Vue d’ensemble de la voie progressive du lam-rim

Le meilleur usage d’une précieuse vie humaine

Nous avons tous obtenu une précieuse renaissance humaine dotée d’un précieux corps humain qui permet d’accomplir les progrès spirituels les plus vastes possibles. Nous ne pourrions avoir de meilleure opportunité pour atteindre l’illumination que celle que nous possédons maintenant en tant qu’êtres humains – pas même si nous avions repris naissance sous la forme d’Indra, le roi des dieux !

Étant donné qu’il n’existe pas de meilleur support que celui que nous possédons maintenant, il est important que nous soyons au courant de toutes les procédures pour en faire le meilleur usage. Le meilleur moyen pour faire des progrès spirituels est de développer en notre for intérieur un cœur bon et chaleureux, et ce de plus en plus. Sur la base d’un cœur chaleureux, nous en venons à développer un cœur dédié à l’atteinte de la bodhichitta. Il s’agit du souhait d’atteindre l’illumination, autrement dit du souhait d’éliminer tous nos défauts, et de réaliser notre plein potentiel afin de pouvoir en faire bénéficier tout le monde du mieux possible. Quand nous dédions notre cœur aux autres et à la réalisation de l’illumination, c’est là le meilleur usage que nous puissions faire de notre précieuse renaissance humaine.

Potentiel positif issu du comportement des vies passées comme cause de réussite et de succès dans cette vie

Il existe une grande diversité parmi les êtres humains et très rares sont celles et ceux que l’on peut rencontrer qui montrent un intérêt pour en faire bénéficier leurs vies futures, moins encore pour atteindre l’illumination. La plupart des gens ne se préoccupent que de trouver du bonheur pour eux-mêmes dans cette seule vie. Néanmoins, nous sommes tous pareils dans la mesure où nous souhaitons tous être heureux et ne pas souffrir ou avoir de problèmes.

Pour ceux qui se focalisent sur le fait d’être heureux dans cette vie, il y a deux sortes de bonheur : le bonheur physique et le bonheur mental. La majorité des gens limitent leurs préoccupations uniquement à une forme de bonheur physique. Toutefois, même en ce qui concerne le bonheur physique, bien que nous essayions tous d’en obtenir un certain niveau dans nos vies, la plupart d’entre nous ne savent pas vraiment comment s’y prendre pour faire qu’il advienne. Par exemple, il y a ceux qui dans leur quête de nourriture, de vêtement, d’abri et de statut social, commettent des meurtres, assassinent, ou égorgent d’innocentes créatures. D’autres volent, ou trichent, ou cambriolent, tout ça à la poursuite du bonheur et dans leur tentative de trouver une forme de bonheur physique. Mais, malgré leurs tentatives, ils ne savent pas vraiment comment s’y prendre pour que ce bien-être survienne. Au lieu de bonheur, ils ne font que créer plus de problèmes pour eux-mêmes.

D’un autre côté, les gens qui font de leur mieux pour vivre une vie honnête, dans le commerce, l’agriculture, l’éducation, les arts, etc., peuvent se diviser en deux groupes. Il y a ceux qui réussissent, qui sont capables d’acquérir de la richesse et de nombreux biens, et ceux qui ne réussissent pas ou qui subissent même de véritables échecs. Si on se demande ce qui explique ces faits – pourquoi certains réussissent tandis que d’autres échouent – c’est à cause des graines et des potentiels qu’ils ont accumulés dans des vies antérieures. Ceux qui ont eu des comportements destructeurs dans les vies passées ont accumulé un énorme potentiel négatif et, en conséquence, ils échouent dans cette vie. Ceux qui ont agi de manière constructive dans leurs vies passées ont accumulé un potentiel positif, ce qui explique leur succès et leur bonheur dans cette vie. 

Si vous n’acceptez pas cette explication selon laquelle certaines personnes réussissent alors que d’autres échouent, considérez qu’il n’y a aucune raison valable pour qu’une telle disparité existe. Si les gens travaillent avec la même somme d’effort et de capacité, ils devraient avoir la même quantité de succès. Certains pensent que le succès vient en réponse au type de travail qu’ils font pour gagner leur subsistance dans cette vie – comme les affaires ou le commerce – mais cela ne prend pas en compte tous les paramètres. Les véritables causes du succès gisent dans les potentiels qu’ils ont accumulés grâce aux actes constructifs de vies antérieures, tandis que le travail et l’activité qu’ils fournissent dans cette vie agissent comme les circonstances ou les conditions qui permettent à ces causes de mûrir. 

Par conséquent, la réussite et le succès dépendent de causes et de conditions qui s’assemblent et s’élèvent en même temps. Les causes viennent des vies antérieures, des potentiels accumulés au cours de ces existences. Les circonstances se produisent en dépendance du temps et des efforts engagés au cours de cette vie. Les deux doivent se joindre.

Le souci des vies futures

Peu importe l’aisance et les richesses acquises par les gens dans cette vie, peu importe les splendeurs dont ils pourraient jouir, néanmoins personne ne semble satisfait de ce qu’il a accumulé. Jamais les gens ne disent : « Maintenant j’en ai assez ; maintenant je n’ai pas besoin d’en avoir plus. » Pas plus qu’ils ne se contentent de ce qu’ils ont. Ils en veulent toujours plus. Ils usent leurs vies entières à la tâche. Et leur travail est sans fin.

Cela devient un cycle qui se répète sans cesse, comme celui du fermier qui peine dur chaque saison de l’année, plantant, soignant ses champs et récoltant. Et au printemps, il sème à nouveau, refaisant le cycle une fois de plus. Ceci est un exemple de la façon dont on ne cesse de travailler continuellement.

Et bien que nous ne pensions jamais que les travaux de cette vie aient une fin, cependant c’est un fait que le moment viendra où ils prendront fin, au moment de notre mort. Ce jour-là, cela se termine dans un état de douleur et de chagrin plutôt que dans un état heureux.

Aussi, ceux qui travaillent seulement dans le but d’obtenir de la nourriture, de quoi se vêtir ou de la reconnaissance dans cette vie, se dupent véritablement eux-mêmes. Ceci du fait que, bien qu’ils soient en mesure de trouver le confort physique, ils sont incapables de réaliser le bonheur mental. Sans bonheur mental, leurs vies restent inaccomplies et ils meurent dans un état de détresse.

Il est donc important d’essayer de travailler à un bonheur plus durable fondé sur l’esprit. Le bonheur physique que nous pouvons atteindre dans cette vie est quelque chose qui ne dure pas. Si nous voulons un bonheur vraiment durable, nous devons prendre en considération nos vies futures. La raison en est que, dès l’instant où nous prenons cela en compte, nous pouvons œuvrer à un bonheur réellement permanent.

Si nous travaillons à réaliser le bonheur dans les vies futures, cela remplit la définition de ce que veut dire être une personne spirituelle, engagée dans une pratique spirituelle du Dharma. Si nous limitons nos préoccupations à cette seule vie – aux choses par nature périssables – nous ne sommes que des personnes matérialistes, purement mondaines. En revanche, si nous commençons à aborder les préoccupations des vies futures, dès lors nous devenons des personnes spirituelles.

Se réfréner des comportements nuisibles comme moyen de faire advenir le bonheur dans les vies futures

Le moyen d’assurer le bonheur des vies futures implique de prendre certaines « mesures préventives » du Dharma. En particulier, cela signifie se restreindre de commettre des actes nuisibles. Les actions destructrices sont au nombre de dix : trois du corps, quatre de la parole, et trois de l’esprit. En nous réfrénant et en nous gardant d’agir de manière destructrice de l’une ou l’autre façon, nous faisons en sorte que le bonheur advienne dans les vies futures.

Nous avons établi que, si nous agissons maintenant de manière constructive, nous posons les bases d’une pratique spirituelle qui fera que les choses se passeront bien dans cette vie et dans les vies futures. Ce type de comportement constructif implique, par exemple, de considérer le fait de tuer délibérément un animal ou un insecte, ou l’acte de voler sciemment, et de voir tous les inconvénients et les résultats négatifs que cela entraîne. Cela implique de reconnaître le fait, et de prendre la ferme décision de ne plus tuer ni voler. Quand on prend une telle décision, il n’est pas nécessaire d’avoir une armée ou un cordon de police autour de soi pour s’assurer qu’on agit de manière correcte et constructive. Notre propre sentiment de moralité et d’éthique nous préservent de ces actes nocifs.

Dès lors, garder une éthique stricte est la mesure préventive à adopter qui nous permettra de mourir l’esprit heureux. Sinon, on peut très bien mourir dans un état de grand chagrin et d’anxiété. Si on a adopté les mesures préventives consistant à se conduire de manière éthique, alors, au moment de mourir, on n’aura aucune inquiétude à se faire. On peut être assuré de renaître en tant qu’être humain, voire même en tant que dieu, tel qu’Indra ou tout autre dieu, dans un des royaumes divins.

Problèmes récurrents incontrôlables, présents dans toutes les vies

Même si nous renaissons en tant qu’être humain – voire même en tant que roi des dieux – nous aurons des problèmes au cours de nos vies. Peu importe le lieu ou la forme sous laquelle nous renaissons, des problèmes récurrents auront lieu. Donc, si on souhaite se prémunir purement et simplement d’une renaissance dans un état inférieur, quand bien même on se conduirait de manière éthique en se réfrénant d’agir de manière nuisible, même en agissant ainsi, il ne fait aucun doute que nous en rencontrerons. Car, peu importe le lieu ou la forme sous laquelle on renaît, il y aura [toujours] des problèmes.

Cela montre qu’une vision plus large est nécessaire. Par exemple, si on développe un état d’esprit calme et concentré – qu’on appelle « shamatha » en sanskrit et « shiné » en tibétain – il se peut que le résultat se traduise par une renaissance en tant que dieu dans un des plans supérieurs d’existence : le plan des formes éthériques ou le plan des êtres sans forme. Si tel était le cas, on serait alors en mesure de jouir de toutes les splendeurs de ce type d’existence. Mais, même si on renaît en tant qu’être d’un de ces plans d’existence supérieurs, il n’y a là rien de spécial. C’est comme d’aller au sommet d’un gratte-ciel – une fois là-haut, il n’y a rien d’autre à faire que d’en redescendre.

Avoir confiance dans les paroles du Bouddha

Il est donc nécessaire d’essayer d’éliminer nos problèmes quel que soit l’endroit où nous renaissons, et d’aller plus loin encore. Pour ce faire, nous devons nous attaquer aux racines même de nos problèmes et de nos souffrances en les tranchant grâce à la conscience discriminante, de telle sorte que nous discernions clairement la réalité du fantasme. En procédant ainsi, on en arrive finalement à réaliser la vacuité, ce qui signifie réaliser l’absence totale de modes d’existence impossibles. Cette claire compréhension de la réalité élimine nos fausses projections et, ce faisant, élimine pour toujours toutes les souffrances et tous les problèmes que nous pourrions éprouver dans n’importe laquelle de nos vies. Elle procure un bonheur permanent, et c’est quelque chose que nous sommes en mesure de réaliser.

Nous pouvons apprendre à connaître les enseignements sur la vacuité à partir des textes classiques où sont consignées et préservées les paroles du Bouddha. Mais comment acquière-t-on confiance dans la validité de ces écritures, pas seulement au sujet de la vacuité, mais au sujet de toutes les paroles du Bouddha qui s’y trouvent ? La confiance dans leur validité doit se faire sur la base de l’analyse et de la logique. Prenons, par exemple, la vacuité. Nous pouvons établir la validité de la vacuité en nous appuyant sur le raisonnement logique. En outre, nous pouvons valider les enseignements sur la manière de réaliser l’absorption méditative de la concentration ainsi qu’un état d’esprit calme et paisible en pratiquant les instructions pour les atteindre, et en atteignant véritablement ces états nous-mêmes. Par ailleurs, grâce à ces pratiques, nous pouvons faire par nous-mêmes les expériences selon lesquelles nous réalisons vraiment les diverses sortes de perceptions supérieures extrasensorielles décrites comme les corollaires au fait d’atteindre une telle concentration. Nous sommes en mesure de réellement valider, par notre propre expérience, ces divers points enseignés par le Bouddha.

Ainsi, en s’appuyant sur notre propre labeur et nos efforts pour réaliser ce que le Bouddha a enseigné concernant des sujets qu’on peut valider grâce à la logique et l’expérience personnelle, nous développons une croyance confiante dans la validité des paroles du Bouddha en général. Forts de l’assurance acquise par cette croyance confiante, nous développons une foi profonde dans la validité d’autres points plus obscurs dont le Bouddha a parlé.

Par exemple, le Bouddha a dit que si nous agissons de manière constructive, le résultat sera que nous renaîtrons dans l’un des états de renaissance favorable, comme être humain ou comme dieu. En revanche, si nous agissons de manière destructrice ou négative, la conséquence est une renaissance comme créature d’un enfer, comme esprit avide, ou comme animal. À propos de la causalité comportementale, il y a des déclarations difficiles à étayer ou à valider à travers notre propre expérience ou au moyen de la logique pure. Mais nous n’avons pas à les accepter sur la base d’une foi aveugle dans les autorités scripturales. Ceci tient au fait que si la logique et l’expérience démontrent la validité de ce que le Bouddha a enseigné au sujet de l’obtention de l’absorption méditative de la concentration et de la compréhension correcte de la vacuité, il devient alors tout à fait raisonnable d’accepter aussi bien ce qu’il a dit au sujet du comportement et de ses résultats.

Par conséquent, nous devons réfléchir très soigneusement aux déclarations que le Bouddha a faites sur la vacuité, sur la réalité, sur l’absence totale de modes d’existence impossibles. En les reconnaissant comme correctes, nous devons prendre en considération d’autres déclarations du Bouddha, à savoir que le bonheur résulte d’actes constructifs. Dès lors, nous acquérons également une croyance confiante dans la justesse de ces déclarations et, sur cette base, prenons la décision ferme de modifier notre comportement en conséquence. Si nous voulons le bonheur, nous devons agir en sorte de le faire advenir. Autrement dit, nous devons agir de manière constructive et positive.

Le renoncement : la détermination à se libérer de tous les problèmes

Nous ferions bien également de considérer que le fondement de l’excellente renaissance humaine dont nous disposons maintenant, avec toutes ses opportunités attenantes pour progresser spirituellement, n’a pas surgi de nulle part. C’est le résultat de l’accumulation d’un énorme potentiel positif dans des vies antérieures. Nous devons avoir agi de manière très positive et constructive, et cela a contribué à cette renaissance et aux opportunités dont nous jouissons actuellement. Nous ne devons donc pas gâcher cette occasion. Si nous sommes totalement impliqués dans les affaires de cette seule vie, comme de nous procurer de la nourriture, des habits, la célébrité et la réputation, alors cette vie est un gâchis. Si ce sont là nos seules préoccupations, alors, à cause de cette fixation, nous serons incapables de nous détourner d’une complète obsession pour cette seule vie.

D’un autre côté, si nous plaçons tous nos efforts pour obtenir le bonheur dans les vies futures en renaissant en tant que dieu, tel Indra, cela aussi comporte des problèmes. Voyez quel genre de vie a un tel dieu. Ce dieu jouit de bonheurs prodigieux sans aucun problème superficiel temporaire. Mais au moment de mourir, un tel dieu a d’énormes regrets et remords, parce qu’une vie tout entière de plaisirs lui aura semblé pareille à un rêve et lui occasionnera un malaise et une souffrance immenses face à la mort. C’est pourquoi, avoir une telle renaissance comme objectif n’est pas la solution à tous nos problèmes.

De plus, nous devons tirer le meilleur parti de ce précieux corps humain comme base de travail, car c’est quelque chose qui est destiné à être perdu. Il n’y a personne qui, une fois né, ait échappé à la mort. La mort est quelque chose qui nous arrivera à tous, de façon certaine, ce n’est qu’une question de temps. Personne ne peut dire avec certitude quand viendra son heure. Réfléchir à ces réalités nous dégrise en nous faisant souhaiter tirer tous les avantages des opportunités que nous avons maintenant tant qu’on est vivant et qu’on se sent bien.

Nous devons donc nous détourner de notre totale obsession pour obtenir les choses de cette seule vie. On fait cela en réfléchissant à la nature éminemment périssable des choses de cette vie, lesquelles n’ont aucune essence durable. De la sorte, nous nous détournons de notre obsession pour les choses de cette vie et développons une détermination à être délivré des problèmes dus à cette obsession. Ce genre de détermination à se libérer s’appelle « renoncement ».

De même, nous devons examiner les vies futures et tout l’éventail des situations où nous pourrions reprendre naissance. Quand on pense aux splendeurs et au bonheur que nous pourrions avoir en renaissant en tant qu’être humain ou comme dieu, nous devons nous rappeler que ces situations comportent également des problèmes. Peu importe l’aisance et la richesse que nous pourrions avoir, des problèmes incontrôlables surgiront. En conséquence, être attaché et obsédé par ces choses au cours de vies futures, cela aussi est quelque chose dont nous devons nous détourner. On y parvient en essayant de développer une seconde sorte de détermination, à savoir la détermination à se libérer des problèmes inhérents à notre obsession pour les vies futures.

Il y a donc deux sortes de détermination à être libre. Il y a la détermination à se libérer des problèmes de cette vie, et la détermination à se libérer des problèmes de toutes les vies futures.

L’impermanence

Un pratiquant spirituel est quelqu’un qui est conscient du fait qu’aucune situation de la vie ne demeure statique ; conscient également de l’impermanence et de la mort ; conscient enfin et attentif à ses propres problèmes et à tous les problèmes inhérents à la vie. C’est là quelque chose qui pousse un tel pratiquant à prendre diverses mesures préventives pour les éviter. Si, en oubliant simplement l’impermanence, les problèmes et la mort, on pouvait les faire s’en aller, ce serait vraiment bien, ce serait idéal. Mais le fait est qu’on ne peut pas faire ça. Se contenter d’ignorer qu’on va mourir et que notre vie recèle des problèmes, ne fait pas disparaître ces faits. Il vaut donc beaucoup mieux être conscients de nos problèmes, pour y faire face de manière réaliste, puis de prendre différentes mesures pour les éliminer. Tel est l’enjeu d’une pratique spirituelle.

Le Bouddha lui-même, quand il mit en branle les premiers cycles de transmission de ces mesures, le fit en donnant des enseignements sur l’impermanence, sur la façon dont rien ne demeure de façon stable et statique. Toute sa démarche spirituelle a commencé par sa réalisation de l’impermanence. De même, à la fin de sa vie, quand il trépassa, il le fit également dans ce contexte, en démontrant à tout le monde le fait de l’impermanence.

Les Quatre Nobles Vérités

De plus, les problèmes ne viennent pas de nulle part. Ils ne nous arrivent pas sans raison aucune. Bien plutôt, nos vrais problèmes et nos malheurs proviennent de vraies causes – à savoir nos comportements impulsifs ainsi que nos émotions et attitudes perturbatrices – autrement dit de notre karma et de nos illusions. C’est le fait d’agir de manière impulsive sous le coup d’émotions et d’attitudes perturbées qui fait advenir tous les problèmes.

Maintenant, de ces deux causes de tous nos problèmes, on peut voir que le comportement impulsif plonge ses racines dans les émotions et les attitudes perturbatrices. Et si on examine les 84 000 différentes sortes d’attitudes et d’émotions perturbatrices répertoriées dans les textes bouddhiques, on découvre qu’elles viennent toutes d’une seule source, à savoir l’ignorance ou l’inconnaissance qui nous conduit à nous accrocher à une existence et à des identités dûment établies.

Toutefois il n’existe rien de tel qu’une identité dûment établie – ni en ce qui nous concerne ni pour le reste – malgré cela, nous nous accrochons aux choses comme si elles possédaient une existence ou une identité dûment établie. C’est pourquoi, si nous sommes capables de réaliser et de discerner qu’une chose telle qu’une identité dûment établie est impossible, cela agit comme un antidote pour éliminer notre saisie comme quoi les choses en possèdent une. 

Quand nous acquérons la compréhension qu’il n’existe pas une chose telle qu’une existence dûment établie – le fait que rien ne possède d’identité dûment établie – cette compréhension est connue comme un « véritable cheminement d’esprit », « le vrai chemin », l’une des Quatre Nobles Vérités. C’est un chemin d’esprit que les êtres hautement réalisés, les « aryas », considèrent comme vrai et correct en ce qu’il conduit à l’obtention de la libération et de l’illumination.

Quand nous disposons d’un véritable chemin d’esprit – à savoir la conscience discriminante qu’il n’existe rien qui ait une quelconque identité dûment établie, quelle qu’elle soit – alors nous n’aurons plus d’attitudes ni d’émotions perturbatrices dans la mesure où de telles illusions reposent sur le fait de projeter et de croire en des modes d’existence impossibles. Une fois débarrassés des émotions et des attitudes perturbatrices, nous n’agirons plus de manière impulsive. Et quand on n’agit plus impulsivement, on ne se crée plus de problèmes. L’état dans lequel les problèmes ne se manifestent plus au cours de notre expérience est connu comme le « véritable terme », la « véritable cessation ».

Tel est l’exposé des quatre faits perçus comme vrais par les aryas, les êtres hautement réalisés. Telles sont les Quatre Nobles Vérités. Les deux premières vérités traitent de ce qui dérange, à savoir les véritables problèmes et leurs véritables causes : les comportements impulsifs et les émotions et attitudes perturbatrices. Quand on se tourne vers les deux dernières vérités, qui traitent de ce qui libère, alors on souhaite réaliser une véritable cessation de tous les problèmes en éliminant leurs causes pour toujours. Et la façon de procéder, c’est de développer de vrais chemins d’esprit. C’est ainsi qu’on en vient à reconnaître et à comprendre ces quatre faits perçus comme vrais par les êtres hautement réalisés.

En construisant sur l’excellente fondation que constitue notre précieuse renaissance humaine, nous devons maintenant faire porter tous nos efforts sur la réalisation de ces Quatre Nobles vérités. Quand nous aurons fait cela, nous aurons fait un usage correct des opportunités que nous offre cette renaissance. En accumulant, grâce à cette habitude bénéfique de l’esprit, une conscience constante et stable du fait qu’il n’y a rien de tel qu’une existence dûment établie, nous aurons complètement éliminé, et pour toujours, tous nos problèmes.

Développer la compassion

Maintenant, nous débarrasser des problèmes pour nous seuls est très bien, mais ce n’est pas suffisant. Car nous ne sommes qu’une seule personne alors que les autres sont innombrables. Nous ne pourrons jamais compter le nombre des autres êtres, et chacun d’entre eux a des problèmes – tous souffrent d’une façon ou d’une autre. C’est pourquoi il est injuste de travailler seulement pour nous-mêmes : nous devons trouver une solution pour tous.

À la réflexion, il apparaît clairement que la totalité des autres êtres à l’esprit limité ont été extrêmement bons envers nous – en vérité rien ni personne n’est aussi bon que les autres êtres. Quand on considère la bonté des bouddhas et la bonté des êtres limités, on réalise qu’elles sont égales. Par exemple, si on aime le miel, nous devons penser à son origine. Il vient d’un grand nombre d’abeilles, et, pour le fabriquer, ces abeilles doivent accomplir beaucoup de tâches : voler autour d’innombrables fleurs, récolter du pollen, et sécréter et déposer le miel dans des rayons. Si jamais nous espérons avoir le plaisir de manger du miel, nous devons nous en remettre au travail et à la bonté de ces petits insectes. De même, si on considère la viande que certains d’entre nous pourraient manger, par exemple quand nous avons besoin d’une nourriture qui redonnera plus de force à notre corps dans le cas où nous sommes malades ou faibles, d’où vient-elle ? Elle vient d’animaux qui doivent abandonner leurs vies afin de nous fournir cette viande pour nous nourrir et nous donner de la force.

C’est la raison pour laquelle, une fois qu’on a développé une puissante détermination à se libérer de tous nos problèmes, nous devons transférer cette attitude aux autres. Tout comme nous sommes déterminés à nous libérer de nos propres problèmes, pareillement nous devons avoir le souhait que tous les autres le soient également. Une telle attitude est appelée « compassion ».

Si on n’a pas réfléchi sérieusement à nos propres problèmes et à la façon de ne plus vouloir en avoir et si, d’autre part, on n’a pas développé une détermination à s’en libérer, il sera très difficile de prendre en considération sérieusement ceux des autres. Nous ne serons pas capables de développer une compassion sincère, en souhaitant que les autres soient délivrés de leurs tourments. Par exemple, une personne officielle qui a beaucoup souffert tout au long de sa carrière et a atteint une position élevée, une telle personne aura de la sympathie et de la compassion pour les problèmes des autres. Une telle personne sera beaucoup mieux placée pour aider les autres que quelqu’un qui aura été promu à un rang officiel après avoir passé toute sa vie à l’aise, n’ayant jamais eu à connaître ce que veut dire souffrir.

La bodhichitta

L’attitude selon laquelle nous souhaitons que les autres soient libérés de la souffrance s’appelle la « compassion ». L’attitude selon laquelle nous souhaitons que les autres soient heureux s’appelle l’«amour ». Si on considère le souhait que tout le monde soit heureux et libéré des problèmes vu que tout le monde a été tellement bon envers nous, et si on décide que nous devons vraiment faire quelque chose à ce propos et pas seulement à un niveau superficiel mais que nous devons les aider à se libérer de leurs problèmes, cette prise de responsabilité s’appelle la « résolution exceptionnelle ».

Si nous sommes seulement accaparés par nos propres problèmes égoïstes, il n’y a aucun moyen pour nous d’obtenir une quelconque réalisation ou de développer les bonnes qualités d’un bouddha. Alors que si on se détourne de l’égoïsme et qu’on se sent concerné par la détresse des autres, tel est le point de départ pour que nous devenions un bouddha illuminé. C’est à partir de préoccupations égoïstes qu’on en vient à commettre des crimes, etc., à voler afin d’accumuler des biens pour soi. De telles méthodes maladroites ne font qu’engendrer plus de problèmes, et la racine de tout ça est notre égoïsme.

Si le Bouddha Shakyamuni a été capable de s’illuminer, et d’avoir un esprit totalement clair et pleinement évolué, ce résultat vient du fait qu’il a été uniquement concerné par le bien-être des autres. En fait, tous les bouddhas de tous les temps ont atteint cet état de réaliser leur plein potentiel en se fondant sur leur préoccupation des autres. Or, si on est réaliste, on constate que – même si on a cette résolution exceptionnelle « d’amener tout le monde au bonheur et de les libérer de leurs problèmes » – on n’est pas en mesure de le faire, peu importe la force de notre souhait. Seul un bouddha possède une telle capacité d’aider tout le monde à surmonter les problèmes et à obtenir le bonheur.

Il est donc nécessaire de dédier pleinement nos cœurs pour être bénéfique aux autres et d’atteindre l’état illuminé d’un bouddha afin de pouvoir le faire de la meilleure façon qui soit. Ceci est connu comme « la bodhichitta d’intention » [ou « pensée de l’éveil »].

Avec un cœur pareillement dédié à l’objectif de la bodhichitta, imaginons que nous fassions une simple offrande, celle d’une fleur. Si l’intention d’une telle offrande est d’être bénéfique à tous et d’atteindre l’illumination afin de pouvoir agir du mieux possible, alors le potentiel accumulé par cette simple action est énorme. En fait, quand notre but est d’être capable d’être bénéfique à tous, le bénéfice est proportionnel au but. Il est aussi vaste que le nombre d’êtres. Les bénéfices qu’il y a à dédier nos cœurs purement et sincèrement dans cette direction sont beaucoup plus grands que les bénéfices de faire une offrande d’un monde rempli d’or et de joyaux au Bouddha. Même s’il nous arrivait de nourrir tous les êtres de l’univers, les bénéfices d’avoir, ne serait-ce qu’un bref instant, un tel cœur dédié à l’objectif de la bodhichitta seraient plus grands.

La logique qui se tient derrière cette intention peut être établie si on considère qu’un repas pour chaque être de l’univers ne satisferait qu’une seule fois la faim des êtres. Très vite, ils auraient à nouveau faim, et leur problème de faim persisterait. Mais en souhaitant, animé par la bodhichitta d’intention, alléger les problèmes de tous pour toujours, et en se dédiant à l’atteinte de l’illumination pour faire cela du mieux possible, non seulement cela soulagerait la faim de tous, mais cela aurait pour effet d’amener à avoir la capacité de mettre un terme définitif à leurs problèmes.

Remarques de conclusion

C’est pourquoi, comme étape vers le développement de la bodhichitta d’intention, nous devons promettre fermement de ne nuire à aucune créature. Quand on considère tous les désavantages et les inconvénients qu’il y a à blesser les autres, quels qu’ils soient, et qu’on s’engage à ne pas le faire, cela entraîne de grands bienfaits. Par conséquent, il s’agit là du type de conduite le plus digne d’éloges. L’engagement ferme que nous n’allons nuire ni blesser personne est une mesure spirituelle que nous pouvons prendre dès maintenant. Nul besoin de penser à une pratique spirituelle comme à quelque chose de très élevé et lointain.

En bref, pour être un pratiquant spirituel, nul besoin de vivre une vie exotique. Dans l’histoire, il y a un grand nombre de récits de chefs de famille qui ont été de grands pratiquants spirituels. Quand on se penche sur les biographies des quatre-vingt-quatre mahasiddhas hautement réalisés de l’Inde ancienne, nombre d’entre eux étaient des propriétaires laïcs et des maîtres de maison.

De même, nul besoin de se sentir découragé si on est vieux ou qu’on pense que les personnes âgées ne peuvent pas devenir des pratiquants spirituels. Si on consulte les récits du passé, on trouve l’exemple du maître de maison Shrijati qui est devenu un pratiquant spirituel à l’âge de quatre-vingts ans. Il fut capable de réaliser l’état d’un être libéré, ou arhat, dans sa vie. Nous ne sommes donc jamais trop vieux.

Par ailleurs, si nous sommes jeunes, nous ne devrions pas faire preuve de légèreté, mais tirer avantage des énergies que nous avons pour être résolus et déterminés dans nos pratiques spirituelles. Et nous ne devons pas penser que nous pouvons remettre ces mesures spirituelles d’ordre préventif à plus tard quand nous serons plus vieux, car il n’y a aucun moyen de savoir quand la mort arrivera. D’autre part, la vieillesse est quelque chose qui semble nous tomber dessus d’un seul coup. Quand cela se produit, on a l’impression soudaine que notre vie s’est écoulée.

Il y a un grand nombre de choses simples et positives que nous pouvons faire. Je connais des gens dans certains pays qui dépensent beaucoup d’effort et d’argent pour nourrir les oiseaux. Ils installent des mangeoires à l’extérieur de leurs maisons et dépensent de petites fortunes pour les remplir de nourriture chaque jour. En vérité, ils font même une croix sur leurs vacances car ils ne veulent pas priver les oiseaux de leur nourriture. C’est une excellente pratique ; cela me rend heureux de les voir car il s’agit là d’une véritable pratique de bodhisattva. Il existe aussi de nombreux exemples de Tibétains qui se sont rendus en Inde comme pèlerins en donnant du pain aux pigeons et du riz aux diverses sortes d’oiseaux. C’est une excellente pratique pour jouir d’une longue vie.

Résumé

Si on veut résumer notre discussion, en voici les principaux points :

  • Développer un cœur bienveillant et chaleureux pour travailler constamment au bienfait de tous.
  • Ne blesser, ni ne nuire à rien ni à personne ; ne jamais causer de tort ou de problèmes.

Tels sont les principaux points de départ pour une parfaite pratique spirituelle. Nous devons tirer le plein avantage de cette excellente base de travail qu’est notre précieuse renaissance humaine en dédiant nos cœurs purement, avec l’objectif de la bodhichitta, aux autres et à la réalisation de l’illumination. En agissant ainsi, nous serons véritablement en mesure d’atteindre l’état d’un être à l’esprit totalement clair et pleinement développé, à savoir un bouddha pleinement illuminé.

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