De toute évidence, la méditation est un sujet important si l’on veut mettre les enseignements du Bouddha en pratique. Toutefois, la méditation n’est pas quelque chose de spécifiquement bouddhique. On trouve la méditation dans toutes les traditions indiennes, de même que dans les systèmes non bouddhiques en dehors de l’Inde.
Le mot sanskrit pour méditation est bhavana. Bhavana vient du verbe « bhu » qui signifie « devenir », ou « transformer une chose en une autre ». Bhavana, dès lors, est un processus au moyen duquel nous recevons un enseignement sur la manière de développer une forme d’état d’esprit constructif, et, au figuré, sur la manière de « devenir » cet état. Autrement dit, grâce au processus de méditation, nous faisons en sorte que notre esprit accède à un état particulièrement bénéfique.
Étant donné que bhavana vient de la racine sanskrite « bhu », « devenir », bhavana implique une transformation. Par exemple, si nous méditons sur l’amour, nous nous transformons véritablement en quelqu’un avec de l’amour dans le cœur. Quand le terme fut traduit du sanskrit en tibétain, il fut traduit par le mot impliquant l’idée de « construire, d’accumuler une habitude ». C’est le mot tibétain « gom ». Gom veut dire s’habituer, se familiariser avec quelque chose de positif – et non avec quelque chose de négatif ou de neutre – et, ce faisant, d’accumuler une habitude positive et constructive.
Ainsi, le mot tibétain est presque similaire en signification et en implication au mot sanskrit. L’implication de ces deux termes est la suivante : afin de nous transformer en vue de devenir pareil à notre but – à savoir quelqu’un qui a de l’amour dans son cœur, par exemple – nous devons construire et cultiver l’amour en tant qu’habitude bénéfique. La méthode qu’on utilise pour accumuler cette habitude bénéfique est la méditation.
Écouter les enseignements
Les principaux textes philosophiques indiens qui précédèrent l’époque du Bouddha furent les Upanishads, or ces textes contenaient déjà des références à la méditation. Dans les Upanishads, la méditation est discutée dans le contexte d’un processus en trois étapes : écouter, réfléchir, et méditer. Le Bouddha n’a pas inventé ce processus en trois étapes ; il était déjà courant de son temps. Si donc nous voulons faire d’une chose une habitude positive, de toute évidence nous devons d’abord en entendre parler ; puis nous devons la comprendre en réfléchissant dessus ; enfin, nous devons l’intégrer et la faire nôtre.
Si nous ne savons rien au sujet du Dharma, nous avons besoin tout d’abord d’obtenir une information de base à propos du bouddhisme et être certain que cette information soit correcte. Seule une information de base correcte peut servir de fondement fiable pour s’intéresser aux enseignements authentiques du Dharma. À l’époque du Bouddha, cependant, les enseignements philosophiques n’étaient jamais couchés par écrit. Leur compilation sous forme de textes écrits ne commença que des siècles plus tard. C’est la raison pour laquelle le processus en trois étapes débute par la nécessité d’ « écouter » les enseignements – autrement dit, d’écouter l’enseignement délivré à haute voix.
Aujourd’hui, dans la première étape, on pourrait aussi inclure la lecture de livres, ou consulter l’Internet, à propos de certains types de pratiques ou d’états d’esprit qu’on aimerait développer. Toutefois, ce point est sujet à débat car, quand on écoute un enseignement directement d’un enseignant, il existe une ambiance spéciale créée par l’enseignant réellement présent devant nous. Quand nous écoutons un enseignement sur le vif, nous pouvons être inspiré par l’enseignant d’une façon différente de celle que nous procurerait la lecture d’un livre. Et c’est le cas, bien que, de toute évidence, quelqu’un ait dû écrire le livre. Nous voyons que cela se vérifie également dans notre vie de tous les jours. Par exemple, quand vous allez à un concert en direct, l’expérience est beaucoup plus puissante et inspirante que quand on se contente d’écouter un CD chez soi. Il s’agit d’une tout autre expérience.
Quand nous écoutons des enseignements, l’une des instructions les plus utiles est d’écarter « les trois fautes semblables à un vase en argile ».
- En premier, nous devons éviter de commettre la faute d’être comme un vase renversé, dans lequel on ne peut rien verser. Autrement dit, si nous avons l’esprit fermé, bien entendu nous serons incapables de retenir quoi que ce soit de ce que nous entendons.
- Ensuite, nous devons également éviter d’être comme une vase percé. Dans ce cas, tout ce qu’on y verse s’échappe par le trou. En français, on dit « ce qui rentre par une oreille ressort par l’autre ». Nous devons éviter cela.
- Enfin, nous devons également éviter la faute d’être comme un vase souillé. Quand on verse de l’eau claire dans un vase sale, l’eau devient sale également. Autrement dit, quand on a de nombreux préjugés, ceux-ci contaminent notre compréhension des nouveaux éléments. Plutôt que d’écouter juste ce que la personne dit, nous mélangeons ces nouveaux éléments avec les projections dues à nos propres idées.
Pour éviter ce genre de fautes, une fois qu’on a entendu certains enseignements, il est très utile de les transcrire ou de les enregistrer d’une manière ou d’une autre, afin de pouvoir se remémorer correctement les points qui ont été abordés. Ceci est très utile si nous n’avons pas une mémoire parfaite – ce qui est le cas pour la plupart d’entre nous. Plus nous attendons pour coucher par écrit ce que nous avons entendu, et plus nos préjugés pollueront nos souvenirs. Et même quand nous les avons transcrits ou enregistrés, nous devons les écouter encore et encore. Se contenter d’avoir les enseignements dans un cahier sur notre étagère ou sous forme de fichier dans notre ordinateur ou sur notre tablette iPod ne suffit certainement pas !
Le maître sakya Sonam Tsemo a dit que pour débuter dans la pratique du Dharma :
- Nous devons reconnaître d’abord que nous avons des problèmes et que nous souffrons.
- Nous devons ensuite avoir le souhait de nous extraire de notre situation douloureuse.
- Enfin, nous devons faire preuve d’intérêt pour le Dharma comme moyen pour nous sortir de la souffrance.
Quand nous sommes de nouveaux venus, il est certain que nous devons avoir l’esprit ouvert et essayer de retenir ce que nous apprenons ; mais, plus important que tout, nous devons écouter un enseignement du Dharma avec intérêt et l’intention d’évaluer ce que nous entendons. Nous voulons l’évaluer afin de déterminer si oui ou non l’enseignement que nous entendons est quelque chose qui pourrait nous aider personnellement à surmonter les problèmes si nous le mettons en pratique. Nous n’étudions pas les enseignements bouddhiques en vue de passer un examen à l’école ou pour impressionner les autres par notre érudition. Nous écoutons les enseignements pour voir si nous pouvons trouver quelque chose en eux de personnellement pertinent et utile pour nos vies.
Dès lors, quand on écoute des enseignements, il y a diverses façons de se considérer et de voir la situation. Dans la méthode connue comme « les trois reconnaissances », on se considère comme une personne malade, le maître comme le médecin, et les enseignements comme les médicaments susceptibles de nous aider à surmonter diverses maladies et problèmes – les maladies étant nos émotions perturbatrices.
Au fur et à mesure que nous avançons dans notre pratique, il existe de nombreuses instructions supplémentaires concernant les attitudes à adopter face au maître, comme de voir le maître pareil à un bouddha, etc. ; mais ces instructions ne sont pas destinées aux débutants.
Réfléchir à ce que nous avons entendu
La deuxième étape consiste à réfléchir à ce que nous avons entendu. Nous réfléchissons à un enseignement en vue de le comprendre. Nous atteignons le terme de ce processus de réflexion quand nous comprenons correctement ce que l’enseignement signifie. Nous devons non seulement comprendre correctement un enseignement afin de le mettre en pratique de façon correcte, mais nous devons également devenir convaincu que l’enseignement est valide et que c’est quelque chose que nous devons adopter pour nous-même car cela nous aidera à surmonter certain problèmes. Nous devons également être convaincu qu’il nous est possible de réaliser vraiment tout ce dont parle l’enseignement. Si nous pensons que c’est impossible – que nous ne serons jamais capable de surmonter notre colère, par exemple – à quoi cela sert-il de suivre une pratique destinée à surmonter la colère ? Pour atteindre le but visé, nous devons être convaincu que la pratique marchera.
Quand nous réfléchissons à un enseignement, nous y réfléchissons à partir de nombreux points de vue. Par exemple, si nous parlons de la méditation pour développer un amour égal envers tous, nous devons connaître les différentes étapes par lesquelles nous devons passer afin de développer ce genre d’amour. Par exemple, de quoi dépend un amour égal envers tous ? Cela dépend du fait de voir tout le monde comme égal, que tout le monde a été bon envers nous, etc. Donc, pour que l’amour universel se développe dans nos esprits, nous devons savoir sur quoi repose l’amour, et quels aperçus et états d’esprit nous devons développer auparavant afin que l’amour grandisse en nous.
Par ailleurs, nous devons connaître quels sont les facteurs opposés à l’amour auxquels l’amour est censé remédier. De manière spécifique, nous devons être convaincus que les facteurs opposés sont la colère et la haine ; et nous devons être convaincus que l’amour peut vraiment contrer et neutraliser ces facteurs et nous en débarrasser. Nous devons également comprendre comment l’amour s’en débarrasse.
En outre, nous devons comprendre pour quelle raison développer l’amour, et ce que nous ferons de cet amour une fois que nous l’aurons développé, ce qui implique de connaître les bénéfices qu’il y a à développer l’amour. Par exemple, quand on examine la plupart des textes qui donnent des instructions pour développer l’objectif de la bodhichitta – l’objectif d’atteindre notre propre future illumination pour le bien de tous les êtres limités – ces textes commencent habituellement par décrire les bénéfices qu’il y a à avoir comme objectif la bodhichitta. La raison pour laquelle les textes commencent ainsi, c’est pour que nous devenions convaincus que d’avoir un tel but dans la vie est une chose que nous aimerions développer.
Enfin, nous devons être convaincus de la logique des enseignements. Ils doivent être logiques, ils doivent être raisonnables et ils doivent faire sens du point de vue des étapes et des véritables détails des enseignements.
Il y a donc de nombreux points sur lesquels nous devons réfléchir. Se contenter de plonger dans une pratique méditative sans avoir compris ce que nous devons développer en premier, et comment cela nous débarrassera de tel état d’esprit problématique, quels sont les facteurs opposés que nous devons surveiller, etc., ce serait manquer de sagesse. L’analogie pour cette démarche est : « Écouter, c’est comme de porter de la nourriture à votre bouche ; et y réfléchir équivaut à la mâcher. » Si nous essayons d’avaler sans avoir mâché au préalable, nous risquons de nous étrangler. De même, si nous essayons de méditer sans réfléchir aux enseignements, nous risquons d’avoir des difficultés.
Comment accomplissons-nous exactement le processus de réflexion ? L’étape de la réflexion peut être soit une forme libre de pensée au sujet des divers points que j’ai mentionnés, soit, une fois qu’on en a passé par là, un processus plus formel.
Le processus de pensée formel
Le processus de pensée formel veut dire suivre une ligne de raisonnement. Quand nous voulons développer un certain état d’esprit, nous devons le construire. Nous devons construire cet état d’esprit en passant et en procédant par étapes ou degrés, et, souvent, ces paliers incluent de travailler avec des lignes de raisonnement. Par exemple, l’enseignement peut inclure un raisonnement servant à accroître notre compréhension de l’impermanence (le fait que les choses soumises à causes et conditions changent de moment en moment et ont une fin) ; ou bien cela peut inclure un raisonnement servant à accroître notre compréhension de la vacuité (le fait que toute chose soit dénuée d’existence selon des modes impossibles). En réfléchissant et en travaillant par le biais de la logique des raisonnements, non seulement nous devenons convaincus que l’impermanence et la vacuité sont valides, mais aussi que ces raisonnements prouvent de façon valide que l’impermanence et la vacuité sont vraies. Et non seulement cela, nous sommes également convaincus qu’en empruntant la logique des lignes de raisonnement, nous sommes en mesure de générer une compréhension correcte et décisive de l’impermanence et de la vacuité. Rappelez-vous : devenir convaincu fait partie du processus de réflexion.
Alternativement, nous pouvons construire un certain état d’esprit sans qu’il soit nécessaire d’en passer par une ligne de raisonnement, mais en procédant par étapes. Par exemple, si nous voulons développer l’objectif de la bodhichitta, nous procédons par étapes en développant d’abord l’équanimité, puis en voyant tout le monde comme ayant été notre mère dans une vie antérieure, en nous rappelant ensuite la bonté de l’amour maternel, enfin en développant de la gratitude à cet égard, et ainsi de suite. Nous travaillons par étapes en sorte de devenir convaincu qu’en franchissant ces paliers, nous pouvons atteindre le but de développer l’objectif de la bodhichitta. Cela fait encore partie du processus de réflexion.
Au cours de ce processus de pensée, nous devons aussi comprendre très clairement quel est réellement l’état d’esprit que nous essayons de cultiver. Certaines méditations sont destinées à nous aider à nous focaliser sur un certain objet, par exemple, un bouddha visualisé. Pour méditer sur un bouddha visualisé, nous devons comprendre qu’il s’agit là du type de méditation de concentration et que son but est de se focaliser sur un objet spécifique, en l’occurrence un bouddha vivant en trois dimensions, de petite taille, fait de lumière, qu’on imagine à hauteur des yeux en face de soi.
D’autre part, il existe différentes méditations destinées à développer un état d’esprit particulier, l’amour, par exemple. L’amour n’est pas un objet sur lequel on se focalise ; il s’agit plutôt d’un état d’esprit, un genre d’attitude mentale que nous développons. Nous devons donc savoir sur quel type de méditation nous travaillons : sommes-nous en train de nous concentrer sur un objet spécifique ou sommes-nous en train de développer un certain état d’esprit ? Qu’essayons-nous d’accomplir ?
Dans les deux cas, Tsongkhapa insiste très fortement sur le fait que nous devons savoir deux choses :
- Tout d’abord, nous devons être clairs quant à l’objet qui doit apparaître à notre esprit. Que nous parlions d’une méditation sur un bouddha visualisé ou d’une méditation sur l’amour, quel est l’objet qui se manifeste au cours de notre méditation ?
- Deuxièmement, nous devons savoir de quelle manière l’esprit s’empare de cet objet, comment il le connaît.
Si nous ne sommes pas parfaitement clairs sur ces deux points, comment pouvons-nous éventuellement générer l’état d’esprit que nous souhaitons développer ?
Prenons comme exemple la compassion : que vise la compassion ? Quel est l’objet qui apparaît ? L’objet qui apparaît dans notre esprit quand on médite sur la compassion ce sont les êtres sensibles, les divers êtres limités soumis à la souffrance. Notre esprit se concentre sur eux et distingue une caractéristique particulière à leur sujet, à savoir leur souffrance et les causes de leur souffrance. Comment l’esprit se saisit de ces objets ? L’esprit se saisit de ces objets avec le souhait puissant que ces êtres soient séparés de leur souffrance et de ses causes, et avec l’intention d’essayer nous-mêmes de faire en sorte que cela arrive. De la sorte, en réfléchissant aux instructions que nous avons entendues ou lues, nous sommes en mesure de spécifier et de comprendre très clairement l’état d’esprit que nous voulons générer.
Si nous projetons de méditer sur la bodhichitta, nous devons réfléchir et être très clair sur ce que doit faire notre esprit au cours d’une telle méditation. La majorité des gens confondent bodhichitta et compassion ; toutefois, la bodhichitta et la compassion ne sont pas la même chose. La bodhichitta est un état d’esprit qui a la compassion pour base, tandis que la bodhichitta va bien plus loin que de simplement vouloir que les autres soient libérés de toute souffrance et de ses causes. Elle va au-delà du simple fait de vouloir amener tous les êtres limités à l’illumination et d’assumer soi-même cette responsabilité. Mais ces bons souhaits et sentiments sont les émotions positives dont dépend la bodhichitta pour croître. En premier, nous devons avoir cette fondation d’amour et de compassion.
Sur quoi se concentre-t-on quand nous sommes réellement assis sur nos coussins et que nous méditons sur la bodhichitta ? On se focalise sur notre propre illumination individuelle, qui ne s’est pas encore produite mais qui peut arriver sur la base des facteurs de notre nature-de-bouddha et sur la base de tout le dur travail que nous devons faire afin de réaliser cette illumination. Les facteurs de notre nature-de-bouddha sont les qualités et caractéristiques foncières, telles que la nature pure de notre esprit, que tous nous possédons et qui nous rendront capables de devenir un bouddha. On ne se focalise pas sur l’illumination du Bouddha Shakyamouni. On ne se focalise pas sur l’illumination abstraite en général ; bien plutôt, on se focalise sur notre propre illumination individuelle, notre illumination non-encore-advenue.
Comment se concentre-t-on sur notre illumination non-encore-advenue ? Ce n’est pas très facile. Tout d’abord, nous devons comprendre ce que cela signifie, de quel phénomène il s’agit quand on parle d’un phénomène, ou d’une chose, non-encore-advenu. Par exemple, il nous faut considérer ceci : est-ce qu’une pousse non-encore-advenue existe déjà dans la graine, attendant juste de germer ? Ou bien, la pousse non-encore-advenue est-elle totalement inexistante au stade de la graine ?
De toute évidence, la compréhension de la vacuité est nécessaire ici pour obtenir une véritable compréhension de ce sur quoi nous nous focalisons quand on se focalise sur notre illumination non-encore-advenue. Notre illumination non-encore-advenue n’est pas assise quelque part là-bas, telle la ligne d’arrivée d’une course vers laquelle nous tendons. Pas plus qu’elle n’est assise quelque part dans notre esprit ou dans notre nature-de-bouddha, attendant le moment de surgir, de germer. Ce n’est pas un objet qu’on puisse trouver comme ça. D’un autre côté, on ne se concentre pas sur quelque chose qui n’existe pas du tout ; on ne se concentre pas sur rien. Bien plutôt, il nous faut comprendre que notre illumination non-encore-advenue est une chose qui peut être validement imputée à notre continuum mental sur la base des facteurs de notre nature-de-bouddha. Nous devons également savoir ce que signifie pour une chose d’être validement imputable à une base appropriée.
Cependant, afin de nous concentrer sur cette illumination non-encore-advenue, nous devons nous concentrer sur une certaine forme de représentation mentale de l’illumination qui apparaît dans notre esprit. Par exemple nous pourrions imaginer le son du mot « illumination » ou nous pourrions visualiser un bouddha devant nous. Dans le tantra, nous pourrions nous visualiser sous la forme d’une figure-de-bouddha. Avec chacun de ces exemples, nous devons considérer le son ou l’image mentale qui apparaît dans notre esprit comme une représentation de notre illumination non-encore-advenue.
Ensuite, comment notre esprit se focalise-t-il sur cet objet mental qui apparaît ? On se concentre sur notre illumination non-encore-advenue, telle que représentée par l’objet mental qui apparaît à notre esprit, avec deux intentions. La première intention est celle-ci : « Je vais réaliser l’illumination. » Maintenant, avoir cette intention de réaliser l’illumination dépend de beaucoup d’autres choses auxquelles nous devons avoir réfléchi et que nous devons avoir comprises. Nous devons savoir de manière réaliste ce qu’il nous faut faire en vue de réaliser l’illumination. Notre attitude ne peut pas se contenter de se dire de manière désinvolte : « Oh, je vais réaliser cela. » Il nous faut savoir comment nous allons réaliser cela, et être convaincu que nous pouvons le réaliser. Nous devons avoir une intention valide de réaliser l’état d’illumination ; sans quoi, cette réalisation est juste un doux rêve. Et, bien entendu, nous devons comprendre correctement ce qu’est l’illumination, ce qui n’est pas également terriblement facile à comprendre. Nous acquérons toutes ces compréhensions grâce à la deuxième étape du processus : la réflexion.
La seconde intention à avoir tandis qu’on se concentre sur cette représentation mentale, c’est que grâce à cette illumination nous serons à même d’être bénéfiques aux autres le plus qu’il est possible. Après tout, l’illumination ne signifie pas devenir un dieu tout-puissant. Or, bien sûr, être capable d’être bénéfique à tous s’appuie sur le fait d’avoir franchi les étapes préalables en établissant les fondations dont dépend la bodhichitta, à savoir l’amour et la compassion. Nous prenons la responsabilité d’amener les autres à l’illumination parce que nous souhaitons qu’ils soient libérés de toute souffrance et pleinement comblés de bonheur.
Cette étape de réflexion est en vérité assez longue, et requiert une grande somme de travail. Mais au terme de celle-ci, nous comprenons et savons, de façon précise et avec une pleine certitude, quel est l’état d’esprit que nous essayons de réaliser et de quelle manière y parvenir. Nous sommes également et validement convaincus que nous sommes capables de générer cet état d’esprit, et que le fait de le générer s’avérera extrêmement bénéfique.
Bien que ce processus de réflexion puisse ressembler à de la méditation, ce n’est pas de la méditation selon la définition traditionnelle. Il se peut que les Occidentaux qui n’utilisent pas la terminologie de façon très précise appellent ce processus de réflexion « méditation », mais ce n’est pas correct. Nous devons être clair à propos des différences entre réflexion et méditation.
Ce processus de réflexion est une activité qui en vaut vraiment la peine, et réfléchir aux enseignements est quelque chose que nous pouvons faire n’importe quand. En fait, c’est une chose très utile à faire quand nous sommes engagés des les autres activités de nos vies quotidiennes. Par exemple, quand nous sommes coincés dans les embouteillages, nous pourrions réfléchir à la manière dont tel état d’esprit particulier, l’amour par exemple, s’appliquerait à cette situation. Comment cela serait-il pertinent ? Quels en seraient les bénéfices ? Etc. Tels sont les points auxquels on peut réfléchir pendant notre journée.
La méditation
Nous en venons maintenant à la troisième étape de notre processus en trois parties : la méditation elle-même. La méditation est pareille au fait de digérer la nourriture une fois qu’on l’a mâchée. L’objectif de la méditation est de faire d’un état particulier d’esprit positif une habitude, de devenir vraiment cet état d’esprit après y avoir réfléchi et pensé, et d’être convaincu que nous pouvons le générer.
La méditation est essentiellement un processus double. L’un des étapes est ce que je traduis par « méditation de discernement ». On traduit ordinairement cela par « méditation analytique », mais l’appellation « analytique » tend à la faire se confondre avec la phase de réflexion. Je pense que le mot « discernement » est une traduction plus fidèle et précise du terme. Dans ce contexte, « discerner » veut dire scruter une chose très soigneusement et la comprendre sous un certain angle. L’autre étape de la méditation est la méditation de fixation, grâce à laquelle on se fixe vraiment sur cet état d’esprit et reste focalisé dessus. On peut appeler cette seconde étape la « méditation de stabilisation ».
Comment accomplit-on cette première étape, la méditation de discernement ? Durant le processus de réflexion, nous sommes passés par une ligne de raisonnement où nous avons parcouru les étapes et les degrés pour construire un certain état d’esprit. On a fait cela dans le but d’obtenir une compréhension de l’état mental qu’on souhaite développer et aussi une compréhension de la manière de le développer. Maintenant, avec la méditation de discernement nous parcourons une fois de plus la ligne de raisonnement ou les étapes pour générer un certain état d’esprit. Mais, cette fois-ci, nous passons par ce processus afin de générer vraiment cet état d’esprit dans toute sa fraîcheur à l’intérieur de nous. Par exemple, pour générer de la compassion pour tous, nous suivons la ligne de raisonnement suivante : « Tout le monde a été ma mère, tout le monde a été bon envers moi… », etc., de telle sorte qu’on parvienne vraiment jusqu’à l’état d’esprit recherché et qu’on le ressente véritablement.
Une fois qu’on est parvenu, par ce processus graduel, jusqu’à l’état d’esprit avec lequel on veut se familiariser, on discerne et comprend dès lors activement l’objet de concentration grâce à ce moyen. Si nous méditons sur la compassion, par exemple, on se focalise sur tous les êtres limités et, en particulier, sur le détail qu’on distingue à leur sujet : c’est-à-dire leurs problèmes et leurs souffrances. On discerne qu’ils souffrent et on souhaite qu’ils soient libérés de cette souffrance avec l’intention de les aider à s’en libérer. Nous voyons véritablement les êtres sensibles dans notre esprit, nous les voyons en esprit sous cet angle ; ou bien ce pourrait être dans la vie réelle quand nous voyons les gens pour de vrai. La compassion se focalise sur les autres et leur souffrance, avec le souhait qu’ils en soient délivrés.
Nous demeurons avec ce discernement pendant un moment, dans un processus actif, dynamique. Ensuite, fondamentalement, la méditation consiste à simplement laisser couler en nous ce que nous avons discerné, avec une pleine concentration sur ce sujet ou cet état d’esprit. De toute évidence, quand nous en passons par la phase de méditation de discernement, nous avons également besoin de concentration ; en revanche, dans cette phase de stabilisation nous laissons le sentiment se fondre et couler profondément dans nos cœurs : nous ressentons fortement la compassion.
Nous faisons alterner ces deux phases, le discernement et la stabilisation, passant de l’une à l’autre, et finalement nous sommes en mesure de les faire se combiner. Conjuguer les phases de discernement et de stabilisation de la méditation est très difficile. La discussion sur les stades grâce auxquels nous les combinons est très complexe. Si vous êtes curieux d’en connaître les détails, vous pouvez en lire davantage à ce sujet sur mon site en ligne.
Par ailleurs, quand on est très avancé, on n’a pas besoin de faire ce qu’on appelle la « méditation élaborée ». La méditation élaborée est celle dans laquelle le processus de méditation de discernement implique de procéder par étapes et de construire un état d’esprit. À un stade avancé, on est capable d’effectuer la méditation de discernement de manière non élaborée. On est capable de générer l’état d’esprit désiré instantanément sans avoir à le construire au moyen d’étapes ou d’une ligne de raisonnement. Toutefois, nous continuons toujours d’utiliser cet état d’esprit pour discerner notre objet de concentration comme nous le faisions quand notre méditation de discernement était élaborée.
Types de méditation
On entend souvent parler de deux types de méditation. Pour les désigner, les mots sanskrits sont « shamatha » et « vipashyana », ou, en tibétain, « shiné » et « lhagtong ». En réalité, ces deux termes font référence à deux états d’esprit que nous cherchons à réaliser grâce au processus de méditation. Shamatha est un état d’esprit calme et posé. Il est calme dans le sens où, grâce à lui, on apaise tous les niveaux de torpeur et de distraction de l’esprit ou d’agitation mentale (un esprit qui s’échappe et s’évade vers un autre objet attirant). Shamatha est également posé dans le sens où sa mise au point est établie fermement sur un objet. Dès lors, l’emphase est mise sur la méditation de stabilisation.
Nous pouvons développer cet état d’esprit calme et posé en nous concentrant sur de nombreux objets différents y compris la respiration, un bouddha visualisé, etc. Il existe une longue liste de possibilités.
Même pour la méditation de shamatha, nous devons entendre et recvoir des instructions, et réfléchir ensuite aux étapes de la méditation. Par exemple, si on visualise un bouddha, on écoutera les instructions sur la manière de construire la visualisation, étape par étape. Puis on pensera à ce qu’on doit faire en premier, en second, etc.
« Vipashyana » veut dire un état d’esprit exceptionnellement perspicace, aigu et affiné. C’est un état d’esprit capable de percevoir les choses d’une façon très exceptionnelle. Dès lors, la méditation de vispashyana met l’accent sur la méditation de discernement. Quand on parle de réaliser l’état de vipashyana, il peut être réalisé comme un état d’esprit exceptionnellement aiguisé qui discerne l’impermanence et la vacuité, mais n’est pas exclusivement l’un de ces deux objets. Dans l’anuttarayoga tantra, la plus haute classe de tantra, une méthode pour développer vipashyana, cet état d’esprit exceptionnellement perspicace, consiste à visualiser un point minuscule, ou goutte, à la pointe du nez. Puis, tout en maintenant la visualisation sur ce même point, vous visualisez deux points dans la rangée suivante, puis quatre, puis huit, puis seize, puis trente-deux, etc. Vous devez les gardez tous dans un ordre parfait, puis dissoudre la visualisation par étapes. En faisant ce type de visualisation, on développe un état d’esprit extrêmement aiguisé et exceptionnellement perspicace. Si vous voulez vraiment développer cet état d’esprit jusqu’à un niveau très élevé, il existe d’autres pratiques au cours desquelles vous visualisez, dans chaque goutte, le mandala complet du système de déité que vous pratiquez, avec toutes les divinités et leurs détails. Si vous accomplissez cela, vous possédez vraiment un état d’esprit exceptionnellement affûté et perspicace !
Ces deux types de méditation, shamatha et vipashyana, existent dans toutes les traditions bouddhiques de même que dans de nombreux systèmes indiens non bouddhiques. Dans les traditions bouddhiques Theravada, elles sont connues sous les termes pali de « samatha » et « vipassana ». On les retrouve également dans le Zen. Par exemple, dans le bouddhisme Son, la forme coréenne du Zen, il y a un koan : « Qu’est-ce que c’est ? ». Quand on se concentre sur ce « qu’est-ce que c’est ? », la question n’est pas de savoir s’il y a une réponse comme : « Ceci est une table ; ceci est un verre », etc. Au lieu de cela, on développe dans l’esprit un état de « doute profond » – sans cesse questionnant la réalité du « qu’est-ce que c’est ? » Dès lors, notre état d’esprit devient exceptionnellement aigu et perspicace.
Il y a une anecdote amusante qui montre que la plupart des maîtres tibétains n’ont pas étudié la tradition zen ; elle ne leur est pas familière. Il y a eu une célèbre rencontre entre un maître zen et Kalou Rinpotché. Le maître zen a tenu une orange en l’air et a demandé à Kalou Rinpotché : « Qu’est-ce que c’est ? » Kalou Rinpotché regarda son traducteur avec un air perplexe et demanda : « Que veut-il dire, est-ce qu’ils n’ont pas d’oranges dans leur pays ? »
Nous avons donc shamatha et vipashyana. Shamatha n’est pas juste une concentration parfaite qu’on développe en parcourant neuf étapes et en utilisant différentes sortes d’attention, etc. Mais shamatha possède, en plus d’une parfaite concentration, ce qu’on appelle un « état d’esprit exaltant, euphorique ». « Un sentiment de bonne santé physique » est en réalité le terme technique. En plus de la parfaite concentration, on éprouve une sensation de bien-être accompagné d’un état mental et physique exaltant. Cette « bonne forme physique » est semblable à celle d’un athlète parfaitement entraîné.
Mon maître, Tsenshap Serkong Rinpotché, expliquait que le fait d’avoir l’état d’esprit de shamatha était comme d’avoir un avion à réaction : si vous le laissez au sol il y restera, et si vous l’envoyez dans les airs il s’y rendra. On a le sentiment qu’on peut se concentrer sur n’importe quel objet pour une durée indéterminée. Le corps n’éprouve aucune fatigue ; l’esprit non plus ; on se sent totalement en forme ; et cela est exaltant. Shamatha est un état d’esprit très inspirant, joyeux et exaltant. Mais ce n’est pas être joyeux dans le sens de courir de façon exubérante jusqu’au bout de la rue en chantant et dansant comme dans un film – ce n’est pas ainsi. Avec shamatha l’esprit est totalement agile, comme un athlète extrêmement bien entraîné.
Il est important de clarifier qu’un état mental de vipashyana vient en plus d’un état de shamatha. En plus de la parfaite concentration et de l’état de bien-être physique de shamatha, vipashyana rajoute par dessus un second sentiment de bien-être. C’est le sentiment que l’esprit est apte à comprendre et discerner n’importe quoi.
Il existe également un autre genre de méditation qu’on appelle habituellement « méditation de survol » [ou méditation panoramique]. Quand nous travaillons sur une pratique particulière de méditation, de temps en temps nous avons besoin de passer en revue la voie bouddhique dans son entier. Le but est de se rappeler où se situe et s’insère dans le tableau général notre sujet de méditation particulier, ceci afin de ne pas insister exagérément sur un sujet et d’en sauter ou négliger un autre. La méditation de survol veut donc dire passer en revue le chemin dans son entier ; il s’agit d’une forme de révision.
Il y a de nombreuses années, je suis venu à Moscou avec le docteur Tenzin Choedrak, qui était le médecin personnel de Sa Sainteté le Dalaï-Lama. Nous travaillions sur un projet en vue d’utiliser la médecine tibétaine pour venir en aide aux victimes irradiées de Tchernobyl. Nous demeurions dans de très agréables hôtels et étions escortés par des officiels du ministère de la Santé. On nous conviait souvent aux fameux banquets russes comprenant sept services. En réalité, le docteur Tenzin Choedrak avait passé vingt ans dans un camp de concentration chinois avant de pouvoir quitter le Tibet et être en mesure de se rendre en Inde. On servait donc le premier plat du banquet aux sept services, et malgré tous les avertissements qu’on lui donnait auparavant, il mangeait le plus qu’il pouvait du premier plat. C’était comme si c’était la seule nourriture qu’il recevrait pour la semaine à venir. Il était alors tellement rassasié, qu’il ne pouvait plus rien manger des six plats qui suivaient. Ceci est une analogie de la situation que nous cherchons à éviter en faisant la méditation de survol. Nous cherchons à passer en revue et garder à l’esprit le menu complet des sept services, de telle sorte de ne pas « sur-manger » et de méditer trop sur un sujet. Ce serait comme de se gaver dès le premier plat et de manquer le reste du repas.
Jusqu’à présent, j’ai décrit le type de méditation où l’on construit un certain état d’esprit, mais ce n’est pas le seul type de méditation effectué dans le bouddhisme. Dans certaines pratiques méditatives, je pense à certaines méditations kagyu sur la nature de l’esprit ou à certaines pratiques zen, on a une approche différente. Plutôt que de construire un état d’esprit, on cherche à calmer l’esprit jusqu’à découvrir qu’il existe certaines qualités innées de notre esprit, telles que l’amour ou la clarté, et à y accéder. Mais même quand on fait ce genre de méditation, on doit d’abord entendre et recevoir les instructions puis réfléchir à leur sujet jusqu’à ce qu’on les ait comprises. On doit également savoir sur quoi se fonde l’état d’esprit apaisé, ce qu’on cherche à réaliser, ce qu’on doit faire en premier, en second, etc. La structure dans le type de méditation d’« apaisement » est la même que dans le type de méditation de « construction ».
L’environnement le plus propice à la méditation
Il existe des instructions détaillées sur la manière d’organiser une session de méditation, d’arranger un espace pour méditer, en balayant et nettoyant le sol, ainsi que des instructions sur la manière d’effectuer des prosternations, de faire des offrandes, etc. – lesquelles sont toutes très importantes pour créer un environnement propice à la méditation. Et, bien qu’il soit important d’avoir des circonstances propices et un environnement convenable pour méditer, en particulier un siège adéquat et un environnement calme et propre, il n’est pas nécessaire cependant d’avoir un décor élaboré tout autour de nous. Nous n’avons pas besoin de dépenser beaucoup d’argent afin d’avoir toutes les dorures appropriées, de l’encens, de la musique New Age en fond sonore, toutes ces sortes de choses. Milarépa n’avait certainement pas tout ça et il a plutôt bien réussi dans sa pratique méditative ! Nous essayons de rendre notre espace de méditation le plus agréable possible mais sans exagérer ni faire des choses sophistiquées à l’intention de la galerie.
Par ailleurs, on doit être capable de méditer n’importe où. Si on fait un long voyage en train, on ne se dit pas : « Je ne peux pas méditer dans le train car je n’ai pas mes bols à eau et ne peux pas allumer d’encens, je ne peux pas me prosterner », etc. En vérité, une fois qu’on devient un peu compétent et expérimenté, on peut méditer partout – dans le train, en faisant la queue, n’importe où. Même dans notre vie de tous les jours, entre des sessions de méditation formelle, on peut essayer de se souvenir de traiter les autres avec amour et compassion – n’est-ce pas cela la méditation ?
Rappelez-vous, tout le propos de la méditation est d’intégrer les enseignements, de faire en sorte qu’ils fassent partie de nous afin que nous puissions les appliquer dans la vie de tous les jours. Mais, quand la méditation devient complètement séparée de notre vie quotidienne, alors c’est juste un passe-temps. En particulier quand notre méditation comprend des visualisations tantriques exotiques, cela peut devenir aisément comme un voyage à Disneyland, dans une sorte de pays fantasmatique qui n’a rien à voir avec notre vie de tous les jours. Si nous suivons cette pente, nous devenons mentalement instable et la méditation a très peu d’effet sur notre vie quotidienne. Rappelez-vous, tout l’enjeu de la méditation est de l’appliquer dans la vie.
Et qu’importe où nous nous trouvons, quand nous méditons nous devons d’abord établir la motivation, affirmer celle-ci et avoir l’intention de méditer avec un esprit concentré. Si notre esprit vagabonde, nous le ramenons. Si nous somnolons, nous nous réveillons. Et, à la fin, nous dédions la force positive. Si nous ne dédions pas l’énergie positive que nous avons générée en méditant, alors nos efforts pour méditer ne font qu’améliorer nos situations samsariques. Ce que nous voulons, c’est dédier l’énergie positive à l’illumination, pour le bien de tous.
Méditation individuelle par opposition à méditation de groupe
Certaines personnes méditent individuellement. En fait, le Tibétains méditent individuellement pour la plupart ; ils ne font pas vraiment de méditation de groupe, bien que dans les monastères les moines et les nonnes récitent des prières et des textes rituels tous ensemble, en groupe. Toutefois, en Occident, nous avons développé la coutume de méditer en groupe. Pour la majorité des gens, le plus grand bénéfice de la méditation de groupe est la discipline. Quand on est seul, nous n’avons pas la discipline de simplement nous asseoir et méditer. Nous nous levons bien avant le moment où nous avions l’intention de mettre un terme à notre session, alors que, s’il y a d’autres gens autour de nous, nous faisons preuve de plus de discipline. Nous avons tendance à moins bouger, car nous sommes gênés de le faire devant les autres.
Certains trouvent la méditation de groupe absolument horrible, car ils sont distraits par les autres, en particulier quand quelqu’un tousse ou s’agite, ils trouvent cela terrible pour leur méditation, aussi préfèrent-ils méditer seul, en privé. De manière plus spécifique, si le groupe est en train de réciter quelque chose à haute voix à l’unisson et que certains récitent la chose plus lentement que nous ne le ferions normalement, nous sommes alors incroyablement agacés et en colère. Le contraire vaut également, s’ils vont trop vite nous sommes également en colère.
Nous devons juger par nous-même ce qui est le mieux pour nous – méditation individuelle ou méditation de groupe. J’ai remarqué un détail intéressant, cependant, quand je participais à des méditations en petit groupe, c’est-à-dire avec une ou deux autres personnes. La méditation peut s’avérer très profitable quand on a un lien spécialement étroit et une bonne connexion avec les autres, en sorte qu’on se sent dans une très grande harmonie avec eux. C’est comme si vos énergies se renforçaient l’une l’autre. La situation de méditer en leur compagnie vous donne un surcroît d’énergie et de clarté. En revanche, quand les énergies des individus qui méditent en petit groupe entrent en conflit les unes avec les autres, l’effet est juste opposé : cela apporte une gêne et rend votre esprit plus lourd et terne. Si vous êtes en passe de méditer avec d’autres, vous devez donc vérifier avec qui vous allez méditer.
L’importance de la persévérance
Le dernier conseil est parmi les plus importants : à savoir que la nature du samsara est faite de hauts et de bas. Aussi, tout naturellement, notre méditation en passera par là et connaîtra des hauts et des bas. Ce ne sera jamais un processus linéaire qui ira s’améliorant de jour en jour. Certains jours notre méditation se passera bien, et certains jours elle ne se passera pas bien. Certains jours nous voulons méditer, d’autres fois nous n’en avons aucune envie. Ceci est parfaitement normal et naturel – c’est la nature du samsara. Toute la question est que peu importe ce que vous ressentez, vous devriez juste persévérer et continuer. Si vous pensez : « Je n’ai pas envie de méditer » – et alors ? Méditez malgré tout. Maintenez la continuité ; méditez chaque jour, même si c’est pour deux ou trois minutes. Cette continuité est essentielle pour nous apporter de la stabilité sur le chemin.
Par ailleurs, ne faites pas des sessions de méditation trop longues, en particulier au début. Trois à cinq minutes suffisent. Sinon, vous vous direz : « Je ne peux pas attendre que ce soit fini », et alors vous ne voudrez pas revenir à votre méditation. En revanche si vous terminez votre méditation et aimeriez qu’elle continue encore, alors vous êtes heureux d’y revenir. C’est comme quand on est avec quelqu’un, et qu’on se quitte, alors même qu’on aimerait passer plus de temps avec cette personne, vous serez alors heureux de la revoir assez vite. Mais si elle s’incruste au point de vous fatiguer vraiment et que vous souhaitez qu’elle s’en aille, alors vous n’êtes pas très heureux ni pressé de la revoir.
Enfin, il est important d’allonger progressivement la durée pendant laquelle vous méditez. Soyez souple – il est très important d’être souple. Comme je l’ai dit : ne manquez jamais de méditer même pour un jour. Vous gagnerez en stabilité, en fiabilité et en confiance si vous méditez tous les jours. Mais restez souple : quelquefois vous pouvez faire la méditation complète que vous envisagiez de faire, d’autres fois quand vous manquez de temps, faites une version abrégée. Mais, au moins, faites quelque chose chaque jour. Ne soyez pas fanatique ; ne vous forcez pas trop durement. Mon koan zen préféré est : « La mort peut venir à tout moment. Détendez-vous ! »