre une narine et l'autre, il y a soixante-sept respirations et demie qui passent également par les deux narines. Ce faisant, l'énergie subtile qui sous-tend la respiration pénètre dans le canal central.

Nous voulons être en mesure d'amener toute l'énergie subtile des respirations — aussi appelée prana dans la littérature indienne ou ch’i dans la littérature chinoise — dans le canal central et de l'y dissoudre. En effet, le caractère compulsif de notre karma est en fait alimenté par cette énergie « névrotique », pour utiliser un terme occidental, qui circule de manière désordonnée dans notre corps. C'est elle qui nous rend nerveux, stressés et tendus. Dans le système du Kalachakra, nous les appelons les « vents karmiques ». Nous voulons être en mesure de les amener tous dans le canal central.

Pour cela, nous devons être très forts en arithmétique. Il y a soixante-sept respirations et demie qui passent par les narines de manière égale au cours de douze variations d’une journée. Nous prenons ensuite le nombre de respirations qui entreront dans le canal central au cours d'une durée de vie de cent ans et nous le divisons. Si ces respirations étaient consécutives, elles couvriraient une période de trois ans et trois phases lunaires. C'est de là que vient ce chiffre, il n'est pas arbitraire. Il représente le fait que nous voulons vraiment faire entrer tous ces vents dans le canal central.

Lorsque nous comprenons cela, cela peut nous encourager, mais nous ne devons pas avoir la naïveté de penser qu'il suffit de faire une retraite de trois ans pour atteindre l’illumination. Il y a de fortes chances que nous soyons très déçus à la fin de la retraite, surtout si nous avons passé la majeure partie du temps à vagabonder mentalement. Nous devons éviter de croire à tort que tout sera facile et donc nous ne devons pas être paresseux dans notre pratique bouddhique. Souvent, nous voulons un chemin facile et rapide parce que nous ne voulons pas faire d’efforts. Nous sommes très occupés et nous n'avons pas beaucoup de temps. C'est pourquoi nous voulons l'illumination à bon marché.

Les pratiques préliminaires communes

Tous les enseignements, quelle que soit la tradition à laquelle nous appartenons, soulignent qu'avant d'avoir la moindre chance de succès dans le tantra, nous devons pratiquer ce que l'on appelle les « préliminaires ». Il y a toujours deux séries de préliminaires et nous ne pouvons nous soustraire à aucune d'entre elles. La première est constituée des préliminaires partagés ou communs : ceux qui sont partagés entre le soutra et le tantra. Nous pourrions penser que « commun » se réfère à quelque chose d’« ordinaire », comme si nous n'avions pas vraiment besoin de ces préliminaires. Or, ce mot signifie en réalité « partagé ».

Il y a aussi les préliminaires non communs, qui sont exclusifs à la pratique du tantra. En général, une grande partie du malentendu vient des traductions. Ce terme « préliminaire » nous amène à penser que nous pouvons nous en passer. Nous pensons que nous n'en avons pas besoin et que nous pouvons passer directement aux choses sérieuses. Ce terme signifie plus précisément « préparation ». Il s'agit de pratiques préparatoires et nous devons nous préparer. L'un de mes maîtres expliquait cela en utilisant une analogie. Si nous devions partir pour un long voyage en caravane au Tibet, nous devrions nous préparer minutieusement. Nous devrions tout emballer et organiser de manière à ce que cela puisse tenir sur le dos des yaks, etc. De même, bien que nous ne nous déplacions évidemment pas en caravane de yaks en Norvège ou en Occident, si nous devons entreprendre un grand voyage spirituel, nous devons nous y préparer. Nous devons faire nos bagages. Pour ce voyage, nous devons avoir avec nous notre compréhension des enseignements fondamentaux. C'est le contexte dans lequel nous allons pratiquer le tantra. Sans cela, le tantra semble être une pure folie. Nous pourrions tout aussi bien imaginer que nous sommes Mickey Mouse ou la Fée Clochette et que nous conduisons tout le monde à Disneyland ou quelque chose de ce genre. Ce n'est pas du tout le but du tantra.

Pratiques prématurées du ngondro

Ces pratiques préparatoires communes ou partagées sont absolument essentielles. Les omettre mène au malentendu suivant, lequel pousse les gens à commencer instantanément à faire des pratiques préparatoires peu communes connues sous le nom de « ngondros ». Le sens du mot tibétain est littéralement « quelque chose qui précède ». Le ngondro est généralement considéré comme un ensemble de pratiques où l’on accomplit 100 000 prosternations, 100 000 ceci ou 100 000 cela. En fait, cela devient un gros problème lorsque nous nous engageons dans ces pratiques sans le fondement des pratiques préparatoires partagées. Dans la tradition Kagyou, ces pratiques préparatoires partagées sont présentées comme les quatre pensées qui tournent l'esprit vers le Dharma. Elles sont cruciales. Sans elles, notre pratique du Dharma n'a aucun sens.

Un aperçu des quatre pensées qui tournent l’esprit vers le Dharma

Les deux premières de ces quatre pensées sont que nous avons une précieuse renaissance humaine et que nous devons penser à l’impermanence et à la mort afin de ne pas perdre notre temps. Nous devons apprécier toutes les choses positives que nous avons dans la vie et ne pas passer notre temps à nous plaindre des difficultés, etc. Bien sûr, le samsara est difficile et loin d'être idéal, mais il ne sert à rien de se plaindre. Nous devons regarder les choses positives que nous avons et en faire bon usage. Cette vie précieuse ne durera pas éternellement, il ne faut donc pas la considérer comme acquise. C'est essentiel pour toute pratique que nous entreprenons. La troisième pensée qui oriente notre esprit vers le Dharma concerne les lois karmiques. Nous devons comprendre le fonctionnement de base de la causalité comportementale. Cela nous amène à comprendre le karma et la nécessité de nous abstenir d'agir de manière destructrice. Nous avons accumulé tant d'habitudes négatives. Si nous examinons le temps que nous passons chaque jour à avoir des pensées et des comportements inutiles ou négatifs en comparaison de nos pensées et de nos comportements bienveillants, les négatifs l'emportent de loin sur les positifs. C'est particulièrement évident si nous comparons ces deux aspects sur l'ensemble de notre vie, sans parler des vies antérieures. Par conséquent, nous devons nous abstenir avec force de tout comportement destructeur lorsque nous avons envie de faire quelque chose de négatif, d'agir sous l'influence de l'avidité, de l'égoïsme, de la colère, etc. Par exemple, si nous sommes naïfs, nous ne faisons qu’interrompre les gens avec des SMS, en supposant que nous sommes la personne la plus importante au monde et que les autres doivent tout laisser tomber et nous répondre instantanément. Si ce n'est pas le cas, nous sommes très contrariés et en colère. Il nous faut donc faire preuve de discernement. Notre comportement est-il utile ou nuisible ? Pour reprendre cet exemple, nous devons nous demander si une personne est occupée ou non, au lieu de l'interrompre à tout bout de champ. Cela renforce la discipline, qui sera bien sûr nécessaire à notre pratique du tantra.

Sur la base de notre compréhension de la causalité karmique, nous devons prendre refuge. Le refuge est très important et, là encore, il y a beaucoup de malentendus à ce sujet. Nous avons tendance à le banaliser, alors qu'il ne s'agit pas du tout de quelque chose de banal. Il ne s'agit pas simplement de se couper une petite mèche de cheveux, d'obtenir un nom tibétain et de porter un cordon rouge. Ce n'est pas du tout la signification du refuge. Il ne s'agit pas non plus de rejoindre le « club bouddhiste ». Prendre refuge, c'est donner une direction positive et sûre à notre vie, indiquée par le Bouddha, le Dharma et le Sangha. Ce sont ces trois éléments que nous visons. Ce sont nos exemples et nos modèles. Nous sommes convaincus que nous pouvons les atteindre nous-mêmes et c'est pourquoi nous prenons cette direction. Cela donne un sens à notre vie.

Il est important que nous ayons un but et donnions un sens à notre vie, et que celle-ci ne soit pas inutile. Le refuge devient alors un fondement solide pour toute notre pratique du Dharma. Dans le tantra, nous avons absolument besoin d'un sens aigu du refuge qui ne soit pas passif. Le refuge n'est pas passif du tout et il ne s'agit pas de dire « ô, Bouddha, sauvez-moi », puis de s'asseoir, les bras tendus, et d’attendre d'être sauvé. C'est peut-être le cas dans d'autres traditions, mais en aucun cas dans le bouddhisme.

Dans la tradition bouddhique, si nous voulons aider les autres et atteindre l'illumination ou simplement la libération, nous devons mettre en place les causes qui produiront cet effet. L'effet ne se produira pas si nous ne développons pas les causes. Nous devons faire quelque chose. Nous devons aller activement dans cette direction pour prendre refuge. Cela signifie qu'il faut réellement prendre cette direction indiquée par le Bouddha, le Dharma et le Sangha. Ensuite, nous pensons aux inconvénients du samsara, la quatrième pensée qui tourne notre esprit vers le Dharma. Si nous voulons vraiment pratiquer le tantra et le Dharma de manière responsable, il est très important que nous commencions à prendre sérieusement en considération la renaissance. Nous pouvons pratiquer ce que j'appelle la version « allégée » du Dharma, en pensant simplement à cette vie et en nous efforçant de surmonter le mieux possible nos projections et nos émotions perturbatrices et d'être bons avec les autres. C'est tout à fait acceptable, mais ce n'est pas la version complète et authentique du Dharma. De nombreuses failles et problèmes surviennent lorsque nous comprenons mal que le Dharma ne concerne que cette vie. Par exemple, imaginons que nous ayons un bébé et qu'il meure. Le bébé n'a certainement rien fait de négatif ou de terrible, alors pourquoi cela est-il arrivé à notre bébé ? Le karma n'a aucun sens en termes de causalité si nous limitons les choses à cette vie, et c’est un grand problème. Je le répète, ce n'est pas parce que le bébé a été mauvais dans une vie antérieure qu'il mérite cette punition. Ce n'est pas du tout cela. Le karma est beaucoup plus sophistiqué et complexe que cela. D'un point de vue bouddhique, nous avons des vies sans commencement et bien que cela ne soit pas facile à comprendre, si nous ne le comprenons pas, nous aurons du mal à envisager la nature de l'esprit et la pureté de l'esprit. L'esprit est-il le fruit d’un créateur ? Si c'est le cas, de nombreuses contradictions logiques en découlent. Il devient alors très difficile de comprendre les enseignements sur le vide ou la vacuité si nous pensons uniquement en termes de commencement absolu dans cette vie et de fin absolue à notre mort. Par conséquent, lorsque nous réfléchissons aux inconvénients du samsara grâce à ces quatre pensées qui tournent notre esprit vers le Dharma, nous commençons à comprendre l'ensemble du processus de renaissance. C'est crucial pour la pratique du tantra, car dans la classe la plus élevée du tantra, nous voulons transformer et nous débarrasser de tout le processus de la mort, du bardo et de la renaissance. Si nous ne croyons pas au bardo et à la renaissance, cela n'a aucun sens d'essayer de transformer ou de nous débarrasser de ce cycle incontrôlable et récurrent. C'est ce que le samsara signifie en réalité : une renaissance récurrente incontrôlable avec tous les problèmes qui accompagnent ce type de corps et d'esprit limités. Nous tombons malades, nous vieillissons, devenons faibles et fragiles. Notre esprit devient très confus. De même, il faut tellement de temps pour sortir de l'enfance et du fait d’être totalement dépendants et assistés au début de notre vie. C'est terrible.

Nous renaissons de manière récurrente et incontrôlée sous l'influence du karma, lui-même causé par notre esprit limité et nos émotions perturbatrices, tels que la colère. Ces émotions perturbatrices entraînent notre comportement compulsif. Il est donc nécessaire que nous comprenions les douze liens de la coproduction conditionnée, car ils expliquent tout le processus de la renaissance.

Nous devons également comprendre les quatre nobles vérités et, grâce à cette compréhension, reconnaître le type de souffrance le plus profond ainsi que sa cause la plus profonde, et le fait que nous pouvons nous en débarrasser. En comprenant la pureté de l'esprit, nous acquérons la confiance qu'il est réellement possible de se débarrasser de toutes les souffrances. Cet état d'être débarrassé de tout cela est la troisième noble vérité. Enfin, nous devons comprendre le chemin qui nous permettra de nous débarrasser de cette souffrance, ce qui constitue la quatrième noble vérité. Si nous n'avons pas cette confiance, quel est le but de toutes les pratiques du Dharma que nous faisons, sans même parler de la pratique du tantra ? Il est essentiel d'avoir cette confiance solide et de savoir ce que nous visons et que l'atteinte de cet objectif est possible. Ainsi, nous ne commencerons pas à avoir des doutes plus tard en pratiquant et en nous visualisant dans une forme étrange, en pensant que c'est de la folie et en nous demandant pourquoi nous faisons cela. Ce type de doute se produira si nous ne disposons pas de la base solide de ces pratiques préparatoires.

Le renoncement et la bodhichitta

Après avoir compris les inconvénients du samsara, nous avons besoin de renoncer. Nous voulons nous débarrasser des actions influencées par la colère et les comportements négatifs compulsifs. Nous comprenons qu’ils ne font qu'engendrer davantage de problèmes et se répètent non seulement dans cette vie, mais aussi dans les vies futures. Ce syndrome va se poursuivre encore et encore si nous ne faisons rien pour y remédier. C'est pourquoi nous avons besoin du renoncement : la détermination à nous libérer de tout cela. Mais nous ne sommes pas seuls dans cette situation et nous devons également nous préoccuper des autres. Notre vie n'est pas séparée de celles des autres. Pourquoi pratiquons-nous le tantra ? C'est pour être bénéfiques aux autres, c’est pourquoi nous voulons atteindre l'état d'éveil d'un bouddha. La bodhichitta est absolument essentielle à cet égard.

Qu'est-ce que la bodhichitta ? Souvent, on confond à tort la bodhichitta et la compassion. Il n’en est rien. La compassion et l'amour sont des facteurs causaux qui nous conduisent à la bodhichitta. La bodhichitta elle-même se concentre sur notre propre illumination. Il ne s'agit pas de l'illumination du Bouddha, ni de l'illumination générale, mais de notre propre illumination individuelle, qui n'a pas encore eu lieu, mais qui peut advenir sur la base de notre nature-de-bouddha. Nous nous concentrons sur cette illumination qui ne s'est pas encore produite dans le but d’atteindre une illumination qui se produit effectivement, afin d’être bénéfiques à tous les êtres, avec la compréhension que nos vies sont totalement interdépendantes et interconnectées. Nous ne vivons pas dans un espace vide isolé de toute chose. Nous dépendons de la bonté des autres pour survivre.

Les figures-de-bouddha représentent nos objectifs individuels d'éveil. Quel est notre objectif ? Nous imaginons ce qui n'est pas encore arrivé mais qui peut arriver sur la base des facteurs de la nature-de-bouddha. C'est ce que nous faisons. La pratique du tantra est absolument liée à la bodhichitta. Nous visualisons et imaginons que nous aidons tout le monde en leur envoyant de la lumière les libérant de la souffrance. Toutefois, si nous n'avons aucun sentiment d'amour et de compassion pour les autres, pourquoi ferions-nous cela ? Ce serait tout bonnement stupide.

Les six paramitas ou attitudes de grande envergure

Il y a également les six attitudes de grande envergure ou paramitas. Nous voulons être généreux et donner aux autres. Pour cela, la discipline est absolument nécessaire. Le tantra implique de nombreux vœux, et si nous n'avons pas la discipline nécessaire pour respecter ces vœux, nous ne serons jamais en mesure d'aider les autres. Il n'y a pas que des vœux pour s'abstenir d'agir négativement. Il y a aussi les pratiques de liens étroits — samaya en sanskrit, damtsig en tibétain — pour agir positivement et nous avons besoin de cette discipline pour aider les autres. Il ne s’agit pas seulement d’imaginer aider les autres ou d’être généreux, et de se détourner lorsqu’une personne en chair et en os se présente devant nous. Cela n’est en rien une pratique correcte. Une bonne pratique consiste à appliquer les éléments de notre méditation dans la vie réelle, et ne pas se contenter de les imaginer sur notre coussin de méditation. Notre coussin de méditation est l'endroit où nous répétons afin d'avoir une idée de la façon de procéder. Nous ne nous contentons pas seulement de répéter. Nous devons agir dans la vie réelle. En outre, nous devons avoir une compréhension de la vacuité, que je préfère appeler « vide ». Sinon, ce que nous faisons dans notre pratique est insensé. Nous nous enfermons dans une sorte de délire schizophrène où nous pensons être Jésus-Christ ou Cléopâtre, ou plus encore Tara ou Avalokiteshvara, Tchenrezig. C’est complètement délirant, à moins que nous comprenions vraiment ce qui est en jeu et que cette forme de Tara ou autre apparaît en dépendance de la base des facteurs de notre nature-de-bouddha, de la causalité et ainsi de suite. Le fait que nous soyons réellement Tara ne se produit pas en ce moment même. Nous devons comprendre la réalité de ce que nous faisons. Dans le cas contraire, une mauvaise compréhension peut entraîner de très graves problèmes psychologiques. Préparer tous ces ingrédients, c'est comme préparer nos bagages pour le voyage. Nous voulons pouvoir utiliser tout cela, c’est notre préparation.

Les pratiques préparatoires non partagées ou ngondros

Les pratiques préparatoires non partagées comprennent les séries de 100 000 prosternations, etc. Le malentendu est que ces pratiques vont apporter des miracles, comme si tout ce que nous avions à faire était 100 000 prosternations, 100 000 offrandes de mandalas et que tous nos problèmes disparaîtraient. Certains s'attendent vraiment à ce que des miracles se produisent et lorsqu'ils ne se produisent pas, ils peuvent devenir très désillusionnés quant à l'ensemble de la pratique du Dharma. Nous devons donc comprendre le but de ces pratiques ngondros.

Nous les pratiquons pour renforcer notre force positive et affaiblir notre force négative. En ce qui concerne le karma, notre comportement nous permet d'accumuler une force ou un potentiel positif ou négatif. Il peut s'agir d'une force positive névrotique, comme dans l'exemple d'un perfectionniste, ou d'une force positive dédiée à la bodhichitta pour pouvoir agir en tant que cause de l'illumination. Nous devons différencier ces deux formes à ce propos. Ce que nous voulons faire avec notre pratique du ngondro, c'est commencer à développer, en termes scientifiques, des voies neuronales plus positives dédiées à l’illumination.

Nous disposons tous d'une plasticité neuronale grâce à laquelle le cerveau peut, en quelque sorte, se recâbler, se reconfigurer. Pensez aux voies négatives que nous avons créées par les habitudes que nous avons prises, surtout si nous pensons en termes de vies sans commencement. Nous avons agi sous l'influence de la colère, de l'égoïsme, de la cupidité et de la naïveté (inconscience ou ignorance de la réalité), pensant que nous étions les plus importants et que nous devrions toujours obtenir ce que nous voulons. Nous devons réfléchir à toutes les habitudes négatives que nous avons prises, comme le fait d'ignorer que les autres ont, comme nous, des sentiments. Ignorer les autres de la sorte est une forme de naïveté tant à l'égard de la réalité que des effets de nos actions, comme si nous pouvions toujours maltraiter les autres sans que cela ait de conséquences. Par exemple, nous pensons que nous pouvons nous disputer devant le bébé, que de toute façon il ne comprend pas et que cela n'a pas d’importance.

Ces voies neuronales, qui nous poussent à agir de manière habituelle, sont incroyablement fortes. Elles sont profondément enracinées parce que nous avons fait ces choses de manière répétée. Cette façon d'analyser permet de comprendre à un niveau différent les inconvénients du samsara, notre comportement récurrent incontrôlable. C'est le karma, qui se répète de manière incontrôlable et compulsive. C'est pourquoi nous voulons développer des voies neuronales positives. Et ce n'est pas facile. Il faut beaucoup de répétitions. C'est par la répétition que l'on développe des voies neuronales. Par conséquent, faire quelque chose 100 000 fois n'est ni suffisant ni un chiffre magique. De tels nombres représentent simplement une grande quantité.

Une telle répétition commence à construire des voies plus positives et c'est ce que nous voulons faire. C'est pourquoi nous faisons ces pratiques ngondros. Ces pratiques préparatoires commencent à accumuler cette force positive et à affaiblir la force négative. Si nous nous contentons de faire nos pratiques de manière nonchalante, parfois en méditant, parfois non, la répétition ne sera pas suffisante. Il faut une répétition constante et cohérente pour commencer à développer de nouvelles voies neuronales. Les soutras stipulent que nous devons accumuler cette force au cours de trois éons indénombrables. Le mot « indénombrable » est le nom du plus grand nombre dans le système mathématique indien, nous pouvons donc aussi parler de trois milliards d'éons, bien que cela reste quantitativement vague et difficile à imaginer. Nous devons accumuler beaucoup de force positive pour contrer le fait que nous avons accumulé d'innombrables forces et potentiels négatifs depuis des temps sans commencement. Nous allons devoir y consacrer énormément de temps.

Les encouragements des soutras du Mahayana

Pour l'anecdote, les soutras du Mahayana sont remplis d'éloges sur le pouvoir de les lire ou de réciter des mantras spécifiques et sur le fait que cela purifiera, par exemple, 60 000 éons de force négative. Ils sont remplis de tous ces chiffres extravagants. Cela peut nous sembler fou et nous pouvons nous demander de quoi il s’agit, et même nous sentir embarrassés. Mais si nous y réfléchissons, le Bouddha n'était pas stupide. Il y a un but à tout cela. Bien que certaines personnes puissent prendre ces nombres d'éons au pied de la lettre, je pense qu'ils ont pour but de nous encourager. Lorsque nous entendons parler de trois milliards ou d'innombrables éons de force positive et que nous pensons que si nous récitons un mantra particulier, il purifiera au moins 60 000 éons de force négatives, nous pouvons commencer à nous atteler à ce grand nombre. Cela nous encourage.

Il est important de ne pas aller jusqu'à l'extrême de penser que l'accumulation d'une force positive suffisante est trop facile, mais il faut aussi éviter l’autre extrême de penser que c’est une tâche impossible. Ces soutras du Mahayana nous aident à commencer à penser en très grand nombre. Ils rapportent que le Bouddha a enseigné à un nombre incroyable d'êtres de tous les différents royaumes. Nous pouvons penser qu'il s'agit d'un conte de fées, ou bien que c'est un moyen d'ouvrir notre esprit pour penser à tous les êtres sensibles. Nous devons commencer à penser à un très grand nombre d'êtres et à une très vaste envergure de nos actions, et qu’il est possible d’obtenir une telle purification et de développer cette force positive. Nous devons faire des efforts pour en arriver là. C'est ce pourquoi ces pratiques préparatoires préliminaires sont faites.

Comment ne pas pratiquer le ngondro

Il est important de ne pas faire les prosternations comme un simple exercice physique sans rien générer dans notre esprit. Cela ne produit pas beaucoup d'effet. Si c'était le cas, nous pourrions tout aussi bien faire 100 000 pompes ou tout autre exercice physique. Ce n'est certainement pas le but de la prosternation. Nous avons également besoin de concentration. Si nous faisons des prosternations avec l'esprit qui part dans tous les sens, en souhaitant que cela se termine au plus vite, cela ne sera pas non plus très efficace. Nous voulons construire un cheminement d’esprit positif. Combiner l’action du corps et de la parole avec celle de l’esprit est très utile pour éviter le vagabondage mental. Il est très facile de prendre l'habitude risquée de faire toutes nos pratiques dans notre tête, mentalement. Je suis coupable de cela et je parle d'expérience. Il est beaucoup plus difficile de se concentrer si nous ne faisons quelque chose qu'avec notre esprit. Si nous faisons quelque chose de physique en même temps, et que nous récitons quelque chose simultanément, il ne reste plus beaucoup de place pour le vagabondage mental. Il est vraiment très habile d'associer le corps, la parole et l'esprit. Inévitablement, en tant que bouddha, nous voulons que notre corps, notre parole et notre esprit soient totalement unifiés.

Il est donc très bénéfique de prendre l'habitude d'unifier notre corps, notre parole et notre esprit dans nos pratiques, en particulier dans les pratiques ngondros. Il ne s'agit pas simplement de faire quelque chose physiquement et de réciter des choses dans le vide. Dans chaque tradition, il y a différentes pratiques à réciter. Il n'y a pas qu'une seule façon de faire. Si nous considérons le Dharma et la multitude de moyens habiles et de méthodes que le Bouddha a enseigné, nous pouvons en déduire de manière évidente qu’il y a de nombreuses variations dans la façon de pratiquer les ngondros. C’est ainsi. C'est un grand malentendu que de penser que nos pratiques sont bonnes et que celles des autres sont mauvaises, et d'introduire cette mentalité de compétition dans notre pratique du Dharma. En faisant des prosternations, nous comprenons le refuge et le fait que nous allons dans la direction positive du Bouddha, du Dharma et du Sangha, qui sont les objets vers lesquels nous nous prosternons. Nous voulons atteindre nous-mêmes cet état de Bouddha, de Dharma et de Sangha et nous leur rendons hommage. Il est également utile de penser au refuge et à la prosternation en termes de résultat, c’est-à-dire de penser à celles et ceux qui l'ont atteint, à la voie, à notre propre illumination que nous visons à atteindre avec toutes ces pratiques, et à la base, nos facteurs de la nature-de-bouddha sur la base desquels nous pouvons l'atteindre. Ensuite, nous faisons preuve de respect en focalisant notre esprit sur la raison pour laquelle nous faisons ce que nous faisons.

La purification de Vajrasattva fondée sur le renoncement

Une autre pratique majeure du ngondro est celle de Vajrasattva. La pratique de Vajrasattva doit être fondée sur le renoncement des deux premières nobles vérités. Qu'essayons-nous de purifier avec la pratique de Vajrasattva ? La souffrance et ses causes. Nous devons comprendre cela et avoir confiance dans les troisième et quatrième nobles vérités. Nous devons être certains qu'il est possible de se débarrasser de tout le potentiel négatif accumulé. Nous allons le faire en appliquant les forces d’opposition. La pratique de Vajrasattva est cependant une purification provisoire. La seule chose qui nous débarrassera vraiment de ce potentiel négatif est notre compréhension du vide, de sorte que nous ne répéterons plus un quelconque comportement négatif. La pratique de Vajrasattva est en quelque sorte un moyen de nettoyer l’ardoise ou de remettre les compteurs à zéro, mais cela ne garantit pas que nous ne nous comporterons pas à nouveau de manière négative à l’avenir.

Nous devons avoir pleinement confiance dans les quatre nobles vérités. Par conséquent, nous appliquons les forces d’opposition telles que celle de Vajrasattva et ainsi de suite pour nous purifier. Sans cela, que faisons-nous ? Nous ne faisons que réciter une centaine de syllabes, ce qui n'a aucun sens. C'est pourquoi nous avons cette pratique élaborée de Vajrasattva et nous imaginons que la purification se produit d'une manière graphique.

L'offrande du mandala

Il est très important de faire la pratique ngondro de l'offrande du mandala. Nous devons la faire avec amour, compassion et générosité. Nous faisons une offrande et ce que nous voulons offrir, ce sont les circonstances les plus propices à tous les êtres, afin que chacun puisse atteindre l'illumination. J’ai traduit le verset traditionnel standard à réciter, que voici :

En dirigeant mon esprit vers les champs de bouddhas, et en leur offrant cette base, ointe d'eaux parfumées, parsemée de fleurs et ornée du mont Mérou, des quatre continents, du Soleil et de la Lune, puissent toutes celles et ceux qui errent être conduits vers ces terres pures.

Qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Nous souhaitons que chacun puisse pratiquer dans une terre pure, que nous visualisons selon la tradition indienne avec le mont Mérou au centre, etc. Les caractéristiques géographiques de cette terre ne sont pas la question. Il s'agit d'imaginer et d'offrir à chacun les circonstances les plus propices pour atteindre la libération et l'illumination. Dans cette terre pure, que tout soit parfait pour que chacun puisse pratiquer le Dharma 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Il ne s'agit pas simplement de passer du temps dans une terre pure et de s'amuser. Tout au long de notre séjour, nous pratiquons, nous écoutons les enseignements, etc., afin d’atteindre l'illumination. C'est ainsi que nous pratiquons la générosité, en voulant que tout le monde ait cela. Sinon, nous serions comme un enfant qui joue avec des anneaux, du riz et ainsi de suite, et cela n'aurait aucun sens.

Le gourou-yoga

La pratique ngondro du gourou-yoga, ou yoga du maître, n'a de sens que si nous avons la bodhichitta, sinon il s'agit d'un culte de la personnalité qui peut être assez bizarre et qui peut prendre une tournure très négative. Nous voulons trouver l'inspiration du corps, de la parole et de l’esprit, généralement auprès du fondateur de notre tradition ou d'une grande figure. Que faisons-nous ? Cette personne représente l'illumination que nous n'avons pas encore atteinte. Nous voulons atteindre cette illumination grâce à la bodhichitta. Tout cela est représenté par le gourou. Nous souhaitons alors : « Puissé-je avoir l'inspiration nécessaire pour atteindre l'état d'éveil que vous représentez. » Cela s'adresse au gourou, au yidam ou au Bouddha. Il s'agit du gourou-yoga, et non de l’adoration du gourou. Ce n'est pas la même chose.

Comprendre l’objectif du ngondro

Ces pratiques préparatoires fondamentales non partagées s’appuient toutes sur les pratiques partagées : les quatre pensées qui tournent l'esprit vers le Dharma, avec le refuge, les perfections et la bodhichitta qui en découlent. Le ngondro n'est pas un remède miracle à nos problèmes. Ce n'est pas une façon de payer nos dettes peu glorieuses, d'en finir le plus vite possible, afin de rejoindre la foule et d'accéder aux bonnes choses. Il ne s'agit pas non plus de penser que nous sommes des pécheurs et qu'il s'agit d'une punition que nous devons accomplir pour nous laver de nos péchés afin que le Bouddha nous pardonne. Ce serait une incompréhension totale de la voie bouddhique que de penser ainsi.

Essayez de comprendre le but du ngondro. Il s'agit de développer des voies neuronales plus positives et non pas simplement de se prosterner sur le sol. Ce n'est pas le but. Les actions physiques et les paroles que nous prononçons nous aident à nous concentrer sur des états mentaux positifs.

Prendre des initiations et entreprendre des pratiques tantriques prématurément

Lorsque des initiations sont données, il est important de ne pas y assister simplement parce que tout le monde y va et que nous avons l'impression de devoir suivre, avec la crainte que les gens puissent avoir une mauvaise opinion de nous si nous ne le faisons pas. Il ne faut pas y aller avec cet état d’esprit. Il est très important, et cela est souligné à maintes reprises dans les enseignements, d'examiner au préalable le maître et la pratique tantrique spécifique. « Est-ce que cette pratique est quelque chose que je veux vraiment faire ? Suis-je prêt à la faire ? S'agit-il d'un maître en qui je peux avoir confiance ? Est-ce un maître en qui j'ai confiance ? »

Ne vous fiez pas uniquement à la stature de maître ou à son charisme. Hitler était charismatique, cela ne signifie pas pour autant que nous devons suivre quelqu'un uniquement en raison de sa célébrité ou de son charisme. Tout le monde ne se sentira pas proche du même maître, même de grands maîtres. Nous sommes des individus. Nous devons nous sentir inspirés par le maître et avoir une sorte de lien avec lui, sinon cela ne fonctionne pas vraiment. Si d'autres personnes peuvent ressentir ce lien avec un grand lama qui donne une initiation, ce n'est pas forcément le cas pour nous. Ce n'est pas grave. Ne vous sentez pas obligés d'assister aux initiations simplement parce qu'elles ont lieu. Ce qui est dit dans les enseignements, c'est que si nous ne sommes pas préparés et que nous prenons une initiation et entrons dans la pratique du tantra sans avoir atteint un certain niveau de bodhichitta — pas nécessairement une bodhichitta sans effort continue, mais un niveau profond de bodhichitta — cela a pour résultat de nous faire renaître en tant que fantôme sous la forme de l'une de ces déités tantriques. Pourquoi cela ? Parce que le potentiel positif que nous sommes en train d'accumuler n'est pas dédié à l'illumination. Il s'agit simplement d'un potentiel positif samsarique. Le potentiel karmique samsarique va conduire à une renaissance samsarique. En imaginant que nous sommes sous la forme de cette déité, nous créons les causes d'une renaissance sous la forme d'un fantôme de cette déité.

C'est assez horrible si l'on y réfléchit. L'important est de ne pas s'engager dans la pratique tantrique avant de se sentir prêt. Cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas assister à ces initiations. Cela peut être très inspirant. Mais, comme l'affirment de nombreux maîtres traditionnels dans la littérature bouddhique, si nous assistons à une initiation, nous n'avons pas reçu l'initiation tant que nous n'avons pas pris les vœux. Nous devons prononcer les vœux. Les vœux de bodhisattva sont présents dans toutes les classes de tantra. Dans les deux classes supérieures du tantra, nous avons également les vœux tantriques. Et, comme l'a souligné Atisha dans Une lampe sur la voie vers lillumination, nous devons au minimum être stabilisés dans un certain niveau des vœux pratimoksha pour la libération individuelle — que ce soit des vœux laïcs ou monastiques — afin d'avoir une base pour être capables de recevoir et de garder les vœux de bodhisattva. Le simple fait d'assister à une initiation sans savoir ce qui se passe ne signifie pas que nous avons prononcé les vœux. C'est une idée fausse que les gens ont. « J'étais là et je ne savais pas ce qui se passait. Il n'y avait pas de traduction ou je n'ai pas compris le traducteur et maintenant je suis coincé avec ça. » Si nous ne prenons pas consciemment les vœux, nous ne les avons pas reçus. Par conséquent, nous pouvons être là, comme le décrit Sa Sainteté le Dalaï-Lama, en tant qu’« observateur neutre ». C'est tout à fait correct. Les Occidentaux appellent cela « recevoir les bénédictions ». Il n'y a rien de mal à cela. Mais il ne faut pas croire que parce que nous avons été là pour l'inspiration en tant qu'observateur neutre, nous avons maintenant pris les vœux et les engagements et que nous allons pratiquer le tantra.

Les vœux

En ce qui concerne les vœux, comme l'a dit l'un de mes maîtres : « Nous avons de la chance qu'il n'y ait pas plus de séries de vœux, parce que nous les prendrions et ne les respecterions pas non plus ». Si nous prononçons les vœux, nous devons être très sérieux dans notre volonté de les respecter et ne pas les considérer comme des punitions ou des restrictions. Il s'agit en fait de lignes de conduite très utiles. Ce sont les frontières ou les limites que nous ne voulons pas dépasser. Elles donnent une certaine forme à notre comportement. Il est très utile d'avoir une sorte de ligne directrice pour savoir quel type de comportement ou d'attitude serait le plus préjudiciable à notre capacité d'aider les autres.

Par exemple, en ce qui concerne le premier vœu de bodhisattva, qui consiste à s'abstenir de se louer soi-même et de rabaisser les autres à cause de l'attachement, de la jalousie et ainsi de suite, si nous agissons toujours avec une attitude supérieure en rabaissant les autres, personne ne nous fera vraiment confiance. Les gens ont l'impression que quelque chose ne va pas et qu'on leur vend quelque chose ou que le maître se vend lui-même en tant que tel. Cela n'aide pas. Si nous disons du mal d'une personne, les gens penseront que la prochaine fois, nous dirons du mal d'elle en son absence. Cela suscite la méfiance et nous empêche de les aider. C'est ainsi que nous devons comprendre les vœux.

Les vœux tantriques ne sont pas faciles à respecter. Ils stipulent par exemple de méditer sur la vision correcte du vide six fois par jour. Si nous n'avons pas une idée de la vision correcte, comment pouvons-nous le faire ? Il y a de sérieuses considérations à prendre en compte lorsque nous assistons à des initiations. Avons-nous vraiment examiné si nous voulons faire cette pratique ? C'est là tout l'intérêt de suivre une initiation à une pratique spécifique. Nous devons vouloir faire cette pratique, sinon, pourquoi sommes-nous là ? Pour obtenir des bénédictions et de l'inspiration ? C'est bien, mais pas si nous ne sommes pas vraiment là pour nous engager dans la pratique. Il se peut que nous n'ayons pas l'intention de nous engager immédiatement dans cette pratique, mais il s'agit peut-être d'un très vieux lama et de quelqu'un pour qui nous avons un immense respect, et il se peut qu'il ne soit plus de ce monde jusqu'à ce que nous soyons prêts à la pratiquer. Par conséquent, nous créons maintenant le potentiel nécessaire pour pouvoir le faire plus tard. C’est acceptable. Mais nous devrons respecter les vœux jusqu'à ce moment-là.

Le corps d'un bouddha

Il est très important de comprendre ce que nous faisons en prenant ces initiations. Sans la bodhichitta, comme je l'ai dit, le fait de nous visualiser comme l'un de ces yidams, ces figures-de-bouddha, crée des causes de renaissance en tant que fantôme sous la forme de ces figures. Mais avec la bodhichitta, nous consacrons la force positive de notre pratique à l'illumination. Là encore, nous revenons au karma. Au lieu de renaître avec un corps samsarique et toutes ses limitations, nous voulons prendre la forme du corps d'un yidam. Un yidam est une figure de méditation ou, comme on l'appelle parfois, une déité. Pourquoi ? Quels sont les malentendus à ce sujet ? N'est-ce pas un peu bizarre ? Est-ce que c'est ce que nous voulons faire, devenir cette figure avec tous ces bras, ces visages, ces jambes et ainsi de suite, tenant tous ces différents instruments ? De quoi s'agit-il ? En fait, la forme du corps d'un bouddha, autrement dit, la forme sous laquelle un bouddha apparaît, est destinée à satisfaire les objectifs des autres. Le Dharmakaya remplit les objectifs d'un bouddha, à savoir la véritable cessation de tous les obscurcissements, l'omniscience, l'amour égal pour tout le monde, et ainsi de suite. L'objectif d'un bouddha est d'être capable d'aider tous les êtres, mais c'est avec un corps et une parole qu’il est en mesure de le faire. Prendre la forme de ces yidams ou figures-de-bouddha est une méthode pour être en mesure d'aider les autres. Comment cela est-il bénéfique aux autres ? Eh bien, chaque bras, chaque visage, chaque jambe représente une vision différente, une réalisation ou une compréhension différente des enseignements fondamentaux. Par exemple, les six bras représentent les six perfections. Les trois visages représentent le corps, la parole et l’esprit éveillés. Tout représente quelque chose. Ces figures-de-bouddha sont donc des infographies. Ce sont des formes qui nous aident à intégrer tous les différents enseignements et à en tenir compte en même temps. C'est ce que nous voulons être capables de faire en tant que bouddha. Nous nous manifestons sous ces différentes formes comme des méthodes que d'autres peuvent pratiquer. Il est très important de comprendre cela.

Plutôt que la force positive mûrisse dans un environnement samsarique agréable, nous voulons qu'elle mûrisse dans un environnement parfait, idéal pour la pratique. C'est le mandala. Là encore, chaque élément architectural représente un aspect de la voie bouddhique et nous aide à rester attentifs à toutes ces choses.

Au lieu de répéter compulsivement des habitudes samsariques, nous voulons les activités d'éveil d'un bouddha qui aident réellement les autres et les inspirent. Plutôt que notre bonheur ordinaire provenant du potentiel positif samsarique, nous voulons la conscience de félicité d'un bouddha qui n'est associée à aucune confusion et n'a aucune limite.

Il est très important, si nous voulons entreprendre la pratique du tantra et prendre une initiation, d'avoir une certaine compréhension de ce qu'est le tantra. Nous devons avoir confiance dans la méthode du tantra pour pouvoir l'entreprendre. Nous ne devrions pas le faire uniquement parce qu’un maître encense ces pratiques ou à cause de la propagande selon laquelle c'est facile ou rapide et que nous avons besoin d'une chose rapide parce que nous n'avons pas beaucoup de temps. Nous devons avoir une compréhension de base de ce dans quoi nous nous engageons.

Les enseignements des sept joyaux d’un arya

Pour cela, je trouve toujours très utiles les enseignements et la présentation des sept joyaux d’un arya. Atisha insiste beaucoup sur ce point dans sa Guirlande de joyaux d’un bodhisattva.

(1) Tout d'abord, il y a la confiance, parfois traduite par « foi », mais ce n'est pas vraiment l’idée. Nous devons avoir confiance dans les enseignements. Si nous n'avons pas confiance dans les méthodes du tantra, dans leur efficacité et dans la possibilité d'atteindre l’illumination grâce à eux, cela ne fonctionnera pas. Nous devons avoir confiance dans ce que nous atteignons, dans le fait que c'est réalisable et que nous pouvons vraiment le faire.

(2) Le deuxième élément est la discipline. Sans prendre les vœux et avoir la discipline de s'abstenir de tout comportement négatif et de s'engager dans un comportement positif et constructif, ainsi que la discipline de méditer et de faire toutes les pratiques, il n'y a pas de tantra.

(3) Le joyau d’un arya suivant est la générosité. Nous devons consacrer du temps à cette pratique. De plus, nous imaginons que nous aidons tout le monde, ce qui implique d'être généreux de notre temps. Cette attitude doit être présente. Nous ne pouvons pas nous attendre à un travail rapide. Cela va prendre beaucoup de temps et d’efforts.

(4) Nous devons également faire preuve d'écoute. Nous devons recevoir les instructions appropriées et y réfléchir afin d'avoir confiance en notre compréhension. Écouter signifie essentiellement étudier, qu'il s'agisse de lire ou de toute autre chose, afin d'obtenir toutes les informations sur le Dharma, d'y réfléchir, de les comprendre et de les assimiler. Ensuite, avec confiance, nous pouvons les combiner avec les méthodes du tantra.

(5) Il y a aussi le joyau de la dignité. Nous ne transgressons pas les vœux et nous avons suffisamment de respect pour nous-mêmes, sur la base de la nature-de-bouddha, pour ne pas agir de manière insensée. Comme cela est souligné à maintes reprises, nous gardons nos pratiques secrètes, comme cela est souvent traduit. Le mot « secret » ne donne pas tout à fait le sens correct. En réalité, la connotation appropriée est de garder nos pratiques privées. Nous n'annonçons pas aux gens ce que nous faisons. Nous n'affichons pas de représentations de bouddhas effrayants ou nus dans notre salon, où toute personne qui entre dans la pièce se demande, en les voyant, ce que c'est ou commence à les rabaisser ou à penser que nous faisons quelque chose de très étrange. Rien ne sera plus décourageant que des personnes qui critiquent ou se moquent de ce que nous faisons. Restez discret. Ce que nous faisons avec notre pratique ne regarde personne d'autre. Prenez cela au sérieux.

Une partie de l'initiation stipule que nous devons garder notre pratique cachée et privée et décrit toutes les choses terribles qui se produiront si nous ne le faisons pas. Nous pouvons prendre ces points de manière littérale, comme le fait que « notre tête sera fracassée », mais nous pouvons aussi comprendre que cela détruit complètement notre confiance et notre énergie pendant nos pratiques. Nous ne voulons pas que tout le monde se moque de nous et nous critique lorsque nous pratiquons ces méthodes. Notre pratique est quelque chose que nous voulons pouvoir chérir comme quelque chose de très spécial et de précieux. Ne vous contentez pas de faire de la publicité en portant un t-shirt Kalachakra, par exemple.

(6) Un autre joyau d’un arya est de se soucier de la façon dont nos actions se répercutent sur les autres, en particulier sur notre maître et notre lignée. Nous pratiquons le tantra, par exemple, mais nous nous enivrons, nous nous battons et nous causons toutes sortes de problèmes. Cela ne marchera jamais. C’est particulièrement le cas si nous ne nous entendons pas avec nos parents et que nous ne nous occupons pas d’eux. Cela donne une mauvaise image du bouddhisme et de nos maîtres.

Parfois, je demande à mes étudiants pourquoi ils ne volent pas. Est-ce parce qu'ils ont peur d'aller en enfer ? Personne ne pense cela. En général, c'est simplement parce qu'ils ne se sentent pas à l'aise. Ils ne feraient pas une chose pareille. Pourquoi ? Parce que nous avons suffisamment de respect pour nous-mêmes. C'est le facteur dont il est question dans ce joyau d’un arya. Nous avons suffisamment de respect pour nous-mêmes pour ne pas agir de la sorte et nous pensons à l'image que cela donnerait de notre maître et de notre lignée.

(7) Le dernier joyau d’un arya est la conscience discriminante du vide du soi du pratiquant, de ce qu’il pratique et de la pratique elle-même. Ces trois aspects sont interdépendants. Ce n'est pas que nous soyons comme ce ver de terre pathétique ici-bas, que le maître soit tellement merveilleux là-haut et que les pratiques soient si spéciales. Il s'agit simplement de pratiquer en étant conscient de ces facteurs. Ce n'est pas que nous soyons un grand yogi faisant ceci ou cela, ou que nous soyons de si terribles et mauvais pratiquants, etc. Il ne s'agit pas d'être dualiste, mais de pratiquer en comprenant que tout se produit de manière dépendante, en fonction de la causalité, ce qui nous ramène à nos enseignements fondamentaux sur le karma. Tout se produit en fonction de causes et d’effets et de la coproduction conditionnée.

L'erreur d'accorder trop d'importance aux détails de la visualisation et des rituels

Le dernier sujet que je voulais aborder est de penser que la partie la plus importante de la pratique du tantra est l'accomplissement des rituels et la visualisation correcte de tous les détails. Cela peut être une erreur, surtout au début si, par exemple, nous nous interrogeons sur tous les bijoux que porte la déité et sur son apparence, avec tous les petits détails qui s'y rapportent. Au début, nous ne pouvons pas vraiment visualiser tout cela, il est impossible d'obtenir tous les détails. À force d'essayer de visualiser tous les détails correctement et d'échouer, nous nous décourageons totalement. Cela ne nous aide pas du tout. D'un autre côté, si nous faisons simplement un rituel sans rien faire dans notre tête, c'est comme un enfant qui joue au docteur ou à la poupée. Cela se limite à un jeu théâtral et cela n'a pas beaucoup d'effet non plus. Bien que nous devions avoir une idée générale de ce que nous faisons et une idée générale des détails, nous ne devons pas en faire une obsession. Ce n'est pas le plus important. La chose la plus cruciale est la compréhension de ce que nous faisons. Dans la classe la plus élevée du tantra, nous voulons transformer le processus de la mort, du bardo et de la renaissance. Nous devons comprendre comment cela se produit et, au lieu de renaissances récurrentes incontrôlables, nous apparaissons parallèlement sous la forme d'un véritable bouddha. C'est la partie essentielle de la pratique.

Deux facteurs sont impliqués dans toute visualisation. La visualisation signifie « imaginer », et ne pensez pas que c’est uniquement visuel. Il est trompeur de l'appeler simplement visualisation, car nous imaginons avec tous nos sens. L'imagination est une force très puissante que nous possédons et que nous exploitons dans le tantra. De nombreux manuels et instructions de méditation indiquent que deux facteurs sont nécessaires pour une visualisation réussie. Le premier facteur est la clarté. La clarté signifie que quelque chose apparaît réellement dans notre imagination, même si ce n'est pas nécessairement de façon claire. Le second facteur est la fierté de la déité. La fierté de la déité signifie que, avec une motivation de bodhichitta et une compréhension correcte (du vide), nous prenons cette visualisation comme base pour l'imputation du « moi ». Cette visualisation de nous-mêmes en tant que figure-de-bouddha représente l'illumination que nous n'avons pas encore atteinte, mais que nous pouvons atteindre sur la base des facteurs de la nature-de-bouddha qui font partie de notre continuum mental. Tout comme « moi » est une imputation sur nos formes ordinaires, « moi » est également une imputation valide sur notre continuum mental dans le futur, lorsque nous deviendrons un bouddha. Sur la base de cette imputation, la fierté de la déité est le sentiment que nous sommes cette figure-de-bouddha, mais avec la compréhension du vide et sans identifier un « moi » solide avec cette figure. Devenir cette figure ne peut se produire qu'en fonction des causes et des conditions. En prenant en compte la fierté de la déité, la compréhension correcte du vide et la coproduction conditionnée, nous avons le sentiment que c'est « moi ». Ce sentiment n'est pas quelque chose de fou, car nous comprenons que le fait d'être un bouddha sous la forme d'une déité n'est pas littéralement en train de se produire en ce moment. En ce qui concerne la clarté de tous les détails, les textes disent que la fierté de la déité est la plus importante. La visualisation peut être assez vague, mais l'important est de sentir que « je suis cela » et que c'est quelque chose que nous pouvons atteindre. Au fur et à mesure que notre concentration s’améliore, les détails de la visualisation se précisent. Connaissez les détails, mais ne soyez pas obsédés par le fait d'avoir, par exemple, tous les bijoux disposés correctement, et de vous souvenir de tous les objets tenus dans les bras. Cela pourrait vous rendre fou.

Conseils pour le moment de la mort

Il est très intéressant de réfléchir à notre mort et des pratiques à mettre en œuvre au moment où elle surviendra. Dans le tantra, nous simulons ce qui se passera lorsque nous mourrons. Nous voulons être capables de mourir en maintenant l'état de claire lumière de l'esprit avec la pleine compréhension du vide, puis d’apparaître sous la forme d'une déité. C'est très merveilleux, mais comme le dit Sa Sainteté le Dalaï-Lama, à moins de nous être grandement entraînés pour pouvoir faire cela, nous risquerons de paniquer au moment de la mort, à essayer de faire une visualisation, sans nous souvenir de tous les détails et de tout ce que nous tenons dans telle ou telle main. En étant stressés de la sorte, nous allons gâcher la possibilité de mourir dans un état d'esprit calme et clair, parce que nous serons préoccupés par tous les détails de ce que nous tenons dans nos mains lors de la visualisation. Sa Sainteté conseille plutôt de se concentrer sur la bodhichitta, l'amour et la compassion pendant que nous mourons. « Puissé-je continuer à avoir une précieuse renaissance humaine afin de pouvoir continuer à travailler à l’illumination pour le bénéfice de tous les êtres. » Il faut aussi penser à nos gourous et mourir ainsi, à moins que nous soyons très entraînés dans notre pratique tantrique. Si c'est le cas, c'est très bien, mais ce n'est pas le cas de la plupart d'entre nous.

Ce conseil est très utile et s'inscrit dans le fait de ne pas penser que la chose la plus importante dans le tantra est de visualiser tous les détails avec précision.

Les trois principaux aspects de la voie

Le renoncement

Pour une pratique tantrique réussie, Tsongkhapa insiste sur le fait que nous avons besoin des trois principaux aspects de la voie que sont le renoncement, la bodhichitta et la compréhension correcte du vide. Pourquoi avons-nous besoin du renoncement ? Le renoncement signifie la détermination à se libérer de quelque chose. Le terme tibétain signifie littéralement que nous sommes très fortement déterminés à faire quelque chose. Nous en devenons certains. De quoi sommes-nous déterminés à nous libérer ? Nous sommes déterminés à nous débarrasser et à nous libérer du samsara et de toutes nos limitations. Plus précisément, l'esprit projette toutes sortes de fantasmes, de dualité ou autres sur tout et nous croyons que cela correspond à la réalité. C'est ce à quoi nous renonçons dans le tantra. Il s'agit de renoncer à l’apparence ordinaire créée par l'esprit et de la croyance que cela correspond à la réalité. Nous croyons que nous et tout le monde avons une existence dûment établie, une existence établie par quelque chose en soi, indépendamment de son contexte.

L'exemple le plus simple et le plus clair d'une existence en apparence dûment établie est celui d'un site web. Lorsqu'une page web apparaît sur l'écran de notre téléphone, on a l'impression qu'elle est apparue par ses propres moyens. Elle semble sortir de nulle part et se suffire à elle-même. Elle est là, paf, établie toute seule, d’elle-même. On n'a pas l'impression que la réalisation du site web a nécessité des dizaines de milliers d'heures de travail de la part d'une centaine de personnes. Il ne semble pas non plus que cela ait nécessité l'énorme quantité d'argent et de temps qu'il a fallu pour le construire. Ce n'est pas du tout l'impression que l'on a, n'est-ce pas ? Pourquoi n'est-ce pas le cas ? La façon dont cela nous apparaît vient de notre esprit, et notre esprit est limité. Il fait en sorte que les choses apparaissent comme telles, comme si elles s'étaient établies d'elles-mêmes. En réalité, il s'agit d'un phénomène de la coproduction conditionnée. La page du site web est apparue sur nos téléphones en fonction de nombreuses causes et conditions, ainsi que des éléments qui se trouvent à l'intérieur du téléphone. Il est étonnant de constater à quel point elle dépend de tout. C'est aussi un exemple des enseignements sur le karma. Les choses ne naissent pas d'une seule cause, mais d'une combinaison de nombreuses causes. Le Bouddha l'a très bien dit : un seau d'eau n'est pas rempli par la première ou la dernière goutte, mais par l'ensemble des gouttes. Tout ce qui se produit dépend d'innombrables causes et conditions. Rien ne s'établit de lui-même par sa propre force.

Nous voulons renoncer à cette apparence trompeuse et fausse d'une existence dûment établie, ainsi qu'à notre esprit qui crée de telles apparences. Sa Sainteté le Dalaï-Lama s'intéresse toujours beaucoup à la physique quantique et a de nombreuses discussions avec des scientifiques. La physique quantique présente des similitudes avec la théorie du vide, même si elles ne sont pas exactement analogues. Par exemple, nous avons un champ quantique, ce qui signifie qu'il existe toutes ces possibilités simultanées. Ce n'est qu’à cause de l'interaction avec un observateur que le champ s'effondre en une particule ou une onde, ou en une particule qui se trouve ici ou là.

En physique quantique, le champ quantique ne peut s'effondrer qu'une seule fois ; mais ici, c'est comme si nous avions un champ quantique de coproduction conditionnée. C'est ce que perçoit un bouddha, ce champ quantique contenant tout ce qui est interconnecté avec tout : toutes les causes et conditions passées, présentes et futures, tous les êtres, etc. Un bouddha perçoit simultanément tout le champ de la coproduction conditionnée. C'est l'esprit omniscient d'un bouddha. Nos esprits limités le réduisent à une seule chose, en fonction de nos projections et de notre équipement matériel. Mais ce que notre esprit réduit est une apparence que nous sommes les seuls à percevoir, et qui nous apparaît comme étant dûment établie. En outre, ce que nous voyons à travers le matériel de notre œil humain et ce qu'une mouche voit à travers son œil d'insecte à plusieurs prismes sont très différents. Où se trouve alors la réalité ? La façon dont nous réduisons ce champ dépend de ce que nous voyons. Il en va de même pour nos cadres conceptuels, etc. Nos esprits limités réduisent ce champ à une apparence apparemment dûment établie, avec de nombreuses projections telles que « je ne suis pas bon » ou « c'est terrible », et ensuite nous nous plaignons. Nous renonçons à tout cela et nous voulons plutôt transformer ce champ en un mandala, avec des figures-de-bouddha, des yidams et toutes les déités. Nous le faisons parce qu’il est très utile pour les autres de pouvoir pratiquer avec ces formes. En tant que bouddha, nous voulons apparaître sous la forme de ces corps de figures-de-bouddha et de mandalas et les offrir aux autres pour qu'ils les utilisent sur le chemin, parce que tous ces différents bras et jambes représentent différents aspects de la voie. Cela aide les pratiquants à intégrer simultanément tous ces aspects.

Si nous réduisons ce champ quantique à une seule apparence dûment établie, c'est incorrect, que nous la réduisions à nos apparences ordinaires ou aux apparences d'une figure-de-bouddha. C'est pourquoi la compréhension du vide est essentielle, pour déconstruire toute apparence comme étant une réalité concrète dûment établie. Néanmoins, nous voulons toujours renoncer à l'apparence ordinaire de notre esprit et utiliser sa capacité à créer des apparences, à effondrer le champ quantique en une terre pure et à produire ces diverses visualisations que nous faisons. Le renoncement ainsi que la compréhension correcte du vide sont essentiels ici.

La bodhichitta

Ce que nous visualisons et imaginons est ce que nous visons, c’est-à-dire notre propre illumination qui n'a pas encore eu lieu. Avec la bodhichitta, nous voulons atteindre cette illumination qui ne s'est pas encore produite et nous visons à l'atteindre afin d'en faire bénéficier tous les êtres. En pratiquant maintenant, nous nous entraînons. Ce faisant, nous développons un potentiel plus fort pour l'atteindre plus efficacement qu’avec la seule pratique des soutras.

La compréhension correcte du vide

La compréhension correcte du vide est que cette illumination qui n'est pas encore arrivée, avec ces figures-de-bouddha et ces mandalas, n'existe pas déjà, et qu'elle ne se trouve pas non plus quelque part à l’intérieur de nous, prête à surgir lorsque nous aurons accumulé suffisamment de force positive et de conscience profonde. Imaginer que notre illumination existe de cette manière est une idée fausse. La nature-de-bouddha n'est pas simplement assise à l'intérieur de notre tête en attendant de se manifester. L’idée que l’illumination ne se produit pas encore car nous n'avons simplement pas réalisé que nous étions déjà illuminés n'est pas une compréhension correcte de la nature-de-bouddha. Il y a une différence entre ce qui se produit maintenant et ce qui ne se produit pas encore, mais qui peut se produire. Ce n'est pas que l'illumination soit impossible ou qu'elle n'existe pas.

Par exemple, nous pouvons penser à demain, n'est-ce pas ? Demain ne se produit pas aujourd'hui, mais nous ne pouvons pas dire qu'il n'y a pas de lendemain et qu'il n'existe pas. Il y a une grande différence entre quelque chose qui n'existe pas et quelque chose qui ne se produit pas présentement. Notre illumination future ne se produit pas maintenant, mais elle n’est pas totalement inexistante. L'illumination ne vient pas de nulle part et elle n'est pas là, dans notre tête, à attendre de paraître. Elle ne viendra pas de rien, elle n'existe pas d'une manière dualiste, totalement séparée de notre esprit, de notre continuum mental et de tous nos potentiels. Ce n'est pas que nous sommes ici et que l'illumination est là-bas et que nous ne pouvons pas l'atteindre.

Il est donc essentiel de comprendre la coproduction conditionnée. Les choses surviennent en fonction de nombreuses causes et conditions, et c'est la seule façon d'atteindre l'illumination. C'est également la seule façon d'avoir une pratique significative du tantra. Nous devons comprendre ce qui se passe et savoir que nous allons devoir travailler dur et nous y préparer. La pratique du tantra n'est pas quelque chose avec lequel nous commençons notre pratique bouddhique. Ce n'est pas pour les débutants. Il s'agit d'un type de pratique assez avancé.

Transformer notre vie

Si nous sommes déjà impliqués dans le tantra et que nous sentons que nous ne sommes pas prêts ou que c'est prématuré, nous devons faire plus d'efforts dans les enseignements fondamentaux. Nous ne devrions pas considérer les enseignements fondamentaux du soutra des quatre pensées comme quelque chose d’enfantin. Les enseignements fondamentaux sont ceux qui transforment réellement notre vie et il s'agit justement de les mettre en pratique dans notre vie. Il ne s'agit pas simplement de les répéter sur nos coussins de méditation. La vraie pratique, c'est la vie. Dans les situations difficiles, nous devons pratiquer la patience, la tolérance et la compréhension. Nous devons comprendre que lorsque quelqu'un agit de manière horrible, cela est dû à des causes et à des conditions. Nous ne sommes pas responsables de tout ce qui se passe dans l'univers et nous ne pouvons pas tout contrôler. C'est un véritable mythe que de penser ainsi, n'est-ce pas ? Nous ne pouvons pas tout contrôler, mais nous pouvons y contribuer. Cependant, tout dépend de nombreuses causes et conditions.

Questions

Voilà quelques éclaircissements que je voulais apporter sur les malentendus généraux concernant le ngondro et le tantra, ainsi que quelques conseils sur la manière de rendre notre pratique significative et efficace. Si vous souhaitez que j'aborde d'autres sujets, comme d’autres mauvaises compréhensions qui concernent les enseignants spirituels, n'hésitez pas à me le demander.

La langue dans laquelle nous faisons les pratiques et donner du sens à celles-ci

J'ai une question sur le langage. Dans le bouddhisme tibétain, est-il important de faire les pratiques en tibétain ou peut-on les faire dans notre langue maternelle ? Certains soulignent qu'il est important d'utiliser notre propre langue pour que nos pratiques soient significatives et viennent de notre cœur, tandis que d'autres suggèrent que la langue tibétaine ou la langue d'origine possède des qualités spirituelles qu'il ne faut pas sous-estimer. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez ?

En ce qui concerne la langue de pratique, il est intéressant de noter que les Tibétains ne pratiquent pas en sanskrit, mais en tibétain. Ils le font en tibétain, ce qui indique que les Tibétains ont donc déjà tout traduit. Ils conservent certains mantras en sanskrit, mais à part les mantras et quelques noms de fleurs, tout est traduit en tibétain. Le seul grand lama qui a insisté sur la nécessité de faire toutes les pratiques en tibétain est l'ancien Kalou Rimpotché. Il insistait pour que tout le monde fasse ces pratiques en tibétain parce qu'il avait de nombreux centres du Dharma dans différents pays et qu'il pensait que si tout le monde pratiquait dans la même langue, le tibétain, alors les gens pourraient pratiquer ensemble dans tous ces pays. Ce n'est pas que la langue tibétaine soit magique. La récitation en tibétain était mise en avant à un niveau très pragmatique pour construire la communauté. Cependant, Sa Sainteté le Dalaï-Lama dit qu'il est préférable de comprendre ce que nous faisons. C'est dans notre propre langue que nous pouvons le mieux le comprendre, mais la langue doit aussi être poétique et rythmée, ce qui n'est pas si facile dans de nombreuses langues. Elle doit être fluide lorsque nous récitons quelque chose dans le cadre d'une pratique de récitation. Si nous lisons un texte, la langue doit être suffisamment claire pour que nous en comprenions le sens.

Dzongsar Khyensté Rimpotché l'a très bien exprimé lors d'un récent discours en Allemagne. Il a dit que si les Tibétains devaient faire toutes leurs pratiques en allemand, écrites phonétiquement en lettres tibétaines, il doute que des Tibétains fassent ces pratiques. Il est très utile d'envisager la question d'un autre point de vue et de voir à quel point il est étrange d'insister sur le fait que nous devons réciter des choses dans une langue que nous ne connaissons pas. Il y a des avantages et des inconvénients à chaque point de vue, que nous le fassions tous dans la langue tibétaine originale ou dans notre propre langue. Mon expérience personnelle de l'étude et de la compréhension du tibétain est que, dans les premières années de ma pratique du Dharma, je faisais tout en tibétain. Mais ensuite, par manque de temps et parce que je faisais tout très rapidement dans ma tête, ma pratique s'est transformée en un acte consistant presque simplement à tourner des pages plutôt qu'à faire quelque chose ou à ajouter un sens à ce que je lisais rapidement en tibétain. C'est pourquoi, après un certain temps, je suis passé à l'anglais, car cette langue avait plus de sens pour moi. Cependant, quelle que soit la langue dans laquelle nous effectuons nos pratiques, celles-ci peuvent facilement devenir un exercice consistant à tourner des pages et à lire rapidement.

Si notre principal problème n'est pas le vagabondage mental, ce qui représente déjà un grand défi, un défi encore plus grand est de donner un sens à ce que nous disons ou lisons. Il est très difficile de donner un sens à nos récitations, et encore plus de le faire rapidement. Serkong Rimpotché avait l'habitude de dire que nous devrions être capables de passer en revue toutes les étapes progressives de la voie dans le temps qu'il faut pour mettre un pied dans l'étrier d'une selle et passer l'autre jambe par-dessus le cheval. Il disait que la mort n'attend pas que nous nous installions confortablement dans notre posture et que nous fassions les choses gentiment et lentement. Lorsque la mort survient, nous devons être capables de nous ressaisir instantanément. C'est ce que nous devons être capables de faire, non seulement au moment de la mort, mais aussi dans la vie. Si une situation se présente, si quelqu'un commence à nous crier dessus ou quelque chose de ce genre, nous ne pouvons pas dire « attendez une seconde », prendre une bonne posture, compter notre respiration pour nous calmer, nous lancer dans tout un raisonnement sur le fait que la personne a été notre mère dans une vie antérieure et tout le reste, pour enfin nous lever, faire preuve de patience et lui souhaiter une bonne continuation. Nous n'avons pas le temps pour cela. Notre patience doit être instantanée. Nous devons donner un sens à ce que nous faisons. Si nous pratiquons le tantra, une grande partie de la pratique inclut ces pratiques de récitation. La récitation est comme le scénario d'un opéra. Nous passons en revue les quatre incommensurables et le refuge. Tous les ngondros se trouvent au début de la sadhana. Dans les formes plus longues des sadhanas, tout est inclus. Il y a toujours Vajrasattva, le gourou-yoga et l'offrande du mandala. La véritable pratique consiste à être capable de générer l'état d'esprit nécessaire pour chacun de ces éléments et non pas de les parcourir rapidement et de se contenter de tourner les pages. Que nous fassions la pratique de la récitation en tibétain ou dans notre propre langue, il est tout à fait possible de la faire sans y mettre de sens dans les deux cas. Le fait que ce soit dans notre propre langue ne garantit pas que nous y ajoutions un sens. C'est là que se situe le véritable travail. Il est difficile de ressentir quelque chose, par exemple de l’amour, et de passer ensuite à l'étape suivante du texte de récitation. Ressentons-nous vraiment de l'amour à ce moment-là ?

Responsabilité collective et karma

Ma question porte sur le karma de groupe ou collectif dû aux événements qui se produisent à l'échelle mondiale et locale. Comment fonctionne le karma collectif des bouddhistes ? En tant que bouddhistes, ne sommes-nous pas liés d'une manière ou d'une autre à ce qui se passe en Birmanie, par exemple ? Jusqu'à ce que je sois confronté à quelqu'un récemment, il ne m'était jamais venu à l'esprit que quelqu'un puisse supposer que j'étais comme ces fanatiques bouddhistes birmans qui persécutent les minorités.

La question porte sur le karma collectif et notre responsabilité à cet égard. Tout d'abord, il y a le mythe selon lequel tous les bouddhistes sont des gens bien. En ce qui concerne n'importe quel groupe de personnes, on ne peut pas dire que tout le monde est comme ceci ou comme cela. Nous sommes tous des individus. Nous pouvons procéder à une certaine analyse des données concernant le pourcentage de bonnes personnes et le moment où elles le sont, mais cela n'est pas très utile. En ce qui concerne la responsabilité individuelle, si nous regardons dans la liste des facteurs mentaux énoncés dans l’Abhidharma, qui sont toujours présents dans chaque acte constructif comme fondement de l'éthique bouddhique, ils incluent le sens de la dignité et le souci de la façon dont nos actions se reflètent sur le groupe plus large, qu'il s'agisse de nos parents ou du bouddhisme. Chacune de nos actions se répercute sur les autres, de même que les leurs se répercutent sur nous en tant que bouddhistes. En ce sens, nous ne sommes pas responsables de leur comportement, mais leur comportement se reflète sur le bouddhisme et en tant que bouddhistes nous-mêmes, cela nous est certainement très préjudiciable. Cependant, ce n'est pas parce qu'une personne se dit bouddhiste ou chrétienne qu'elle suit les enseignements du Bouddha ou de Jésus. C'est également un mythe de croire que tous les moines sont éveillés et que tous les Tibétains sont des bouddhas. Les gens sont des individus et chacun a ses propres souillures samsariques à gérer.

En ce qui concerne le karma collectif, sommes-nous responsables de la façon dont ils agissent au Myanmar (Birmanie) ? Non, nous n'en sommes pas responsables. Les gens vont-ils dire que cela va se refléter sur le bouddhisme et donc sur « moi » ? Oui, mais nous ne pouvons pas vraiment défendre leur comportement, même si nous pouvons expliquer que la religion n'est pas le seul facteur impliqué dans ces conflits. Il y a aussi différents groupes ethniques qui s’affrontent et il y a une histoire de conflit entre les Bengalis et les Birmans. Beaucoup de facteurs historiques sont engagés et ce n'est pas si simple. Mais nous n'excusons évidemment pas ce qui se passe et ne disons pas que c'est bien ou que nous le tolérons. Nous devons par contre expliquer aux gens qu'ils ne doivent pas penser que ce comportement est en conformité avec les enseignements du Bouddha. Nous devons expliquer qu'il ne s'agit que de personnes ordinaires et confuses qui se livrent à la persécution. Comme le dit Sa Sainteté à propos de l'islam, ce n'est pas parce qu'il y a des personnes « malveillantes », comme il le dit, qu'il y a des personnes « malveillantes » dans tous les groupes religieux. Dire que tout le monde est un terroriste à cause d'un petit groupe de personnes qui ne représentent pas vraiment les enseignements religieux est une erreur. Cela doit nous aider à ne pas projeter d’idées fausses sur les personnes d'autres religions lorsqu'elles commettent des méfaits au sein de leurs communautés. Nous pouvons simplement expliquer aux autres que, oui, nous sommes d’accord pour dire que c'est terrible et que les bouddhistes condamnent cela. Nous pouvons dire qu'il s'agit d'une situation très complexe et pas seulement d’un affront du bien contre le mal. Que pouvons-nous faire d'autre ? Je pense que votre question porte davantage sur la responsabilité collective que sur le karma. Le karma collectif est un autre sujet. Pourquoi ce groupe particulier de personnes est-il blessé lors d'une catastrophe naturelle ? C'est une autre question.

Montrer l'exemple et enseigner aux enfants des valeurs universelles

En tant que bouddhistes, et vu l’état du monde, le moment n'est-il pas venu de parler davantage des croyances bouddhistes réelles en matière de compassion et de paix ?

En ce qui concerne ces questions collectives, devons-nous penser à un niveau plus global et universel ? Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un problème de karma collectif, mais plutôt d'un problème de coproduction conditionnée. Nous n'existons pas seulement en tant qu'individus isolés. Ce qui se passe dans le monde dépend de ce que chaque personne fait et de l'interaction entre les personnes. Nous pouvons y contribuer, mais nous devons comprendre qu'il y a beaucoup d'autres facteurs en jeu. S'il y a des soi-disant bouddhistes qui agissent d'une manière très peu bouddhiste, comme en Birmanie, nous pouvons essayer de donner l'exemple de ce qui serait la bonne manière d'agir en tant que bouddhiste. Mais nous ne sommes qu'un seul individu et lorsque nous parlons d'une vision collective plus large, il s'agit en fait d'une imputation, pour utiliser un terme technique, à de nombreux individus. Nous pouvons regarder et voir la tendance, comme une analyse de données, de x nombre de personnes qui sont bonnes, x nombre de personnes qui ne le sont pas, et comme une imputation, nous pouvons dire qu'il y a un groupe de personnes gentilles et un groupe de personnes méchantes. Il y a ces tendances, et les statistiques ont une certaine validité. Mais les statistiques sont constituées par chaque personne individuelle agissant d'une certaine manière. Je pense que l'important est de donner l'exemple de ce que signifie vraiment la mise en pratique des enseignements bouddhiques. Bouddha a enseigné de deux manières : d'une part, il y a les enseignements scripturaux fondés sur ce qu'il a réellement dit et enseigné et, d'autre part, il y a les enseignements indiqués par son exemple et fondés sur ses réalisations. Nous aussi, nous pouvons enseigner de ces deux manières, à la fois verbalement et par l'exemple que nous donnons. Cela ne peut se faire qu'individuellement. Nous pouvons inspirer les autres, et nous pouvons voir une tendance plus large comme une imputation à cela, c’est-à-dire si plus d'une personne inspire les autres par leurs exemples. En ce sens, nous essayons d'influencer et d'améliorer les choses. Nous devons toutefois être réalistes. Sa Sainteté le Dalaï-Lama est très sage dans son approche. Il est très difficile de changer les habitudes et les modèles des adultes à ce stade de leur vie en ce qui concerne leur façon de traiter les problèmes dans le monde par l'agressivité, la violence et les intérêts personnels. Ce que nous devons faire, c'est changer le système éducatif pour qu'au lieu d'enseigner uniquement des valeurs matérialistes, nous y ajoutions ce qu'il appelle des « valeurs universelles » ou des « valeurs humaines fondamentales ». Il s'agit de ce que l'on appelle « l’éthique laïque », acceptée par toutes les religions et même par celles et ceux qui n'acceptent aucune religion. Il s'agit notamment de la bonté, de la patience, du pardon, de l'affection et de l'attention portée aux autres, autant de valeurs fondamentales.

Nous pouvons commencer à enseigner ces valeurs aux très jeunes enfants. Des programmes sont en cours d'élaboration, notamment dans une université américaine et une université indienne, afin d'intégrer ces valeurs dans le système éducatif. Cela se fait à l'aide d'exercices très simples. J'ai vu le matériel sur lequel ils travaillent et il est brillant. Par exemple, ils ont un exercice pour les enfants de maternelle dans lequel les enfants se tiennent en cercle et l'enseignant se tient au milieu. L'enseignant dit : « Tous ceux qui aiment que quelqu'un soit gentil avec eux, venez vous placer au milieu du cercle. » Tous les enfants vont au milieu du cercle. Puis les enfants reviennent en arrière, et l'enseignant dit : « Tous ceux qui aiment quand quelqu'un est méchant avec eux, venez au centre du cercle. » Personne ne vient au centre. De cette façon, les enfants apprennent la valeur de la bonté et, pour dire les choses simplement, qu'il est préférable d'être gentil que d'être méchant avec quelqu’un, et que cela fait une différence. De cette manière, nous pouvons progressivement introduire ces idées dans un contexte non religieux au sein du système éducatif. Les projets pilotes menés jusqu'à présent ont été couronnés de succès. Si nous parlons de changer les choses collectivement, nous devons commencer au niveau où cela peut réellement être efficace. Nous devons être patients, car cela prendra du temps. Il s'agit vraiment de la génération future, de ces jeunes enfants.

Avec des programmes comme celui-ci, il peut y avoir de l'espoir pour l'avenir, à condition que nous puissions amener les jeunes à sortir la tête de leur téléphone et à s'impliquer réellement avec d'autres personnes. Ce sera le grand défi. Lorsque les casques de réalité virtuelle prendront le dessus, il sera vraiment difficile pour les personnes qui les utiliseront de s'engager dans le monde réel. Je crois fermement qu'il est de notre responsabilité, en tant que personnes ayant confiance dans les enseignements bouddhiques, d'essayer d'explorer les moyens d'aider les gens à l'avenir. Nous voyons déjà quels seront les problèmes de la jeune génération. Nous devons réfléchir à l'avance à la manière dont nous pouvons aider les générations futures à éviter les dangers lorsque la plupart des gens seront remplacés par des robots et l'intelligence artificielle. Comment feront-ils pour donner un sens à leur vie ?

Nous devons y réfléchir dès maintenant. Notre responsabilité collective est envers les générations futures et les jeunes enfants d'aujourd'hui, ceux qui, à l'âge d'un an et demi, passent déjà du temps sur des écrans de tablette. Que vont-ils devenir en grandissant ? C'est le véritable défi à relever si nous voulons être des bouddhistes responsables et aider les autres.

Derniers conseils sur le développement de nouvelles voies neuronales bénéfiques

En résumé, lorsque nous parlons de méditation, il s'agit de créer une habitude positive, une meilleure voie neuronale. C'est ce que nous faisons. Bien sûr, nous devons commencer par nous calmer, mais se calmer n'est certainement qu'un début, une préparation. Le véritable travail consiste à générer des états d'esprit positifs.

Si nous voulons par exemple nous engager dans ces pratiques très efficaces et merveilleuses du tantra, nous devons être correctement préparés. Nous devons penser que tout ce qui se produit l’est en dépendance de causes et de conditions. Si nous voulons obtenir un résultat, nous devons développer les causes. Les choses découleront ensuite des causes et des effets. Tous les éléments que nous voulons intégrer dans notre pratique du tantra doivent d'abord être travaillés individuellement. Puis, progressivement, nous essayons de les rassembler.

Quant à la sagesse et à la compassion, nous avons besoin des deux. Mais nous devons d'abord pratiquer la compassion, puis la sagesse, ou inversement. Ensuite, nous apprenons à les combiner. Ce qu'il faut vraiment assimiler, c'est que la pratique du Dharma est un travail sérieux. Comme l'a dit l'un de mes maîtres : « Si vous pratiquez des méthodes fantaisistes, vous obtiendrez des résultats fantaisistes. Si vous pratiquez des méthodes réalistes, vous obtiendrez des résultats réalistes. » Nous devons aborder notre pratique du Dharma de manière réaliste. Si nous voulons atteindre un objectif, nous devons faire un certain nombre de choses de manière ordonnée, en y mettant du sens et du cœur. Plus nous nous habituons à pratiquer de la sorte, plus notre pratique s'enracinera. Les gens s'interrogent souvent sur la différence entre une compréhension intellectuelle et une compréhension du plus profond de nous-même, ou émotionnelle. Il s'agit de savoir à quel point nous sommes convaincus de quelque chose. Avec une compréhension intellectuelle, nous savons quelque chose et pouvons même être convaincus que c'est vrai et bénéfique. Mais il ne suffit pas seulement d'être convaincu. Nous devons nous habituer à quelque chose au point de le ressentir. C'est ainsi que nous parvenons à un sentiment « instinctif » d'amour ou de compassion, par exemple. Nous y sommes tellement habitués. Il ne s'agit pas simplement de se dire : « Je devrais aimer tout le monde, ils ont été si gentils avec moi. » Nous pouvons le savoir, mais être tout de même contrariés par les autres. Nous pouvons même être convaincus que le développement de la compassion est constructif. Nous pouvons convenir que le monde entier dépend du travail des autres et qu'ils sont tous remplis de bonté. Ils font le travail et nous n'avons pas à le faire. Mais si nous méditons, si nous cultivons vraiment cette compassion encore et encore, cela développe une voie neuronale positive et nous la ressentons. C'est ce que nous devons faire avec la neuroplasticité. Nous devons changer la façon dont nos esprits sont configurés. Le seul moyen d'y parvenir est d'établir un lien de cause à effet. La première chose à faire est de comprendre et d'être convaincu que les enseignements du Dharma sont corrects. Ensuite, nous avons confiance et nous pouvons commencer à les assimiler.

Je dois mentionner, puisque cela provient d'une des instructions d'Asanga, que pour développer ces habitudes bénéfiques, nous pouvons avoir besoin de nous rappeler à nous-mêmes avec des mots. Lorsque nous essayons de nous concentrer sur quelque chose, nous pensons à tort que nous devons faire taire complètement notre esprit et atteindre une concentration parfaite. On insiste trop sur une concentration totalement dépourvue de toute pensée verbale. Le texte précise que le fait de nous rappeler par des mots l'état d'esprit que nous essayons de générer n'est pas une distraction. Une distraction, ou le vagabondage mental, consiste à penser à quelque chose de complètement différent. Pour rester concentrés, nous devons parfois nous rappeler un mot-clé, comme « compassion » ou « amour », pour nous aider à rester concentré. Sinon, nous risquons de rester assis et de nous disperser, ce qui n'est pas le but recherché. Lorsque nous commençons à perdre pied et qu'il ne se passe rien, nous devons revenir à notre objet. Il ne s'agit pas nécessairement d'une longue série de mots, mais simplement d'un mot-clé.

Prenez quelques instants pour vous imprégner de tout cela.

Considérer la pratique comme un entraînement mental

Je pense qu'il est très utile de considérer notre pratique du tantra, en particulier la pratique de la récitation de sadhanas, comme un entraînement mental. Beaucoup d'entre nous font des séances d'entraînement physique au cours desquelles nous faisons divers exercices et les répétons encore et encore afin de devenir plus forts physiquement. De la même manière, notre pratique du tantra est un exercice mental et elle devient un réel entraînement si nous pratiquons correctement la sadhana. Nous prenons l’inspiration des gourous, nous méditons sur les quatre incommensurables, sur le refuge, sur la bodhichitta, nous nous purifions grâce à Vajrasattva, puis nous faisons le gourou-yoga, une chose après l'autre. C'est un entraînement. Nous pouvons nous contenter de tourner les pages nonchalamment ou nous pouvons l'utiliser comme un entraînement mental pour essayer de générer ces états d'esprit les uns après les autres. Cependant, nous devons être préparés, ce qui signifie que nous avons travaillé sur chaque partie au préalable, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de consacrer énormément de temps à la génération de chaque partie. Nous devons déjà nous être familiarisés avec elles, et ensuite, nous les passons toutes en revue comme un entraînement. C'est merveilleux si nous y parvenons. Tout comme un entraînement physique peut nous rendre plus forts, au niveau mental et émotionnel, ces prises de conscience et ces réalisations nous renforcent. Si nous considérons notre pratique de cette manière, lorsque nous nous engageons à faire une certaine récitation tantrique et une pratique de visualisation tous les jours pour le reste de notre vie, nous ne penserons pas que c'est quelque chose d'ennuyeux. Il s'agit d'un défi extraordinaire lorsque nous le voyons de cette façon. Notre manuel de pratique de la sadhana est notre manuel d'entraînement et il nous faudra plus d'une vie pour le maîtriser. Mais nous apprécions alors à quel point il est formidable d'avoir ce type de pratiques et nous avons un grand respect pour la méthode tantrique.

Dédicace

Quelles que soient la compréhension et la force positive qui découlent de cet enseignement, puissent-elles être de plus en plus profondes et servir de cause pour que chacun atteigne l'état d'éveil d'un bouddha, pour notre bénéfice à tous.

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