Explication des actes d’entraînement issus de la prise de refuge

Il y a diverses sortes d’actions spécifiques quant à la manière de s’entraîner afin de donner véritablement à nos vies la direction sûre du Bouddha, du Dharma et du Sangha. Elles montrent clairement l’application pratique du refuge dans notre vie de tous les jours et ce que nous devons vraiment faire afin de maintenir cette direction.

À cet effet, il existe deux listes d’actions concernant l’entraînement. L’une vient d’un texte écrit par l’ancien maître bouddhiste indien Asanga, intitulé Le Compendium des faits vérifiés (gTan-la dbab-pa bsdu-pa, Skt. Vinishcayasamgraha). L’autre découle de ce qu’on appelle la « Quintessence des enseignements ». La Quintessence des enseignements ne provient pas d’un texte classique particulier et peut être soit écrite, soit orale. Chacune de ces deux listes comporte deux divisions : les instructions en rapport avec chacun des Trois Joyaux individuellement, et les instructions en rapport avec les Trois pris tous ensemble.

La liste d’Asanga

Tout d’abord, passons en revue la liste des instructions issues du texte d’Asanga. Chacune de ses deux divisions comporte quatre actions destinées à l’entraînement.

S’engager auprès d’un maître spirituel

Parallèlement au fait de prendre une direction sûre en s’inspirant des bouddhas, on s’engage de tout notre cœur auprès d’un maître spirituel. La raison principale est que nous avons besoin de la source d’inspiration d’une figure qui serve de modèle. Pour cela, nous avons besoin d’un maître spirituel. Un maître spirituel n’est pas seulement quelqu’un qui nous donne des informations. Nous pouvons avoir des informations dans les livres ou sur Internet. Un maître spirituel est quelqu’un qui peut véritablement nous inspirer par son exemple vivant, et, bien sûr, répondre à nos questions et nous corriger quand nous commettons des erreurs.

Si nous n’avons pas encore trouvé de maître spirituel, nous devons faire des efforts pour en trouver un. Cela peut s’avérer très difficile, en particulier quand notre choix est limité. Il se peut qu’un nombre restreint de maîtres se rendent là où nous vivons et, même s’ils le font, qu’ils restent seulement quelques jours puis partent pour la destination suivante au cours de leur tournée d’enseignement. Il se peut qu’il y ait tellement d’autres étudiants que ces maîtres n’ont pas le temps de s’occuper de nous individuellement. Mais il existe de nombreux niveaux différents de maître spirituel. Il peut y avoir des maîtres qui nous donnent juste des informations et nous montrent comment nous asseoir correctement, etc. Il peut y avoir des maîtres qui nous aident seulement dans les débats, et des maîtres qui sont de réels guides spirituels en nous conférant des vœux et en nous conseillant dans notre itinéraire spirituel. Nous pouvons apprendre d’eux tous.

Mais ce dont nous parlons ici, c’est du maître qui nous inspire personnellement. Nous nous engageons de tout notre cœur auprès d’un tel maître. Cette personne peut très bien ne pas inspirer quelqu’un d’autre. Le simple fait que d’autres gens trouvent un maître tellement remarquable ne veut pas dire que nous allons partager cette impression. Pour se servir ici du jargon occidental, il doit y avoir une sorte de chimie personnelle à l’œuvre. Pour utiliser le jargon bouddhique, il doit y avoir une forme de lien karmique. Ce maître que nous trouvons tellement inspirant nous donne l’énergie de continuer tout au long du chemin.

Dès lors, notre figure-modèle n’a pas besoin d’être le maître de qui nous recevons beaucoup d’enseignements ou directives personnelles. Cela pourrait être quelqu’un comme Sa Sainteté le Dalaï-Lama, que nous pourrions très bien ne jamais rencontrer individuellement, seul à seul. De toute évidence, si nous assistons à des enseignements donnés par Sa Sainteté, ou écoutons ses enregistrements ou lisons ses livres, c’est beaucoup mieux.

En matière de prise de refuge, on peut procéder à une cérémonie officielle. Pour faire de notre prise de refuge un événement, nous prenons l’engagement formel qu’à partir de maintenant nous allons réellement donner cette direction sûre à notre vie. On fait cela en présence d’un maître, mais cela ne veut pas nécessairement dire que cette personne doit vraiment devenir notre maître spirituel. Nous lui témoignons du respect car, en un sens, il nous a ouvert la porte, mais il se peut que nous ne le trouvions pas particulièrement inspirant. Cela ne veut pas dire non plus que nous ayons rallié la tradition du bouddhisme que ce maître enseigne. Nous n’avons pas rejoint le club de cette personne et ne sommes pas devenus exclusivement membre de son « équipe de football » du Dharma. Nous prenons refuge en le Bouddha, le Dharma, le Sangha. Nous ne prenons pas refuge en la personne qui conduit la cérémonie.

Pour se répéter, quand on s’engage dans cette direction sûre, il est important d’avoir une figure-modèle, quelqu’un qui nous inspire, un maître spirituel. La fonction principale du maître spirituel, selon les textes traditionnels, est de fournir de l’inspiration et de l’énergie pour démarrer sur le chemin, pour nous maintenir sur le chemin, et pour nous donner l’énergie de le parcourir dans son entier. Bien qu’en théorie nous puissions tirer cette inspiration des exemples du Bouddha Shakyamouni et des aryas hautement réalisés, pour la plupart d’entre nous il est assez difficile de nous y relier, et nous ne rencontrons certainement aucun d’entre eux dans notre vie de tous les jours !

Étudier les enseignements du Bouddha

Pour garder la direction du Dharma dans nos vies, tout d’abord, nous devons nous entraîner et étudier les enseignements du Bouddha. C’est très important. Sa Sainteté le Dalaï-Lama ne cesse d’insister, encore et encore, sur le fait que sans étudier vraiment et apprendre les enseignements, nous ne comprendrons rien. Il se peut que nous accomplissions des rituels, ce genre de choses, mais nous les ferons sans réelle compréhension. Malheureusement, cela ne donnera pas de grand résultat.

Pour aller dans une direction sûre, nous devons savoir quelle est cette direction. Nous devons apprendre quelles sont les méthodes. Sans cette connaissance, comment pouvons-nous possiblement aller dans cette direction ? Par exemple, si nous voulons lire, nous devons apprendre à lire. Il n’existe pas d’autres moyens.

Se concentrer plus précisément sur les enseignements permettant de surmonter nos émotions perturbatrices

Le deuxième entraînement en connexion avec le Dharma, c’est de focaliser notre attention sur ces aspects spécifiques des enseignements qui permettent de surmonter nos émotions perturbatrices. Il y a des enseignements sur toutes sortes de sujets. Apprendre juste à connaître la durée de vie dans chacun des différents royaumes peut être une bonne chose, mais cela ne va pas directement nous aider à surmonter notre colère, par exemple, ou notre avidité, ou notre égoïsme. Pour aller dans le sens du Joyau du Dharma le plus profond – les véritables cessations et les vrais chemins – dès lors, parmi les enseignements, nous devons mettre l’accent sur ces aspects qui vont nous aider à surmonter nos émotions et attitudes perturbatrices.

Suivre l’exemple de l’Arya Sangha hautement réalisé

Ensuite, pour maintenir la direction sûre du Sangha – en prenant comme référence l’Arya Sangha, les pratiquants hautement réalisés – l’entraînement consiste à suivre leurs exemples. Nous ne parlons pas de l’exemple des religieux. Nous n’avons pas à devenir moines ou nonnes. Après tout, un être hautement réalisé peut être un religieux mais pas forcément. Ce à quoi cela fait référence, c’est que nous devons suivre leurs exemples quant à l’étude, la pratique, apprenant et travaillant vraiment très, très dur. C’est ainsi qu’ils ont obtenu leurs hauts niveaux de réalisation – leur cognition non conceptuelle du vide et des Quatre Nobles Vérités, etc. – et la manière dont ils ont travaillé plus avant vers la libération et l’illumination. Tel est l’exemple que nous devons suivre.

La pertinence de ces quatre entraînements dans la vie quotidienne

En quoi sont-ils pertinents dans la vie quotidienne ? Examinons comment ils s’appliquent. Nous avons une sorte de modèle, un maître spirituel, et cette personne nous inspire quand les choses vont tant bien que mal. Nous apprenons les méthodes du Dharma et nous nous concentrons sur les méthodes qui peuvent nous aider à surmonter la colère, l’avidité, et l’égoïsme, etc. Nous suivons l’exemple de l’Arya Sangha en essayant de mettre les enseignements en pratique tout le temps, chaque fois que les difficultés se présentent. Même quand elles ne se présentent pas, nous continuons à les appliquer en tant que mesures préventives pour éviter que les difficultés ne se manifestent. Nous nous contentons de faire cela, de façon non dualiste.

Sous-jacente à notre pratique de donner une direction sûre à nos vies se tient la motivation comme quoi nous ne voulons pas que les choses empirent. Nous comprenons que si nous prenons cette orientation sûre, cela nous aidera à être une personne plus heureuse et à éviter les problèmes. En outre, le fait de se comporter ainsi paraît juste. On se sent plus heureux, l’esprit plus apaisé. Nous ne sommes pas simplement les victimes des difficultés qui surgissent dans nos vies. Nous travaillons à dépasser ces difficultés, et notre refuge dans le Bouddha, le Dharma et le Sangha nous donne la force et les méthodes pour ce faire.

Se soustraire à la poursuite des plaisirs sensuels

En relation avec la prise d’une direction sûre dans les Trois Joyaux dans leur ensemble, tout d’abord, nous faisons en sorte que notre esprit s’empêche de voler à la poursuite des plaisirs sensuels et, au lieu de cela, en tant que tâche première dans nos vies, nous travaillons sur nous-mêmes. Comme avait coutume de le dire un de mes maîtres, Guéshé Ngawang Dhargyey : « Nous devrions cesser d’être un touriste du samsara. » Il n’est pas essentiel de faire l’expérience de toutes les différentes possibilités que peut offrir la vie samsarique. La poursuite des plaisirs sensuels apporte seulement ce qu’on appelle « la souffrance du changement ». Ceci est dû au fait que, quand on procède à l’investigation de ces plaisirs, jamais ils ne durent et ne nous satisfont. Nous en voulons toujours plus, et si nous en avons trop d’un coup, cela nous rend malade. Par exemple, si manger notre plat préféré apportait le véritable bonheur, plus nous en mangerions à la fois, et plus nous serions heureux. Mais de toute évidence, il y a là une limite.

Par contre, quand du travail sur nous-mêmes nous faisons notre poursuite première et que nous tentons de surmonter ce qui nous fait perdre notre paix intérieure, alors, de toute évidence, comme résultat, nous jouissons d’une plus grande paix de l’esprit. Et, en effet, nous serons plus heureux et d’une manière beaucoup plus stable. Cela risque de ne pas être aussi spectaculaire qu’une rencontre sexuelle, mais le bonheur qu’on tire d’avoir un esprit apaisé est beaucoup plus stable et sûr.

Cela ne veut pas dire que nous devions complètement laisser de côté tout divertissement, toute bonne nourriture et expérience sexuelle. Nous ne devons pas distribuer tout notre argent, et le reste à l’avenant. Ce que cela signifie, c’est que nous devons replacer ces plaisirs sensuels dans une certaine perspective. Parfois nous avons besoin de nous détendre afin d’être capable de travailler plus efficacement. Mais nous prenons cette détente presque comme une sorte de médecine. Par exemple, une des prières de dédicace de nos repas est : « Je prends cette nourriture non par avidité, non par désir, mais comme une médecine pour être en mesure d’avoir plus de force pour continuer à travailler à aider les autres. »

Si nous considérons le fait de nous détendre, d’aller au cinéma peut-être, peu importe, comme une sorte de médecine pour régénérer notre énergie, alors c’est bien. De ce point de vue, notre poursuite de pareilles récréations restera dans le cadre de certaines limites et sera expérimentée avec modération, et nous n’exagérerons pas démesurément le plaisir que nous pourrions en tirer.

Il y a une plaisanterie qui dit que quiconque à la fin de sa vie a accumulé le plus de jouets, le plus de biens matériels, est gagnant. Cela ne se passe pas comme ça. Ce n’est pas comme si tout l’enjeu de la vie soit d’accumuler le plus possible de gadgets et d’appareils électroniques, ou d’avoir vu plus de films que quiconque, ou que notre compte en banque soit plus garni que celui de quelqu’un d’autre, ou que nous ayons mangé plus de cuisine exotique que n’importe qui. Ce n’est pas là le but de la vie, n’est-ce pas ? Aucune de ces choses ne nous procurera de satisfaction durable, quelle qu’elle soit, en particulier si nous raisonnons en termes de vies futures.

Clairement, quand notre objectif premier n’est pas centré sur le divertissement, cela donne une tonalité à notre vie de tous les jours. Notre vie quotidienne ne consiste pas seulement à écouter toujours plus de musique, ou quelque chose de cet ordre. Il y a des gens « accro » au fait d’écouter de la musique ; qu’ils soient en train de travailler, de faire les cent pas, de se promener, ils sont constamment en train d’écouter leurs iPods, jour et nuit. Une fois qu’on a donné la direction sûre du refuge à nos vies, se distraire avec de la musique sans arrêt n’est certainement pas un moyen pour aller dans cette direction. Pour aller dans cette direction sûre, la priorité dans nos vies doit être de travailler à surmonter nos attachements, notre avidité, notre égoïsme, etc. Mais souvenez-vous, cela ne veut pas dire de poursuivre cet objectif de manière fanatique, perfectionniste. Nous pouvons toujours nous amuser et avoir du bon temps.

C’est un concept très intéressant. Qu’est-ce que l’amusement ? Laissez-moi raconter une de mes histoires favorites. Une fois, quand j’étais en Hollande avec mon maître, le précédent Serkong Rinpotché, nous demeurions chez une famille aisée. Ils avaient un grand bateau, qu’ils tenaient à l’ancre dans un très petit lac. Un jour, ils nous emmenèrent faire un tour sur leur yacht. Nous étions amarrés dans ce petit lac avec beaucoup d’autres yachts, et tous ensemble, en file indienne, très lentement, nous avons fait le tour du lac, comme si nous étions sur une sorte de manège pour enfant dans un parc de loisir. Rinpotché s’est tourné vers moi et a dit en tibétain : « Est-ce cela qu’il considère comme un amusement ? » De nouveau, qu’est-ce que l’amusement ?

Shantideva dit que si notre pratique du Dharma est un amusement pour nous, alors nous ne serons pas heureux à moins d’accomplir notre travail du Dharma. Cela comporte d’aider les autres, de travailler sur nous-mêmes, etc. C’est ce en quoi consiste la persévérance. C’est de prendre plaisir à ce que nous faisons. Si nous pouvons prendre plaisir à notre travail, alors nous continuerons de le faire.

En vérité, il y a une très grande joie à s’améliorer soi-même, à se débarrasser ou à atténuer diverses émotions perturbantes, divers conflits intérieurs, etc. C’est un dur travail, mais très gratifiant à mesure que nous obtenons de plus en plus de résultats. Bien entendu, ces résultats connaîtront de hauts et des bas. Ce n’est pas un processus linéaire. Malgré tout, quand nous voyons que nous faisons quelques progrès, c’est fantastique. Nous nous disons : « Je fais vraiment quelque chose. »

Une analogie utile serait celle de quelqu’un s’exerçant à un sport. C’est vraiment un dur travail de nager tout le temps ou de courir tout le temps. Mais, quand nous sommes capables, grâce à l’entraînement, de courir ou de nager de plus en plus vite, et que notre endurance s’améliore, nous nous sentons vraiment bien, n’est-ce pas ? En dépit des difficultés, nous y prenons plaisir. C’est la même chose avec notre pratique du Dharma. Nous nous exerçons sans relâche or voilà que, par exemple, nous sommes capables de dîner en famille avec tous les parents que nous trouvons vraiment agaçants et de ne pas nous emporter. Nous avons été capables de faire preuve de patience, et ça a été. Nous sommes allés jusqu’au bout du repas et cela s’est parfaitement passé. En fait, nous y avons même pris du plaisir, malgré notre mère ou notre père nous disant : « Pourquoi n’es-tu pas encore marié ? », ou « Pourquoi n’as-tu pas d’enfant ? », ou « Pourquoi ne gagnes-tu pas plus d’argent ? », ou « Pourquoi ne m’appelles-tu pas plus souvent ? » Nous avons été capables de garder notre calme intérieur, de le gérer, et cela a fait que nous nous sommes sentis vraiment bien.

En résumé, cette instruction implique qu’on fasse que notre esprit se soustraie à la poursuite des plaisirs sensuels, et toute la question est que la pratique du Dharma devient de plus en plus plaisante.

Adopter les normes éthiques du Bouddha

L’instruction suivante tirée de la liste d’Asanga sur les entraînements en rapport avec les Trois Précieux Joyaux pris tous ensemble est d’adopter les normes éthiques que le Bouddha a établies. C’est un point très important. Aller dans cette direction sûre veut dire que nous devons éviter les comportements destructeurs et, au lieu de cela, agir de façon constructive. Agir ainsi, c’est suivre les principes éthiques bouddhiques fondamentaux. Si nous devions agir de manière destructrice, en s’appuyant sur nos émotions perturbatrices, cela ne ferait que produire plus de malheur, en particulier pour nous et vraisemblablement pour les autres. En revanche, quand nous agissons de manière constructive, cela apporte plus de bonheur.

L’éthique bouddhique ne repose pas sur l’obéissance. Ce n’est pas du tout le principe de cette éthique. Dans d’autres systèmes, il y a des lois édictées par quelque autorité divine ou par la législation, et être une personne au comportement éthique signifie être docile et obéir aux lois. Le bouddhisme ne raisonne pas comme ça. Plutôt, toute la question de l’éthique bouddhique est d’apprendre à faire la distinction pour nous-mêmes entre ce qui est utile et ce qui est nuisible. C’est important. Cela concerne entièrement ce qui est utile et ce qui est nuisible, non ce qui est bien ou mal, ou ce qui est légal et illégal. En s’appuyant sur cette distinction entre ce qui est utile et nuisible, connue comme la « conscience discriminante », nous décidons de nous réfréner de ce qui pourrait être dommageable.

Ce qui est nuisible, c’est ce qui serait autodestructeur et qui nous ferait aller dans une plus mauvaise direction, comme de devenir de plus en plus dépendants d’habitudes destructrices. Une orientation destructrice du point de vue de la santé inclurait de fumer, par exemple, mais il y a également des comportements destructeurs, des émotions et des attitudes destructrices d’un point de vue social. Dit simplement, une direction sûre est ce qui serait utile pour s’améliorer et améliorer nos capacités à aider les autres.

Être compatissant

L’entraînement suivant consiste à essayer d’être le plus compréhensif et compatissant possible envers les autres. Je ne pense pas que cela nécessite terriblement plus d’explications. Même si nous travaillons seulement à notre propre libération personnelle, il nous faut très certainement être bons envers les autres et les aider.

Faire des offrandes spéciales les jours saints du calendrier bouddhique

Le dernier entraînement consiste à faire des offrandes spéciales de fruits, de fleurs, etc., certains jours spéciaux du calendrier bouddhique, comme l’anniversaire de l’illumination du Bouddha. C’est un point intéressant, en vérité, car on pourrait avoir l’attitude de se dire qu’on n’a pas besoin de célébrer des jours saints particuliers. Quel est l’enjeu de tout cela ? Il se peut, par exemple, qu’on soit choqué par la marchandisation croissante de Noël à l’Ouest et qu’on se dise : « Pourquoi ai-je besoin de ça ? Est-ce juste une version bouddhique de la coutume de dresser un arbre de Noël et, au lieu de mettre des lumières sur un sapin, de mettre des bougies dans des petits bols sur un autel ? »

Je pense que toute la question ici est simplement de faire montre de respect pour le Bouddha, les maîtres, etc. Faire des offrandes est un gage et un signe de respect, nous n’avons pas besoin d’en faire toute une affaire, ni d’attendre certains jours saints du calendrier bouddhique pour témoigner ce respect. C’est une chose que nous pouvons faire tous les jours. Nous ne devrions pas en faire un rite comme d’aller à l’église le dimanche et le reste de la semaine faire tout ce que nous voulons. Observer un jour saint religieux nous donne le sentiment de faire partie d’une communauté plus large ; de même, cela remplit une fonction sociale de soutien.

Quand on considère ces entraînements, on y trouve certaines choses qui n’ont pas l’air exclusivement bouddhiques. Être compatissant et bienveillant envers les autres, suivre des principes éthiques, etc. – ce sont là des choses assez universelles, n’est-ce pas ?

Mais, si on passe en revue les points spécifiquement bouddhiques présentés un peu plus haut dans cette liste, tout d’abord, nous considérons les exemples des grands maîtres bouddhistes comme nos modèles. Ensuite, nous étudions les enseignements, en particulier les enseignements visant à atténuer nos émotions perturbatrices et nous suivons les exemples des grands êtres hautement réalisés. Bien sûr, cela réclame vraiment un dur travail de notre part. Dans ce contexte, nous pouvons ajouter le fait d’avoir une conduite éthique, d’être bon et compréhensif, en ne nous abandonnant pas lourdement aux désirs sensuels mais en restant concentrés et fermes quant à nos priorités et en faisant montre de respect pour la tradition.

La liste issue de la Quintessence des enseignements

À ce stade, nous avons présenté les enseignements pour chacun des Joyaux séparément et pour les Trois en général à partir du texte d’Asanga. Similairement, dans la Quintessence des enseignements, les instructions servant de directives préconisent des entraînements pour chacun des Joyaux en particulier de même que pour les Trois Joyaux pris ensemble. Du point de vue des Joyaux pris individuellement, il y a une action à éviter et une à adopter en relation avec chacun des Trois. En premier, voyons les actions à éviter.

En relation avec les bouddhas, éviter de prendre une direction ultime ailleurs

Quand on prend une direction sûre dans les bouddhas et qu’on donne cette direction à nos vies, ce qu’on doit éviter c’est de prendre notre direction principale ailleurs. C’est une chose intéressante à observer chez nous. Quand on se sent vraiment mal, d’une humeur exécrable et que les choses ne vont pas bien au sens conventionnel, vers quoi nous tournons-nous pour trouver refuge et réconfort ? Est-ce le chocolat, par exemple ? Quand on se sent vraiment mal, on court se gaver d’une grande tablette de chocolat, et d’une certaine façon on éprouve un peu de plaisir, dès alors les choses semblent ne plus aller aussi mal. Quand les choses ne sont pas brillantes, devons-nous parler à un ami ? Est-ce qu’on a recours au sexe ? Vers quoi nous tournons-nous ? Sommes-nous comme un chien qui a besoin d’être flatté sur la tête, et alors nous remuerons la queue ?

L’instruction quintessentielle ici, c’est qu’il est juste de manger un morceau de chocolat si on se sent un peu déprimé ou triste, mais ce n'est pas la source ultime de la direction dans nos vies. Clairement, ce n’est pas le chocolat. Or, qu’en est-il d’appliquer les méthodes du Dharma pour faire face à la situation difficile ?

Je trouve un peu bizarre que des gens supposés être fortement impliqués dans le Dharma, y compris certains enseignants occidentaux du Dharma, quand ils ont des difficultés dans leur mariage ou dans d’autres domaines, se tournent vers la psychothérapie plutôt que d’essayer d’appliquer les méthodes du Dharma. Je trouve toujours cela un peu étrange car, si on prend sincèrement le Dharma comme notre direction dans la vie, cela suppose alors que nous sommes convaincus que le Dharma offre une solution à n’importe quel problème que nous pourrions avoir. Bien évidemment cela ne veut pas dire que si nous avons un cancer, nous allons juste méditer et que le Dharma guérira notre cancer. C’est tout simplement idiot. Ce n’est pas cela que ça veut dire. Nous allons consulter un médecin. Mais la pratique du Dharma peut nous aider à surmonter toute dépression due au fait d’avoir un cancer.

Si nous éprouvons le besoin d’aller voir un thérapeute afin d’être en mesure de discuter de nos problèmes ou pour avoir un autre point de vue, c’est bien. Mais cela ne serait qu’un supplément, un extra, par rapport au fait d’essayer vraiment d’appliquer les méthodes du Dharma. Le principal refuge, la direction principale et les pratiques que nous cultivons pour nous aider à surmonter nos défauts, ce sont les méthodes du Dharma. Peut-être avons-nous besoin de directives supplémentaires dans la façon de les mettre en œuvre, mais nous sommes confiants dans le fait que le Bouddha a compris comment se débarrasser de tous les problèmes.

Concernant cette question de ne pas prendre notre direction primordiale et ultime ailleurs que dans le Bouddha, le Dharma et le Sangha, les instructions disent de ne pas prendre notre refuge ultime dans les dieux mondains. Dans une perspective bouddhique, les dieux des autres religions sont des dieux mondains. De toute évidence, les diverses autres religions ne considéreraient pas cela comme vrai.

Un jour, en Italie, on interrogea Serkong Rinpotché sur ce point. Une personne a demandé, dans l’éventualité où elle deviendrait bouddhiste, si elle pourrait toujours aller à l’église. Rinpotché a répondu : « Est-ce que les enseignements chrétiens sur l’amour sont contradictoires avec les enseignements bouddhiques sur l’amour. » Non, bien évidemment. Il n’y a aucun problème si nous voulons aller à l’église. Le point crucial, c’est quelle direction ultime allons-nous donner à nos vies ? Nous devons prendre une sorte de décision. Cela ne veut pas dire que nous devions nous couper de tout le reste, mais d’être clair sur la direction que nous prenons. Il y a des choses positives que nous pouvons apprendre d’autres traditions, et c’est bien ainsi. Cela ne pose pas de problème.

Mais, quand on parle de pratiques et de méthodes, on ne devrait pas tout mélanger et en faire une sorte de ragoût. On ne va pas dans une église pour faire des prosternations, par exemple, ou, pendant certains rituels, on ne reste pas assis en récitant secrètement « Om mani padme hum ». Aller à l’église et faire nos pratiques bouddhiques doivent se faire séparément et respectueusement dans leur contexte et leur lieu propre.

Plus spécifiquement, ce à quoi cette instruction fait référence dans la sphère bouddhique est de ne pas prendre refuge dans les protecteurs et les esprits mondains. Ils ne sont pas fiables. Ils nous laisseront tomber. Nous ne voulons pas tomber dans l’adoration de fantômes et d’esprits. Sans doute est-ce plus pertinent pour un public tibétain ou indien, mais il y a des Occidentaux qui sont fascinés par ces esprits et protecteurs divers, et ils s’adonnent aux pratiques qui leur sont associées.

Ce mot de « protecteur » sonne comme s’ils allaient nous protéger. Bien sûr, dans certaines traditions du bouddhisme tibétain, il est dit que certains protecteurs sont des émanations de bouddhas. Ici, nous devons faire attention. Débattre du niveau où se trouve chaque protecteur peut conduire à édifier un système pareil à une taxonomie biologique avec différentes classes d’esprits et différentes classes de protecteurs. Tout cela tourne un peu à la leçon de biologie.

Nous devons reconnaître quelle est la principale chose à faire afin d’obtenir une protection contre la souffrance. La première chose à faire est de s’appuyer sur notre karma. Autrement dit, avec l’inspiration et l’exemple du Bouddha, du Dharma, et du Sangha pour nous guider, tout ce que nous faisons et la manière dont nous agissons affectera et déterminera ce dont nous ferons l’expérience dans le futur. Les protecteurs peuvent aider à susciter certaines circonstances ou conditions qui nous permettront de brûler certains potentiels négatifs en en faisant l’expérience dès maintenant sous une forme atténuée. De la sorte, nos potentiels positifs peuvent mûrir plus vite. Il s’agit du même processus quand on fait des rituels pour les bouddhas de la médecine. Ils peuvent fournir les circonstances et les conditions pour faire mûrir les potentiels positifs afin de surmonter une maladie, dans le cas où nous avons accumulé ces potentiels. La question c’est que, sans potentiels positifs issus de notre comportement antérieur, peu importe combien nous nous appuyons sur un protecteur ou un bouddha de la médecine. Nous n’aurons tout simplement pas le support pour faire l’expérience d’une situation plus heureuse.

C’est pourquoi il est très important pour notre pratique bouddhique de ne pas devenir l’adorateur d’un protecteur, voire même du Bouddha. Tout ce qui nous arrive dépend de ce que nous faisons. Cela dépend de notre manière d’agir, de communiquer et de penser. De nouveau, nous avons des modèles, nous avons des enseignements, et nous savons l’objectif que nous pouvons atteindre. Mais nous devons le faire vraiment ; nous devons aller dans cette direction. Pour se répéter brièvement, nous devons être sans équivoque au sujet de notre direction ultime et, bien que nous puissions nous tourner temporairement vers d’autres choses pour en recevoir un peu d’aide, nous devons garder bien clair notre sentier principal.

En relation avec le Dharma, éviter de faire du mal

En rapport avec le fait d’avoir la direction sûre du Dharma, ce que nous devons éviter, c’est de faire du mal ou de causer du tort aux humains, aux animaux et à tous les êtres. De toute évidence nous essayons d’aider les autres, de ne pas les blesser, mais cela peut s’avérer assez difficile. Par exemple, il se peut que nous disions quelque chose à quelqu’un avec la meilleure des intentions, sans rien de méchant ou d’irrespectueux, et cependant, pour une raison ou une autre, cette personne s’est sentie gravement offensée par ce que nous avons dit, l’a mal compris, en a été bouleversée, et s’est mise en colère. Quand on marche sur le sol, inévitablement nous allons marcher sur quelque chose. Le but c’est d’essayer de minimiser le mal que nous infligeons aux autres, et certainement de ne pas en avoir l’intention. Mais à cause de l’équipement limité des corps ordinaires que nous possédons tous, inévitablement nous allons causer du tort aux autres êtres, même par inadvertance. À nouveau, nous essayons de minimiser cela le plus possible.  

En relation avec le Sangha, éviter d’avoir des liens étroits avec des gens négatifs

Concernant la prise de direction sûre dans le Sangha, ce que nous cherchons à éviter, c’est d’entretenir des liens étroits avec des gens négatifs. On touche ici à un point très délicat. Quand nous ne sommes pas fermement ancrés dans notre chemin spirituel, les gens que nous fréquentons peuvent très facilement nous influencer dans un sens ou dans un autre. Ici, nous voulons éviter la compagnie de gens qui s’engagent toujours dans des activités négatives et destructrices. De telles personnes peuvent être, par exemple, un gang de rue impliqué dans des délits mineurs ou un groupe d’amis qui prennent sans arrêt des drogues ou bien sont toujours ivres.

À ce stade de notre développement, il est très difficile de ne pas être influencé par les gens que nous fréquentons. Nous voulons être accepté et ne voulons pas offenser nos amis. En conséquence, il se peut que nous buvions, prenions des drogues, traînions à la ronde, rayions des voitures, ou taguions des graffiti sur les bâtiments. Après un certain temps, nous-mêmes devenons dépendants de ces activités.

Cela ne signifie pas que nous devons dire à nos amis qu’ils sont des gens horribles. La question est de ne pas passer trop de temps avec de telles personnes quand ils risquent d’avoir une influence négative sur nous. Somme toute, si nous sommes faibles, mieux vaut les éviter. Par exemple si nous essayons de surmonter le fait d’être alcoolique, nous devons vraiment arrêter de passer du temps avec nos amis alcooliques. Nous rejoignons un autre groupe, les Alcooliques Anonymes, dès lors nous sommes avec d’autres personnes qui, comme nous, travaillent à surmonter leur addiction. Nous recevons du soutien de leur part et de leur bon exemple. C’est un peu comme cela.

La manière dont tous ces points s’interconnectent les uns aux autres est remarquable. Nous pouvons commencer par examiner ce qui est le plus important dans nos vies. Est-ce que la chose la plus importante dans la vie est d’être accepté et aimé par un groupe d’amis qui ont des habitudes négatives ? Est-ce la chose la plus importante dans notre vie ? Est-ce que cela apportera un bonheur durable ? Ou bien est-ce plus important et sensé de travailler à surmonter nos défauts et devenir ainsi mieux à même d’aider les autres ?

Cela ne veut pas dire que nous cessons de nous préoccuper ou d’aimer ceux avec qui nous devons garder nos distances. Bien sûr, nous souhaitons qu’ils soient heureux ; mais là aussi, nous devons faire attention. D’une part, nous ne voulons pas être influencés par eux et simplement tomber dans des schémas négatifs. Mais, d’autre part, nous ne voulons pas non plus tomber dans l’extrême de penser de façon arrogante que nous sommes bouddhistes et bien meilleurs qu’eux. Ce n’est pas non plus également comme si en fin de compte nous allions sauver ces pauvres créatures de leurs vies de péché. C’est évidemment une terrible attitude à avoir.

Les gens finissent par se séparer. C’est une chose naturelle qui arrive dans la vie. Sans donner à quiconque le sentiment que nous le désapprouvons, ou que personne n’est bon, la question c’est que quand on risque d’être fortement influencé dans le sens négatif par certaines personnes, mieux vaut les éviter. Cela ne veut pas dire que nous devions alors aller vivre dans une « très sainte » communauté bouddhiste, ou s’habiller en blanc et être vegan. Ce n’est pas ça que ça veut dire. Mais nous devons veiller à savoir à quelle genre d’influences nous sommes sujets. Essayons le plus possible d’éviter les influences préjudiciables. Cette influence néfaste ne vient pas nécessairement des gens. Elle peut venir de la télévision, de la pornographie sur Internet, ou de films et de jeux vidéos violents. Toutes ces choses peuvent nous influencer négativement en augmentant notre désir ou notre agressivité.

Trois actions respectueuses à adopter

La Quintessence des enseignements concernant la direction sûre inclut trois actions à adopter en signe de respect. Du point de vue des bouddhas, nous montrons du respect aux statues, aux peintures et autres représentations artistiques de bouddhas. Du point de vue du Dharma, nous montrons du respect pour tous les livres, en particulier les livres du Dharma. Par ailleurs, du point de vue du Sangha, nous montrons du respect aux personnes ayant pris des vœux monastiques bouddhiques, et même simplement pour les habits monastiques.

En signe de respect, nous voulons éviter de faire montre d’irrespect. À ce propos, nous ne suspendons pas une peinture d’un bouddha dans la salle de bain. Nous ne nous asseyons sur nos livres du Dharma ni ne nous en servons pour caler le pied d’une table afin qu’elle ne soit pas bancale. Quand il y a des moines et des nonnes bouddhistes dans notre centre du Dharma, nous ne les traitons pas comme des domestiques destinés à nous procurer toutes les commodités, car les grands pratiquants c’est nous. Ils ne sont pas là juste pour nous faire du thé, collecter de l’argent à la porte d’entrée et tout nettoyer ensuite. Malheureusement, c’est ce qui se passe dans de nombreux centres du Dharma. Les personnes ordonnées sont celles qui sont le plus intéressées à recevoir des enseignements, et malgré cela elles sont celles qui ne sont pas toujours en mesure d’assister à ces événements car elles doivent servir d’administrateurs et d’organisateurs. Ce n’est pas du tout convenable.

Pour clarifier, ce n’est pas comme si nous adorions les statues, ou les livres, ou les moines et les nonnes, ou leurs robes. Le point central tout entier, c’est de leur montrer du respect parce qu’ils représentent le Bouddha, le Dharma et le Sangha.

Intégrer ces enseignements dans la vie

Une fois encore, pour passer en revue ce que nous venons juste d’évoquer, nous voulons donner cette direction sûre à nos vies. Pour accomplir ce but, que faisons-nous exactement ?

  • Nous annulons notre première direction dans la vie, quand elle vient d’autres choses.
  • Nous ne causons pas de mal aux autres.
  • Nous évitons l’influence négative d’autres gens.
  • Nous sommes respectueux des symboles de la direction dans laquelle nous allons.

Cela fait sens et c’est quelque chose que nous pouvons incorporer dans notre vie de tous les jours. Cela revêt une pertinence dans notre vie, n’est-ce pas ? Nous sommes respectueux de certaines choses et nous demeurons inébranlables par rapport à la chose la plus importante de notre vie. Nous prenons garde aux influences négatives qui pourraient nous détourner et nous distraire de notre direction dans la vie, et nous essayons également de trouver des conditions propices qui nous permettront d’aller dans cette importante direction. Montrer du respect pour les représentations peintes du Bouddha, les livres du Dharma, et les personnes religieuses sont des signes extérieurs. Mais, intérieurement, nous avons également besoin d’avoir du respect pour ce que nous faisons de nos vies. Ceci est vital car nous pourrions nous trouver dans des circonstances dans lesquelles nous ne pouvons pas étaler au grand jour sous le regard des autres notre pratique du Dharma. Qui sait, nous pourrions être à l’armée, en prison, ou même dans un service hospitalier avec d’autres gens. Nous ne pouvons pas toujours allumer des bâtons d’encens, installer des statues de Bouddha, des choses de ce genre.

Par exemple, imaginez que vous passiez le week-end avec vos parents dans une datcha comprenant une seule pièce. Il n’est pas très approprié, de toute évidence, de faire des prosternations juste devant vos parents. Ils pourraient penser que c’est plutôt bizarre et commencer à poser toutes sortes de questions inconfortables. Nous n’avons pas à faire cela. Il est très important de rester souples en fonction des conditions dans lesquelles nous nous trouvons, tout en gardant notre direction et nos priorités bien claires. Ce qui importe vraiment, c’est notre attitude de respect envers nous-mêmes et pour ce que nous faisons.

Six entraînements partagés en commun

Ensuite, selon la Quintessence des enseignements, nous avons six entraînements en commun en relation avec les Trois Joyaux.

(1) Avant tout, nous réaffirmons notre direction sûre [notre refuge] en nous rappelant continuellement les bonnes qualités du Bouddha, du Dharma et du Sangha. Prendre une direction sûre peut devenir un peu machinal si cela consiste juste à réciter des versets, il est donc important de réaffirmer notre motivation en nous souvenant des bonnes qualités du Bouddha, du Dharma et du Sangha, et des bienfaits de la direction sûre. Cela aide à préserver ce qu’on appellerait le « ressenti » derrière notre prise de refuge.

(2) Ensuite, par gratitude pour leur bonté, leur soutien spirituel et leur énergie, et toute l’aide qu’ils contribuent à nous fournir, nous offrons chaque jour la première gorgée de nos boissons chaudes et la première bouchée de nos repas au Bouddha, au Dharma, et au Sangha. Nous pouvons verser une petite quantité de notre premier thé ou café du matin dans une petite coupe et la placer sur notre autel, ou nous pouvons y mettre un morceau de fruit. Nous pouvons aussi faire l’offrande simplement en imagination. Peu importe. Mais, si vous disposez quelque chose sur l’autel, ne le laissez pas pourrir, comme en Inde, en attendant que les souris viennent le manger. Offrez-le avec gratitude, bien que, de toute évidence, les bouddhas n’aient pas besoin de notre petite tasse de thé ou du morceau de fruit. Ils ne vont ni le boire ni le manger. C’est juste symbolique, et après un court moment, nous imaginons qu’ils nous le rendent, et nous le buvons ou le mangeons. S’il s’agit d’une offrande de thé ou quelque chose de ce genre, nous ne la jetons pas aux toilettes en tirant par-dessus la chasse d’eau. Ce n’est pas très respectueux. Mieux vaut la boire.

Maintenant, bien entendu, un problème pratique peut se poser de savoir quoi faire de l’eau des sept bols que nombre d’entre nous offrons chaque jour sur nos autels. Étant donné la quantité d’eau assez grande, sommes-nous supposés la boire chaque jour ? Devons-nous arroser nos plantes avec tous les jours ? Probablement, celles-ci seraient noyées avec toute cette eau chaque jour. Mais, au moins, nous la versons dans l’évier, pas dans les toilettes. Je pense à des exemples dans certains pays du monde où on se contente de la jeter par la fenêtre. Cela aussi ne conviendrait pas.

Dans tous les cas, quand nous offrons notre thé ou notre nourriture, il n’est pas nécessaire de réciter un verset spécial dans une langue étrangère que nous ne comprenons pas. Récemment, Dzongsar Khyentsé Rinpotché enseignait à Berlin et disait que si les Tibétains devait réciter en allemand un verset qu’ils ne comprenaient pas chaque fois qu’ils faisaient une offrande, ou autre chose, ils ne le feraient certainement pas. Le point important est de faire une offrande. Nous pouvons juste dire, comme Serkong Rinpotché le suggérait : « Bouddhas, s’il vous plaît, prenez plaisir à cela. » C’est tout ce que nous avons à dire, et nous n’avons même pas besoin de le dire à haute voie. Pour ma part, j’ai l’habitude de dire : « J’offre ceci au Bouddha, au Dharma, au Sangha et à tous les êtres. Puisse tout le monde jouir d’une aussi merveilleuse nourriture. » Nous n’avons pas besoin d’en faire tout un spectacle, comme de réciter « om ah hum » avec une voix grave, et de rester assis là à dédier la nourriture pendant cinq minutes tandis que tout le monde autour de la table meurt de faim en attendant que nous ayons fini. Nous pouvons simplement faire l’offrande en pensée. Personne n’a besoin de savoir ce que nous faisons. Si d’autres autour de la table font également une offrande, laissons chacun la faire à son propre rythme.

Nous n’avons pas à faire un spectacle de notre pratique du Dharma, en particulier si cela risque de mettre les autres gens mal à l’aise, ou s’ils commencent à se moquer de nous. C’est très important. Nous ne voulons pas nous rendre ridicules. Quand les autres se moquent de notre pratique spirituelle, cela vide cette dernière de toute son énergie. Notre pratique du Dharma doit rester privée. Elle devient alors, d’une certaine façon, sacrée pour nous.

(3) La troisième directive est de rester attentif à la compassion du Bouddha, du Dharma et du Sangha, en encourageant indirectement les autres à aller dans cette direction-là. Cela ne veut pas dire que nous devenons des missionnaires et essayons de sauver tout le monde en les convertissant au bouddhisme. Cela ne se passe certainement pas comme ça. Mais si les autres sont réceptifs, s’ils sont intéressés, nous pouvons leur donner une forme d’encouragement. Le meilleur encouragement consiste à parler à partir de notre propre expérience. Nous pouvons expliquer que les méthodes bouddhiques ont été bénéfiques pour nous, mais, quant à savoir si elles sont bénéfiques ou non pour les autres, nous ne le savons pas. En ce qui nous concerne, nous savons que cela nous a aidés. De cette façon, nous encourageons indirectement les autres à essayer par eux-mêmes.

(4) La quatrième directive est de se souvenir des bienfaits d’avoir une direction sûre, et de la réaffirmer formellement trois fois chaque jour, et trois fois chaque nuit. D’habitude, nous faisons cela le matin à notre réveil et le soir avant d’aller dormir. Nous ne nous contentons pas de répéter sans réfléchir les mots : « Je prends refuge dans le Bouddha, le Dharma, le Sangha », en revanche nous nous souvenons plutôt explicitement de cette direction. Souvent nous accompagnons cela en faisant trois prosternations, mais nous n’avons pas besoin nécessairement de les inclure.

(5) La cinquième instruction est que, quoi qu’il arrive, nous nous en remettons à notre direction sûre pour nous guider. Dans les moments de crise, c’est ce sur quoi nous allons nous appuyer. Il ne s’agit pas juste de prier en disant : « Bouddha sauve-moi », mais de se demander à soi-même : « Quel serait le conseil du Bouddha pour gérer cette situation ? » Nous essayons alors de le mettre en œuvre.

Les amis peuvent nous témoigner de la sympathie et de l’aide, et il se peut qu’ils nous aident pour des choses mécaniques comme les ordinateurs ou les voitures. Mais pour les problèmes personnels dans la vie, les amis ont des limites. Ils ont leurs propres problèmes. Malheureusement, il est inévitable que les amis nous laissent tomber ou nous déçoivent. Nous entretenons l’espoir irréaliste qu’ils nous aideront à soulager notre peine ou nos ennuis et nous perdons de vue le fait que nous ne sommes pas la seule chose qui arrive dans leurs vies. Pourquoi devrions-nous être la chose la plus importante à laquelle ils consacreraient tout leur temps et toute leur énergie ? C’est très égocentrique, n’est-ce pas ? Inévitablement, avec ce genre d’attente, ils vont nous laisser tomber. Ils ont d’autres choses à faire, d’autres préoccupations, et ils ont d’autres problèmes.

Il se peut que nos maîtres soient occupés et n’aient pas de temps. Ils peuvent être partis dans un autre pays, qu’importe, mais l’inspiration des maîtres reste toujours disponible. Les enseignements eux-mêmes – que nous pouvons appliquer – sont toujours à notre disposition. Ils ne nous décevront pas si nous sommes réellement réceptifs à cette source d’inspiration, et si nous essayons vraiment de mettre ces méthodes en pratique.

(6) Le dernier engagement contenu dans ces instructions est de ne jamais abandonner cette direction dans la vie, quoi qu’il arrive. La nature du samsara, la nature de la vie, c’est qu’elle est faite de hauts et de bas. Nous pouvons regarder les expériences de quelques uns des grands maîtres bouddhistes du Tibet. Ils ont été de tels formidables pratiquants toute leur vie pour finir dans un camp de concentration chinois pendant vingt ans. Il aurait été possible qu’ils abandonnent tout simplement, pensant que leur pratique du Dharma était inutile, mais ils ne l’ont pas fait. Un autre exemple est celui de quelqu’un qui a tellement pratiqué dans sa vie et qui un jour a contracté un horrible et douloureux cancer. Lui non plus n’a pas laissé tomber sa pratique du Dharma.

Comme le disait très succinctement un maître tibétain, qu’attendons-nous du samsara ? Serkong Rinpotché a toujours aimé aller au cirque ou visiter des aquariums où se trouvent des phoques et des dauphins dressés. Quand nous faisons notre pratique du Dharma et que nous faisons quelque chose de positif, est-ce qu’on s’attend à être comme un phoque ou un dauphin dressé espérant que le Bouddha nous jette un poisson. Est-ce qu’on pense que chaque fois qu’on se comporte de façon positive, on obtient une récompense ? De toute évidence, ce n’est pas de cette manière qu’on pratique ces entraînements.

Cela nous donne matière à réfléchir. Est-ce que, d’une certaine façon, nous nous contentons de faire de notre pratique du Dharma un numéro de cirque ? Tel un animal dressé, faisons-nous quelque chose de positif juste pour avoir une récompense ? Ou bien, ultimement, le faisons-nous pour améliorer nos vies afin d’être en mesure d’aider les autres du mieux possible ? Que les choses aillent bien ou non, nous sommes convaincus que dans le long terme les choses iront mieux. Et donc, on n’abandonne jamais.

Quelques mots pour conclure

Cela complète notre brève présentation des divers types d’entraînements spécifiés par Asanga, et, dans la Quintessence des enseignements, la manière dont on s’entraîne pour véritablement donner la direction sûre du Bouddha, du Dharma et du Sangha à nos vies. Cela nous offre une indication assez claire de la mise en application pratique de cette direction dans la vie, ainsi que ce que nous allons vraiment faire quotidiennement et les directives qui appartiennent à chaque journée pour avoir donné cette direction à nos vies. Prendre refuge ne consiste pas du tout à être juste une gentille personne, mais cela inclut d’étudier les enseignements, de les apprendre, de montrer du respect pour notre chemin spirituel et pour les autres qui les suivent, ainsi que tous les autres points spécifiques. C’est un programme complet pour donner un sens positif à nos vies.

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