Impulsions karmiques de l'esprit, du corps et de la parole

Bref résumé

Lors de la première session, nous avons présenté le thème « Karma : qui blâmer ? » Nous avons vu que l'approche que nous devons suivre est une approche analytique dans laquelle nous examinons chacune des trois composantes : le karma, le soi et le blâme. Si nous voulons obtenir une image cohérente de la façon dont ces trois éléments se combinent, nous devons les analyser du point de vue d'un seul système. En effet, deux explications du karma sont étudiées dans la tradition tibétaine. L'une s'inscrit dans le contexte des vues philosophiques Sautrantika et Chittamatra et l'autre dans celui des vues philosophiques Vaibhashika et Madhyamaka.

La vue la plus profonde du soi se trouve dans le système Prasangika au sein du Madhyamaka. Si nous voulons l'associer au karma, elle doit être combinée avec la vue Prasangika du karma. Bien que toutes les écoles tibétaines s'accordent sur la présentation Madhyamaka du karma qui a été transmise par les maîtres bouddhistes indiens, elles diffèrent dans leurs interprétations de la vue Prasangika de la réalité. C'est pourquoi, parmi ces différentes vues, nous expliquerons celle de l’école Guélougpa.

Nous avons également mentionné que le karma fait référence aux impulsions karmiques du corps, de la parole et de l'esprit. Ces impulsions peuvent être destructives, constructives ou non spécifiées. Les termes « non spécifiées » signifient qu'elles peuvent être soit constructives soit destructives.

Le point principal du karma sur lequel je souhaite insister est qu'il implique une compulsion. Cette compulsion est impliquée dans notre façon de penser, de parler et d'agir. Nous percevons cette compulsion comme étant hors de notre contrôle parce qu'elle est sous l'influence de fortes habitudes mues par nos émotions perturbatrices et par notre saisie d’un « moi » dûment existant auto-établi.

Les impulsions karmiques de l'esprit

Il existe une longue liste de facteurs mentaux qui accompagnent notre cognition des choses. Certains d'entre eux peuvent être qualifiés de mécaniques, en ce sens qu'ils font partie du mécanisme de la manière dont nous connaissons les choses — par exemple, l'attention, l'intérêt, la concentration et ce genre de facteurs. Les impulsions karmiques de l'esprit font référence à l'un de ces facteurs mentaux mécaniques, la pulsion mentale (sems-pa). Parmi les autres facteurs mentaux figurent nos émotions, tant positives que négatives.

Définition

Une pulsion mentale est définie comme le facteur mental qui pousse l'un des types de conscience, ainsi que les autres facteurs mentaux qui l'accompagnent, vers un objet. Il s'agit d'une pulsion impérieuse, dans la mesure où, lorsqu'elle se manifeste, nous n'avons aucun contrôle sur elle. Il existe deux types de pulsions mentales impérieuses : les pulsions fonctionnelles et les pulsions qui demandent un effort. Les pulsions fonctionnelles poussent la conscience sensorielle à voir, entendre, sentir, goûter ou toucher un objet, ou elles poussent la conscience mentale à penser à un objet. Contrairement aux pulsions fonctionnelles, les pulsions d'effort exigent un effort conscient.

Les pulsions fonctionnelles ne sont pas des impulsions karmiques de l'esprit. Il peut s’agir, par exemple, d’une pulsion incontrôlable qui attire notre conscience mentale vers un objet étranger de vagabondage mental lorsque nous sommes assis en méditation et que nous essayons de nous concentrer sur notre respiration.

Qu'est-ce qui pousse l'esprit à commencer à penser quelque chose ? Reconnaissons-nous à quel point c'est irrépressible ? Nous commençons à penser à quelque chose sans aucun contrôle. Il peut s'agir d'une pensée destructrice, comme le fait d'être en colère contre telle ou telle personne, ou d'une pensée constructive, comme le fait de ressentir de l’amour pour quelqu’un ou de trouver que tout le monde est bon. Il peut aussi s'agir d'une pensée neutre, par exemple ce que nous allons manger à midi. Il est étonnant de constater à quel point nos pensées sont incontrôlables, n'est-ce pas ?

C'est la raison pour laquelle je qualifie ce facteur mental qu'est la pulsion d'impérieux. Il détourne notre attention lorsque nous méditons, par exemple. Bien sûr, toute action de l'esprit implique toujours de l'énergie, mais nous parlons ici d'un facteur mental, qui se rapporte à la manière dont notre activité mentale fonctionne du point de vue de l’expérience.

Des pulsions mentales fonctionnelles impérieuses se manifestent à chaque instant et poussent notre conscience, ainsi que les facteurs mentaux qui l'accompagnent, à s'emparer de leur prochain objet. Comme je l'ai dit, il ne s'agit pas d'impulsions karmiques de l'esprit. Dans le système Prasangika, les impulsions karmiques de l'esprit se réfèrent spécifiquement aux pulsions mentales impérieuses d'effort qui poussent la conscience mentale conceptuelle à penser à faire quelque chose ou à dire quelque chose à quelqu’un ou à quelque chose, tout en étant concentrée sur cette personne ou cette chose. Seuls ces types de pulsions impérieuses sont des impulsions karmiques pour les actions karmiques de l'esprit.

Dans ce système, bien que la pulsion mentale impérieuse qui pousse le corps ou la parole à commettre une action karmique du corps ou de la parole soit une pulsion d'effort, elle n'est pas considérée comme une impulsion karmique et n'est pas l'impulsion karmique de l'action karmique du corps ou de la parole. Les systèmes Chittamatra et Sautrantika, en revanche, classent une telle pulsion mentale d'effort comme l'impulsion karmique impliquée.

Les actions destructrices de l'esprit

Il y a parfois une certaine confusion au sujet de ce facteur mental impérieux concernant les actions karmiques de l'esprit. À titre d'exemple, mentionnons brièvement les trois types d'activités mentales destructrices : penser avec convoitise à quelque chose, penser avec malice à quelque chose et avoir des pensées déformées antagonistes à propos de quelque chose. Ces activités mentales sont des courants de pensées qui surgissent au moment de commettre une action à l'égard de quelqu'un ou de quelque chose, elles sont le fait de penser avec un ensemble particulier d'émotions et d'attitudes perturbatrices à faire quelque chose à quelqu'un ou à un objet, ou à dire quelque chose à quelqu'un. Il ne s'agit pas d'un simple moment de pensée. Dans chaque cas, une pulsion mentale impérieuse pousse la conscience mentale et un ensemble spécifique de facteurs mentaux qui l'accompagnent à se tourner vers cette personne ou cet objet, à réfléchir et à décider de faire ou de dire quelque chose à cette personne ou à cet objet.

Voici les types de modes de pensée destructrice que nous avons lorsque nous prévoyons de faire quelque chose :

  1. Penser avec convoitise consiste à se demander : « Dois-je essayer d'obtenir cette chose que je trouve fantastique et qui va me rendre heureux ? » Il peut également s'agir de réfléchir à la manière de l'obtenir. Elle culmine lorsque nous décidons que oui, nous allons travailler pour essayer de l'obtenir, et elle peut inclure la façon dont nous allons nous y prendre. Il s'agit là d'une ligne de pensée de convoitise. Cette façon de penser destructrice est motivée par le désir ardent d'obtenir quelque chose que nous n'avons pas. Elle s'accompagne d'attachement, car nous avons l'intention de nous y accrocher et de ne pas la partager, et d'avidité, car nous en voulons encore plus.
  2. Penser avec malice consiste à se demander : « Cette personne m'a dit quelque chose de désagréable et je n'aime pas ça. Dois-je lui répondre quelque chose de désagréable et, si oui, que puis-je dire qui va la blesser ? » Nous nous demandons si nous devons dire quelque chose de blessant et, si nous décidons de le faire, ce que nous devons dire. Cette façon de penser est motivée par la colère et l'hostilité.
  3. La pensée déformée antagoniste n'est pas simplement une pensée incorrecte, comme celle qui consiste à dire qu'il n'y a aucun intérêt à méditer ou à faire une quelconque pratique spirituelle. Elle est également très hostile et antagoniste. Dans ce cas, la personne décide de dire à son partenaire ou à son enfant que la pratique spirituelle est une perte de temps stupide et de ne pas s’y engager. Il peut aussi s'agir de décider de rejeter la réalité fondée sur des preuves et considérer qu’elles sont de fausses informations, et d'affirmer une « réalité alternative », en croyant « que j’ai raison ». Il s'agit là d'une pensée déformée antagoniste, fondée sur la naïveté et l'ignorance de la fermeture d’esprit. Un autre exemple est la décision suivante : « Dois-je arrêter de méditer parce que c'est stupide et que c'est une perte de temps ? Je n'arrive à rien. » C'est cette façon de penser.

Les actions constructives de l'esprit

La pensée constructive est à l'opposé de ces formes destructives d'activité mentale. Nous pouvons avoir envie de crier sur une personne, mais nous réfléchissons à la possibilité de nous en abstenir parce que nous savons que cela ne fera qu’empirer les problèmes, et nous décidons donc de nous en garder. Voilà un exemple d'activité mentale constructive.

Les actions non spécifiées de l'esprit

Un exemple de cheminement de pensée non spécifiée serait de décider d'aller déjeuner maintenant. Cette décision n'est ni positive ni négative, car elle dépend de notre motivation et de tout ce qui se passe dans notre esprit à propos du déjeuner. De plus, dans tous ces cas, si notre enchaînement de pensées n'aboutit pas à une conclusion et que nous ne prenons pas de décision, l'action mentale est incomplète. Elle ne débouche sur aucune action décisive du corps ou de la parole.

L’inquiétude

Je pense que l'exemple le plus courant de pensée destructrice et improductive est l'inquiétude. Nous nous inquiétons de ce qui va se passer et de ce que nous devrions faire, et cela continue sans jamais aboutir à une conclusion décisive. C'est beaucoup de souffrance, n'est-ce pas ? Ce n'est pas un état d'esprit très heureux. Le problème n'est pas de penser et d'essayer de décider ce qu'il faut faire. Le problème, c'est l'inquiétude compulsive qui accompagne ce processus et le fait de ne jamais parvenir à une décision sur ce qu'il faut faire pour atténuer cette inquiétude.

Nous devons identifier correctement le problème. N'identifiez pas le problème comme étant simplement la pensée. Le problème est la compulsion que nous ne pouvons pas contrôler. Nous devons réfléchir à certaines décisions, mais nous devons éviter cet état d'esprit qui se laisse emporter par une inquiétude constante. Les pulsions mentales impérieuses qui motivent ces inquiétudes compulsives sont les impulsions karmiques de l’esprit.

Les deux types d'impulsions karmiques de l'esprit

Il existe deux types d'impulsions karmiques de l'esprit : une impulsion karmique incitative de l'esprit (sems-pa'i las) et une simple impulsion karmique de l'esprit.

  • Une impulsion karmique incitative de l'esprit est une pulsion mentale d’effort qui conduit à une action mentale et qui aboutit à une décision de faire ou de dire quelque chose à quelqu'un ou de faire quelque chose à un objet. Elle peut également aboutir à la décision de ne pas faire ou de ne pas dire quelque chose. Le fait que l'action physique ou verbale soit ou non mise en œuvre n'a pas d'importance.
  • Une simple impulsion karmique de l'esprit est une pulsion mentale d'effort qui conduit à une action mentale et qui n'aboutit pas à une décision.

Par exemple, si je réfléchis à l'opportunité de vous dire quelque chose de désagréable et que je décide de le faire, l'impulsion karmique de l'esprit qui a engendré ce cheminement de pensées était une impulsion karmique incitative. C'est le cas, que je dise ou non quelque chose. Si je pense à dire quelque chose et que je n'arrive pas à prendre une décision, alors le cheminement de pensées a été provoqué par une simple impulsion karmique de l’esprit.

Les facteurs mentaux qui accompagnent [les pulsions mentales]

Les pulsions mentales impérieuses, qu'elles soient fonctionnelles ou d’effort, qu'elles soient karmiques ou non, qu'elles soient incitatives ou non, sont toujours accompagnées d'autres facteurs mentaux. Dans le cas des pulsions fonctionnelles, elles entraînent ces facteurs mentaux vers un objet. Dans le cas des pulsions d'effort, les facteurs mentaux accompagnent simplement la pulsion lorsqu'elle pousse la conscience mentale à réfléchir et à décider de faire ou de dire quelque chose.

En ce qui concerne les impulsions karmiques d'effort, qu'elles soient karmiques ou non, il existe trois facteurs mentaux principaux qui constituent ce que l'on appelle le « cadre mental motivant » (bsam-pa). Examinons-les dans le cadre d’une impulsion karmique de l'esprit qui entraîne une action de l'esprit pour penser à faire ou à dire quelque chose afin de prendre une décision :

  • L’intention ('dun-pa) est le souhait ou l'intention de faire quelque chose de spécifique à l'égard d'une personne ou d'un objet spécifique. Par exemple, penser à dire quelque chose de désagréable à quelqu'un pour le blesser.
  • L'intention nécessite le facteur mental de la distinction ('du-shes) pour distinguer la personne ou l'objet visé des autres personnes ou objets et l'action prévue concernant cet objet des autres actions. Par exemple, dire quelque chose de désagréable, et non quelque chose d’agréable, à telle personne et non à telle autre.
  • Il doit également y avoir une émotion perturbatrice. Si nous avons l'intention de dire quelque chose de désagréable à cette personne, l'émotion qui l'accompagne est l'hostilité et la colère.

Si nous allons dire quelque chose d’agréable à quelqu'un, l'émotion qui l'accompagne sera une émotion constructive souillée, comme l'amour, le souhait que quelqu'un soit heureux. L'émotion est souillée parce qu'il y a une apparence d'existence auto-établie (rang-bzhin-gyis grub-pa) qui l'accompagne. Par exemple, dans le cas de la pulsion karmique de penser à dire quelque chose d’agréable à quelqu'un, l'habitude constante de la saisie de l'existence auto-établie fait que notre esprit projette l'apparence d’un « moi », d’un « toi » et d'une action de dire quelque chose d'agréable qui existent chacun de manière concrète, en tant qu'entité indépendante et auto-établie. En outre, nous saisissons ces apparences et pensons qu’elles correspondent à l'existence réelle de ces trois éléments. Notre esprit projette également l'apparence d'un résultat existant de manière concrète, le fait que vous deveniez heureux, qui existe déjà à l'intérieur de la pulsion karmique et à l'intérieur de l'action, et nous saisissons cette apparence comme étant véritable. En outre, notre esprit projette l'apparence d'un autre résultat existant de manière concrète, celui de dire quelque chose d'agréable à cette personne. Notre esprit projette que cela fera de nous une bonne personne parce que nous avons rendu cette personne heureuse, et nous y croyons. Ainsi, notre impulsion karmique constructive, l'émotion constructive qui l'accompagne et l'action constructive qui s'ensuit sont toutes souillées.

Pour donner un exemple, il y a des personnes qui ont une relation avec quelqu'un mais qui ne sont pas sûres d'elles. C'est pourquoi, de manière compulsive, elles doivent toujours dire « je t’aime » et exigent implicitement de leur partenaire qu'il réponde « je t’aime aussi ». Inconsciemment, elles projettent et croient que si elles disent « je t’aime » et que l'autre personne leur répond, cela rend en quelque sorte la relation réelle.

Dire « je t’aime », motivé par l'amour, est constructif en ce sens qu'il n'y a rien de destructeur à le dire ou à l'entendre de la bouche d'une autre personne. Cependant, lorsque c’est compulsif et fondé sur l'insécurité du « toi » et « moi » et de « notre relation », cette dernière ne fait que causer de la souffrance. Peu importe le nombre de fois que nous disons « je t’aime » à notre partenaire et que celui-ci nous répond « je t’aime aussi » en retour, cela ne nous satisfait jamais, nous voulons toujours le dire et l'entendre à nouveau. Cela ne guérit jamais notre insécurité, qui est fondée sur la saisie d’une existence auto-établie, surtout en ce qui nous concerne, en ce qui me concerne, « moi ».

Le sentiment d'insécurité est un indicateur de la saisie d’un « moi » concret

Le sentiment d'insécurité est le signe de cette saisie d’un « moi » concret et auto-établi. C'est un point très important.

Pourquoi manquons-nous d’assurance ? C'est parce que nous nous concentrons sur un « moi » dûment existant auto-établi qui ne correspond à rien de réel. Il n'y a pas de « moi » qui puisse être établi comme existant indépendamment de tout. C'est le faux « moi ». Ce faux « moi » nous fait sentir vulnérables et nous essayons toujours de le sécuriser. Nous nous préoccupons de nous-mêmes en tant que ce faux « moi » et nous voulons que les gens nous aiment. Nous voulons des « j’aime » sur notre page Facebook et nous n'en avons jamais assez. Cette insécurité est l'indication que nous avons cette saisie d’un « moi » concret. Il est cependant impossible de sécuriser ce faux « moi », car il ne correspond à rien de réel. Nous n'en sommes pas conscients, ou nous l’ignorons.

Par exemple, nous pourrions penser : « Je suis jeune, en bonne santé et séduisant, cela va durer éternellement. » C'est bien sûr impossible. Nous nous sentons alors peu sûrs de nous. Nous avons l'impression de devoir le prouver à tout le monde et nous craignons de le perdre. Nous nous inquiétons de quelque chose qu'il est impossible d'assurer et c'est pourquoi nous manquons d’assurance. La vie apporte des changements et tout ce qu'elle contient est impermanent.

Les impulsions karmiques du corps et de la parole

Ce que nous venons d’aborder était la vue Prasangika des impulsions karmiques de l'esprit, qui sont des pulsions mentales impérieuses. Il peut s'agir de pulsions mentales incitatives ou de simples pulsions mentales. Discutons maintenant de la vue Prasangika des impulsions karmiques impérieuses du corps et de la parole.

Les impulsions karmiques impérieuses du corps et de la parole, selon cette vue, sont des formes de phénomènes physiques qui sont mues par des pulsions mentales impérieuses non karmiques d'effort. Ce ne sont pas des facteurs mentaux. Il existe deux types de phénomènes physiques associés aux actions du corps ou de la parole : la forme révélatrice (rnam-par rig-byed-kyi gzugs) et la forme non révélatrice (rnam-par rig-byed ma-yin-gyi gzugs). Il en existe deux types : une impulsion karmique incitée (bsam-pa'i las) du corps ou de la parole et une simple impulsion karmique du corps ou de la parole.

  • Une impulsion karmique incitée du corps ou de la parole est une impulsion précédée par une action mentale qui a été mue par une impulsion karmique incitative de l'esprit et qui a donc pris la décision de mettre en œuvre l'action physique ou verbale.
  • Une simple impulsion karmique du corps ou de la parole est une impulsion qui n'a pas été précédée d'une telle action mentale.

Explication simple des formes révélatrices et non révélatrices des phénomènes physiques

Toutes les actions physiques et verbales ont une forme révélatrice, une forme manifeste, évidente, qui est connaissable par les autres et qui révèle également le statut éthique de la conscience qui la fait naître. Cette forme révélatrice est le mouvement du corps en tant que méthode de mise en œuvre d’une action physique ou la prononciation des sons des mots en tant que méthode de mise en œuvre d’une action verbale. Les formes que prend le mouvement du corps ou les sons que produit la parole se révèlent en ce qu'ils peuvent être vus ou entendus. Ils révèlent également le statut éthique de la conscience qui les fait surgir. Une explication simple est que, parce que la forme révélatrice peut être vue ou entendue, elle permet aux autres de savoir que l'esprit de la personne qui crée cette forme avec son corps ou sa parole est sous l'influence d'une émotion constructive, destructrice ou d'une attitude non spécifiée. Elle ne peut cependant pas révéler l'émotion ou l'attitude spécifique qui accompagne la conscience.

La forme non révélatrice, lorsque l'énergie de l'émotion motivant l'action physique ou verbale est forte, est un peu comme une empreinte physique ou une « mémoire musculaire ». Elle est obscure et non évidente, elle ne peut être vue ou entendue, mais seulement connue par l'esprit, et ne permet donc pas à d'autres personnes de connaître l'émotion qui la motive. Elle a pour fonction de provoquer d'autres répétitions de l’action à court terme. Par exemple, répéter des mots désagréables ou des mots agréables à quelqu'un.

Il s'agit du premier niveau d'explication. Les impulsions karmiques de nos actions physiques et verbales sont à la fois des formes révélatrices et non révélatrices. C'est une belle manière de le dire, mais il ne faut pas en rester là, nous devons aller plus loin dans notre analyse. Nous ne voulons pas seulement une connaissance intellectuelle nous permettant d’énumérer des définitions que nous ne comprenons pas vraiment. Nous voulons être en mesure d'identifier ces deux éléments dans notre propre expérience, car c'est d'eux dont nous voulons nous débarrasser. Il ne s'agit pas seulement d'un intérêt et d'une curiosité à la légère. Nous voulons vraiment les comprendre parce que le karma est un fauteur de troubles.

Les impulsions karmiques sont différentes des actions karmiques

Comme nous l'avons déjà dit, une impulsion karmique n'est pas la même chose qu'une action karmique. Dans le cas des actions karmiques de l'esprit, l'impulsion mentale karmique d'effort est ce qui pousse la conscience mentale et les facteurs mentaux qui l'accompagnent à penser et à décider de commettre une action spécifique du corps ou de la parole. Ainsi, la pulsion karmique impérieuse conduit l'action karmique de l'esprit mais n'est pas réellement une composante de l'action. Pour le dire simplement, la pulsion qui anime notre pensée n'est pas la pensée elle-même.

Une action ne dure pas qu'une microseconde. Une action est quelque chose qui se produit au cours d'une séquence de moments. Lorsque nous parlions de la pulsion karmique impérieuse de penser à quelque chose, il ne s'agit pas seulement d’une pulsion impérieuse de commencer à penser à quelque chose. C'est aussi la pulsion impérieuse, à chaque instant, de maintenir cet enchaînement de pensées, ainsi que de la pulsion impérieuse, à la fin, d'arrêter de penser à quelque chose et de commencer à penser à autre chose. Il s'agit de l'ensemble de la séquence.

De même, la pulsion mentale non karmique d'effort conduisant le corps ou la parole à commettre une action karmique du corps ou de la parole n'est pas l'action karmique elle-même. Et comme dans le cas des actions de l'esprit, il y a une séquence de pulsions non karmiques pour commencer, continuer et arrêter de faire ou de dire quelque chose.

Dans les actions karmiques de l'esprit comme dans les actions karmiques du corps et de la parole, le flux de pulsions mentales d'effort conduisant la conscience et les facteurs mentaux qui l'accompagnent pendant l'action n'est pas le même que l'action karmique qu'il initie, poursuit et achève. La pulsion mentale d'effort est la cause (lhan-cig 'byung-ba'i rgyu) de l'action karmique qui en est le résultat. Comme dans le cas des éléments constitutifs d'un objet matériel et de l'objet matériel lui-même, ici la cause et l'effet contribuent mutuellement à la production de l'un et de l'autre. Il ne peut y avoir d'action karmique qui naisse et existe indépendamment d’une pulsion mentale d'effort conduisant la conscience et les facteurs mentaux qui l'accompagnent à s'y engager, et il ne peut y avoir de pulsion mentale d'effort qui naisse et existe indépendamment d'une action karmique conduisant la conscience et les facteurs mentaux qui l'accompagnent à s'y engager.

Cependant, bien que la cause et l'effet se produisent ici simultanément, ils ne sont pas identiques l'un à l'autre. Une cause est l'effet de quelque chose d'antérieur mais ne peut être son propre effet, et un effet est la cause de quelque chose de postérieur mais ne peut être sa propre cause.

Quant à l'impulsion karmique du corps ou de la parole qui est une forme révélatrice, il s'agit de la méthode mise en œuvre pour que l'action du corps ou de la parole se produise — souvenez-vous, le mouvement du corps ou la prononciation de mots. Il peut également y avoir une séquence de mouvements du corps et une séquence de prononciation des sons des mots impliqués dans la réalisation d'une telle action. Dans ce cas, la séquence d'impulsions karmiques fait partie de l'action karmique, mais elle n'est pas l'action karmique elle-même. Comme dans le cas de la pulsion mentale d'effort à l'origine de l'action karmique, la forme révélatrice qui fait partie de l'action est une cause simultanée de l'action, mais pas l'action elle-même.

Une action karmique, qu'elle soit de l'esprit, du corps ou de la parole, est ce que l'on appelle le cheminement d'une impulsion karmique, ou, pour faire simple, une voie karmique, et elle est constituée de nombreux éléments.

Pour utiliser une analogie, une action est comme un jeu d'échecs composé de tous les mouvements individuels et de toutes les pièces individuelles qui se déroulent pendant le jeu, les joueurs inclus. Le jeu est une synthèse de l'ensemble. C'est plus que chaque mouvement individuel, le tout est plus grand que la somme des parties. Une action karmique est également une synthèse de toutes les composantes de chaque moment de l'action, comme le jeu d'échecs est une synthèse de chaque moment de tous les mouvements.

Le cheminement d'une impulsion karmique

Chaque moment du cheminement d'une action karmique est composé de quatre facteurs, dont le deuxième comporte trois parties :

  • Une base (gzhi) vers laquelle l'action est dirigée.
  • Un « cadre mental motivant » (bsam-pa) qui se compose de trois facteurs mentaux : (1) le fait de distinguer que la base de notre action est tel objet et non tel autre, et que l'action que nous souhaitons entreprendre à son égard est telle action et non telle autre, (2) l'intention, qui est le souhait ou l'intention d'entreprendre une action spécifique à l'égard d'un objet spécifique, et (3) une émotion motivante, qui peut être destructrice ou constructive souillée. Chacune de ces composantes peut changer au cours du cheminement karmique.
  • Une mise en œuvre (sbyor-ba) d'une méthode qui provoque l'action.
  • Une finalité (mthar-thug) ou un résultat obtenu par l'action.

Dans le cas d'une action karmique du corps ou de la parole, la forme révélatrice qui est l'impulsion karmique du corps ou de la parole est le troisième de ces quatre facteurs, la mise en œuvre d'une méthode qui provoque l’action.

Pour qu'une action soit complète et que le résultat soit le plus fort, toutes les composantes doivent être complètes. Par exemple, vous tirez sur quelqu'un avec l'intention de le tuer. Si le résultat est que la personne meurt, alors l'action a consisté à la tuer. Si la personne ne meurt pas, c'est que vous ne l'avez pas réellement tuée et que l'action s'est avérée être une simple blessure, et non un meurtre, malgré votre intention. L'action de la tuer n'a pas été achevée. Le résultat et l'intensité des résultats varieront en fonction de l'exhaustivité de tous ces facteurs.

Il est en fait très intéressant d'apprendre tous les détails. Cela peut même nous surprendre. Par exemple, dans le cas du mensonge, l’action est complète lorsque l'autre personne comprend et croit ce que nous disons. Elle aurait pu ne pas nous entendre, mal nous entendre ou ne pas nous croire, pensant que ce que nous disions était stupide et faux. Dans ce cas, notre action s'est avérée n'être qu'un bavardage dénué de sens.

Explication plus détaillée des formes révélatrices

Au cours de la mise en œuvre de la méthode qui provoque une action physique ou verbale, il y a le corps ou la parole de la personne qui commet l'action. La forme révélatrice compulsive est la forme changeante du corps de cette personne ou le son changeant de sa voix au cours de la mise en œuvre de cette méthode. Elle se termine lorsque la mise en œuvre de cette méthode prend fin, que la finalité ou le résultat de l'action se produise immédiatement avec la mise en œuvre de cette méthode — la personne sur laquelle la personne qui commet l’action tire meurt instantanément — ou qu'elle se produise quelque temps plus tard — la personne touchée meurt le lendemain de la blessure par balle, à condition que le tireur ne meure pas dans l'intervalle.

La mise en œuvre d'une méthode qui provoque l'action karmique du corps ou de la parole peut se faire en un seul instant — par exemple, en appuyant sur la gâchette d'un fusil qui tire et tue un cerf — ou se dérouler sur une séquence d'instants et changer à chaque instant — par exemple, en donnant un coup de poing à quelqu'un ou en exprimant un mensonge. En fait, la forme révélatrice du corps ou de la parole ne se produit pas seulement pendant la phase principale d'une action karmique, en appuyant sur la gâchette ou en exprimant un mensonge. Elle apparaît lors de toute la phase préliminaire ou précurseure, par exemple, la traque du cerf. Elle se poursuit également pendant toute la phase qui s’ensuit, s'il y en a une, comme le fait de ramener le cerf à la maison, de le dépecer, de le cuisiner et de le manger. De la même manière, la forme révélatrice du mensonge peut apparaître avec les mots préliminaires que nous prononçons avant le mensonge et peut se poursuivre tout au long des mots que nous prononçons après avoir exprimé les mots réels du mensonge.  

Quelle que soit la durée de la forme révélatrice, elle est manifeste et peut donc être vue ou entendue, et révèle ainsi le statut éthique de la conscience qui la provoque. Elle ne révèle cependant pas nécessairement l'émotion spécifique qui accompagne cette conscience, la rendant destructrice, constructive ou non spécifiée. Par exemple, le mouvement du corps d'une personne chassant un cerf révèle que son esprit est sous l'influence d'une émotion perturbatrice, mais pas si elle est en colère contre le cerf parce qu'il a mangé ses cultures ou si elle a envie de manger un civet de gibier.  

Autre point : la forme révélatrice d'une action karmique du corps ou de la parole peut être destructive, constructive souillée ou non spécifiée. Son statut éthique dépend du statut éthique de la conscience qui la fait se produire et donc du statut éthique de l'émotion qui l'accompagne en tant que facteur du cheminement karmique de la forme révélatrice.

Brève révision

Qu'avons-nous jusque-là dans notre analyse des impulsions karmiques du corps ou de la parole ? À chaque instant, au cours d'une action physique ou verbale, nous avons :

  • Le cheminement karmique de l'action, constitué de toutes les composantes, qui comprennent une base, une distinction, une intention, une émotion, la mise en œuvre d'une méthode pour que l'action se produise, et un résultat.
  • Le mouvement impérieux du corps de l'agent de l'action ou les mots impérieux de sa parole comme méthode de mise en œuvre pour que l'action se produise, qui révèlent aux autres le statut éthique de la conscience sensorielle qui est à l'origine de cette action. Ces formes révélatrices sont les impulsions karmiques du corps ou de la parole, et elles font partie des cheminements karmiques.
  • Une pulsion mentale non karmique impérieuse d’effort qui engage le corps ou la parole, d'un moment à l'autre, dans la mise en œuvre d'une méthode pour que l'action se produise. Cela ne fait pas partie du cheminement karmique.
  • Bien qu'on ne le mentionne habituellement pas dans l'analyse du karma, il existe également une pulsion mentale fonctionnelle qui, d'un moment à l'autre, attire la conscience sensorielle, avec les facteurs mentaux qui l'accompagnent, vers la base de l'action. Lorsque nous mentons à quelqu'un, nous le regardons généralement en même temps. Cette pulsion ne fait pas non plus partie du cheminement karmique.

Réfléchissons un instant à cela. Lors d'une action karmique du corps ou de la parole, toutes ces composantes sont présentes et se déroulent simultanément : une base en tant qu'objet de l'action, une conscience visuelle attirée par une pulsion mentale fonctionnelle de regarder cette base et une conscience physique mue par une pulsion mentale non karmique d'effort d'engager le corps ou la parole à faire ou à dire quelque chose à cette base par un mouvement du corps ou la prononciation de mots (la forme révélatrice de l'action). Cette conscience physique et cette pulsion s'accompagnent d'une distinction de l'objet et de l'action envisagée, ainsi que d'une émotion. Et, bien sûr, il y a la personne, « moi », qui est l'agent de l'action, mais nous y reviendrons plus tard. Toutes ces composantes sont reliées entre elles comme dans un jeu d'échecs. Elles ne sont pas séparées et sans rapport les unes avec les autres.

En outre, l'action karmique du corps ou de la parole peut avoir été précédée par le cheminement karmique d'une action mentale par laquelle nous avons pensé et décidé de commettre l'action physique ou verbale. La pulsion mentale qui a initié, poursuivi et achevé l'action de l'esprit aurait été une impulsion karmique incitative de l'esprit et, par la suite, la forme révélatrice du corps ou de la parole aurait été une impulsion karmique incitative du corps ou de la parole.

Identifier ces points dans notre comportement

Ce que nous essayons de faire, c'est d'identifier ces composantes dans notre comportement. Disons, par exemple, que nous voulons marcher sur un cafard et le tuer. Une pulsion mentale fonctionnelle attire notre conscience visuelle sur le cafard qui se trouve sur le sol de notre cuisine. Nous le distinguons du sol, sommes mécontents de le voir, ressentons de la répulsion et de l'hostilité à son égard, puis faisons l'expérience d'une impulsion karmique mentale destructrice impérieuse qui pousse notre conscience mentale, avec la distinction, le mécontentement et une intention qui est le souhait ou l'intention de le tuer, à penser avec hostilité à lui marcher dessus. Après avoir réfléchi quelques instants, nous décidons définitivement de l'écraser. Le cheminement de notre impulsion karmique destructrice de l'esprit est maintenant complet.

Ensuite, une pulsion mentale non karmique d'effort pousse la conscience de notre corps, accompagnée de la distinction du cafard, du mécontentement, de l’intention de le tuer et de l'hostilité, à engager notre corps dans l'acte de le tuer au moyen d'un mouvement du pied comme méthode de mise en œuvre pour le piétiner et le tuer. Le mouvement de notre pied est l'impulsion karmique d’effort incitée du corps. Cette action karmique de tuer le cafard pourrait impliquer une phase préliminaire consistant à le poursuivre et à le chasser, fondée sur la distinction et le mécontentement due au cafard sur le sol, et même de poser le pied sur le cafard lorsque nous l'attrapons finalement. Cependant, notre intention n'était pas seulement de poser le pied sur le cafard, mais de l'écraser. Le mouvement de notre pied qui s'écrase avec force sur l'objet et le tue est la phase principale de notre action destructrice. La finalité ou le résultat de l'action est la mort du cafard.

Notre émotion en marchant dessus était de l'hostilité et peut-être aussi de la peur. Une fois que nous l'avons piétiné et que nous entamons la phase qui s’ensuit, en constatant désormais notre chaussure salie par le cafard écrasé, notre émotion peut se transformer en dégoût. Toutefois, en nettoyant notre chaussure, notre mécontentement peut se transformer en bonheur de nous en être débarrassé.

Toutes ces actions sont compulsives et, bien que nous puissions arrêter la séquence pendant que nous chassons le cafard, nous faisons l'expérience de le chasser et de le tuer sans aucun contrôle sur nous-mêmes. De même, nous chassons et écrasons de manière compulsive ce moustique ou cette mouche avec la forme révélatrice du mouvement de notre corps.

Les formes révélatrices compulsives de la parole sont également présentes chez les bavards compulsifs, des personnes qui parlent tout le temps sans aucun contrôle. Ils interrompent constamment les gens par leur bavardage. C'est l'action destructrice du bavardage dénué de sens, en pensant que le bavardage, qui n'a pas de sens, en a un. C'est, par exemple, poster sur les réseaux sociaux des photos de ce qu’on a mangé au petit-déjeuner, comme si cela intéressait vraiment quelqu'un. Derrière ce comportement se cache la pensée suivante : « Je suis tellement important que vous devez vraiment vous intéresser à ce que je mange à chaque repas, et vous devez vraiment vouloir en voir une photo. » Il y a cette forte saisie du « moi », comme si le monde entier voulait savoir ce que nous avons mangé au petit-déjeuner. En vérité, qui s'en soucie ? En tout cas, c’est une illustration de la façon dont cette saisie d’un « moi » imbu de lui-même est en fait à l'origine de toutes nos actions karmiques compulsives.

Explication plus approfondie des formes non révélatrices

Ensuite, discutons des formes impérieuses non révélatrices, qui sont les impulsions karmiques subtiles et obscures du corps ou de la parole. Parce qu'elles ne peuvent être vues ou entendues et qu'elles ne peuvent qu’être inférées, il est difficile de les reconnaître ou de comprendre leur fonctionnement. Commençons par en donner la définition et les caractéristiques. Ensuite, nous pourrons en rechercher la signification, ce qui est le véritable travail de la méditation analytique. Nous essaierons de comprendre de quoi parlent les enseignements en nous fondant sur notre conviction que le Bouddha n'a pas dit n'importe quoi, et qu'il a parlé de quelque chose qui peut nous être bénéfique. Par conséquent, nous voulons comprendre ce que signifie tout ce qui se trouve dans le Dharma.

Définition et caractéristiques

Une forme non révélatrice impérieuse :

  • Est une forme subtile de phénomène physique qui ne révèle pas le statut éthique de la conscience qui la produit.
  • Fait partie d'un continuum mental mais n'est pas ressentie sur ce continuum mental. Dans la terminologie occidentale, cela signifie que nous n'en sommes pas conscients.
  • N'est pas constituée de particules des éléments grossiers que sont la terre, l'eau, le feu et le vent.
  • Ne peut être qu'un objet de la cognition mentale, comme les formes subtiles qui apparaissent dans les rêves.
  • Ne peut pas être une catégorie statique dans laquelle toutes les formes révélatrices des cheminements karmiques s'inscrivent en tant que cas du même type d'action karmique. Ce n'est pas cela. Par exemple, il n'y a pas de catégories « comment je tue » ou « comment je mens » dans lesquelles chaque cas de meurtre ou de mensonge s'inscrit. Nous ne parlons pas de quelque chose comme cela. Il s'agit d'une forme de phénomène physique.
  • Est non statique, c'est-à-dire qu'elle change d'un moment à l'autre. Cela signifie qu'elle est affectée par des causes et des conditions qui donnent lieu à des résultats différents.
  • A pour fonction de faire naître un potentiel karmique positif ou négatif de plus en plus important. Cependant, dans l'exercice de cette fonction, elle ne dégénère pas et ne s'use pas comme le fait notre corps.
  • Doit être soit destructrice, soit constructive souillée, et non pas non spécifiée ou neutre.
  • Se produit de manière dépendante et simultanée à une forme révélatrice fortement destructive ou constructive, et se poursuit après que la forme révélatrice a cessé d'être présente dans le continuum mental.
  • Se poursuit dans le continuum mental jusqu'à ce que nous l'abandonnions ou qu'elle soit perdue.

Les types de formes non révélatrices

Il existe trois types de formes non révélatrices :

  • Celles qui sont contraintes par la prise de vœux (sdom-pa)
  • Celles qu’on avoue et qui ne sont pas contraintes par la prise de vœux (sdom-pa ma-yin-pa)
  • Les formes intermédiaires non révélatrices (bar-ma), qui sont soit constructives, soit destructrices, mais qui ne sont ni contraintes par la prise de vœux, ni non contraintes par la non-prise avouée de vœux.

Les formes révélatrices contraintes par la prise de vœux comprennent les vœux de pratimoksha, de bodhisattva et tantriques. Tant que nous les respectons, elles ont pour fonction, à chaque instant, de nous empêcher de commettre certaines actions dont nous avons fait vœu de nous abstenir. C'est ainsi qu'elles développent à tout moment un potentiel positif de plus en plus important. Nous perdons les vœux de moine et de moniale à notre mort. Mais puisque nous prenons les vœux de bodhisattva et tantriques pour toutes nos vies jusqu'à ce que nous atteignions l'illumination, ils continuent dans notre continuum mental sous des formes extrêmement subtiles, même dans les vies futures, tant que nous ne les abandonnons pas.

Les formes non révélatrices qui ne sont pas contraintes par la non-prise avouée de vœux sont des engagements à ne pas s'abstenir, pendant toute notre vie, de pêcher et de tuer des poissons, par exemple, si nous sommes nés dans la caste des pêcheurs [dans la société indienne] ou si nous exerçons cette profession. Ils sont perdus soit lorsque nous les abandonnons, soit lorsque nous mourons.

Les formes intermédiaires non révélatrices comprennent celles qui se produisent simultanément avec :

  • Le fait de fabriquer ou d’offrir un objet d’usage, sur la base duquel nous et les autres accumulons un potentiel karmique positif ou négatif lorsque nous ou eux en font usage. Dans le cas de l'accumulation d'un potentiel karmique positif, ces objets d'usage comprennent les livres du Dharma, les stoupas et les temples bouddhistes. Dans le cas de l'accumulation d'un potentiel karmique négatif, ces objets d'usage comprennent les armes et les abattoirs. Ces formes non révélatrices continuent d'accumuler un potentiel karmique sur notre continuum mental, même après notre mort, chaque fois que quelqu'un utilise l'objet que nous avons fabriqué ou offert. Ces formes sont perdues lorsque l'objet n'est plus disponible.
  • La sous-catégorie de ce qui précède, le fait d'ordonner à quelqu'un de commettre des actions destructrices, comme lorsqu'un commandant militaire ordonne à ses soldats d'attaquer et de tuer l'ennemi. La forme non révélatrice continue d'accumuler un potentiel karmique négatif sur le continuum mental du commandant chaque fois qu'un de ces soldats tue un ennemi.
  • Le fait de s'engager à commettre, pour une durée limitée, un acte constructif, comme méditer chaque jour ou s'abstenir de violer quelqu'un, mais pas d'autres formes de comportement sexuel inapproprié. De même, s'engager à commettre, pour une durée limitée, un acte destructeur, comme tuer des troupes ennemies pendant qu'on est dans l'armée. La forme non révélatrice de cet engagement continue d'accumuler un potentiel karmique chaque fois que nous répétons l'action que nous nous sommes engagés à faire.
  • Le fait de commettre, avec une forte pulsion mentale et une forte émotion constructive, une action constructive qui n'est pas associée à une forme révélatrice contrainte par la prise de vœux, comme faire des prosternations avec un sens fort de refuge. De même, commettre, avec une forte pulsion mentale et une forte émotion destructrice, une action destructrice qui n'est pas associée au fait de maintenir une absence de restriction due à la non-prise avouée de vœux, comme commettre une fraude fiscale, avec une forte hostilité à l'idée de payer de grosses sommes d'impôts. La forme non révélatrice de l'action continue d'accumuler un potentiel karmique chaque fois que nous répétons cette action, donc tant que nous ne cessons pas de la répéter.

Qu'est-ce qu'une forme non révélatrice en termes occidentaux ?

Il s'agit des caractéristiques déterminantes et des variétés des formes non révélatrices impérieuses. Nous pouvons lire cette liste et peut-être même la réciter, mais de quoi s'agit-il vraiment ? Nous ne pouvons trouver la réponse nulle part dans une description que nous pourrions comprendre dans notre terminologie occidentale. C'est à nous d'y réfléchir. Je peux vous faire part de mon hypothèse la plus récente. C'est tout ce que nous pouvons faire. Nous pouvons essayer de les identifier et, au fur et à mesure que nous travaillons avec elles, nous pouvons affiner notre compréhension de ce à quoi ce type de forme subtile fait référence.

Une idée qui me vient à l'esprit, mais uniquement dans le cas de la répétition d'une certaine action, est qu'une forme non révélatrice est comme une mémoire musculaire ou une empreinte musculaire. Lorsque nous apprenons à faire un certain exercice physique ou à jouer d'un instrument, à faire fonctionner une machine, à taper sur un clavier ou à chanter une chanson, ce que nous pouvons appeler la « mémoire musculaire » nous permet de répéter les dits mouvements sans effort conscient. Mais ce n'est pas tout à fait exact, car ces exemples impliquent la répétition d'actions non spécifiées. De meilleurs exemples seraient les mémoires musculaires ou les empreintes impliquées dans le fait de frapper de manière compulsive les autres ou de leur crier dessus.

Une autre idée est qu'une forme non révélatrice est peut-être une sorte d'inertie associée à notre comportement. Elle se produit pendant l'action et se poursuit après l'action jusqu'à ce que nous rompions cette inertie. Il s'agit d'une forme de phénomène physique, et nous pouvons donc, d'une certaine manière, y penser en termes de lois physiques.

Mais qu'en est-il de la forme non révélatrice accumulée lors de la construction ou de la gestion d'un centre du Dharma ? C'est plus difficile à expliquer en termes occidentaux.

L'importance de ne pas renoncer à la bodhichitta et donc de ne pas perdre les vœux de bodhisattva

Il y a un point important qui, selon moi, est associé aux formes non révélatrices, en particulier les formes non révélatrices des vœux de bodhisattva et la raison pour laquelle il nous est conseillé de ne pas les abandonner, même au prix de notre vie. Bien que je n'aie pas vu ce point dans un texte, voici mon analyse.

Le système de « l’esprit seul » Chittamatra affirme qu'un objet de conscience ainsi que la conscience et tous les facteurs mentaux qui connaissent cet objet à tout moment de la cognition proviennent tous d'une graine karmique, d'une tendance karmique. Ils incluent également comme provenant de cette graine la conscience réflexive, la faculté cognitive au sein d'une cognition qui prend comme objet cognitif la conscience et les facteurs mentaux au sein de la cognition dont elle fait partie. Ils proviennent tous d'une même graine karmique en tant que source natale (rdzas), comme le pain qui sort du four. Le problème de ce schéma concerne la cause des corps-de-formes d’un bouddha.

Il existe un type de cause appelé « cause d’obtention » (nyer-len-gyi rgyu), qui fait référence à ce qu’on obtient de quelque chose, comme un germe à partir d'une graine. Elle se transforme en son résultat et s'achève lorsque tous ses résultats ont fini de se produire, elle doit donc exister avant son résultat. Dans le système Chittamatra, les formes de phénomènes physiques n'ont pas de cause d'obtention. La tendance karmique d'une cognition n'est que la cause d'obtention de la conscience, des facteurs mentaux qui l'accompagnent et de la conscience réflexive de la cognition, mais pas la cause d'obtention de l'objet de la cognition. Cette tendance karmique ne se transforme pas en l'objet de la cognition à laquelle elle donne lieu.

En outre, bien que la tendance karmique d'une cognition se transforme en cognition et existe donc avant la cognition, seules les cognitions antérieures qui se sont transformées en cette tendance existaient avant la tendance, et non les objets physiques qui étaient les objets de ces cognitions. Le Chittamatra réfute l'idée que les objets physiques existent avant la cognition et réfute donc les phénomènes externes. Par conséquent, le Chittamatra affirme que la graine ou la tendance karmique est simplement la condition agissant simultanément (lhan-cig byed-pa'i rkyen) de l'objet de la cognition à laquelle elle donne lieu.

Seuls les systèmes philosophiques bouddhiques indiens du Mahayana affirment que les facteurs de la nature-de-bouddha (sang-rgyas-kyi rigs), littéralement, les traits de famille d’un bouddha, sont responsables de l'atteinte de la bouddhéité. Dans le système Chittamatra, les traits évolutifs de la famille d’un bouddha sont les graines du continuum mental d'une personne qui lui permettent d'atteindre le cheminement d’esprit d’un bouddha sans entraînement supplémentaire. On peut supposer qu'il s'agit des graines du réseau de conscience profonde de la personne (collection de sagesse) dédié à l'illumination et que ces graines sont la cause d'obtention d’un Dharmakaya de conscience profonde d'un bouddha. Il n'y a pas de cause d'obtention pour les corps-de-bouddha. De même, le Svatantrika affirme que les traits évolutifs de la famille d’un bouddha ne sont que les facteurs, probablement les graines, incluses dans le réseau de conscience profonde dédié à l'illumination et qui sont aptes à devenir la nature essentielle d’un Dharmakaya de conscience profonde, ne faisant aucune mention des corps-de-formes. Le Prasangika est unique parmi les systèmes philosophiques bouddhiques indiens du Mahayana, en affirmant que les caractéristiques évolutives de la famille d’un bouddha incluent les facteurs qui se transforment en les corps-de-formes.

Selon le Prasangika, le réseau de potentiel positif (collection de mérites) dédié à l'illumination est la cause d'obtention des corps-de-formes, tandis que le réseau de conscience profonde est la cause d'obtention d'un Dharmakaya de conscience profonde. Le réseau de potentiel positif se compose à la fois du potentiel qui a pris la nature essentielle d'une tendance (une graine) et des formes non révélatrices. Une graine est acceptée comme cause d'obtention d'un germe car la graine et le germe sont tous deux de la même catégorie de phénomène, tous deux sont des formes de phénomènes physiques. Mais le potentiel karmique qui a pris la nature essentielle d'une tendance (une graine) est une variable non congruente incidente (ldan-min 'du-byed), et non une forme de phénomène physique. Les variables non congruentes incidentes ne peuvent pas se transformer en formes de phénomènes physiques, seules les formes de phénomènes physiques le peuvent. Seules les formes de phénomènes physiques peuvent être la cause d'obtention d'autres formes de phénomènes physiques. Par conséquent, nous pouvons déduire que la cause d'obtention des corps-de-formes d’un bouddha doit être des formes de phénomènes physiques.

Il s'ensuit que si le réseau de force positive dédié à l'illumination est la cause d'obtention des corps-de-formes d’un bouddha, il doit y avoir des formes de phénomènes physiques incluses dans le réseau de force positive. Ainsi, nous pouvons déduire l'existence de formes non révélatrices en tant que parties d'un tel réseau, et qu'elles sont la cause d'obtention des corps-de-formes d’un bouddha. Ainsi, lorsqu'il est dit que les formes non révélatrices ne peuvent être connues que par la conscience mentale, cela fait référence à leur existence connue conceptuellement par la cognition inférentielle.

Pensez-y. Dans la discussion bouddhique sur l'esprit sans commencement, nous disons toujours que les substances physiques, comme l’union d’un spermatozoïde et d’un ovule, ne peuvent pas donner naissance à un esprit, seul un moment antérieur de l'esprit peut donner naissance à un moment suivant de l'esprit. De même, un esprit ne peut donner naissance à une substance physique, seule une autre substance physique, comme l’union d’un spermatozoïde et d’un ovule, peut donner naissance à une substance physique, comme le corps.

Un autre élément de preuve permettant de déduire l'existence de formes non révélatrices comme cause d'obtention des corps-de-formes d’un bouddha vient de la présentation des trente-deux marques excellentes d'un bouddha, appelées « marques majeures » d'un bouddha. Chacune des trente-deux marques provient d'un type spécifique de comportement constructif que la personne a adopté en tant que bodhisattva. Par exemple, un bouddha a une longue langue parce que, en tant que bodhisattva, il a pris soin des autres avec compassion, comme une mère animale léchant sa progéniture. Les formes non révélatrices qui sont apparues avec les formes révélatrices de ces actions d'un bodhisattva seraient les causes d'obtention de ces marques excellentes.

Je crois donc que cette analyse révèle la raison pour laquelle on insiste tant sur le fait de ne jamais renoncer aux vœux de bodhisattva, même au prix de notre vie. Les vœux de bodhisattva, qui sont des vœux visant à éviter des types de comportement spécifiques qui nous empêcheraient d'aider les autres et de devenir des bouddhas, sont des formes non révélatrices. Elles aussi sont des causes d'obtention des corps-de-formes d’un bouddha. En tant que formes non révélatrices, comme l'explique Shantideva, elles donnent lieu à un potentiel positif supplémentaire à chaque instant où nous les conservons, que nous soyons éveillés, endormis, sobres ou ivres.

Du point de vue de l'esprit sans commencement, nous avons prononcé les vœux de bodhisattva un nombre incalculable de fois, mais nous avons également abandonné la bodhichitta et perdu ces vœux de bodhisattva un nombre incalculable de fois. Par conséquent, pour atteindre l'illumination, il faut que nous n'ayons jamais abandonné la bodhichitta et perdu nos vœux de bodhisattva une première fois. La raison pour laquelle nous n'avons pas déjà atteint l'illumination, étant donné l'esprit sans commencement, est que cette première fois où nous n'avons pas abandonné nos vœux de bodhisattva ne s'est pas encore produite. Par conséquent, il est impératif de ne jamais renoncer à nos vœux de bodhisattva, même au prix de notre vie.

Nous avons besoin d'une forme de phénomène physique qui va se poursuivre jusqu'à l'illumination, qui se transformera alors en corps physique d’un bouddha. Il s'agit des formes non révélatrices de comportement constructif et, ce qui est encore plus fort et plus important, des vœux, qui rendent le comportement constructif plus stable et plus décisif. La force d'une forme non révélatrice peut devenir plus ou moins forte en fonction de la fréquence à laquelle nous répétons l'action, de la motivation qui la sous-tend et de ce que nous faisons. Elle n'est pas statique et change de force et d'énergie à chaque instant.

Résumé

En résumé, nous avons une action, et chacune de ses parties va avoir sa propre cause. Ces causes sont compulsives. Ce qui est également compulsif, c'est l'envie de faire l'action et de continuer à la faire. La forme que prend le mouvement de notre corps pendant l'action est également compulsive. L'empreinte musculaire de l'action est impérieuse et nous pousse à répéter ce type de comportement de manière compulsive.

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