Paraphrase sur le thème : « Comment méditer sur l’impermanence »

Le texte versifié de Gungthang Rimpotché (Gung-thang-tshang dKon-mchog bstan-pa’i sgron-me) (1762-1823), intitulé Comment s’entraîner à méditer sur l’impermanence (Mi-rtag sgom-tshul-gyi bslab-bya tshigs-su bcad-pa bcas), commence par un hommage d’offrande à tous ses gourous manifestés sous de multiples formes et dispensateurs d’enseignements pour dompter l’esprit :

Hommage à l’union vaste de la félicité et du vide qui se manifeste sous des formes variées afin de convenir aux nombreux besoins et dispositions des êtres limités.

Ce précieux corps humain possesseur des huit répits et des dix richesses n’est obtenu qu’une seule fois. Il y a danger à laisser perdre cette opportunité, et d’aller vers la prochaine renaissance sans avoir été capable d’accomplir une action quelconque de valeur durable. Voici venu le temps de nous engager sur le chemin de la libération. En fait il est presque déjà trop tard, dans la mesure où nous tous, ici, avons entre vingt et trente ans. Nous devons nous ressaisir au moyen du crochet de la mémoire et pratiquer le Dharma avec la même vigilance nécessaire aux stages de dressage d’un éléphant. Essayer de vouloir tout achever de manière mondaine et samsarique au cours de ce mois-ci, ou du moins au cours de cette année, et caresser l’idée de remettre à plus tard sa pratique du Dharma et de faire d’abord tout le reste au cours de cette même année, c’est se leurrer. Un maître a dit une fois que les personnes religieuses ne devraient jamais se soucier d’avoir assez pour vivre. Certains prennent comme excuse qu’ils doivent gagner de l’argent pour pratiquer le Dharma, mais aucun pratiquant sérieux du Dharma n’est jamais mort de faim.

Engendrez la pensée d’avoir une activité complètement dédiée à la pratique du Dharma. Les activités de cette vie sont comme des vagues à la surface de l’eau. Pareilles à des rides, la première se produit, suivie immédiatement d’une autre. Plus on en fait et plus il en surgit de nouvelles : c’est sans fin. Ne vaudrait-il pas mieux être fermement déterminé à laisser ces occupations dès maintenant, alors que nous ne subissons aucune contrainte, plutôt que d’errer çà et là sans but ? Dans le cas d’une urgence, par exemple, on prend la ferme décision de tout laisser de côté et de s’en occuper avec détermination. C’est comme l’histoire de Naropa allant voir Tilopa. De façon décisive, il abandonna son poste d’abbé de Nalanda et s’en fut. Ou comme Tsongkhapa qui, après avoir reçu de Manjushri les instructions pour faire une retraite de pratiques préliminaires, prit la décision d’agir de la sorte et s’en alla, abandonnant ses milliers de disciples.

Ne soyez pas dupes. Avant que la pratique du Dharma de demain ait lieu, la mort d’aujourd’hui peut survenir en premier. Donc si vous voulez pratiquer le Dharma, faites-le dès aujourd’hui.

Bien que les activités de grands maîtres comme Tsongkhapa et Padmasambhava se soient répandues aux quatre coins du monde, tous ces maîtres sont morts. Seuls demeurent leurs noms, leurs corps s’en sont allés, et c’est seulement à travers leurs enseignements que nous pouvons les comprendre. Tout ceci est une indication de leur impermanence, tout comme la statue du Bouddha allongé de Kushinagar, qui est là pour nous rappeler que même le Bouddha est mort. Dans S’engager dans la conduite d’un bodhisattva (sPyod-‘jug, Skt. Bodhicharyavatara), Shantideva a dit que puisque les bouddhas, les pratyekabuddhas et les shravakas sont tous morts, comment n’en serait-il pas de même pour nous ? C’est aussi l’enseignement du Huitième Dalaï-Lama, lequel, comme tous les maîtres qui ont écrit ces enseignements, n’est plus de ce monde également. On doit cependant faire remarquer que si, à un moment donné, les formes de ces grands êtres se désintègrent, en se dissolvant dans le Corps de Nature essentiel des bouddhas (Svabhavakaya), ils le font simplement pour enseigner l’impermanence aux disciples bercés d’illusions.

Tout comme ces grands êtres, dans cent ans, aucune des personnes qui se trouvent ici ne sera plus là. Les rois et les chefs d’état également, qui sont extrêmement fiers de leur richesse et de leur pouvoir, et se targuent de toute la guirlande de la liste de leurs actions : eux aussi ne seront plus là. Seuls leurs noms resteront. La même chose est vraie pour tous les dirigeants connus du monde d’aujourd’hui : ils ne seront plus là dans le futur. Des gens du même âge que vous et dotés de la même force physique meurent aussi. Brusquement ils sont ravis par le Seigneur de la Mort. Qu’est-ce donc qui vous fait croire que vous vivrez toujours ? Ne pas craindre la mort, quand bien même on nous a enseigné l’impermanence, est extrêmement stupide. Même des animaux bornés et peu intelligents comme les moutons, quand ils voient un autre mouton tué par le boucher, se mettent à trembler et ont le cœur qui bat plus vite.

On raconte une histoire au sujet de Guéshé Potowa. Un homme du village où il vivait vint le voir et lui demanda : « Quand l’heure de ma mort arrivera, pourriez-vous m’envoyer un message et me prévenir ? » Quelque temps après, quelqu’un mourut dans la partie haute du village et un message fut envoyé à l’homme, mais celui-ci ne réagit pas. La même chose se produisit avec quelqu’un vivait dans la partie basse puis dans la partie médiane du village. L’homme ne réagit toujours pas. Finalement les signes de sa propre mort advinrent, il courut aussitôt chez Guéshé Potowa et lui demanda : « Pourquoi ne m’avez-vous pas envoyé de message ? » Guéshé Potowa répondit : « Je l’ai fait, mais vous n’avez pas compris. » Guéshé Potowa lui-même avait coutume de méditer sur l’impermanence en tenant le compte de tous les morts du Penpo, la vallée où il vivait.

Une compréhension de l’impermanence n’a pas besoin de s’appuyer sur des références scripturales ; on peut la percevoir par simple constat de la mort qui afflige tous les êtres sensibles. Les gens confrontés à l’évidence de la mort, mais qui ne rapportent pas cette réalisation à eux-mêmes, sont comme des aveugles les yeux grands ouverts, ou avec des yeux de verre. À l’avenir, nos amis, nos parents, nos domestiques et les gens de notre entourage, tous passeront de vie à trépas. Tant que vous êtes avec eux, c’est comme une collection de feuilles amassées par le vent et destinées à être dispersées plus tard. Bien que nous soyons ensemble actuellement, quand nous nous rencontrerons à nouveau dans des vies futures, nous aurons des formes différentes et nous ne nous reconnaîtrons même pas les uns les autres. Il est très rare que quelqu’un réfléchisse à l’impermanence, mais nous devrions au moins instaurer un équilibre entre vie mondaine et vie spirituelle, dans la mesure où cela crée une stabilité.

Le changement de saison, la chute des feuilles et toutes sortes de phénomènes naturels offrent des leçons d’impermanence. Comme le disait Milarepa : « Tout ce qui m’entoure, je le vois comme un enseignement. »

Une autre métaphore pour illustrer l’impermanence est celle d’une foire. Des gens de différents villages se rassemblent pour ce genre d’événement puis se dispersent. Nous ne savons pas où ils vont et plus jamais ils ne se réuniront de cette façon. Ces groupes d’amis et de parents qui nous entourent sont pareilles aux gens dans une foire ou à des mouches en automne. Ils finiront par se disperser.

Des phénomènes comme le printemps et l’été peuvent apparaître d’une beauté séduisante, mais ce sont tous des enseignements sur l’impermanence et le changement incessant, tout comme le sont les éléments eux-mêmes. La température de l’eau dans les cours d’eau, sa couleur et le bruit qu’elle fait, tout cela change avec les saisons. Les rivières d’un bleu-vert saisissant, joliment ridées de vagues dansantes et écumantes, verront leur surface gelée à l’occasion, et la glace blanche de leurs eaux émettra un son pareil à un marmonnement. La même chose se produit pour les humains. Quand les gens sont jeunes, ils vont dans des fêtes et se plaisent à danser, à chanter et à boire. Mais quand ils se font plus vieux, leurs habitudes changent. De même que dans l’exemple précédent, eux aussi se mettent à marmonner !

En été, les abeilles bourdonnent extrayant le nectar des fleurs dans de beaux jardins, à l’image de quand on était jeunes et qu’on s’adonnait aux plaisirs et aux conforts du monde. Mais en automne le jardin qui était tout en fleurs devient désert et avec l’hiver, quand le vent souffle, cela fait un bruit lugubre. Personne ne veut s’y rendre et voir que tout est dépouillé. Parfois une colline couverte de fleurs est complètement dénudée en hiver. Il en va de même avec les maisons : elles se dégradent et vieillissent. Ainsi, toutes ces choses sont des exemples d’impermanence. Toutefois, le professeur d’impermanence le plus immédiat est notre propre forme physique. À mesure que nous vieillissons, nous ne pouvons plus faire ce que nous faisions quand nous étions jeunes : nous devenons de plus en plus lents et notre apparence change.

L’impermanence s’applique non seulement aux êtres animés mais aussi aux choses inanimées comme les bâtiments, la nature, les jardins et le temps. Des lieux comme les grands monastères de Nalanda où Nagarjuna et Asanga étudièrent, ainsi que Bodh Gaya, ont depuis longtemps disparus. La même chose s’est produite à Ganden, Sera, et dans les autres grandes universités monastiques du Tibet. Même la Library of Tibetan Works and Archives où nous sommes maintenant finira par se détériorer et tomber en ruines. Dans sa Lettre à un ami (Skt. Suhrllekha), Nagarjuna a dit : « Si l’univers tout entier finira consumé par le feu de sept soleils, il ne fait aucun doute que nos corps seront également détruits », car la destruction anéantira tout, du premier niveau constant du royaume de Brahma jusqu’au plan des formes éthériques.

Une souris noire et une souris blanche se relaient pour ronger la corde qui attache une botte de foin. Dans cet exemple, les souris blanches et noires représentent les jours et les nuits, la botte de foin notre espérance de vie et la corde qui l’enserre sa durée. Avant que cette corde soit complètement détruite et que la botte de foin qui représente notre durée de vie se rompe, nous devrions saisir l’occasion de faire le plus d’actions constructives possibles.

Chaque moment qui passe nous pousse en direction du Seigneur de la Mort. Tout comme un animal que l’on conduit à l’abattoir, chaque pas nous rapproche un peu plus de la mort. Chaque inspiration que nous prenons nous amène un peu plus près. De combien nous en sommes-nous approchés depuis que nous nous sommes réveillés ce matin ? Croire que nous ne mourrons pas parce que nous sommes jeunes est une bêtise. L’âge ne fait aucune différence pour le Seigneur de la Mort. Si des parents très âgés avec des cheveux blancs, le corps parcouru de tremblements et courbé comme des arcs, peuvent conduire les cadavres de leurs enfants au cimetière, comment pouvons-nous dire que le Seigneur de la Mort fait une distinction quant à l’âge ? Nous devons donc pratiquer le Dharma sans tenir compte de l’âge, sans attendre d’être vieux. La seule chose bénéfique, c’est le Dharma.

Le seul ami fiable c’est votre propre pratique. On ne peut pas compter sur les gens. Quand une récolte abondante est détruite par la grêle des mauvaises circonstances, il sera difficile d’obtenir même une réponse et une aide du cercle des personnes dont vous aviez la charge et preniez soin auparavant. Quand on devient pauvre, tout le monde nous laisse tomber et nous abandonne. Telle est la nature humaine fondamentale. Quand on est vieux et pauvre, les gens ne font même plus attention à nous. Quand on est riche et célèbre, les gens ne cessent de vouloir attirer votre attention. Quand quelqu’un est riche, les gens viennent en prétendant qu’ils ont contribué à votre richesse. Les gens essaient de partager votre bonheur mais non vos peines. Quand ils ne peuvent rien obtenir de vous, ils vous ignorent. Le Bouddha a agi de manière opposée en prêtant plus d’attention aux pauvres et aux nécessiteux.

Si quelqu’un d’influent dit à l’ami en qui vous avez le plus confiance que vous n’êtes pas une bonne personne, ce dernier changera d’avis et sera inconstant. Quelques mots suffisent pour faire en sorte qu’il vous déteste le jour suivant. Cela conforte le proverbe qui dit : « Une chose qui pouvait être atteinte en quelques pouces auparavant ne le sera plus en une coudée. » Cela signifie que quelques mots suffisent pour que les gens qui étaient proches deviennent distants. Nous devons trouver un ami stable dans le Dharma. Du fait qu’ils se ménagent entre eux, les amis  hésitent à vous faire part de vos erreurs et de vos faiblesses. En revanche, un ennemi est d’une plus grande aide dans la mesure où il pointe du doigt vos fautes.

Certaines personnes passent leur vie à accumuler des richesses, en conséquence, elles changent considérablement et éprouvent de grands tourments. Du fait que les biens sont la cause de tellement de souffrance, nous ne devrions pas y être attachés. La richesse a toutes les apparences du bonheur, mais elle ne l’est pas. Notre attirance pour la richesse est pareille à celle d’un papillon de nuit pour une flamme : si on s’approche de trop près, on sera brûlé. Les gens aisés paraissent heureux, font bonne figure, ont une belle maison et semblent n’avoir aucun souci d’argent. Cela paraît séduisant, mais une fois complètement immergés dans cette situation, on en voit les difficultés et les désavantages. Par exemple, certaines personnes sont religieuses, mais, une fois devenues riches, elles perdent tout intérêt pour la religion et leur esprit est occupé par l’accumulation de plus de richesses encore. On se fatigue toujours d’accumuler des actes vertueux, alors qu’on ne se fatigue jamais d’amasser plus de richesse.

En bref, la vie est incertaine mais la mort est certaine : nous devons donc nous y préparer. Il n’y a aucune certitude quant au moment de la mort, mais, quand il vient, il est impossible de l’écarter. Les riches ne peuvent la soudoyer, les belles personnes ne peuvent la séduire, et les hommes vigoureux ne peuvent la combattre. Il semble qu’en certains endroits on puisse acheter une extension de visa ou de permis de résidence, mais on ne peut acheter une prolongation de notre durée de vie.

Quand le Seigneur de la Mort nous rattrape, nous devons laisser derrière nous ce corps qui nous a accompagné depuis notre naissance. Même si on meurt dans un lit douillet, quand la conscience s’en va, il ne reste plus aucune chance de se retourner vers ses parents, ses amis, ses biens. Telle est la réalité de la vie, et nous devons prendre des dispositions pour cette éventualité. Nous devons laisser derrière nous tout ce que nous avons accumulé, supporter sans rechigner toutes sortes de misères. Nous devons quitter cette vie en prenant sur notre dos le fardeau et la responsabilité de nos actions constructives et destructrices. Tel est notre bagage. Certaines vieilles personnes construisent des maisons pour leurs enfants et petits enfants, mais quand elles meurent, elles emportent avec elles la charge pesante de leur comportement destructeur en les construisant, tuant vers de terre et insectes, alors que leurs enfants jouissent simplement du fait de vivre dans la maison. C’est par de tels actes que nous accumulons tout bonnement le poids d’un karma négatif.

Quand nous voyageons sur les chemins dangereux du bardo et que nous croisons et sommes arrêtés par les armées du Seigneur de la Mort, nous mesurons toute l’inutilité et la vanité des efforts que nous avons faits pour accumuler des richesses. Même si à ce moment-là nous éprouvons beaucoup de regrets, cela ne nous sera pas d’un très grand secours. Un proverbe dit : « Être prévoyant, c’est faire preuve de sagesse ; regretter après coup, c’est être stupide. » Le seul vrai guide pour un étranger en pays inconnu, c’est le Dharma ; les provisions pour un long voyage, c’est toujours le Dharma ; le rameur qui nous fait passer en sûreté sur l’autre rive, c’est encore le Dharma. À partir d’aujourd’hui, appliquez votre corps, votre parole et votre esprit au Dharma.

Tant qu’il est en notre pouvoir d’assurer notre propre bonheur, nous devons le faire. Si nous ne le faisons pas, arrivera un moment où nous serons confus et ne saurons pas quoi faire. Au moment de mourir, il y a une grande différence entre une personne religieuse et une personne non vertueuse. Cette dernière meurt sans conscience et dans la douleur. La première meurt en paix et s’est préparée à l’avance pour cet instant, a réparti ses biens entre les pauvres, ses parents, les objets de refuge, etc. Afin d’être comme cette personne religieuse, nous devrions essayer de tirer les leçons de ces enseignements le plus que nous pouvons. Nous ne devrions pas avoir un renoncement factice en abandonnant toute nourriture, tout sommeil, toute richesse, mais, au lieu de cela, établir un équilibre entre spiritualité et préoccupations matérielles, et essayer de pratiquer du mieux que nous pouvons.

La pratique du Dharma ne consiste pas à porter des costumes et à suivre des usages mais à avoir un cœur chaleureux et compatissant. Il y a cette histoire d’une dame qui, une fois morte, est allée en enfer et a rencontré le Seigneur de la Mort. Elle lui dit que, bien qu’ayant causé du tort physiquement, mentalement elle l’avait fait avec une bonne motivation. À cause de cela, elle fut renvoyée à sa vie précédente sous la même ancienne forme. Cela montre la nécessité d’avoir un bon cœur, en dépit de l’apparence que nos actes peuvent avoir extérieurement.

Un proverbe dit : « Les gens qui parlent beaucoup de Dharma pratiquent peu. » Atisha insistait toujours sur ce point et chaque fois qu’il rencontrait une personne il lui demandait : « Avez-vous un bon cœur ? » Quand Dromtonpa apprit la mort d’Atisha, il était très triste de n’avoir pu être là au moment de sa mort. Atisha, toutefois, laissa un message à ses disciples leur disant que, malgré le fait qu’il ne soit plus là physiquement, s’ils avaient bon cœur, c’était comme de le voir en personne. Il est bon également de rappeler l’enseignement Kadampa comme quoi, bien que pour le moment nous nous plaignions d’être incapables de faire du bien aux autres, néanmoins si nous pouvons juste nous réfréner de leur faire du mal, à notre niveau, c’est d’un grand bénéfice. Essayez de ne rendre personne malheureux.

Tant qu’on garde un souffle, on a toujours l’opportunité et le pouvoir d’accumuler du potentiel positif et d’assurer son avenir. Vous êtes simultanément votre meilleur ami et votre pire ennemi. Tout bonheur futur dépend de vous. Quelqu’un qui meurt sans pratique du Dharma est pareil à un chien en train de mourir, en particulier dans le bardo. Que vous soyez né humain ne fera aucune différence. Il n’y a pas de différence entre un monarque universel, empereur du monde, qui ne pratique pas le Dharma et un chien qui meurt dans la rue. En fait, une fois mort, il se pourrait bien que le chien ait créé moins de karma négatif. C’est pourquoi il est important de réfléchir à l’impermanence, que ce soit au début, au milieu et à la fin de toute pratique. Même les maîtres les plus accomplis et expérimentés méditent sur l’impermanence.

De toutes les empreintes, celle de l’éléphant est la plus grande. De toutes les pensées, celle qui laisse la meilleure et la plus forte impression, c’est celle de l’impermanence.

Milarepa s’est converti au Dharma quand il vit les morts qu’il avait occasionnés grâce à la magie noire du gourou de son gourou. Gampopa s’est engagé dans le Dharma à la mort de sa femme. De même, quand le Bouddha fut confronté à la mort pour la première fois, il ressentit le besoin de se tourner vers le Dharma et de trouver une solution à la souffrance. On fait référence à l’impermanence comme étant le « chemin central » (à ne pas confondre avec le Madhyamaka ou Voie du Milieu). Il s’agit du chemin central dont la fonction est de faire obstruction à l’attachement à cette vie et permet d’instaurer des pensées positives pour la pratique dans son entier. Cette référence à l’impermanence comme le « chemin central » recèle une interprétation plus profonde également. On peut aussi l’expliquer du point de vue du Madhyamaka. L’impermanence est le fondement pour développer la vue de la philosophie Madhyamaka, laquelle élimine le concept du faux moi et nous aide à nous installer dans la réalité du moi conventionnel.

Une fois qu’on a été capable d’éloigner son esprit des distractions et de le focaliser sur le Dharma, on doit agir comme suit. Bien que dans ce monde il y ait de nombreuses traditions de pratiques réputées pour être profondes, une fois qu’on est devenu complètement réceptif à la pratique du Dharma, le mieux serait d’essayer de suivre l’essence complète des enseignements des bouddhas des trois temps au moyen de la tradition bien établie par Tsongkhapa. Pour cela, on doit suivre les méthodes combinées et unifiées des soutras et des tantras, lesquelles comportent aussi bien les explications que les pratiques. Afin de s’y engager, on doit connaître la nature, les étapes et les divisions du chemin et s’y conformer proprement. Par exemple, on ne devrait pas pratiquer les tantras avant les soutras, ou étudier la bodhichitta sans au préalable avoir une connaissance de la précieuse renaissance humaine, de la direction sûre (le refuge), de la coproduction conditionnée, etc.

Jour après jour, nous devrions essayer d’implanter dans notre esprit les instincts du chemin complet, lequel ne laisse aucune place au doute, ainsi que de ses enseignements essentiels. Tout comme les marchands qui essaient de vendre le plus qu’ils peuvent chaque jour, nous devrions essayer de planter chaque jour autant de graines blanches que possible afin d’accumuler le plus de potentiel positif possible. Dans la vraie pratique, nous pouvons nous engager dans une méditation rapide sur un court texte traitant des chemins communs aux soutras et aux tantras comme Le Fondement des bonnes qualités (Yon-tan gzhi-gyur-ma), texte qu’on mémorise habituellement et récite lentement tout en méditant dessus, et qu’on trouve également dans les préliminaires du Jorcho (sByor-mchod). Un autre texte est Les Points abrégés du Chemin progressif (Lam-rim bsdus-don) qui mentionne les six attitudes de grande envergure. Ce texte n’est pas aussi explicite que Le Fondement des bonnes qualités, mais il inclut les trois sortes d’autodiscipline éthique, lesquelles à leur tour incluent les six attitudes de grande envergure. Un autre texte que nous pouvons utiliser pour ce genre de méditation rapide est le passage du Rituel d’offrande au Gourou (Bla-ma mchod-pa) qui traite des étapes progressives du lam-rim. La méditation de survol rapide est une méthode efficace pour passer en revue ce que nous avons appris et nous aide à mettre les choses en ordre et à les assembler dans notre esprit. C’est comme de parcourir des yeux une carte pour situer les lieux ou d’avoir une vue d’ensemble de la plaine depuis le sommet d’une montagne.

Il se peut qu’il soit difficile d’obtenir une expérience du lam-rim pour l’instant, mais le fait de faire une méditation de survol rapide chaque jour implante les instructions pour la série complète des enseignements dans notre esprit. Quand on médite sur le lam-rim, on doit suivre la démarche correcte donnée dans les instructions. En premier, on doit établir la motivation de la bodhichitta et, à la fin, procéder à une dédicace. Quand on met en place notre motivation au début de la session, on devrait penser qu’on s’engage à méditer pour le bien de tous les êtres. Si cela n’est pas possible, nous devrions au moins faire preuve de renoncement. À la fin de la méditation, nous devrions dédier le potentiel positif que nous avons créé pour le bonheur de tous les êtres limités et leur réalisation de la bouddhéité. Je vous exhorte à prendre l’essence de votre précieuse renaissance humaine en vous engageant dans ce type de pratique. « Prendre l’essence » comporte trois niveaux d’interprétation : vaste, intermédiaire et réduit. Le vaste est de devenir un bouddha dans cette vie, l’intermédiaire d’atteindre la libération de toute forme grossière d’émotions perturbatrices, et le réduit d’être délivré des renaissances inférieures.

Dédicace

Grâce à la force, le pouvoir et la quantité d’énergie positive accumulée par cet enseignement, puissions-nous être capables de détruire les sources de la souffrance : à savoir s’accrocher à la permanence, à l’attachement et à l’aversion. En particulier, puissions-nous être à même de détruire la saisie de l’existence véritable qui est la source de la souffrance du samsara. Puisse tout le monde atteindre l’état grandement auspicieux d’immortalité qu’est la bouddhéité.

Aujourd’hui que le Dharma a dégénéré, la pratique du Dharma au cours d’une seule journée vaut mieux que des centaines d’actes éthiques accomplis alors que le Dharma était florissant. La pratique du Dharma veut dire avoir un bon cœur, être bienveillant, attentionné, compatissant et se restreindre de faire du mal à autrui. Ceci est la manière de payer en retour la bonté des gourous. Au lieu de prétendre avoir de la compassion alors qu’on abrite la haine dans son cœur, le mieux est de pratiquer le Dharma sans faire preuve d’arrogance. Milarepa a dit : « N’œuvrez pas à votre seul bonheur, mais à celui des autres. C’est la façon de rembourser le gourou qui est le père. »

La meilleure manière pour les débutants de s’initier au Dharma, c’est d’abord d’étudier les dix actions destructrices et de s’en garder. Alors seulement, tout doucement, on peut construire sa pratique et méditer. Méditer tout de suite dès le début peut conduire à la frustration, au « lung » et à la confusion, et ainsi on peut aisément développer de l’aversion pour la méditation. Cette façon de procéder est la fondation la moins fausse pour pratiquer le Dharma, la mieux établie, celle qui cause le moins de dommage. En pratiquant l’éthique des dix actions constructives, on doit développer un sentiment de dignité morale, de préoccupation de la façon dont nos actions se reflètent sur les autres, un sens de pleine conscience et de vigilance. On ne devrait pas juste faire tout ce qui nous plaît, mais réfléchir aux effets sur les autres de ce que nous portons comme vêtements, de ce que nous faisons, pensons et disons. Plus important que tout, nous ne devrions causer aucun tort ni faire de mal à personne.

Top