Le karma et les Quatre Nobles Vérités
Le karma est un thème central dans le bouddhisme. Son importance devient évidente quand nous voyons la place qu’il occupe dans les quatre nobles vérités, les quatre faits reconnus comme étant vrais par tous les êtres hautement réalisés. Le Bouddha les a enseignés et en a fait la structure de base de ses enseignements.
Le premier fait de la vie est que la vie est difficile et pleine de problèmes. Quels sont ces problèmes ? Ce sont essentiellement les différents niveaux de bonheur et de peine que nous ressentons à chaque instant. Là se situe le vrai problème.
Parfois nous faisons l’expérience de la souffrance grossière, de la tristesse et de la douleur, – ce qui, évidemment, nous pose un problème. D’autres fois nous faisons l’expérience du bonheur, mais il est fugace, ne dure pas. Ce bonheur fugace a de nombreux défauts ; on l’appelle « bonheur teinté », teinté de confusion. Cela veut dire que non seulement il ne dure pas, mais que, en plus, il ne nous donne pas satisfaction. Nous avons le bonheur de faire un bon repas et d’être rassasié, mais cela ne dure pas, cela n’élimine pas pour toujours le problème de la faim. D’autre part, plus nous mangeons, plus nous devrions être satisfait, mais ce n’est pas le cas. Si nous mangeons trop, cela nous rend malades. En plus, il n’y a pas de certitude quant à ce qu’il va se passer après un moment de bonheur. Peut-être serons-nous heureux pour une autre raison, ou peut-être nous sentirons-nous malheureux, ou neutre. Ce bonheur éphémère ne nous donne aucun sentiment de sécurité, ce qui est nous pose aussi un problème. Nous pouvons l’apprécier pour ce qu’il est, mais cela ne va pas réellement résoudre toutes nos difficultés. Nous voulons toujours davantage de bonheur, [de plaisir et de satisfaction].
Le troisième type de vrai problème est l’expérience du sentiment neutre. Nous nous endormons et, en quelque sorte, sommes d’humeur neutre, il ne se passe pas grand-chose. Mais, encore une fois, cela ne résout pas nos problèmes, on ne peut pas dormir pour toujours. L’un de ces sentiments – heureux, malheureux, neutre – accompagne chaque instant de notre existence samsarique. C’est ce que le Bouddha a décrit comme étant le vrai problème, ce n’est pas seulement le fait de ne pas trouver de travail. Il est très important de nous rendre compte que nous parlons de chaque instant sans exception, pas seulement d’une situation occasionnelle.
Or, toutes ces expériences problématiques de la vie ont une cause. Cette cause, la cause fondamentale est le karma, les émotions et attitudes perturbatrices. Ne cherchons pas plus loin pour le moment. Les vrais problèmes sont l’arrivée à maturation du karma, et les vraies causes sont le karma ; donc la vraie cessation est la vraie cessation du karma et des émotions perturbatrices, et la vraie voie – ou voie de l’esprit – est la compréhension qui va amener cette vraie cessation. Par conséquent, le karma est un thème central dans les enseignements du bouddhisme et il est très important de comprendre de quoi il en retourne.
La définition du karma
La définition du karma diffère selon les systèmes bouddhiques, comme presque tout dans le bouddhisme. Nous allons nous en tenir à la version la plus simple selon laquelle le karma est une impulsion mentale (sems-pa), l’élan irrépressible qui nous pousse dans la direction d’une expérience particulière. Le karma n’est pas l’action elle-même. Il y a souvent confusion, car les gens croient que le karma désigne l’action, surtout quand les traducteurs le traduisent de cette façon. Le karma n’est en aucun cas l’action ; le karma est l’impulsion irrépressible d’agir. Si le karma était les actions elles-mêmes, cela impliquerait qu’il suffirait de ne rien faire pour cesser d’accumuler du karma, ce qui est absurde.
L’impulsion qui va nous pousser à l’acte est un facteur mental. Celui-ci est toujours accompagné de trois autres facteurs mentaux. Le premier est « distinguer [distinction] » (‘du-shes), habituellement traduit par « reconnaissance ». Nous distinguons un objet au sein d’un champ sensoriel : cette personne-ci par contraste avec cette personne-là. Nous avons besoin de distinguer l’objet vers lequel notre action va se diriger. Le deuxième facteur mental est « intention » (‘dun-pa), comme un dessein [un but] : quelle est notre intention ? Avons-nous le dessein de nuire ou d’aider cette personne ? Le troisième facteur mental est une émotion. Cela peut être une émotion perturbatrice, telle la colère, ou une émotion positive, tel l’amour. Nous voulons nuire à cette personne parce que nous sommes en colère contre elle, ou nous voulons l’aider parce que nous ressentons de l’amour pour elle. L’impulsion qui nous pousse à exécuter l’action est le karma.
Que signifie la « motivation » dans le bouddhisme ?
Un autre terme qui, pour nous en Occident, prête parfois à confusion est la « motivation » (kun-slong). Si l’on s’en tient à son usage occidental, le terme réfère habituellement à l’émotion qui se trouve derrière quelque chose. Nous disons que nous sommes motivés par la colère ou par l’amour. Cependant, quand nous entendons le mot « motivation » dans un contexte bouddhique, celui-ci traduit un terme qui n’a pas le même sens que le terme occidental. Selon le point de vue du bouddhisme, l’intention, ou dessein, est l’aspect principal de la motivation, tandis que l’émotion qui la sous-tend est secondaire. Au lieu de traduire ce terme par « motivation », il serait sans doute mieux de le traduire par « cadre mental de motivation ».
Par exemple, au début de tout enseignement, on nous dit : « Réaffirmez votre motivation », cela signifie en premier lieu que nous devons réaffirmer le but, autrement dit : notre objectif. « Pourquoi sommes-nous ici ? » Notre objectif est d’apprendre quelque chose qui va nous aider à aller dans la direction sûre du refuge ou à atteindre l’illumination pour pouvoir aider autrui plus pleinement ; c’est l’intention que nous raffermissons ou réaffirmons. L’émotion qui va avec cet objectif est la compassion et l’amour pour tous les êtres, mais ce n’est pas ce sur quoi nous mettons l’accent quand nous revigorons notre motivation. Certes, nous avons aussi besoin de raviver notre amour et notre compassion, une émotion qui, de notre point de vue occidental, motive ce que nous faisons. Mais le bouddhisme renvoie à un cadre mental beaucoup plus large.
Il est utile de différencier tous les facteurs mentaux énumérés, car ensuite cela nous permettra de les ajuster quand l’un d’eux ne tournera pas rond. Si nous n’effectuons pas cette différenciation, il sera alors très difficile de savoir comment corriger ou ajuster notre état d’esprit.
Le karma physique, verbal et mental
Nous avons une impulsion, ou un karma. Quand nous parlons d’un karma physique, verbal et mental, nous parlons de l’impulsion de faire, de dire et de penser quelque chose. En général, une impulsion ne nous pousse pas à penser à quelque chose pendant un instant seulement, mais à y penser pendant un certain temps, comme quand on concocte une vengeance, réfléchissant à la manière dont on va se venger de quelqu’un. Quand nous parlons d’actes physiques et verbaux, ceux-ci commencent habituellement par des impulsions mentales, par un karma mental. L’impulsion de faire quelque chose vient en premier. Exemple : « Je pense que je vais appeler quelqu’un. » C’est une impulsion mentale. Elle a sa propre émotion qui l’accompagne, son but et ainsi de suite, et sa propre distinction de l’objet. Puis le karma physique ou verbal réel est l’impulsion sur laquelle nous commençons d’exécuter l’action, puis celle qui survient à chaque instant pour soutenir l’action jusqu’à ce qu’elle soit terminée. C’est ce qu’on appelle le karma physique et verbal.
Évidemment, les facteurs mentaux qui l’accompagnent pourraient dévier de ce qu’ils étaient à l’origine. Par exemple, nous pensions que nous allions converser avec notre ami, mais sa fille a décroché le récepteur téléphonique et nous avons cru que c’était la voix de sa mère et nous nous sommes mis à parler. Ou à l’origine, l’émotion était de l’amour, mais au milieu de la conversation nous nous mettons en colère. Ou encore, nous avions l’intention de dire à la personne quelque chose de gentil ou de méchant, mais pendant que nous parlions nous avons été distraits et avons oublié de dire ce que nous avions l’intention de dire. Toutes ces choses sont des variables changeantes, et le karma n’est que l’impulsion de faire l’action, comme l’impulsion de parler. Bien sûr, elle ne survient pas d’elle-même – elle survient avec tous ces facteurs réunis – mais aucun d’eux n’est l’action elle-même. L’action elle-même est autre chose.
L’action elle-même est ce que j’appelle une « force karmique positive » (bsod-nams) ou une « force karmique négative » (sdig-pa), des termes qui sont habituellement traduits par « mérite » ou « péché » et qui renvoient à l’action elle-même, laquelle agit en tant que force karmique. Quand elle est terminée, elle laisse derrière soi un sillage karmique dont la continuation est imputée sur nos continuums mentaux – potentialités, tendances, habitudes constantes karmiques. Elles sont non statiques, – peuvent donc être influencées par les circonstances – et ne sont ni des formes de phénomènes physiques, ni des façons d’être conscient de quelque chose. Je ne vais pas aborder maintenant les différents types de séquelles [retombées] karmiques, c’est un thème trop complexe, mais quand les émotions et attitudes perturbatrices les activent, ces retombées karmiques arrivent à maturité en tant que conséquences diverses, à chaque instant de notre expérience.
L’arrivée à maturation des séquelles karmiques
Quelle est la manifestation de la maturation des séquelles karmiques ?
- Des sentiments de bonheur, de peine, ou neutre : aujourd’hui nous faisons la même chose qu’hier, mais hier nous nous sentions heureux de le faire, et aujourd’hui nous nous sentons malheureux dans la même situation. C’est l’arrivée à maturation du karma. J’emploierai ici l’expression « arrivée à maturation du karma » d’une manière très large.
- Le fait de faire l’expérience de nos agrégats de renaissance et de l’environnement dans lequel nous sommes nés et nous nous trouvons : le type de corps que nous avons, l’esprit que nous avons, notre intelligence ou notre manque d’intelligence, etc. – et, dans cette renaissance, le fait de ressentir divers instants de bonheur et de peine.
- L’envie de faire quelque chose d’identique à ce que nous avons fait auparavant : par exemple « j’ai envie d’appeler quelqu’un », « j’ai envie de crier après toi », « qu’as-tu envie de faire ? », « j’ai envie de me gratter la tête. » L’arrivée à maturation du karma, c’est ce que nous avons envie de faire. À partir de l’envie de faire quelque chose, l’impulsion de le faire peut survenir. L’envie de faire quelque chose (‘dod-pa) et l’impulsion de le faire sont deux choses différentes.
- Le fait de faire l’expérience d’une situation identique à ce que nous avons fait, avec les mêmes choses qui nous arrivent en retour : par exemple, nous crions toujours après les autres et maintenant nous faisons l’expérience d’avoir des gens qui nous crient après ; ou nous sommes toujours gentils avec les autres et nous faisons l’expérience d’avoir des gens qui sont gentils avec nous.
Toutes ces choses sont en montagnes russes, chacune a son propre rythme. Cela veut dire que différentes choses arrivent à maturation à différents instants et s’entremêlent de différentes manières et que nous ne savons jamais ce qui va arriver après. Nous ne savons jamais si nous allons nous sentir bien ou mal dans un instant, ni ce que nous aurons envie de faire dans cinq minutes. Cela change tout le temps. Quelqu’un va-t-il me téléphoner pour me vendre quelque chose, ou bien… qui sait ce qu’il va se passer ? Parfois ces choses sont agréables, parfois elles sont très désagréables. Il y a des hauts et des bas tout le temps et nous n’avons aucune idée de ce qu’il va arriver l’instant d’après – c’est l’incertitude. C’est horrible, n’est-ce pas ? Et ce n’est pas tout, car au plan grossier nos états de renaissance aussi montent et descendent.
Du point de vue du Mahayana, il y a encore autre chose qui résulte de la maturation karmique : à chaque instant sans exception, nous produisons et faisons l’expérience de ce que j’appelle
- La perception périscopique – nous ne pouvons voir qu’un tout petit peu les choses et leurs causes. Nous n’avons aucune idée pourquoi certaines choses nous arrivent et ne savons pas quels seront les résultats de nos actes ; nous avons une « vision en tunnel » très limitée, laquelle est aussi un résultat du karma. Cela fait de nous des « êtres limités », des êtres à l’esprit très limité, contrairement aux bouddhas omniscients.
Toute cette maturation du karma est la première noble vérité, celle des vrais problèmes. Je pense que nous pouvons nous rendre compte un tout petit peu mieux de ce que le Bouddha signifiait quand il parlait du premier fait de la vie ou des vrais problèmes : il parlait de la maturation du karma. Ce qui est terrible, c’est que nous sommes tellement pleins de confusion que nous la provoquons et que, ce faisant, nous produisons de nouvelles impulsions qui perpétuent le cycle. Ce processus est décrit dans les douze liens de la production interdépendante.
Il est important de se rappeler que la discussion sur le karma comprend les impulsions qui amènent non seulement les comportements destructifs, mais aussi les comportements constructifs mêlés de confusion, et les comportements non spécifiés mêlés de confusion. Une action constructive mêlée de confusion serait : « Je veux t’aider parce que je voudrais que tu m’aimes et que tu sois gentil avec moi ». Ou bien : « Je veux t’aider parce que j’ai besoin de me sentir utile, cela me donne le sentiment d’être important ». Ce pourrait aussi être l’impulsion de faire quelque chose de non spécifié, c’est-à-dire quelque chose qui n’est ni constructif ni destructif, comme de tripoter ses doigts constamment, de tapoter sur la table ou de faire trembler ses genoux de haut en bas quand on est assis, ou autre chose du même genre. Ces comportements sont mêlés de confusion ; nous sommes naïfs parce que nous ne comprenons pas qu’ils gênent les autres ou nous ridiculisent.
Le karma parle de tous ces types de comportements et des impulsions irrépressibles qui les amènent.
Les quatre lois générales du karma
Il y a quatre lois générales du karma.
La certitude des résultats
On exprime la certitude des résultats d’une manière très particulière : si nous faisons des expériences malheureuses, il est certain que c’est dû à la maturation d’un comportement destructeur que nous avons eu dans le passé. Il n’est pas dit que si nous commettons des actes destructeurs, le résultat sera forcément une expérience malheureuse. Pourquoi ? Parce qu’il est possible de purifier le karma négatif. Si l’on disait qu’une action destructive entraînait à tous les coups une expérience malheureuse, cela suggérerait qu’il est impossible de purifier le karma. Par contre, il est certain qu’une expérience malheureuse provient d’un comportement destructeur et qu’une expérience heureuse provient de la maturation d’un comportement constructif. Il est très important de comprendre la relation entre le comportement et les niveaux de bonheur ou de peine ressentis. Nous ne disons pas que les actions destructives produisent des expériences malheureuses.
Voyons maintenant les nombreuses variantes de la relation entre les sentiments et les actions. Nous ne parlons pas ici du bonheur ou de la peine que nos actions causent aux autres, [car] il n’y a aucune certitude dans ce sens. Un exemple récent : j’ai donné mon ordinateur à réparer dans un magasin, et il a été volé dans le magasin. J’étais très content, parce que cet ordinateur était toujours en panne et que j’allais donc recevoir l’argent de l’assurance pour m’en acheter un nouveau. Le vol ne m’a causé aucun désagrément. Cette loi du karma concerne l’expérience heureuse ou malheureuse de la personne qui fait l’action.
Il n’y a pas non plus de certitude quant à ce que nous allons ressentir pendant que nous effectuons une action, [car] il n’y aura pas forcément de rapport entre les deux. Nous pourrions nous réfréner de commettre un acte sexuel inapproprié, comme d’avoir une relation sexuelle avec le compagnon ou la compagne de quelqu’un d’autre et, de ce fait, nous sentir très malheureux. Il n’y a pas non plus de certitude quant à ce que nous allons ressentir immédiatement après une action : « J’ai aidé quelqu’un, il est parti et je me suis senti très déprimé ». Et, comme nous l’avons dit, il n’est même pas sûr que les sentiments arriveront un jour à maturation, parce que nous pouvons nous purifier des conséquences karmiques de nos actions. La seule certitude est que si nous faisons l’expérience de sentiments, quel que soit le moment où ils surviennent, c’est parce qu’ils sont le résultat d’un acte antérieur, constructif ou destructeur. Si nous nous sentons malheureux quand nous nous retenons de commettre une escapade adultère, ce ressenti est l’arrivée à maturation d’une action destructive antérieure.
Je devrais aussi mentionner ce qu’est une action constructive, car certaines personnes sont confuses à ce sujet : se réfréner de tuer est l’une des dix actions constructives. Mais s’il ne me vient pas à l’idée de sortir pour aller tuer des gens, le fait que je ne commette pas de meurtre n’est pas « l’action constructive qui consiste à se réfréner de tuer ». L’action constructive de ne pas tuer consisterait à ne pas tuer le moustique qui me siffle aux oreilles et que je meurs d’envie de tuer, car je pense aux conséquences que cela aurait. Dans ce cas, le fait de me réfréner de tuer est « l’action constructive de ne pas tuer ». Quand nous parlons du type de comportement constructif qui consiste à se réfréner de commettre des actions destructives, c’est quelque chose de très actif ; ce n’est pas simplement : « Bah, de toute façon je ne tue pas, alors je n’ai qu’à faire le vœu de ne pas tuer ». Ce n’est pas assez fort. Certes, prononcer un vœu est toujours bénéfique, mais la véritable action constructive consiste à nous réfréner de commettre une action destructive que nous avons envie de commettre, et ce parce que nous comprenons les conséquences que cela aurait si nous la commettions. Bien sûr, il y a aussi des actions constructives qui consistent à aider autrui ou à donner quelque chose à quelqu’un, mais c’est une autre sorte d’action constructive.
L’augmentation des résultats
Une petite action peut être suivie de très grands résultats. Nous disons quelque chose de méchant à notre compagne ou compagnon, et plus nous laissons la situation en l’état sans essayer de résoudre le problème, plus le ressentiment grandit. C’est quelque chose que nous savons tous par expérience.
Si nous n’avons pas commis une certaine sorte d’action, nous ne ferons pas l’expérience de ses résultats
Beaucoup de gens meurent dans un accident d’avion, mais quelques-uns survivent. Pourquoi ? Parce qu’ils n’ont pas commis d’action qui va causer leur mort dans cet accident, donc ils ne font pas l’expérience des résultats. Si nous nous sommes réellement purifiés complètement de tout notre karma, nous n’avons rien à craindre. Nous pouvons visiter des endroits dangereux, pleins de voleurs et autres, sans faire l’expérience qui consiste à être dévalisés – si nous nous sommes purifiés de la cause karmique d’être dévalisés. Personne ne pouvait blesser le Bouddha, par exemple.
Si nous avons commis une action, les séquelles karmiques laissées sur notre continuum mental ne vont pas disparaître d’elles-mêmes
Une séquelle [retombée] karmique ne va pas demeurer indéfiniment sans arriver à maturation. Tôt ou tard, à moins de la purifier, elle atteindra son point de maturation. Cela peut prendre un million d’années, mais à moins de la purifier, le processus suivra inexorablement son cours.
Voilà pour les lois générales du karma. Une action peut aussi donner beaucoup de résultats sur beaucoup de vies. L’exemple utilisé dans les textes est celui de quelqu’un qui, après avoir traité un bodhisattva de singe, a repris naissance cinq cents fois en tant que singe. Il ne s’agit pas de lancer un débat sur cet exemple, mais de montrer que toute cette chose à propos des séquelles ou retombées karmiques n’est pas si linéaire. Une action peut donner beaucoup de résultats sur beaucoup de vies, et beaucoup d’actions toutes ensemble peuvent donner un seul résultat. Cet exemple [du singe] est utile si cela nous fait réfléchir à deux fois avant d’appeler les policiers des « cochons » [NDT : en anglais, les « flics » sont appelés pigs « cochons »].
Les quatre facteurs nécessaires pour que les résultats karmiques atteignent leur maximum
Quand nous parlons d’un acte karmique, quatre facteurs doivent être réunis pour que les résultats atteignent leur maximum. S’il en manque un seul, le résultat ne sera pas aussi fort que s’ils sont au complet, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y en aura pas.
- Le support : il faut qu’il y ait un support, un être ou un objet auquel s’adresse l’action. Nous avons pensé que quelqu’un restait trop longtemps dans les toilettes, nous nous sommes mis à l’invectiver furieusement et il s’est avéré qu’il n’y avait personne. Cet acte n’est pas aussi fort que s’il y avait eu quelqu’un en réalité. Il faut qu’il y ait quelqu’un qui entende nos invectives, les comprenne et les prenne au sérieux. Si la personne est sourde, ou si la radio est allumée et la personne ne nous entend pas, ce n’est pas aussi fort.
- Le cadre motivant : se compose d’une combinaison de trois éléments. En premier, on doit avoir un discernement sans erreur possible de l’objet. Un exemple : « Je croyais que c’était mon parapluie, mais je me suis trompé et j’ai pris le tien par erreur. » Si nous faisons une telle chose par erreur, le résultat karmique sera beaucoup plus faible que si nous choisissons le meilleur parapluie pour l’emporter avec nous. Néanmoins, bien que ce soit une erreur de notre part, l’action reste destructive ; simplement, elle ne l’est pas autant. Ensuite, le deuxième élément associé est l’intention motivante. S’il n’y a pas d’intention, c’est comme quand on danse avec quelqu’un sans avoir l’intention de lui marcher sur le pied, et qu’on le fait par inadvertance. C’est beaucoup moins fort que de le faire sciemment. Si on parle d’une action destructrice, le troisième élément c’est la nécessité qu’il y ait une émotion perturbatrice motivante. Tuer un moustique qui bourdonne autour de la tête de notre bébé, non par haine de ce moustique mais par amour pour notre bébé que nous voulons protéger, est une situation très différente de celle où nous tuons un moustique parce que nous détestons les moustiques. Tous ces divers exemples illustrent le deuxième facteur : le cadre motivant.
- La mise en œuvre d’une méthode pour que l’action se produise – en clair, on doit réellement agir de telle sorte que l’action ait lieu. « J’avais prévu de te disputer, mais quelqu’un est arrivé à la porte ou le téléphone a sonné, et je n’en ai rien fait. » Ce n’est pas aussi fort que si je l’avais fait effectivement. « J’ai rêvé que je te tuais mais je ne l’ai pas fait dans la vie réelle. » Bien que le rêve de tuer soit une action destructive et puisse être accompagné de beaucoup de colère et ainsi de suite, et bien que nous puissions tuer intentionnellement la personne en rêve, l’action n’est pas aussi forte que si nous l’avions commise en réalité, parce qu’aucune action n’a été impliquée effectivement.
- Parvenir à une conclusion : si nous tirons sur quelqu’un dans l’intention de le tuer et si, visant mal, nous l’atteignons seulement au bras, l’acte n’est pas aussi fort que si nous avions réussi à le tuer, car notre action ne s’est pas conclue comme nous le voulions. Si nous avons vraiment voulu blesser quelqu’un par nos paroles et si cela ne l’a pas touché parce qu’il ne nous a pas cru ou pour une autre raison, ce n’est pas aussi fort que si nos propos l’avaient blessé. C’est pareil quand nous mentons et que la personne ne nous croit pas.
Nous voyons ainsi que les résultats de nos actions sont en réalité très complexes, beaucoup de facteurs sont impliqués. Il en va de même pour ce qui est des actions positives. Quelques exemples : « je voulais t’aider, mais j’ai aidé quelqu’un d’autre à ta place », « je n’avais pas réellement l’intention de t’aider, mais ce que j’ai fait t’a aidé quand même », ou encore : « j’ai fait quelque chose pour t’aider, mais cela ne t’a pas aidé du tout. » Cela arrive souvent. On mijote un petit plat pour faire plaisir à quelqu’un, puis il s’étrangle en le mangeant et se retrouve à l’hôpital. Ou il a détesté ce plat, car il n’était absolument pas à son goût. Toutes ces situations relèvent d’actions constructives.
Karma de projection et karma de complément
Une autre division du karma est appelée « karma de projection et karma de complément »
- Le karma de projection (‘phen-byed-kyi las) est une impulsion qui va nous projeter dans une vie future. Pour être plus précis : l’impulsion de faire quelque chose est si forte que ses retombées karmiques peuvent nous projeter dans une vie future et donner forme au type de renaissance que nous prenons, par exemple en tant que chien ou en tant qu’être humain. Cela arrive quand l’impulsion est accompagnée d’une très forte intention et d’une très forte émotion. Si nous concrétisons vraiment cette impulsion et si celle-ci se conclut de la manière voulue, elle peut donner forme au type de renaissance que nous prenons. C’est qu’on l’appelle le « karma de projection ».
- Le karma de complément (rdzogs-byed-kyi las) est quand l’intention ou la motivation, ainsi que l’émotion d’accompagnement, ne sont pas aussi fortes. Il en résultera les circonstances qui viendront achever ou compléter la renaissance dans cet état de renaissance particulier, par exemple : en Inde en tant que chien galeux dans les rues, ou en Occident en tant que caniche dans une riche famille. Il y a quatre possibilités : il peut y avoir une projection positive et un complément négatif, une projection négative et un complément positif, etc.
Karma accompli et karma renforçateur
Une autre division vraiment très intéressante est celle du « karma accompli » et du « karma renforçateur ».
- Le karma accompli (byas-pa’i las) se rapporte à toute impulsion karmique physique ou verbale qui nous a effectivement poussé à exécuter une action physique ou verbale, de manière délibérée ou non.
- Le karma renforçateur se rapporte à toute impulsion karmique qui va renforcer les potentialités et tendances karmiques qu’elle laisse sur notre continuum mental, dans le sens où elle accroît leur force. Ces impulsions karmiques proviennent d’une délibération préalable à l’exécution ou à la non-exécution d’une action.
Suivant cette distinction, il y a quatre possibilités. Par exemple : « je projetais de te nuire ou de t’aider, mais en réalité je ne l’ai pas fait », « je n’avais pas prévu de t’aider, mais je l’ai fait », « je projetais de le faire et je l’ai vraiment fait », ou encore : « je n’avais pas prévu de le faire et je ne l’ai pas fait. »
Les seules actions dont nous expérimenterons les résultats de façon certaine sont celles que nous avons projeté de faire et avons effectivement faites.
Il y a très souvent des malentendus au sujet de cette classification, les gens pensent que certaines actions ne produisent pas de résultats de façon certaine, contrairement à d’autres qui ne manqueraient pas d’en produire. Ce n’est pas de cette distinction dont il est question ici, bien que si nous purifions notre continuum mental des séquelles karmiques laissées par les actions destructives, nous n’aurons pas besoin de faire l’expérience de leurs résultats. Quand nous parlons de la certitude des résultats dans le contexte présent, nous parlons en premier lieu de la certitude du moment où ils arriveront à maturation. Pour les actions que nous projetons de faire mais que nous ne faisons pas en réalité, il n’y a pas de certitude quant au moment où leurs résultats se manifesteront. Cela peut se produire à tout instant – dans cette vie, dans la vie suivante ou dans n’importe quelle vie future. Si, à l’instar de beaucoup d’Occidentaux, nous ne croyons pas aux vies futures, il est important de savoir quelles actions arriveront à maturation dans notre vie présente. Mais attention ! Celles-ci doivent être délibérément exécutées.
Les actions karmiques dont les résultats vont se manifester dans cette vie-ci
En général, il y a quatre types d’actions karmiques, soit destructives soit constructives, dont les résultats vont amorcer un processus de maturation dans cette vie. Ce processus peut se poursuivre dans des vies futures aussi. Les voici :
- Les actions destructives qui font suite à un attachement extrême à notre corps, à nos possessions ou à notre vie, et les actions constructives qui font suite à un détachement extrême vis-à-vis d’une de ces choses. Par exemple : « Je suis très attaché à ma voiture, et vous l’avez cabossée ! Je vais prendre une batte de baseball et aller mettre la vôtre en pièces ». Ou je pourrais être tellement attaché au fait de ne pas tomber malade que je refuse d’aider quelqu’un qui a une maladie contagieuse. D’un autre côté, je peux être tellement détaché de mon corps que je me précipite dans un immeuble en feu pour sauver un enfant pris dans les flammes.
- Les actions destructives qui font suite à des pensées d’une méchanceté extrême envers quiconque, comme de torturer un prisonnier ennemi, ou une action constructive qui fait suite à des pensées d’un altruisme ou d’un amour extrême, comme de soigner un soldat ennemi blessé.
- Les actions destructives qui font suite à un souhait extrêmement intense de nuire au Bouddha, au Dharma ou au Sangha, aux Maîtres spirituels et ainsi de suite, comme de détruire un monastère et d’exécuter les moines, ainsi que les actions constructives qui font suite à une confiance extrême dans les qualités positives des Trois Gemmes et des enseignants spirituels, comme de construire un stupa ou de faire un don pour la publication du Dharma ou la construction d’un centre bouddhique.
- Les actions destructives fondées sur un manque total de gratitude et de respect et dirigées contre quelqu’un qui nous a beaucoup aidé, tels nos parents ou nos enseignants, ainsi que les actions constructives à leur égard, fondées sur le souhait de leur rendre leur bonté. Exemples : ne pas s’occuper de nos parents quand ils sont vieux et malades, ou aider nos enseignants spirituels dans leurs projets. Mais rappelez-vous : notre engagement dans ce genre d’actions doit être vraiment réfléchi, et non pas spontané ou forcé.
Les facteurs qui affectent la force de maturation du karma
Une fois arrivées à maturation, les conséquences karmiques de nos actions peuvent être fortes et lourdes, ou légères et triviales. La dernière question que je veux aborder est celle des divers facteurs qui affectent la force des résultats d’un karma positif ou négatif. La liste est plutôt longue.
- La nature de l’action ou du phénomène impliqués : concerne la souffrance ou le bonheur qu’une action cause à une autre personne en général. Tuer quelqu’un est un acte plus lourd [de conséquences] que de lui voler sa voiture ; sauver la vie de quelqu’un est plus fort que de lui donner de l’argent.
- La force de l’émotion, perturbatrice ou positive, qui accompagne l’impulsion : blesser quelqu’un avec une haine vraiment intense est beaucoup plus fort que de blesser quelqu’un avec seulement un petit peu de colère. Pour gagner du temps, je vais parcourir le reste de la liste en donnant surtout des exemples d’actions destructives, et vous pourrez en déduire des exemples d’actions constructives.
- L’élan distordu et impérieux : autrement dit, nous pensons qu’il n’y a rien de mal à mener à bien une certaine action et que c’est une bonne chose à faire, quand bien même elle s’accompagne d’une attitude distordue et antagoniste. Par exemple, nous allons à la guerre pour tuer tous ceux et celles qui appartiennent à un certain groupe ethnique et pensons que c’est une chose à faire qui est parfaitement juste, et que quiconque pense le contraire est stupide. Une telle attitude est une attitude distordue et antagoniste. Ou nous pensons qu’il est parfaitement normal de tuer les animaux parce qu’ils ont été créés pour notre usage. Si ce genre d’attitude est présent, on parle d’un acte lourd.
- L’action réelle : concerne la quantité de souffrance causée à la victime lors de l’exécution de l’action. Arracher les ailes d’une mouche est beaucoup plus lourd que de l’écraser avec une tapette.
- Le support vers lequel l’action est dirigée : varie selon la quantité de bienfaits que nous ou les autres avons reçu de cet(te) être dans le passé, ou recevons actuellement, ou recevrons dans le futur, et selon ses qualités positives. Ses qualités positives incluent le but qu’il ou elle a atteint ou vers lequel il ou elle tend. Par exemple, tuer un moine ou une nonne est un acte plus lourd que de tuer une personne laïque, et ce à cause du but et des qualités de leur personne. Assassiner Mahatma Gandhi est un acte plus lourd que d’exécuter un criminel ou d’égorger un poulet.
- Le statut ou les accomplissements de l’être vers lequel l’acte est dirigé : l’acte est plus lourd si la victime est quelqu’un qui vient juste de finir une retraite. Si nous blessons quelqu’un qui est malade, l’acte est plus lourd que si nous blessons quelqu’un qui est en bonne santé.
- Le niveau de considération et la quantité de respect que nous avons envers l’être : blesser quelqu’un que nous respectons est différent de blesser quelqu’un que nous ne connaissons pas. J’ai beaucoup de respect pour mon enseignant spirituel, lui mentir est donc plus lourd que si je mentais à un étranger pour qui je n’ai pas de respect particulier.
- La condition de soutien : il est plus lourd de tuer quand nous avons fait vœu de ne pas prendre la vie d’un autre être que quand nous n’avons pas prononcé de vœu.
- La fréquence de l’habitude : si nous avons fait une certaine action plusieurs fois dans le passé, l’acte est plus lourd. Si nous sommes allés à la chasse toute notre vie, c’est plus lourd que si nous avions abattu une seule fois un chevreuil.
- Le nombre de gens impliquées dans l’exécution de l’action : si nous faisons partie d’un gang qui passe à tabac quelqu’un, l’acte est plus lourd que si nous le faisons tout seul. Par contre, faire une pouja avec beaucoup de monde est une action positive plus forte que si nous la faisons tout seul dans notre chambre. C’est pour cela que les Tibétains aiment faire de grandes poujas collectives.
- La suite : le fait de répéter ou de ne pas répéter l’action dans le futur.
- La présence ou l’absence d’une force d’opposition : autrement dit, c’est le fait de contrebalancer un acte destructif que nous avons commis, par beaucoup de choses constructives ; ou si nous avons fait quelque chose de constructif dans le passé, c’est le fait de le contrebalancer par beaucoup de choses destructives.
Bien que cette liste semble très longue et puisse être un peu fastidieuse à lire, elle a le mérite d’indiquer quelques points très utiles pour, si nous le souhaitons, affaiblir ou fortifier nos actes quand nous sommes dans une situation où nous avons besoin de faire quelque chose de négatif ou de positif. Si nous devons faire quelque chose de destructif, comme de fumiger notre maison pour la débarrasser des cafards ou autres, nous pouvons essayer de le faire sans haine, de ne pas le faire trop souvent, et de ne pas inviter chez nous tous nos amis à participer à la chasse aux cafards et à fêter leur extermination. Par contre, si nous faisons quelque chose de positif, comme de faire une pouja à la maison, c’est une très bonne chose d’inviter nos amis à se joindre à nous, d’y mettre un fort sentiment positif et de le faire fréquemment.
Ainsi, ces facteurs nous indiquent comment influer sur les résultats de nos actions, bien que nous agissions encore de manière pulsionnelle et confuse. Si nous voulons aider les autres, nous pouvons commencer par aider ceux qui ont fait montre de la plus grande bonté envers nous, comme nos parents par exemple ; et si nous devons blesser ou décevoir quelqu’un, comme c’est le cas quand nous n’avons pas le temps d’appeler toutes les personnes que nous devrions appeler, ne décevons pas ceux qui ont été très bons avec nous, tels nos parents. Cette liste n’est pas une simple liste, c’est une liste avec laquelle il nous faut travailler dans la vie quotidienne lors de nos interactions avec autrui.
L’absence ou la présence de forces d’opposition
Le dernier point de cette liste, l’absence ou la présence de forces d’opposition, est particulièrement important. C’est le début de la discussion sur la purification du karma, mais sans entrer dans les détails à ce sujet, je vais mentionner quelques points importants. Une action destructive est très lourde [de conséquences] si :
- Nous ne considérons pas que c’est une erreur et qu’elle va avoir des conséquences négatives : lui faire opposition consiste à admettre ouvertement que c’était une erreur et qu’elle était inappropriée. Quand bien même nous n’avons pas pensé sur le moment qu’il pût y avoir quoi que ce soit de négatif à effectuer une certaine action, le fait d’admettre après coup que c’était une erreur va amorcer un processus de purification des conséquences et va au moins les rendre moins lourdes.
- Nous l’avons faite avec joie et n’avons pas de regrets, et nous nous délectons de l’avoir faite : son opposé est d’éprouver du regret.
- Nous ne souhaitons ni n’avons l’intention de cesser de la répéter : c’est comme de se dire « je vais continuer à mettre la musique à fond à toute la nuit, et tant pis si elle empêche les voisins de dormir. »
- Nous ne pensons pas à réparer les dégâts : la mise en œuvre d’actions constructives permet de contrecarrer cette attitude.
Il est très important d’appliquer ces quatre forces d’opposition dans la méditation de Vajrasattva ou dans n’importe quelle autre sorte de purification.
Quand on parle d’absence ou de présence de forces d’opposition, il faut ajouter encore un point :
- Nous faisons quelque chose sans avoir un sentiment de dignité personnelle morale ou sans nous soucier de la façon dont nos actes se reflètent sur les autres – notre honneur personnel nous est égal et ce que pensent notre famille, nos maîtres, nos concitoyens et ainsi de suite, nous est égal aussi. Dans ce cas, la force d’opposition consiste à réaffirmer notre direction sûre et notre bodhichitta, « je fais quelque chose de positif dans ma vie », tout en générant un sentiment de dignité personnelle et en accordant de l’attention à la manière dont se reflètent nos actions sur autrui. Par exemple, un Français se rendrait à l’étranger, ferait beaucoup de tapage et causerait toutes sortes de nuisances sans se soucier de l’image qu’il donne des Français.
Question sur le karma collectif
Avec l’épidémie actuelle des maladies du sabot et du museau, les autorités ont décidé de procéder à l’abattage sélectif de tout le bétail. En tant que membre de la société dans laquelle ces choses se passent, cet abattage des animaux serait une action de groupe, n’est-ce pas ? Devrai-je, oui ou non, souffrir des résultats collectifs karmiques de cette action de groupe, et comment l’éviter ?
Tout d’abord, souvenez-vous de la quatrième loi du karma : si nous n’avons pas effectué une action, nous n’en expérimenterons pas le résultat. Si nous n’avons pas tué les animaux, nous ne sommes pas impliqués dans cette action karmique. Les diverses personnes qui procèdent réellement à l’abattage des animaux sont celles qui sont effectivement impliquées dans l’action karmique.
Néanmoins, il y a un autre facteur qui entre en compte : la réjouissance dans les actions d’autrui. Si nous nous réjouissons des actes constructifs effectués par autrui, nous accumulons de la force karmique positive. Si nous nous réjouissons des actes destructifs commis par autrui, nous accumulons de la force karmique négative. Si nous pensons que l’abattage du bétail est une très bonne affaire, c’est une chose. Si nous pensons qu’il est affreux que ces animaux soient tués et si nous ressentons une grande compassion, etc., c’est une manière positive de penser.
Mais attention à la naïveté ! Ces animaux, ce bétail, allaient de toute façon être abattus pour faire de la viande, donc leur abattage n’était qu’une question de temps. Si nous avons de la compassion pour eux parce qu’ils sont abattus à cause d’une épidémie, et si le fait qu’ils soient tués pour faire de la viande nous indiffère, notre attitude relève de la naïveté. Dans ce cas, notre pensée de compassion est une action constructive accompagnée de l’émotion destructive de la naïveté. Par conséquent, il faut toujours analyser soigneusement toutes nos pensées et nos actions.
Résumé
Nous voyons combien il est important de comprendre les divers facteurs du karma, parce que plus nous comprenons ce sujet malgré sa complexité – c’est le sujet le plus complexe dans le bouddhisme – plus nous sommes à même d’exercer une influence sur nos actes et sur la lourdeur de leurs conséquences, et de modeler notre conduite. Comme dans l’exemple ci-dessus, nous pouvons essayer de développer de la compassion pour le bétail en général, pas seulement quand il y a une maladie.
Quelle que soit la force positive accumulée au cours de cet exposé, puisse-t-elle devenir de plus en plus puissante, et quelle que soit la compréhension que nous avons obtenue, puisse-t-elle devenir de plus en plus profonde pour que nous puissions peu à peu affaiblir les effets de notre karma et finir par en venir complètement à bout, afin de pouvoir aider tous les autres de la meilleure manière qui soit.