Les systèmes d’éthique occidentale : légalistes et humaniste
Notre sujet de ce soir est l’éthique sexuelle vue d’une perspective bouddhique. En général dans le bouddhisme nous essayons toujours de suivre une voie médiane et, donc, pour ce qui est de la sexualité, nous voulons éviter les deux extrêmes. Un extrême consiste à être très strict et rigide et à voir la sexualité comme quelque chose de sale et de fondamentalement mal. Et puis nous voulons aussi éviter l’autre attitude extrême selon laquelle tout ce qui a trait à la sexualité est O.K. alors « éclatons-nous ».
La voie médiane du bouddhisme qui enseigne une approche éthique de la sexualité évite ces deux extrêmes. Néanmoins, pour pouvoir la suivre, il est nécessaire de comprendre la vue bouddhique de l’éthique. Du fait que les systèmes d’éthique sont nombreux et différents, il faut veiller à ne pas projeter notre propre système sur le bouddhisme. Par exemple, l’éthique biblique enseigne un ensemble de lois proclamé par une haute autorité, en l’occurrence : Dieu. Une conduite éthique, donc, relève de l’obéissance aux lois. Si nous obéissons aux lois de Dieu, nous sommes « bons » et serons récompensés. Si nous désobéissons, nous sommes « mauvais » et serons punis.
Un autre système d’éthique dont nous avons hérité en Occident provient de la Grèce antique. Il est très ressemblant au système biblique, à cela près que les lois ne sont pas énoncées par Dieu mais sont édictées par un corps législatif qui est élu au gouvernement. De nouveau, l’éthique est une question d’obéissance. Si nous obéissons aux lois civiles, nous sommes de « bons citoyens » et si nous y désobéissons, nous sommes de « mauvais citoyens », des criminels, et nous sommes mis en prison.
Nous voyons ici que ces deux systèmes légalistes de l’éthique impliquent et causent de la culpabilité. En d’autres termes, les deux sont fondés sur le jugement. Certains actes sont jugés « mauvais » sur le plan de la morale et d’autres sont jugés « bons ». Si nous faisons quelque chose de « mal », nous sommes coupables. Lorsque nous transposons à la sexualité ce type d’approche éthique qui porte un jugement, il est fréquent que des sentiments de culpabilité accompagnent notre conduite sexuelle, même si personne ne nous surprend en train de faire des « coquineries ». Cela, parce que nous devenons des juges et que nous nous jugeons nous-mêmes, même si nous sommes seuls à porter un jugement.
Une troisième forme d’éthique occidentale est celle de l’éthique humaniste moderne qui est fondée sur le principe de ne pas nuire à autrui. Quoi que nous fassions, c’est d’accord dans la mesure où nous ne faisons de mal à personne. Sinon, c’est non éthique. Habituellement, nous mélangeons l’éthique humaniste et l’éthique légaliste, ce qui fait que si nous blessons quelqu’un, nous nous sentons très mal et nous culpabilisons.
L’éthique bouddhique ne porte pas de jugement
L’éthique bouddhique est complètement différente des trois formes d’éthique occidentale. Elle n’est pas fondée sur l’obéissance à des lois. Elle n’est pas non plus fondée sur l’astreinte d’éviter de blesser autrui bien que, évidemment, nous fassions de notre mieux pour ne porter tort à personne. L’éthique bouddhique va plus loin : selon le bouddhisme, le fondement de la conduite éthique consiste à éviter tout acte motivé par le désir ardent, la colère ou la naïveté, et à disposer d’une conscience discriminante correcte. La conscience discriminante correcte désigne la capacité de différencier entre les motivations et les actions qui sont constructives et celles qui sont destructrices, c’est-à-dire les motivations et les conduites qui forment sur notre continuum mental des tendances et des habitudes qui auront pour conséquence de devenir pour nous, à un certain moment dans le futur, des causes de bonheur ou de souffrance.
Personne n’a énoncé de règles permettant de départager ce qui est constructif de ce qui est destructeur. Une chose toute naturelle dans l’univers est que certains actes nous causent de la souffrance et d’autres non. Par exemple, si nous mettons la main dans le feu, nous allons nous brûler et cela va nous faire mal. C’est là un acte destructeur, n’est-ce pas ? Personne n’a énoncé cette règle : c’est une chose naturelle, c’est comme ça. Et si quelqu’un veut mettre sa main dans le feu, cela ne fait pas de lui quelqu’un de mauvais. Cela fait peut-être de lui un insensé, ou quelqu’un qui ne connaît pas la cause et l’effet, mais cela ne fait certainement pas de lui quelqu’un de « mauvais ».
L’idée maîtresse de l’éthique bouddhique, donc, consiste à essayer de comprendre quels types de motivations et de comportements sont destructeurs et lesquels sont constructifs. Autrement dit, nous devons apprendre à discriminer entre ce qui va nous causer du malheur et ce qui va nous apporter du bonheur. Ensuite c’est à nous de décider. Ce dont nous ferons l’expérience dans le futur est du ressort de notre responsabilité. C’est comme, par exemple, quand nous prenons connaissance des dangers du tabac ; ensuite, c’est à nous de décider de fumer ou de ne pas fumer. Quelqu’un qui agit de manière destructrice, se causant du tort à lui-même, est un objet approprié de compassion et il serait inopportun de prendre des airs supérieurs et suffisants à son égard et de le prendre en pitié. Ce n’est pas l’attitude bouddhique. Il est triste que quelqu’un ne comprenne pas la réalité.
Le bouddhisme adopte la même approche par rapport à l’éthique sexuelle : il ne porte pas de jugement. Certains types de comportements sexuels et de motivations sont destructeurs et nous causent de la souffrance, cependant que d’autres sont constructifs et nous apportent du bonheur. Mais encore une fois, c’est à nous de décider. Si nous voulons avoir beaucoup de problèmes du fait de notre conduite sexuelle, alors allons-y, donnons libre cours à nos pulsions ! Mais si nous ne voulons pas avoir de problèmes, il y a certaines choses à éviter.
Il est très facile de comprendre la différence à l’aide de l’exemple suivant : si nous voulons avoir un rapport sexuel non protégé avec une prostituée, eh ! bien, c’est un comportement naïf et insensé car nous courons le risque probable d’attraper le sida. Mais cela ne fait pas de nous quelqu’un de mauvais. C’est notre choix. Vous voyez, cette approche de la sexualité est très différente. C’est là toute la clé pour comprendre l’approche bouddhique.
Discriminer entre un comportement constructif et un comportement destructeur
Pour pouvoir se pencher en détail sur l’éthique sexuelle bouddhique, il faut d’abord comprendre la différence, selon le point de vue du bouddhisme, entre ce qui est constructif et ce qui est destructeur. En général, le bouddhisme opère une différence entre les actes qui sont mêlés de confusion et ceux qui en sont dénués. Ces termes sont habituellement traduits par actes « contaminés » et actes « non contaminés » – contaminés par la confusion à propos de notre propre nature et de celle des autres, et de la réalité en général. La confusion contaminée mène au désir ardent, à la colère, ou simplement à la naïveté qui, à leur tour, motivent nos actes.
Pour que des actes puissent être dénués de confusion, une compréhension non conceptuelle de la vacuité est requise – la compréhension que les fantasmes que nous projetons sur la réalité ne correspondent à rien de réel. Cette sorte de compréhension est très difficile à acquérir, même de manière conceptuelle. Ainsi, pour la plupart d’entre nous, tous nos actes sont mêlés de confusion, sont issus de la confusion et sont accompagnés de confusion. Ce sont les types d’actes qui sont impliqués dans ce que nous appelons le karma. À cause d’eux, nous continuons de faire l’expérience de la renaissance à la récurrence incontrôlable pleine de problèmes – le samsara.
Les actes confus peuvent être destructeurs, constructifs, ou non spécifiés par le Bouddhas comme étant l’un ou l’autre. Les actes destructeurs sont toujours mêlés de confusion : ce sont ceux qui arrivent à maturation sous forme de malheur ou de souffrance. Quant aux actes constructifs qui sont accompagnés de confusion, ils arrivent à maturation sous forme de bonheur, mais c’est un bonheur qui ne dure pas et qui ne donne pas satisfaction – jamais. Les actes non spécifiés, eux aussi, peuvent être mêlés de confusion. Ils arrivent à maturation sous forme d’un sentiment neutre, ni bonheur ni malheur.
Nous avons déjà vu un exemple d’acte destructeur, comme celui d’avoir un rapport sexuel non protégé avec une prostituée. Un tel comportement est clairement mêlé de confusion à propos de la réalité, de naïveté et, en général, de désir ardent.
Quant à l’exemple d’un acte constructif mêlé de confusion, considérons le cas de la mère qui s’emploie toujours à faire des gentillesses à son fils de vingt-quatre ans, par exemple, en lui préparant de bons repas. Nourrir son fils est un acte d’amour ; c’est un acte constructif dont l’arrivée à maturation sera pour elle une expérience de bonheur et de bien-être. Cependant, elle cuisine pour lui parce que cela lui donne aussi le sentiment d’être utile et l’impression que l’on a besoin d’elle, et c’est là que la confusion entre en ligne de compte. Le fils de vingt-quatre ans ne veut peut-être pas être traité comme un enfant qui, lorsqu’il ne rentre pas à la maison pour manger, se fait accueillir par un : « Pourquoi n’es-tu pas rentré à la maison ? Je t’ai fait un bon repas. Quel manque de considération de ta part ! ». À la préparation du repas s’est mêlée la confusion de la saisie envers « moi, moi, moi, je veux me sentir utile, je veux que l’on ait besoin de moi ». L’acte constructif effectué par la mère et la gentillesse de sa motivation sont ici sous-tendus par une préoccupation égocentrique. De ce fait, tout sentiment de bonheur qu’elle pourra éprouver en résultat de la gentillesse de ses actes sera précaire et instable. Il ne durera pas et ne lui donnera pas satisfaction – jamais. En plus, sa motivation égocentrique lui apportera inéluctablement de la frustration, du malheur et de la souffrance.
Un acte non spécifié, neutre, comme celui de nous brosser les dents, peut être accompagné de la confusion qui consiste à croire que si nous nous brossons les dents, nous aurons vraiment l’haleine fraîche et l’air séduisant. Mais en fait, nous ne pouvons jamais avoir l’haleine fraîche une fois pour toutes, car très rapidement nos dents vont de nouveau être sales et notre haleine fétide. Il y a ici une confusion à propos de la réalité, un certain niveau de naïveté et une forte préoccupation égocentrique de notre apparence. Bien que le brossage de dents ne débouche ni sur un sentiment de bonheur, ni sur un sentiment de malheur – nous faisons simplement ce qu’il faut faire – c’est aussi une manière de perpétuer notre situation samsarique. Toute notre vie, nous devrons répéter l’action de nous brosser les dents. Ne vous méprenez pas sur ce point : cela ne signifie pas que la meilleure mesure à prendre soit de cesser de nous brosser les dents ! C’est simplement que les actes neutres et répétitifs qui consistent à prendre soin de notre corps samsarique, lorsqu’ils sont mêlés à la saisie envers un « moi » solide, perpétuent notre existence samsarique répétitive avec tous ses problèmes.
La maturation du karma et la loi de certitude
Nous devons bien comprendre ce que le bouddhisme signifie lorsqu’il enseigne que les actes mêlés de confusion « mûrissent » ou « arrivent à maturation » sous forme de malheur, de bonheur samsarique, ou d’un sentiment neutre qui n’est ni l’un ni l’autre. Ce principe s’applique à tous nos comportements ordinaires, y compris à notre comportement sexuel.
Le bouddhisme parle de la loi de la certitude du karma. Il est certain que des actes destructeurs atteindront leur maturité sous forme de souffrance, à moins que nous ne nous purifiions des tendances karmiques qu’ils ont formées. Inversement, si nous faisons maintenant l’expérience de la souffrance, cette expérience est arrivée à maturation à partir des tendances karmiques qui ont été formées par notre propre comportement destructeur dans le passé. La même loi s’applique pour ce qui est de notre bonheur ordinaire et de nos actes constructifs mêlés de confusion.
Le terme qu’il est important de comprendre dans la loi de la certitude est celui de « maturation ». L’« arrivée à maturation sous forme de souffrance » ne signifie pas seulement « avoir de la souffrance pour résultat ». Cela, parce que nos actes ont de nombreux résultats dont la plupart sont incertains. Par exemple, lorsque nous faisons quelque chose, il est incertain si, ce faisant, nous allons avoir une expérience heureuse ou malheureuse. Prenons le cas où nous écrasons un cafard. Nous pouvons marcher dessus et vraiment éprouver un grand plaisir à tuer ce que nous prenons pour un truc horrible. Ou alors, tout en marchant dessus, nous pouvons ressentir de l’horreur et du dégoût. De même, nous pouvons nous sentir heureux d’aider quelqu’un à s’acquitter d’une tâche difficile, mais nous pouvons tout aussi bien lui en tenir rigueur.
Quant à ce que nous allons ressentir immédiatement après une action, c’est incertain aussi. Après un rapport sexuel non protégé avec une prostituée, on peut être content d’avoir eu un rapport sexuel, mais on peut aussi avoir peur de la contamination du sida. Après avoir donné de l’argent à quelqu’un, on peut jubiler de bonheur, mais on peut aussi le regretter et en être malheureux. Si nous dévalisons une banque, peut-être serons-nous attrapés par la police, mais il est possible que cela n’arrive pas. Si nous faisons honnêtement notre travail, nous aurons peut-être un avancement et nous nous en réjouirons, ou encore, malgré notre bon travail, nous serons peut-être licenciés et désespérés. Tous ces types de résultats sont incertains. Ce n’est pas de ceux-là dont parle la loi de la certitude du karma.
Il n’est même pas certain si nos actes vont procurer du bonheur ou devenir une source de malheur pour les personnes envers qui nous agissons, que ce soit pendant, tout de suite après, à court ou à long terme. On peut mentir à quelqu’un au sujet de ses capacités, lui dire qu’il est plus compétent qu’il ne l’est en réalité, ce qui peut le rendre heureux à la fois pendant que nous lui parlons et tout de suite après. À court terme, et même à long terme, cela lui donne peut-être confiance en lui pour réussir. Mais il est possible aussi que cela le mette mal à l’aise car il sait pertinemment que c’est de la flatterie de notre part et que ce que nous disons n’est pas vrai. Et puis s’il nous croit, il se peut qu’il se mette alors à se surestimer et qu’il essuie de ce fait un cuisant échec dans son prochain travail. Mais d’un autre côté, si nous lui disons la vérité, il se sentira peut-êre déprimé et, manquant de confiance en lui, échouera dans toutes ses entreprises futures. Ou encore, il est possible qu’il soit content de notre franchise à son égard et que, s’attelant à d’autres tâches dans la vie, il réussisse bien et mène une vie heureuse.
Lequel de ces types de résultats va se manifester à la suite du même acte est donc complètement incertain. C’est pourquoi nous disons que l’éthique bouddhique ne consiste pas seulement à ne pas faire de mal à autrui. Cela, parce que nous ne pouvons jamais garantir quels effets nos actes auront sur les autres. Nous tâchons de ne pas leur faire de tort, certes, mais à moins d’être un bouddha, nous ne pouvons jamais savoir quels seront les effets de nos actes.
Ainsi, lorsque nous disons que des actes destructeurs « arrivent à maturation » sous forme de souffrance, nous nous référons à un processus complexe à travers lequel nos façons d’agir, de parler et de penser forment certaines tendances et habitudes sur notre continuum mental, lesquelles vont influer sur nos expériences futures. Par exemple, si nous avons des liaisons extraconjugales, nous prenons ou renforçons l’habitude d’être insatisfaits avec nos partenaires sexuels et de passer de l’un à l’autre.
Éprouver de l’insatisfaction et de l’agitation dans notre vie sexuelle est une expérience malheureuse, n’est-ce pas ? Et puis, si nous ne sommes jamais satisfaits des relations que nous avons avec notre partenaire conjugal et si nous sommes malheureux dans ce genre de relation, nous ne serons pas non plus satisfaits dans nos relations amoureuses. Ces relations ne dureront pas non plus et nous continuerons à en chercher d’autres. De plus, nos partenaires aussi seront infidèles. Pourquoi nous seraient-ils fidèles si nous ne le sommes pas ? Il y a donc de nombreuses répercussions à long terme et beaucoup de problèmes. C’est ce qui ne manquera pas de se produire à la suite d’agissements destructeurs.
Les motivations derrière les comportements destructeurs
Voyons d’un peu plus près ce qui est destructeur – ce qui, à long terme, va donner lieu à des habitudes négatives qui entraîneront pour nous des problèmes dans le futur. Le principal facteur qui détermine si un acte est destructeur ou non est l’état d’esprit qui le motive. Les actes destructeurs peuvent être motivés par le désir ardent – par exemple, l’obsession sexuelle est une cause d’aventures sexuelles multiples. Ils peuvent aussi être aussi motivés par la colère ou l’hostilité, comme c’est le cas d’un homme qui viole les femmes parce qu’il est en colère contre elles et veut leur faire du mal. Ou encore, un comportement destructeur peut être motivé par la naïveté au sujet de la cause et de l’effet, ou au sujet de la réalité, comme dans l’exemple que nous avons cité auparavant sur le rapport sexuel non protégé avec une prostituée. La naïveté est souvent mêlée de désir obsessionnel ou d’hostilité.
D’autres attitudes fondamentales accompagnent toujours les actes destructeurs, comme le manque de sens de dignité personnelle sur le plan éthique – le reflet que notre comportement donne de nous-mêmes nous est égal – et l’absence de considération pour la façon dont notre comportement se reflète sur les autres : nos proches, nos professeurs spirituels, nos concitoyens et ainsi de suite. Nous pouvons mieux comprendre ce qu’il en est à travers l’exemple du Président Clinton et de son aventure extraconjugale qui a causé un tel scandale.
Les autres émotions perturbatrices qui accompagnent ces motivations destructrices, comme la jalousie, sont destructrices aussi, tout comme le sont les actes motivés par elles. Puis, en général, nous dirions que la renaissance à la récurrence incontrôlable (samsara) est destructrice.
Les motivations causales et concomitantes
Dans la présentation bouddhique de l’éthique, une différenciation supplémentaire est effectuée entre la motivation causale et la motivation concomitante. La motivation causale nous pousse initialement à faire telle ou telle action, et la motivation concomitante survient exactement à l’instant de l’action. Pour les actes par nature éthiquement neutres – le Bouddha ne les a pas spécifiés comme étant constructifs ou destructeurs – c’est la motivation concomitante qui détermine si l’acte est constructif ou destructeur, et non la motivation causale qui est à l’origine de l’acte. Pour les actes que le Bouddha a spécifiés comme étant constructifs ou destructeurs, la motivation concomitante est celle dont l’effet sur le résultat karmique est le plus déterminant, soit qu’elle l’allège, soit qu’elle l’alourdisse.
Considérons le cas des rapports sexuels que nous entretenons avec notre partenaire, ce qui est en soi un acte neutre sur le plan éthique. Nous pouvons avoir pour motivation causale une raison constructive de vouloir un rapport sexuel. Nous souhaitons peut-être rendre notre partenaire heureux(se), ou nous aimerions avoir un enfant. Mais alors que nous commençons l’acte sexuel, si l’obsession du plaisir et du désir prend le dessus en tant que motivation concomitante, alors l’acte devient destructeur malgré la motivation causale positive d’origine. Faire l’amour avec une obsession sexuelle crée une habitude négative qui, à long terme, va nous rendre malheureux.
La motivation causale elle-même peut aussi être destructrice. Une obsession sexuelle peut nous pousser à avoir des rapports sexuels et être aussi la motivation concomitante. La motivation causale, cependant, peut aussi être neutre : nous pourrions vouloir un rapport sexuel pour nous endormir plus facilement. Mais alors que nous nous mettons effectivement à faire l’amour, nous sommes submergés par le désir et l’obsession qui accompagnent l’acte sexuel. De nouveau, l’acte sexuel devient destructeur.
Le désir ardent obsessionnel et les considérations incorrectes
Du fait que pour la plupart des gens, l’émotion perturbatrice qui rend l’acte sexuel destructeur est celle du désir ardent obsessionnel, voyons de plus près ce que cet état d’esprit signifie.
Le désir ardent est à la fois une émotion perturbatrice dirigée vers quelque chose qui n’est pas en notre possession et le souhait intense de le posséder, ce dernier étant fondé sur l’exagération des qualités positives de l’objet.
Cela peut se produire lorsque nous n’avons rien de cet objet ou lorsque nous l’avons en partie et que nous sommes avides d’en avoir davantage. Il en est de même pour l’attachement en tant qu’émotion perturbatrice dirigée vers quelque chose que nous avons déjà et que, dû à notre exagération des qualités positives de l’objet, nous ne voulons pas lâcher.
En plus de gonfler les qualités positives de quelque chose avec des attitudes du genre « tu es la personne la plus belle et la plus parfaite du monde », le désir ardent projette sur l’objet des qualités qu’il ne possède pas. En terminologie bouddhique, le désir ardent est accompagné de « considérations incorrectes ».
Un exemple de considération incorrecte par rapport à un partenaire sexuel consiste à considérer que quelque chose de sale est propre. À un niveau très anodin, l’attitude suivante en est une bonne illustration : « Si c’est la tasse de mon (ma) bien-aimé(e), elle est propre. Je me ferai un plaisir de boire dedans. Si c’est la tasse de l’ouvrier, elle est sale. Ce serait même dégoûtant de l’effleurer de mes lèvres ». Si nous y réfléchissons, il n’y a pas de différence ici entre les deux tasses. Les deux ont été utilisées par une autre personne pour boire.
Ou encore, si vous permettez un exemple plus osé, nous pensons peut-être qu’il est merveilleux que notre bien-aimé(e) nous mette sa langue dans la bouche quand il ou elle nous embrasse, mais s’il ou elle nous crachait dans la bouche, ce qui revient à peu près au même, nous trouverions cela dégoûtant. Que quelqu’un nous mette sa langue dans la bouche en nous embrassant est un exemple à la fois de l’exagération des qualités de quelque chose qui en fait l’acte le plus excitant qui soit, et de la considération incorrecte que c’est quelque chose de propre, ou tout au moins que ce n’est pas sale.
Un autre type de considération incorrecte consiste à considérer la souffrance comme du bonheur. Par exemple, si notre bien-aimé(e) nous caresse la main, nous trouvons cela merveilleux. Mais s’il (elle) continue à la caresser pendant cinq minutes exactement au même endroit, il va finir par y avoir une irritation. Pourtant, il est possible que nous continuions à considérer que c’est un bonheur et que, de ce fait, nous ne demandions pas à notre bien-aimé(e) d’arrêter. Ou alors, je suis sûr que nous avons tous fait cette expérience, nous embrassons quelqu’un dans la position couchée et notre bras s’engourdit sous le poids de l’autre et cela devient très inconfortable, mais nous continuons quand même à rester ainsi allongé(e). Ou alors, nous tenons quelqu’un dans nos bras tout en essayant de nous endormir, ce qui devient complètement inconfortable et nous empêche de nous endormir, mais nous ne voulons pas relâcher notre étreinte. C’est ce qui s’appelle « considérer la souffrance comme du bonheur » – un exemple de considération incorrecte qui accompagne l’obsession de contact physique et d’étreinte sexuelle.
Désir biologique versus désir obsessionnel
Il est important de différencier ici entre le désir ardent obsessionnel et le désir biologique. Ce sont deux choses très différentes. C’est comme pour la nourriture : quand la faim que nous éprouvons est biologique, satisfaire notre désir de nourriture n’est pas destructeur. Nous pouvons le faire sans exagérer les qualités positives de la nourriture ou sans entretenir de considérations incorrectes à son sujet. Mais si, ayant un désir ardent obsessionnel de manger un certain aliment, par exemple, du chocolat, nous l’élevons au rang de la chose la plus délicieuse du monde et nous nous en gavons, c’est destructeur. Cela va mener à beaucoup de problèmes : nous prenons trop de poids et pouvons même nous rendre malades à force d’en manger.
C’est la même chose pour l’acte sexuel. Le désir normal biologique fondé sur la production d’hormones est différent du désir obsessionnel. Le bouddhisme ne dit pas que satisfaire l’impulsion biologique, sans en exagérer les qualités positives, est destructeur. Mais, comme manger, cela fait partie du samsara : c’est quelque chose qui arrive avec un corps samsarique et qui causera des problèmes à un certain niveau, inéluctablement. Même si nous gardons le célibat, l’impulsion d’avoir des rapports sexuels continuera. Et si nous ne gardons pas le célibat, alors nous n’en aurons jamais assez. Avoir juste des rapports sexuels juste une fois ne suffira jamais, c’est comme si l’on mangeait une seule fois. Nous en voulons encore et encore. Ainsi, c’est une situation samsarique – une situation à la récurrence incontrôlable qui ne donne jamais satisfaction. De toute évidence, c’est une forme de souffrance.
En fait, si nous regardons les vœux tantriques sur la conduite sexuelle, le principal vœu est de ne pas considérer la sexualité comme une voie de libération ou d’illumination L’acte sexuel est tout simplement un acte samsarique. Se livrer à des activités sexuelles dans l’idée que « si seulement nous pouvions parvenir au parfait orgasme, cela résoudrait tous nos problèmes » illustre bien de quelle façon nous pouvons violer nos vœux tantriques. Se comporter ainsi témoigne d’une confusion totale par rapport à la réalité et par rapport aux causes et effets comportementaux. En tant que pratiquants bouddhistes, éviter cette exagération de l’acte sexuel devra être, pour la plupart d’entre nous, au centre de notre attention, même si nous n’avons pas prononcé de vœux tantriques. Nous ne violons pas les gens des villes que nous avons conquises dans les conflits armés.
Le développement historique de ce qui est considéré comme une conduite sexuelle inappropriée
Lorsque nous nous penchons sur la liste détaillée des différents types de conduite sexuelle considérés par le bouddhisme comme étant inappropriés, nous découvrons qu’avoir des rapports sexuels plus de cinq fois de suite est considéré comme destructeur parce que c’est considéré comme relevant de l’obsession, ce qui implique qu’avoir des rapports sexuels quatre fois de suite ne l’est pas. Maintenant, il n’est pas clairement précisé si cela se rapporte à quatre ou cinq fois d’affilée au cours d’un même rapport sexuel ou à quatre ou cinq jours d’affilée. Si, selon l’interprétation de certains, c’était le premier cas, alors cela indiquerait une idée très bizarre de l’obsessionnel. De même, se masturber une fois ou avoir un rapport sexuel par voie orale une fois sont aussi considérés comme des actes destructeurs parce qu’ils sont aussi considérés comme relevant de l’obsession. De toute évidence, l’obsession sexuelle est un sujet complexe dont la définition exige la prise en compte de critères culturels.
Pour mieux cerner la question, il peut s’avérer utile de se pencher sur les écrits bouddhiques qui apparaissent au fil de l’histoire concernant ce qui est considéré comme un acte sexuel destructeur ou inapproprié. Une telle étude peut nous donner une piste d’interprétation de l’éthique sexuelle bouddhique dans le cadre de notre société contemporaine. Nombreux sont les bouddhistes occidentaux qui souhaiteraient réviser certains aspects de l’éthique bouddhique pour les accorder avec notre mentalité actuelle, mais toute tentative dans ce sens exige une grande circonspection. Si nous en prenons le risque, cela requiert de notre part une connaissance des enseignements du bouddhisme sur l’éthique dans toute leur dimension, de leur évolution au fil du temps et de leur application dans les différentes sociétés asiatiques où ils se sont répandus.
Dans les écrits bouddhiques précoces rédigés en pali et en sanskrit au Sri Lanka et en Inde, la seule conduite sexuelle spécifiée comme étant inappropriée est le rapport sexuel avec un partenaire inapproprié. La plus grande insistance est mise sur les femmes avec lesquelles il est inconvenant d’avoir un rapport sexuel, c’est-à-dire les femmes mariées ou fiancées, ou celles qui sont retenues ailleurs, comme c’est le cas pour une fille non mariée retenue par ses parents, ou pour des moniales retenues par leurs vœux. Pour qu’un homme ait eu un rapport sexuel avec l’un de ces types de femmes, il fallait en général qu’un désir obsessionnel ait été sa motivation. Bien qu’il se soit agi d’une femme avec qui il ne convenait pas d’avoir de rapports sexuels, le désir de l’homme devait être obsessionnel pour insister à ce point malgré les normes sociétales et culturelles en vigueur à l’époque. Les textes ne mentionnent pas si l’homme a déjà une partenaire, ni ce que souhaite la femme avec qui il ne convient pas d’avoir de rapport sexuel.
À la fin du premier siècle de l’époque moderne, un quatrième Concile bouddhique eut lieu au Cachemire. En ce temps-là, une dynastie d’Asie centrale régnait sur la région qui s’étendait du nord-ouest de l’Inde jusqu’à l’est de l’Iran. Des représentants des régions bouddhiques de ce qui est maintenant l’Afghanistan se rendirent à ce Concile et, de retour dans leurs régions natales, présentèrent un rapport faisant état de certaines coutumes culturelles perses qu’ils trouvaient contraires à l’esprit de l’éthique bouddhique. Ils avaient le sentiment qu’il fallait les mentionner explicitement dans les textes bouddhiques sur l’éthique alors en cours de compilation. À partir de là, différentes coutumes jugées acceptables dans certaines cultures non indiennes furent peu à peu incorporées à la liste des types de conduites destructrices, comme l’euthanasie et l’inceste. Bien que de tels actes se fussent certainement déjà produits en Inde, on n’en parlait jamais ouvertement. Mais le fait d’en entendre parler dans des cultures étrangères a fourni les circonstances permettant de les mentionner explicitement dans les textes bouddhiques sans perdre la « face sociale ».
En conséquence, pour ce qui est de la conduite sexuelle « non sage », la liste déjà longue des partenaires inappropriés fut élargie pour y inclure sa propre mère et sa propre fille. Progressivement, d’autres formes de conduite sexuelle qualifiées d’inappropriées furent rajoutées. Par exemple, certains orifices corporels furent répertoriés impropres pour les rapports sexuels, comme la bouche et l’anus, même avec sa propre épouse. La raison derrière cette considération est sans aucun doute l’idée qu’un rapport sexuel dans un orifice inapproprié ne pouvait être motivé que par un désir obsessionnel. Non satisfait des relations sexuelles vaginales avec son épouse, on deviendrait explorateur et aventurier sexuel et l’on aurait le sentiment de devoir essayer toutes les positions et tous les orifices pour avoir plus de plaisir.
Les périodes auxquelles il ne convient pas d’avoir de rapports sexuels ont aussi été rajoutées, comme lorsqu’une femme est enceinte ou allaite. Les mères dormaient toujours avec leur bébé et, donc, il aurait été inconvenant de les éloigner de leur enfant pour avoir un rapport sexuel. Et puis il y a aussi des lieux où il est inconvenant d’avoir des rapports sexuels, tels les temples, et des heures inappropriées, comme pendant la journée, lorsque quelqu’un peut faire irruption dans la pièce et mettre ainsi tout le monde dans l’embarras. Chez les Tibétains, même de nos jours, pratiquement personne ne ferme sa porte à clé pour être tranquille dans sa chambre, et les Tibétains ne frappent jamais à la porte avant d’entrer. L’homosexualité et la masturbation rejoignirent aussi bientôt la liste des conduites sexuelles inappropriées.
Quand les textes bouddhiques furent traduits en chinois, les concubines d’autrui furent incorporées à la liste des partenaires inappropriés, ce qui illustre bien de quelle façon les traducteurs et les maîtres ont modifié les textes sur l’éthique pour qu’ils soient en rapport avec la nouvelle société dans laquelle le bouddhisme se répandait. La société chinoise traditionnelle permettait aux hommes d’avoir plusieurs épouses et concubines. Ce n’était pas considéré comme une chose inconvenante. Seul le rapport sexuel avec la concubine d’autrui l’était. Au Tibet aussi, à la fois la polygamie et la polyandrie étaient pratiquées couramment. Avoir plusieurs épouses ou plusieurs époux n’a jamais été considéré comme équivalent à avoir des rapports sexuels avec des partenaires inappropriés.
À travers ce processus, on constate que la liste de ce qui est inapproprié s’est constamment allongée. Actuellement, beaucoup d’entre nous aimeraient que certaines choses soient éliminées de la liste alors qu’en fait, historiquement, des choses ont toujours été rajoutées. Mais le problème qui se pose ici est de déterminer si ces rajouts ont été influencés culturellement, les actes en question n’ayant pas été considérés auparavant comme inappropriés, ou s’ils avaient toujours été considérés inappropriés sans être explicitement mentionnés pour autant. Ou encore, il se peut que les ajouts aient été faits ad hoc sur la liste, uniquement lorsque des difficultés survenaient dans la communauté bouddhique par rapport à certains sujets. C’est ainsi, après tout, que le Bouddha a progressivement élargi les vœux monastiques.
La conduite sexuelle inappropriée pour les femmes
Si nous nous demandons quelles autres modifications pourraient, pour s’accorder avec l’Occident contemporain, être apportées à la liste des types de conduites sexuelles inappropriées, il y a une autre leçon à apprendre de l’histoire textuelle du bouddhisme. Selon les textes du vinaya sur la discipline monastique, les moines ne sont pas autorisés à faire office d’intermédiaire pour arranger des mariages avec certains types de femmes. Les listes de ces femmes correspondent à celles des partenaires avec lesquel(le)s il ne convient pas d’avoir de rapports sexuels en tant que laïque. Sur cinq des dix-huit écoles dont j’ai examiné les textes du vinaya, deux d’entre elles présentent des listes qui relèvent exclusivement d’un point de vue masculin, ne mentionnant que des femmes pour partenaires inappropriés. Des trois traditions du Hinayana existant encore actuellement, ce sont les vinaya de deux d’entre elles – le Théravada (suivi au Sri Lanka et en Asie du Sud-Est) et le Sarvastivada (dont la branche du Mulasarvastivada suivie par les Tibétains et les Mongols).
Maintenant, cette omission ne signifie pas pour autant que les partenaires inappropriés ne sont que des femmes pour les hommes et qu’il n’y ait pas, pour les femmes, d’hommes avec lesquels il ne convient pas d’avoir de rapports sexuels. La raison à cette omission est simplement que les codes éthiques de ces deux traditions ont été rédigés uniquement du point de vue masculin. Les trois autres traditions du vinaya, quant à elles, présentent des listes d’hommes inappropriés correspondant à des listes de femmes inappropriées. Cela implique que les éthiques sexuelles sont relatives aux personnes concernées – hommes, femmes, etc. – et ont besoin d’être spécifiées par rapport à chaque type de personnes. À en juger par ces écrits, donc, je crois qu’il serait complètement raisonnable d’ajouter à n’importe quelle liste de partenaires sexuels inappropriés, ceux qui, d’un point de vue féminin, ne conviennent pas non plus.
L’homosexualité
De même, suivant la même argumentation, les textes de toutes ces traditions ont été rédigés d’un point de vue hétérosexuel masculin. Ainsi, si un homme hétérosexuel a déjà une partenaire et que, pour cause de désir obsessionnel et d’insatisfaction, il se mette en quête d’avoir des rapports sexuels non seulement avec toutes sortes de femmes qui sont sous tutelle ou qui sont les compagnes d’un autre, mais aussi avec des hommes et des vaches et qui sait quoi d’autre, alors, de toute évidence, c’est destructeur. Mais en plus, je pense que nous pouvons aussi revoir tout le système pour parler aussi de ce qui constituerait un comportement sexuel destructeur ou constructif pour les homosexuels hommes ou femmes, ainsi que pour les bisexuels hommes ou femmes. Cela, parce qu’avoir une relation sexuelle avec le partenaire de quelqu’un d’autre, etc. serait destructeur aussi pour ces types de personnes. Il semble qu’il soit complètement en accord avec l’esprit des enseignements bouddhiques sur la production interdépendante d’affirmer que toute directive ayant trait à l’éthique devrait être formulée en rapport à chaque groupe concerné, sans exception.
Il est très intéressant de noter à ce sujet que lors de ses voyages, Sa Sainteté le Dalaï-Lama rencontre parfois des groupes d’homosexuel(le)s, en particulier à San Francisco et à New York. Ces groupes ont été extrêmement contrariés par la présentation bouddhique habituelle de l’homosexualité en tant que conduite sexuelle inappropriée ; ce à quoi Sa Sainteté a répondu ne pas pouvoir réécrire d’elle-même les textes, mais que c’est le genre de question qui a besoin d’être débattue par un conseil bouddhique d’anciens. Seul un tel conseil peut procéder à des révisions ayant trait au vinaya et à l’éthique. Sa Sainteté recommande la même procédure pour la question de l’égalité des femmes, en particulier dans le cadre des rites et cérémonies monastiques. C’est aussi un sujet qui a besoin d’être reconsidéré et révisé. Il semble donc que Sa Sainteté aussi soit d’avis qu’il puisse y avoir, au sein de la présentation bouddhique traditionnelle de l’éthique sexuelle, une certaine problématique qui soulève certaines questions.
Les orifices inappropriés pour l’acte sexuel
La mention de la bouche et de l’anus en tant qu’orifices ne convenant pas pour l’acte sexuel a aussi, sans aucun doute, été incluse en ayant à l’esprit les hommes hétérosexuels qui avaient déjà une partenaire. D’un point de vue bouddhique, c’est l’ennui et l’insatisfaction éprouvés dans le cadre de leurs rapports sexuels par voie vaginale qui pousseraient de telles personnes à s’adonner à un rapport sexuel par voie orale ou anale. Ou encore, ce pourrait être le sentiment que l’acte sexuel par voie vaginale est, soit une façon insuffisante d’obtenir ou de donner du plaisir, soit une façon insuffisante de témoigner son amour et son affection. Dans les deux cas, le comportement serait motivé par l’insatisfaction, une attitude qui cause inévitablement des problèmes.
Cependant, si l’on considère ces formes de comportements sexuels dans le contexte des couples homosexuels, ce thème devient beaucoup plus compliqué. La question qui se pose alors est de savoir si ces orifices sont inappropriés par nature ou s’ils sont répertoriés inappropriés seulement pour certaines personnes et dans certaines situations. Si nous disons que le problème avec la bouche et l’anus en tant qu’orifices sexuels est qu’ils sont sales, cette objection est certainement tout aussi valable pour le vagin. Ce n’est pas simple.
Mais qu’en est-il de la sexualité pour quelqu’un de paralysé à partir de la nuque ? La seule forme de sexualité possible est la voie orale. Encore une fois, je pense qu’il faut faire une distinction selon les groupes de personnes, entre ce qui est approprié et ce qui ne l’est pas. Je ne crois pas que l’on puisse dire qu’il serait obsessionnel de la part de quelqu’un qui est paralysé à partir de la nuque d’avoir un rapport sexuel par voie orale.
La masturbation
Je pense qu’un argument semblable s’applique à la question de la masturbation. Il faut replacer la position bouddhique traditionnelle à ce sujet dans son contexte social d’origine. Dans l’Inde ancienne, lorsque ces points d’éthique ont été formulés, les gens se mariaient à la puberté, ou même avant. Alors, si nous sommes mariés et que le sexe nous obsède au point où les relations sexuelles avec notre épouse ne nous suffisent pas et que nous ayons besoin de nous masturber en plus, alors ce doit être considéré comme une obsession sexuelle.
Actuellement, cependant, les gens en Occident ne se marient pas au seuil de la puberté et certains restent longtemps célibataires, parfois même toute leur vie. La question de la masturbation est à envisager du point de vue de ces personnes qui n’ont pas de partenaire du tout ou qui ne sont pas engagés dans une relation stable. À choisir entre des mœurs dissolues, la fréquentation des prostituées ou un complet célibat, la question de la masturbation se pose très différemment pour ces personnes et pour quelqu’un qui est marié. La même chose est vraie pour une personne mariée dont le partenaire est très malade et reste à l’hôpital pendant des mois. Faut-il lui conseiller d’aller voir une prostituée? Certainement pas.
Je pense donc qu’il est en accord avec les enseignements du bouddhisme de considérer toute chose relativement à son contexte. Cela parce que, rappelez-vous, c’est le fait d’être motivé par une émotion perturbatrice – l’insatisfaction, l’obsession sexuelle et ainsi de suite – qui rend destructeur un acte samsarique neutre au plan éthique, comme celui d’avoir un rapport sexuel. C’est ça qui va créer des problèmes. Un comportement sexuel non mêlé d’émotions perturbatrices obsessionnelles ne va pas causer le même genre de problèmes ; il sera seulement la cause d’un problème d’ordre général consistant à ne jamais être complètement satisfaits de nos relations sexuelles et, sans aucun doute, à vouloir recommencer – encore et encore. Et nous ne pouvons jamais garantir comment nous nous sentirons après.
La prostitution
Si nous cherchons à voir comment la présentation bouddhique traditionnelle sur la conduite sexuelle inappropriée peut être modifiée pour l’Occident contemporain, l’un des points les plus intéressants porte sur ce qui n’y est pas inclus et comment cela peut être influencé culturellement. Considérons, par exemple, la discussion sur le rapport sexuel avec une prostituée. Dans les textes indiens comme dans les textes tibétains, avoir un rapport sexuel avec une prostituée est parfaitement O.K. même pour un homme marié, dans la mesure où l’homme paie la prostituée. Une prostituée est une partenaire inappropriée uniquement si elle est avec quelqu’un d’autre et si on ne la paie pas soi-même. Encore plus étonnant est que si les parents ne donnent pas la permission à leur fille d’avoir des rapports sexuels, celle-ci fait alors partie des femmes avec qui il est inconvenant d’avoir une relation sexuelle. Mais si les parents donnent leur permission – comme cela arrive parfois en Asie quand des parents pauvres vendent leur fille à la prostitution – pas un mot à ce sujet.
Également, comme mentionné plus haut, les traductions chinoises ont ajouté la concubine d’autrui à leur liste de partenaires inappropriés. Cela implique qu’il est parfaitement O.K. pour un homme marié d’avoir des rapports sexuels avec ses propres concubines. Et parmi les Tibétains, il est parfaitement O.K. d’avoir plus d’une épouse ou plus d’un époux. En fait, il semble qu’il soit parfaitement O.K. pour un home marié d’avoir un rapport sexuel avec n’importe quelle femme qui ne tombe pas dans la catégorie des partenaires inappropriés comme, par exemple, une femme indépendante non mariée qui n’est ni fiancée ni nonne.
Il est difficile pour nous de comprendre quelle mentalité se cache derrière. Soit tout cela était parfaitement accepté dans ces sociétés et cela ne posait aucun problème aux femmes lorsque leurs époux avaient des relations sexuelles extraconjugales, soit cela leur posait un problème mais elles se gardaient de le dire. Quoiqu’il en soit, il en va bien différemment dans notre monde actuel. Ainsi, encore une fois, il semblerait qu’il faille élargir la liste des comportements sexuels inappropriés et non pas la réduire, pour y inclure toutes ces différentes formes de relations sexuelles qui causent des problèmes, qui sont destructrices et qui sont fondées sur de l’obsession.
L’insatisfaction sexuelle et la recherche de variété
Non seulement les considérations incorrectes et la confusion, telles que celles que nous pouvons entretenir au sujet de certains orifices du corps, sont en cause dans les comportements sexuels inappropriés, mais aussi et surtout notre insatisfaction et notre désir excessif. Nous voulons explorer et expérimenter toujours davantage. Le problème est donc celui de l’obsession : l’insatisfaction et l’obsession. À cause de cela, je pense que nous devons élargir la liste des comportements inappropriés pour y inclure des choses telles que « s’adonner à une activité sexuelle à haut risque », « s’engager dans une activité où des maladies sexuelles peuvent être transmises ou contractées » et ainsi de suite.
Également, quand on parle de sexualité et d’insatisfaction, nous devons garder à l’esprit le contexte culturel. Si nous prenons l’Indien moyen traditionnel ou le Tibétain moyen traditionnel, par exemple, la plupart se contentent parfaitement de manger exactement la même chose tous les jours de leur vie – comme du riz avec du dhal (lentilles) ou de la soupe de nouilles. Les Occidentaux contemporains ne sont pas enclins à faire de même. Les Occidentaux aiment l’individualité, ils aiment avoir de la variété. Cela fait partie de notre culture. Pour la sexualité comme pour la nourriture. Si manger tous les jours la même chose était la norme dans notre société, alors le fait de vouloir manger autre chose serait considéré comme un cas de désir excessif et d’obsession pour la nourriture. Il est donc compréhensible qu’une telle société ait la même attitude envers la sexualité.
Je veux dire par là que, supposons qu’en accord avec notre partenaire nous ayons convenu d’une certaine forme de sexualité ‒ bien sûr, comme nous l’avons déjà mentionné, nous pouvons l’élargir en fonction de notre situation ‒ donc, nous avons une certaine façon d’avoir des relations sexuelles avec notre partenaire, que ce partenaire soit du sexe opposé ou du même sexe que nous, que nous soyons paralysés ou que notre partenaire le soit, et il en va de même si nous n’avons pas de partenaire et que notre forme de sexualité est la masturbation. Si nous avons une façon standard préférée, alors d’un point de vue culturel asiatique traditionnel, vouloir quelque chose de différent relèverait d’un désir excessif et d’une obsession sexuelle.
Il va de soi que si notre forme préférée de sexualité est une cause de souffrance et de préjudice pour l’autre personne ou pour nous-mêmes, quelque chose de sadomasochiste – dans les textes il est fait mention d’avoir des rapports sexuels sur un sol mouillé, froid et caillouteux, cependant qu’en Occident nous sommes plus imaginatifs dans le domaine du sadomasochisme – dans ce cas, ce n’est pas une forme de sexualité saine car elle est destructrice. Mais même si notre façon préférée d’avoir un rapport sexuel n’a pas ce caractère destructeur, il n’en reste pas moins qu’en tant qu’Occidentaux, nous aimerions avoir une certaine variété dans notre vie sexuelle. Cela ne veut pas dire une variété de partenaires, mais une variété de manières de témoigner notre amour et notre affection et de partager du plaisir avec l’autre personne. Ainsi il me semble que nous devrions en tenir compte dans les discussions sur ce qui, d’un point de vue occidental, est à considérer comme destructeur. Je pense qu’il faut faire la part entre notre souhait culturel normal d’avoir de la variété et une obsession qui pousse à essayer tout et n’importe quoi pour cause d’insatisfaction et d’ennui.
Bien qu’un répertoire sexuel doive faire l’objet d’un commun accord dans une relation de couple, la question est de savoir quelles sont les limites. Le répertoire pourrait-il inclure des rapports sexuels dans les dénommés « orifices inappropriés » ? Quoiqu’il en soit et quelles que soient ces limites, lorsque nous devenons complètement insatisfaits et obsédés et que nous dépassons les limites, nous nous retrouvons dans une zone problématique et notre conduite sexuelle devient destructrice. C’est mon opinion personnelle.
Les recommandations de Thich Nhat Hanh en matière de conduite sexuelle inappropriée
Thich Nhat Hanh, un maître vietnamien contemporain, a fait une recommandation très intéressante et à mon avis très utile en matière d’éthique sexuelle bouddhique appliquée à notre époque contemporaine. Prenant en considération le fait que les mariages ne sont pas arrangés par nos parents comme c’est encore le cas en Asie la plupart du temps, que nous choisissons notre partenaire conjugal nous-mêmes et que la majorité d’entre nous ont des relations sexuelles avant le mariage, Thich Nhat Hanh a déclaré qu’une personne avec qui il ne convient pas d’avoir des relations sexuelles est quelqu’un avec qui nous ne serions pas prêts à passer le reste de notre vie s’il le fallait. En d’autres termes, si nous allons avoir un rapport sexuel avec quelqu’un, ce doit être quelqu’un avec qui nous sommes prêts à passer le restant de notre vie si nécessaire, disons, si la personne devenait enceinte, etc. De plus, nous serions heureux de le faire, ce ne serait pas seulement par sens du devoir. Mais cela ne signifie pas qu’il faille passer le reste de notre vie avec cette personne ! Et l’exemple de la grossesse n’est qu’un exemple parce qu’il y a, de toute évidence, des célibataires d’un certain âge qui ne peuvent plus avoir d’enfants mais qui continuent d’avoir une activité sexuelle avec d’autres personnes. La même recommandation s’applique ici aussi.
Je ne connais pas la référence scripturale sur laquelle elle s’appuie mais je pense que c’est une ligne directrice très utile à notre époque moderne contemporaine. Cela signifie qu’il faut éviter les mœurs sexuelles légères, avec n’importe qui, au hasard de nos rencontres, à cause de notre obsession sexuelle et sans vraiment éprouver quoi que ce soit pour l’autre personne ou sans avoir l’intention d’approfondir la relation. Dans la plupart des cas, s’en tenir à cette directive résout la question du rapport sexuel avec une prostituée. Bien que, certes, il pourrait se faire qu’une sérieuse relation amoureuse se développe avec une prostituée.
Ne pas surestimer la sexualité
Il est important de ne pas surestimer la sexualité. Par exemple, supposons que notre motivation soit de donner temporairement à quelqu’un du bonheur et du plaisir comme expression de notre amour – pas seulement à l’autre personne mais à nous-mêmes aussi. Alors, tant que nous ne nions pas naïvement les désagréments qui en font partie ni la réalité de ce qui se trouve à l’intérieur du corps – autrement dit, si nous avons une vue réaliste des limites de la sexualité – et, encore une fois, tant que nous nous en tenons au répertoire décidé en commun, alors je pense personnellement que ce n’est pas un acte grossièrement destructeur, excepté qu’il perpétue notre samsara. En fait, ce type de relation sexuelle saine peut être une étape positive dans le développement des attitudes de générosité et de dévouement et du témoignage d’affection et d’empathie.
Même en ce qui concerne la masturbation, de nombreux psychologues occidentaux considèrent qu’elle fait partie du sain développement de l’enfant. Si un(e) adolescent(e), entrant en contact avec sa propre sexualité, peut se témoigner de l’affection à lui-même (elle-même), se détendre et y trouver du plaisir, cela l’aide à en faire autant avec autrui et à nouer des relations plus saines sur le plan sexuel. Il est certain que c’est un point de vue très occidental, mais je pense qu’il a une certaine validité, surtout si nous prenons en compte la manière dont nous élevons nos enfants. Les bébés occidentaux n’ont pas le contact corporel presque constant dont jouissent traditionnellement les bébés asiatiques. La plupart des mères asiatiques traditionnelles portent leur bébé attaché sur leur dos pendant la journée et le font dormir avec elles la nuit. En tant que bébé occidental, d’un autre côté, il est typique de nous laisser tout seul dans notre berceau ou dans une poussette et beaucoup d’entre nous ont un sentiment d’aliénation par rapport à leur corps. La masturbation est alors une possibilité pour surmonter cette aliénation. Mais encore une fois, l’important est de ne pas surestimer tout le domaine de la sexualité.
La peur de la sexualité
Maintenant, nous pouvons nous demander ce qu’il en est de de la hantise de la sexualité. Autrement dit : qu’en est-il de quelqu’un qui a peur de la sexualité, ou de quelqu’un qui est frigide ? Je pense que c’est aussi une attitude malsaine qui, elle aussi, cause des problèmes.
Mais il faut faire une différence ici. Avoir peur de tuer et avoir peur de la sexualité sont deux choses différentes. Par exemple, si quelqu’un a peur de tuer, cela n’implique pas qu’il serait plus sain pour cette personne de passer à l’acte. Je pense donc qu’il faut faire la différence entre une peur obsessionnelle du désir sexuel biologique et la peur d’être un(e) obsédé(e) sexuel(le). Je pense que ce qui est malsain, c’est la peur de la pulsion biologique.
C’est important du point de vue de ceux et celles qui, moines ou moniales, décident de prononcer des vœux de complet célibat. Si nous renonçons à la sexualité parce que nous avons le sentiment que toute forme de sexualité est destructrice et que nous en sommes complètement terrifiés, alors cela crée forcément beaucoup de problèmes. Une telle attitude chez les moines et les moniales – non seulement dans la tradition bouddhique mais aussi dans nos traditions chrétiennes – les rend très souvent très, très coincés, pleins de culpabilité et toutes ces sortes de choses. Ils culpabilisent à cause de leur désir sexuel biologique.
Mais du point de vue du bouddhisme il serait plus approprié d’avoir peur de sa propre obsession sexuelle. Ici « peur » n’est pas le bon terme et n’est pas non plus la motivation la plus saine car elle implique que l’on fait de son obsession un grand truc solide. « Crainte » est un meilleur terme parce qu’il implique simplement que l’on souhaite fortement ne pas avoir cette obsession sexuelle. Si, pour la surmonter, quelqu’un décide de devenir moine ou moniale, c’est très différent. C’est une attitude plus saine. Avec une telle motivation, cette personne devient moine ou moniale pour ne pas être distraite par des obligations familiales et ainsi de suite, et pour se retrouver dans une situation où son désir sexuel sera réduit au minimum. Ces personnes ne veulent pas se retrouver dans un environnement extérieur susceptible de les exciter sexuellement.
L’avortement
Les derniers thèmes que je souhaite évoquer ont trait au contrôle des naissances et à l’avortement. D’un point de vue bouddhique, l’avortement tombe dans la catégorie des actes destructeurs qui consistent à ôter la vie. Il est indéniable que l’avortement met un terme à la vie d’un autre être. Néanmoins, différents types de motivation peuvent intervenir dans l’exécution de l’acte. Si la motivation est égoïste, du type « ne pas vouloir être obligé de s’occuper d’un bébé », « ne pas vouloir perdre la ligne » ou autre chose de ce genre, ces raisons égoïstes prêtent à l’avortement le lourd caractère destructeur de l’acte de tuer. Cela, parce qu’à la fois la motivation et l’acte lui-même sont destructeurs. Nous devons donc vraiment nous pencher ici sur la motivation causale. Quelle est la raison qui nous pousse à avorter ? Ce peut être de la naïveté qui nous donne à penser que nous ne sommes pas en mesure de donner au bébé un bon foyer ou que nous ne pouvons pas nous permettre maintenant d’avoir un autre bébé. Mais peut-être que nos parents ou d’autres proches lui donneraient un bon foyer, ou peut-être pourrions-nous donner le bébé à l’adoption…
D’un autre côté, nous pouvons avoir une motivation positive, telle la compassion. Si le bébé doit naître avec une déformation physique ou avec une déficience mentale, le souhait d’éviter à l’enfant tous les problèmes et toute la souffrance qui en découleront peut nous amener à envisager l’avortement. Après tout, il y a le vœu secondaire de bodhisattva qui consiste à ne pas éviter de commettre un acte destructeur lorsque la motivation est celle de l’amour et de la compassion. Cependant, dans de tels cas, pour épargner la souffrance à cet enfant non né, il faut que nous soyons parfaitement prêts à accepter de prendre sur nous n’importe quelle conséquence douloureuse dont nous pourrions faire l’expérience dans une vie future. Avec une telle attitude, les conséquences douloureuses de l’acte destructeur d’ôter la vie s’en trouveront allégées.
Mais c’est délicat, parce que nous n’avons aucune idée si l’enfant serait heureux, ni dans quelle mesure il serait capable de surmonter son handicap. Il est aussi très difficile d’avoir l’amour et la compassion pour seule motivation. Le souhait égoïste d’éviter tous les problèmes et toute la souffrance d’être les parents de cet enfant handicapé peut aisément être mêlé à notre décision.
Une autre situation très difficile se présente lorsqu’il faut choisir entre sauver sa propre vie de femme enceinte ou sauver celle du fœtus. Si le fait de mener la grossesse à terme ou de procéder normalement à l’accouchement doit, selon un avis médical fiable, provoquer la mort de la mère, alors la motivation causale de la mère en faveur de l’avortement peut être celle de sauver sa propre vie. Bien que, par définition, une telle motivation soit due au fait de s’accorder à soi-même davantage d’importance qu’au bébé, chaque cas est un peu différent. Il y a tellement de facteurs et de conditions qui influent sur la décision et sur la lourdeur des conséquences karmiques qui pourraient en résulter !
Quoique de nombreuses motivations causales puissent être impliquées, les enseignements bouddhiques disent que c’est notre motivation concomitante qui influe véritablement sur la lourdeur des conséquences karmiques. Par conséquent, si nous décidons d’avorter, quelle qu’en soit la raison, nous devons vraiment faire attention à ce qui se passe dans notre esprit et dans notre cœur au début de l’opération. C’est plus crucial que ce qui nous a décidé à nous rendre à la clinique.
Considérons par exemple le cas d’une jeune fille de 13 ans qui, victime d’abus sexuels de la part son père, se retrouve enceinte. La jeune fille et la famille peuvent décider, pour un large éventail de raisons, d’interrompre la grossesse. J’insiste ici sur l’attitude mentale de la famille, en particulier de la jeune fille, au moment de l’avortement. Il est très important que ce ne soit pas une attitude de haine et d’hostilité, surtout envers le bébé en train d’être avorté. Ce n’est pas de la faute du bébé.
Il est donc extrêmement important d’avoir, au moment de l’avortement, des pensées d’amour pour le bébé qui est en train d’être avorté. Il faut lui envoyer nos meilleurs vœux pour sa vie future et, en un sens, nous excuser pour la situation qui s’est produite. Cela ne fait pas de l’avortement un acte constructif, tuer reste toujours tuer, mais assurément, cela réduit les conséquences douloureuses qui en résultent. Je pense qu’il est pour le moins presque impossible à une femme qui a avorté de ne pas éprouver plus tard dans sa vie la souffrance de se demander : « Comment aurait été ce bébé ? S’il avait vécu, il aurait maintenant tel ou tel âge. » Je suis sûr que presque toutes les femmes qui ont avorté connaissent cette sorte de souffrance. Ainsi, même dans cette vie, nous voyons que l’avortement est un acte destructeur car il est une cause de souffrance. Après tout, la définition d’un acte destructeur est un acte qui arrive à maturation sous forme de souffrance pour la personne qui l’a commis.
Dans certaines traditions bouddhiques il existe une cérémonie pour les fœtus avortés, quelque chose comme un service funéraire. C’est d’une très grande aide pour la mère et pour le reste de la famille, et certainement aussi pour l’enfant qui a été avorté. Ces cérémonies sont fondées sur un sentiment de reconnaissance et de respect de l’enfant en tant qu’être doué de sensibilité. On lui donne un nom et on l’envoie vers sa vie future en priant pour son bien-être. Les femmes qui ont fait appel à cette cérémonie y trouvent un grand effet de guérison, de soulagement.
Le contrôle des naissances
Le thème de l’avortement nous conduit à celui du contrôle des naissances. La question qui se pose ici est de savoir quand commence la vie. D’un point de vue occidental scientifique, ce n’est qu’au vingt et unième jour que la matière physique de l’embryon est suffisamment développée pour que la transmission de l’information neuronale puisse se faire. On peut donc argumenter que c’est le commencement de la vie car, d’une certaine façon, c’est le début de l’activité mentale. Du point de vue bouddhique, par contre, la prochaine vie du défunt commence lors de sa connexion avec la substance physique de son prochain corps après que la continuité de son esprit soit passée par une période intermédiaire (un bardo).
Se pose alors la question du moment où, selon le bouddhisme, un tel évènement se produit. Selon l’explication traditionnelle, la conscience de l’être du bardo qui va renaître pénètre dans la bouche de son futur père, descend à l’intérieur du corps de son futur père, pénètre dans son sperme avec lequel il passe ensuite dans le corps de sa future mère. Maintenant c’est quelque chose qui, de toute évidence, a besoin d’être examiné de plus près. On donne cette explication qui provient du Tantra de Guhyasamaja pour que le processus de génération du mandala des déités dans la matrice de la parèdre visualisée se déroule de façon analogue à celui de la renaissance. Mais cette description ou explication de la façon dont la vie commence est-elle à prendre au pied de la lettre ?
Ainsi que Sa Sainteté le Dalaï-Lama l’a dit maintes fois, si les scientifiques peuvent réfuter certaines explications données dans le bouddhisme, alors Sa Sainteté les abandonnera volontiers en faveur du point de vue scientifique. Il faut donc examiner avec logique la présentation bouddhique traditionnelle sur la façon dont une vie commence et sur le moment où elle commence. Ce que nous décidons être les réponses à ces questions aura des implications éthiques considérables. De toute évidence, si la conscience d’un futur enfant se trouve dans le sperme avant même la conception, alors toute forme de contrôle des naissances est un avortement. Mais qu’en est-il du cas où l’ovule n’est pas fertilisé ? Et même quand il est fertilisé, il arrive qu’il ne s’implante pas dans la paroi de l’utérus. La conscience sait-elle, en quelque sorte, avant d’entrer dans la bouche du père, ce qu’il va se passer ? Ou y a-t-il un quelconque mécanisme karmique qui fait en sorte que la conscience n’entre pas dans la bouche du père, sauf certitude karmique garantissant la réussite de la conception ? Et qu’en est-il de l’insémination artificielle, des bébés-éprouvette et du clonage ? Ces situations deviennent difficiles à expliquer selon la théorie bouddhique, à moins de les classer dans les catégories des naissances par la chaleur et par l’eau.
Plus nous faisons des recherches sur le moment où commence la vie, plus la question devient complexe. Selon l’explication bouddhique des douze liens de la production interdépendante, lorsque la conscience du futur être pénètre dans le support physique de son futur corps, il a une activité mentale qui est purement et simplement potentielle. Cette activité mentale ne fonctionne pas encore. Ce n’est qu’avec le lien suivant, le lien des facultés nommables avec ou sans forme, que les potentialités de la conscience sont activées et commencent, petit à petit, de fonctionner. Cela signifie-t-il que chaque ovule fécondé a la potentialité de devenir un enfant ou que seulement certains d’entre eux ont cette potentialité ? Si seulement certains d’entre eux ont cette potentialité, alors, d’un point de vue scientifique, quel élément doit être présent pour faire la différence entre ceux qui ont cette potentialité de développement et ceux qui ne l’ont pas – comme, par exemple, ceux qui ne s’implantent pas dans la paroi de l’utérus ?
Nous voyons donc qu’il est très difficile de répondre à la question : « À quel moment la conscience pénètre-t-elle effectivement dans la substance physique d’une prochaine renaissance de sorte que mettre un terme à la renaissance après cet instant équivaut à ôter la vie ? » En outre, du point de vue du bouddhisme, si la contraception est telle qu’elle empêche la conscience de pénétrer dans la substance physique d’une prochaine renaissance, alors la question d’ôter la vie n’est pas pertinente. La question éthique de tuer, alors, est sans rapport avec cette situation. Il suffit de porter son attention sur la conduite sexuelle inappropriée.
Par ailleurs, en matière de conduite sexuelle inappropriée, il faut éviter la possibilité de transmettre une maladie sexuelle. Cela signifie-t-il que toutes les personnes qui ont contracté une maladie sexuellement transmissible doivent garder le célibat pour le restant de leurs jours, y compris les personnes atteintes d’herpès ? Si l’utilisation d’un préservatif était non éthique, alors même pour ces personnes-là, la seule alternative consisterait à garder le célibat.
Comme l’a dit Sa Sainteté le Dalaï-Lama, les questions d’avortement et de contraception doivent faire l’objet de recherches approfondies avant de pouvoir réellement décider quoi que ce soit en ce qui les concerne. Donc, que nous utilisions une méthode contraceptive ou non, nous en revenons une fois de plus au même thème que précédemment. Quelle est la motivation ? Utilisons-nous la contraception pour nous adonner pleinement à notre obsession sexuelle ? Alors, sans aucun doute, notre conduite sexuelle est destructrice. Mais dans ce cas, elle est destructrice à cause de l’obsession, pas à cause de la contraception.
Résumé
En bref, tout le thème de l’éthique sexuelle dans le bouddhisme tourne autour de nos attitudes et motivations par rapport à la sexualité et de leur appartenance ou non à la catégorie de type destructeur qui cause des problèmes. Si nous voulons éviter les problèmes, il faut éviter les attitudes destructrices.
Comme je l’ai dit auparavant, je pense qu’avoir une attitude réaliste envers la sexualité et ne pas en faire tout un plat peut être d’un grand secours. Avoir un rapport sexuel n’est pas la même chose que manger, tout simplement. Il comprend quelque chose de plus que la simple satisfaction d’un besoin biologique. C’est une façon de témoigner de l’affection, de l’amour, de la sollicitude, du réconfort et ainsi de suite. Mais encore une fois, croire que prendre son pied va résoudre les problèmes de tout le monde ‒ c’est de la naïveté ! D’un autre côté, croire que c’est quelque chose de « mal » de façon inhérente l’est tout autant. Soyez réalistes, c’est tout. Quelles questions avez-vous ?
L’avortement illégal
Ici, au Mexique, l’avortement est interdit. Mais des milliers et des milliers d’avortements sont pratiqués tous les jours et plusieurs dizaines de milliers de femmes meurent chaque année suite à des avortements mal faits. Alors ici, l’avortement n’est pas seulement un problème d’éthique, c’est aussi un problème juridique. Comment faire pour le résoudre ?
Comme j’ai tâché de l’expliquer, d’un point de vue bouddhique, si quelqu’un se décide pour un avortement quelle qu’en soit la raison, le plus important est d’essayer de réduire le niveau de destructivité de l’acte dans son ensemble en travaillant sur la motivation. Par exemple, essayez de faire en sorte que la motivation concomitante à l’avortement ne soit pas empreinte d’hostilité envers le fœtus, ensuite donnez-lui un nom et procédez à des funérailles appropriées. Cela contribuera à réduire la quantité de souffrance qui aura été causée par l’acte d’avoir ôté la vie.
Le même principe s’applique à la manière dont nous avortons, si c’est ce que nous avons décidé de faire. De toute évidence, nous essayons de le faire d’une façon qui réduit les risques pour la mère, à la fois sur le plan médical et sur le plan légal. Nous devons rechercher avec soin le moyen d’avorter qui est le plus sûr médicalement parlant, tout en restant dans les limites de notre budget. Naturellement, dans le cas d’une grande pauvreté, les méthodes scientifiques d’hygiène peuvent ne pas être accessibles, mais il y a certainement des méthodes plus sûres que d’autres.
La question juridique est d’un autre ressort et elle est très complexe. Nous devons faire la différence entre la destructivité en soi de l’acte d’avorter, et la destructivité de l’acte consistant à enfreindre la loi d’un pays. Il y a deux cas à considérer ici : le premier est lorsque l’acte illégal est destructeur d’un point de vue bouddhique, le second est lorsque l’acte illégal est soit constructif soit neutre sur le plan éthique. L’avortement est à la fois illégal et destructeur sur le plan éthique, cependant qu’enseigner le bouddhisme dans un pays sous dictature communiste ou garer sa voiture en stationnement interdit peuvent être des actes illégaux, mais ils ne sont pas destructeurs sur le plan éthique. Dans les deux cas la question qui se pose est de savoir si, en enfreignant une loi civile, nous accumulons sur notre continuum mental des tendances et des habitudes négatives qui arriveront à maturation sous forme de souffrance dans des vies futures.
Enfreindre une loi civile, si nous nous faisons attraper, arrêter et punir, peut nous causer de la souffrance dans cette vie. C’est ce qui s’appelle le « résultat créé par l’homme ». Mais il est possible aussi que nous ne nous fassions pas attraper, donc il n’est pas certain que nous ferons l’expérience de problèmes et de pénalités juridiques quelconques. Mais aussi, un tel acte ‒ comme n’importe quel autre ‒ risque de nous faire prendre une habitude qui nous poussera à enfreindre une certaine loi de façon répétée, bien qu’il n’y ait pas de certitude à ce sujet car il est possible que nous n’enfreignions la loi qu’une seule fois. Néanmoins, enfreindre une loi civile ne forme pas le type de tendances et d’habitudes qui arrivera à maturation sous forme d’expériences malheureuses dans des vies futures.
Dans le cas d’un acte illégal qui est constructif sur le plan éthique, il n’est pas difficile de choisir entre la possibilité d’une punition dans cette vie et l’expérience de bonheur dans une vie future. Et pour ce qu’il en est des actes neutres sur le plan éthique, nous pouvons toujours penser au vœu secondaire du bodhisattva qui est d’éviter de ne pas se conformer aux préférences d’autrui dans la mesure où elles ne sont pas destructrices. Si une société fait les choses d’une certaine façon, ce n’est pas la peine de causer de la gêne en insistant pour les faire à notre manière, surtout si notre motivation est fondée sur la satisfaction de nos propres intérêts et sur un manque de considération pour les autres.
Maintenant, dans le cas de l’avortement qui n’est pas seulement l’acte destructeur d’ôter la vie mais qui est aussi un acte illégal dans ce pays, je pense une fois de plus que la ligne directrice doit être d’abord d’éviter la naïveté et ensuite d’essayer de réduire à son minimum la portée des conséquences douloureuses. Le choix de se faire avorter ou non est essentiellement celui de la femme enceinte, quoique le père du fœtus et la famille puissent jouer un rôle dans l’option choisie. Si la décision d’avorter est prise, alors, sans naïveté par rapport aux conséquences légales possibles, tâchez de faire en sorte que les risques de conséquences malheureuses et douloureuses soient réduits à leur minimum dans tous les domaines – médical, légal et éthique.
Ensuite, bien sûr, si nous le souhaitons, nous pouvons nous engager pour faire changer les lois si celles-ci ne semblent pas raisonnables. Mais quand une loi a été faite sous l’influence d’un autre système religieux, c’est très délicat.
La chasteté
Quelle est votre opinion personnelle sur les vœux monastiques de chasteté ? La chasteté n’est-elle pas contre nature ? Est-ce que nous, en tant que société, ne devrions pas avoir dépassé cela maintenant ?
Vivre dans la chasteté va, sans aucun doute, à l’encontre du samsara. Mais quant à être contre nature, nous devons examiner ici de plus près le point de vue du bouddhisme vis-à-vis de ce qui est « naturel ». Les pulsions biologiques – bien que faisant partie de ce que nous qualifions en Occident de « naturel » – font, du point de vue du bouddhisme, partie du mécanisme du samsara. Dans le bouddhisme, nous voulons arriver à surmonter l’emprise de ces pulsions instinctives qui perpétuent la souffrance et les problèmes de notre existence samsarique qui se répète de manière incontrôlable. Tout en avançant sur la voie qui mène à l’atteinte de la libération de ces pulsions biologiques, nous voulons devenir de moins en moins dépendants d’elles et ne plus être dominés par elles. Malgré nos pulsions biologiques, nous pouvons être utiles aux autres, à condition toutefois de ne pas être sous leur domination.
Pour beaucoup de gens en Occident, ce n’est pas Dieu qui est sacré, mais c’est la Nature ; cela signifie qu’ils considèrent que la biologie est sacrée. Ils pensent que tout ce qui est naturel est automatiquement bon. En revanche, le bouddhisme se méfie de ce qui arrive de façon naturelle parce que beaucoup d’émotions et attitudes perturbatrices se produisent automatiquement, telles les pulsions d’agir de façon destructrice. Nous devons procéder ici à une soigneuse discrimination.
Normalement, ceux qui deviennent moines ou moniales sont soit des personnes dont les pulsions sexuelles sont très faibles et pour qui le célibat n’est pas une grande affaire, soit des gens obsédés par la sexualité qui veulent surmonter la souffrance que leur obsession leur a causée. Mais même dans le second cas, on ne veut pas purement et simplement réprimer les pulsions biologiques comme celles de la sexualité. Si l’on essaie, le danger demeure qu’à un certain point on finisse par exploser et péter les plombs. Ces moines et ces moniales travaillent sur le désir ardent et sur l’attachement qui rendent leurs élans sexuels compulsifs et obsessionnels. Également, avec les méthodes tantriques de transformation des énergies subtiles, on peut transformer cette énergie sexuelle et la canaliser pour l’utiliser d’une manière plus constructive permettant d’avancer sur la voie spirituelle. Mais ce n’est pas facile à faire.
Je pense aussi que nous devons garder à l’esprit que les Tibétains et les Indiens, par exemple, manifestent physiquement leur affection aux personnes du même sexe sans qu’il y ait aucune connotation sexuelle. Il est courant que des moines marchent ensemble en se tenant par le cou ou par la main, et la même chose est vraie pour les moniales ; ce type de contact les aide à satisfaire leur besoin de contact physique et d’affection. Le complet célibat n’implique pas qu’il faille s’abstenir de tout contact physique avec les autres ou de toute démonstration d’affection.
Quand nous décidons d’avoir un rapport sexuel avec quelqu’un, cet acte même génère du karma. Alors une fois que l’on a pris cette décision, quelles sont, d’une perspective bouddhique, les conséquences qui s’enchaînent ensuite sous forme d’évènements karmiques ? Quels sont les avantages du célibat ?
Quand nous décidons d’avoir un rapport sexuel avec quelqu’un et que nous entamons effectivement une relation sexuelle avec cette personne, nous nouons ainsi avec elle, sans aucun doute, un fort lien qui se poursuivra dans des vies futures. Mais le type de lien et de relation qui s’ensuivra dépend du type de relation sexuelle que nous avons avec la personne, de notre motivation et de notre attitude, de la motivation et de l’attitude de l’autre personne et ainsi de suite. De nombreux facteurs vont exercer une influence.
Et ce n’est pas parce que l’on est célibataire que l’on évite toutes les sortes de conséquences karmiques ayant trait à la sexualité. Il se peut que quelqu’un qui garde le célibat passe une très grande partie de son temps et de son énergie à penser avec beaucoup de désir et d’attachement à tout ce qui relève de la sexualité. Dans le cas des moines et des moniales, cela peut rester du domaine de la pensée sans passer effectivement à l’acte, ce qui n’accumule donc pas les conséquences karmiques d’un acte physique mais qui accumule quand même les conséquences karmiques d’un acte mental. Vraiment, tout dépend de l’état d’esprit ‒ du niveau des émotions et attitudes perturbatrices de la personne ou du niveau de son émancipation par rapport à elles.
Dédicace
Terminons maintenant par une dédicace. Nous souhaitons que quels que soient la compréhension et les aperçus que nous avons glanés et quelle que soit la force positive qui résulte de l’écoute de cet exposé et de la réflexion qui s’en est suivie ‒ que tout cela grandisse encore et encore de telle sorte que nous puissions surmonter notre confusion à propos de la sexualité. Quel que soit le niveau ou le type de sexualité qui nous attire, puissions-nous être capables de nous y relier d’une manière saine. Puissions-nous y parvenir en ne faisant pas de la sexualité la chose la plus importante dans la vie, mais en la considérant juste comme une partie de la vie parmi d’autres. Puissions-nous surmonter toute obsession que nous pouvons avoir par rapport à la sexualité afin d’être en mesure d’utiliser nos potentialités et nos talents plus pleinement et d’éviter les problèmes non nécessaires, et pour pouvoir venir en aide à nous-mêmes et à autrui.
Résumé
Dans le bouddhisme, tout le thème de la sexualité tourne autour des types d’attitudes et de motivations ; il s’agit de déterminer lesquels sont destructeurs, causes d’insatisfaction, de frustrations et autres difficultés, car pour éviter les problèmes il faut éviter les attitudes destructrices. Entretenir une attitude réaliste par rapport à la sexualité et ne pas en faire une montagne sera d’un grand secours. D’autre part, avoir une relation sexuelle n’est pas la même chose que manger. Il y a quelque chose de plus que la simple satisfaction d’un besoin biologique. C’est un moyen de témoigner de l’affection, de l’amour, de la tendresse, d’apporter du réconfort et ainsi de suite. Mais encore une fois, croire que prendre son pied va résoudre tous les problèmes de tout le monde, c’est de la naïveté. D’un autre côté, y voir un « mal » intrinsèque est tout aussi naïf. Il suffit d’être réaliste.