Les quatre conciles bouddhiques

Quand des historiens examinent des événements historiques majeurs tels que les « quatre conciles bouddhiques », ils se servent d’éléments adéquats – les différentes expériences des témoins oculaires – et les organisent de manière cohérente. C’est cela qu’on désigne sous le nom d’« histoire ». Mais l’histoire, dans le contexte bouddhique, est seulement un moyen pour nous de comprendre le passé dans le but de progresser à travers les niveaux d’enseignements en vue de la libération ; ce n’est pas comme si nous pouvions découvrir l’expérience des quatre conciles bouddhiques sous un angle unique. Il existe de nombreuses versions des quatre conciles bouddhiques. À dire vrai, certains n’acceptent même pas qu’il y en ait eu quatre. Ces versions sont toutes utiles, et nous devons considérer chacune d’elles si nous voulons comprendre les documents d’un point de vue plus large, sans parti pris ni conditionnement culturel.

Qu’est-ce que l’histoire ?

L’histoire est une façon d’organiser des faits antérieurs afin de comprendre une forme de développement qui s’est produit au cours du temps. Prenons la citation : « Si l’histoire se déroule, l’homme y assiste », il se peut alors que nous considérions l’histoire comme existant indépendamment – comme une chose en soi – et que l’homme soit juste un spectateur, la regardant et y assistant comme à un événement sportif. Mais l’histoire n’existe pas en tant que « chose ». C’est juste une manière d’organiser et de considérer divers thèmes parmi des faits sur une période donnée. Dans la terminologie bouddhique, cette organisation de faits historiques est une « construction mentale ». 

Nous pouvons mettre en rapport cette idée de construction mentale avec le thème des projections. Nous pouvons demander par exemple : « Est-ce que la Révolution russe a eu lieu ? » Même si la réponse est « oui », nous devrions toujours demander : « Que s’est-il réellement passé alors ? » Beaucoup de gens étaient là et, à chaque moment, ils ont fait l’expérience de quelque chose de différent, mais ont-ils fait l’expérience de « la Révolution » comme si tous regardaient un éléphant ? Si tel n’était pas le cas, alors qu’était la révolution ? La révolution fut seulement décrite après coup quand différents historiens essayèrent de donner un sens aux diverses expériences des nombreuses personnes présentes. Ces historiens ont alors rassemblé les récits des témoins oculaires dans une sorte de synthèse mentale : une organisation des expériences appelée « histoire ». Nous pouvons également constater ce genre d’organisation des matériaux bouddhiques, lesquels peuvent être présentés de diverses façons.

Si nous prenons le sujet de la psychologie, par exemple, même s’il existe de nombreuses écoles de psychologie, de quel sujet parle-t-on véritablement ? Nous pouvons dire que la psychologie est la vaste somme d’expériences momentanées d’un grand nombre de gens différents. Un psychologue dès lors présente ces expériences selon un schéma structurel, lequel est expliqué au moyen d’une théorie psychologique. Les expériences peuvent être présentées pas uniquement selon un seul schéma mais peuvent être organisées selon de nombreux systèmes.

Si nous posons la question philosophique de savoir si quelque chose s’est-il réellement passé précédemment ? La réponse serait : « Bien sûr, quelque chose s’est passé. » Mais était-ce juste une construction mentale qui arrange ensemble des événements en une synthèse appelée « histoire » ? C’est une question importante car elle nous introduit à la façon analytique bouddhique de considérer les choses, manière qu’il est important pour nous de comprendre.

Les bouddhistes tibétains étudient les quatre écoles du bouddhisme indien en tant que cursus progressif, à savoir qu’un niveau conduit à un autre, tant en termes de compréhension et d’aperçus progressivement plus approfondis qu’en termes d’une déconstruction plus subtile de notre vision fausse de la réalité. Il s’agit là d’un moyen d’organiser des éléments dans le but d’obtenir la libération et l’illumination, de même que différentes théories psychologiques sont réunies dans le but d’aider les patients. Nous pouvons organiser le matériel des enseignements bouddhiques selon un développement logique des idées, grâce à quoi nous avons le début d’un concept d’un certain enseignement qui s’est développé, lequel, une fois élaboré plus avant et élargi, donne lieu à ce qu’on appelle « l’histoire du bouddhisme ».

Dans notre façon occidentale de penser, cette idée de la manière dont les choses se développent – en référence à ce qu’on appelle le « progrès » – est une chose qui nous concerne au plus haut point. Elle est fondée sur notre concept d’un temps linéaire, une chose culturellement spécifique. Le temps linéaire nous fournit, en tant qu’Occidentaux, une information utile sur la manière dont les idées se développent au cours du temps, mais pour les Tibétains et les Indiens cette information n’est pas pertinente. Ils ne croient pas à l’histoire sous la forme d’un temps linéaire. Aussi, pouvons-nous dire que notre analyse historique occidentale est plus valide que l’analyse indienne ou tibétaine ? Le Bouddha a enseigné tous les sujets simultanément dans de nombreux royaumes, c’est pourquoi la question de diviser les enseignements en fonction du temps est plutôt inappropriée. Bien que les trois transmissions des trois tours de la Roue du Dharma puissent être considérées séparément et divisées, les véritables dates de ces transmissions sont sans signification.

L’important est de ne pas adopter un point de vue académique arrogant, conceptuellement partial, une vision qui considère que seule l’histoire est vraie et qu’elle est le fait de gens qui plus tard ont développé toutes ces idées. Ce n’est pas cela le bouddhisme. Le bouddhisme authentique est seulement ce que le Bouddha a enseigné. Dès lors, est-il utile d’étudier et de construire une ligne de développement des idées, d’avoir une perspective historique ? Est-il utile de s’emparer du concept de ce qu’est un bouddha sur une période donnée afin de voir le développement, ou la progression, d’une idée ?

Envisager les événements sous l’angle du développement ou du progrès est une manière d’étiqueter une séquence temporelle, une autre manière serait de le faire en termes de décadence. L’une et l’autre manière sont également valides car cela aurait un sens dans le cadre d’une certaine façon de penser. Ou bien, on pourrait voir cela comme une fabrication de la part des gens, ou une façon de gagner une légitimité – « c’est cela que le Bouddha a vraiment voulu dire » – qu’elle soit interprétable ou définitive.

Si nous revenons à la question de savoir quel est la raison d’une histoire, du fait de construire une histoire du développement des idées, il se peut que nous n’ayons pas de réponse. Cependant, nous pourrions dire que pour notre façon de penser, qui est très linéaire, c’est utile dans la mesure où cela aide à donner un sens aux événements au sein de notre propre cadre conceptuel. Il est important pour nous de ne pas être enclin à critiquer et, d’un point de vue bouddhique, de ne pas dire qu’adopter une perspective historique est de loin plus valide que certaines des façons bouddhiques de comprendre comment organiser les matériaux.

Ici, quand nous nous référons à un temps linéaire, nous parlons d’un temps qui a un commencement, soit qu’il ait été créé par un être supérieur, soit qu’il commence par un big-bang. Ce début se poursuivra et prendra fin, soit avec la destruction de l’univers, soit avec le grand effondrement, ce qui aura pour conséquence la fin du temps. Ceci est en contradiction avec le point de vue bouddhique selon lequel il n’y a ni commencement ni fin. Au lieu de cela, il y aura un autre big-bang, un autre grand effondrement ou expansion jusqu’au vide – et cela ne fera que continuer encore et encore, d’une façon non linéaire.

Les divergences de vue sur la linéarité et la non-linéarité soulignent un des bénéfices de l’étude des matériaux bouddhiques, car cela contribue à nous aider à identifier quelles sont nos manières culturellement spécifiques de penser. Le mot « spécifique » ici est important car il montre que c’est seulement notre culture qui pense de cette façon. En fait, on se doit de comprendre qu’il existe bien d’autres façons de considérer l’univers et notre expérience. Souvent, du fait que nous sommes familiers uniquement avec notre propre point de vue, nous n’envisageons même pas la possibilité qu’il puisse y avoir une autre manière de regarder l’univers, encore moins que cette dernière puisse être valide de façon équivalente. C’est la raison pour laquelle étudier une chose aussi différente que la manière bouddhique de penser nous aide à identifier ces projections que nous avons dans nos façons d’organiser les matériaux. Des notions comme « une vérité », « progression », ou « dégénérescence » sont simplement des moyens de compréhension qui sont mentalement construits. Ils ne sont pas nécessairement universels pas plus qu’ils n’existent « là-bas » en tant que La Vérité.

Selon le point de vue Chittamatra, « c’est la manière dont cela nous apparaît ». Les situations apparaissent à chaque personne d’une manière différente qui dépend de leur culture. Par exemple, dans la thérapie familiale, la façon dont une situation apparaîtra à la mère, au père ou aux enfants sera différente. Quand nous ouvrons nos esprits afin de considérer qu’il existe d’autres manières d’organiser les événements et de les comprendre, pour des raisons différentes diverses, nous disposerons alors de multiples autres outils que nous pourrons utiliser pour gérer nos problèmes quotidiens. Envisager d’autres éventualités nous montre qu’il se peut que nous ayons été conditionnés par notre culture et, de fait, voir les choses sous un autre angle nous aidera à trouver une meilleure solution. Ou bien, il se peut que nous trouvions utile de mettre ensemble différents points de vue afin d’en arriver à une tout autre synthèse mentale.

Notre conditionnement, qui nous pousse à penser d’une certaine façon, ne veut pas dire que nous devons être critique par rapport à notre culture, en pensant que la nôtre est supérieure et celle des autres inférieure, ou l’inverse. Nous avons tous grandi dans un certain contexte car personne n’existe en dehors d’un cadre. De même, nous ne devons pas voir notre conditionnement comme limité parce qu’il y a d’autre manières utiles d’envisager et de comprendre différents sujets.

Après la mort du Bouddha

Si on se tourne vers l’idée occidentale d’histoire, après le trépas du Bouddha, ses disciples eurent à gérer la vaste somme de discours délivrés par le Bouddha, dont aucun n’avait été couché par écrit. Il existe différentes versions de ce qui est arrivé à ces discours selon des écoles et des auteurs variés au sein du monde bouddhique. Des gens différents se souviennent d’événements divers et racontent leurs histoires, ou versions, à leurs étudiants ou enfants, etc. Aussi, puisqu’il existe différentes versions de ce qui s’est passé, nous ne pouvons pas découvrir et établir une seule possibilité ou « une seule vérité ».

Les principaux disciples du Bouddha ont raconté que ceux qui couchèrent par écrit les enseignements étaient tous des arhats. Mais, en réalité, nous n’avons aucune idée sur le fait que la totalité des cinq cents d’entre eux étaient des arhats, qu’ils étaient tous des êtres libérés. On dit que les cinq cents arhats se sont réunis et qu’ils ont récité de mémoire, mot pour mot, ce que le Bouddha avait enseigné.

Ici, il est important de noter que rien des enseignements du Bouddha ne fut écrit pendant quatre cents ans approximativement à compter de la mort du Bouddha. Après cette période, la version de l’école Théravada qui apparaît en pali fut couchée par écrit, tandis que d’autres versions furent rédigées encore plus tard. C’est la raison pour laquelle Shantideva dit : « Si vous interrogez l’exactitude de nos souvenirs de ce qui a été dit, alors nous pouvons interroger l’exactitude de ce dont vous vous souvenez. » Nous ne pouvons pas savoir de manière définitive si les arhats se sont souvenus de tout mot pour mot, parce qu’il y avait une quantité énorme de matériel. Cette situation, où le contenu fut d’abord transmis oralement pour être transcrit plus tard, n’est pas propre au bouddhisme. De fait, dans de nombreuses religions du monde, rien ne fut écrit à l’époque du fondateur de cette religion, et on ne se remémora les choses et on ne les écrivit que beaucoup plus tard. 

Langage écrit et mémorisation

En matière d’histoire du langage écrit, on pourrait se demander pourquoi on développerait un langage écrit ? Selon de nombreux chercheurs, on le développa en premier pour des raisons militaires, pour envoyer des ordres, etc., à une autre partie de l’armée, ou pour des raisons administratives. Au début, particulièrement en Inde, le langage écrit ne fut jamais utilisé pour des sujets philosophiques ou spirituels. On l’utilisait seulement pour des raisons pratiques, comme dans le cas des marchands qui consignaient par écrit ce qu’ils avaient vendu et à quel prix.

Pour comprendre si oui ou non les gens pouvaient réellement se rappeler autant de données à cette époque, nous pouvons regarder les Tibétains d’aujourd’hui. Les Tibétains sont capables de mémoriser des milliers de pages de textes et de les réciter ensuite. Le meilleur exemple est celui de Sa Sainteté le Dalaï-Lama qui a mémorisé une énorme quantité de matériel, à partir duquel il peut simplement à tout moment tirer une citation. C’est pourquoi il n’y a rien de remarquable à ce que, pour les gens qui n’avaient pas de livres ni même le concept de livres, la seule façon de s’instruire était de mémoriser une grande quantité de données.

Il est difficile pour nous d’imaginer ce que ce serait s’il n’y avait pas de livres, encore moins d’ordinateurs et d’Internet, et si tout notre système éducatif reposait simplement sur l’écoute des explications des enseignements, lesquels devaient être remémorés, ce qui, en un sens, veut dire mémorisés. Le besoin de mémoriser implique que ces enseignements ne soient pas récités juste une fois mais, au lieu de cela, soient récités de façon organisée encore et encore. Cette répétition aiderait les jeunes étudiants qui, en entendant de nombreuses fois les enseignements, les réciteraient, pratiqueraient et apprendraient continuellement. C’était seulement sur cette base de les avoir entendus et mémorisés qu’un étudiant pouvait véritablement réfléchir aux enseignements et essayer de comprendre leur sens.

La mémorisation dans le système éducatif existe encore aujourd’hui parmi les Tibétains dans les institutions bouddhiques. Même si les étudiants disposent maintenant de livres, ils les récitent et les mémorisent toujours. En fait, tout le système éducatif est orienté en vue de profiter de l’exceptionnelle aptitude des jeunes esprits à mémoriser. Pareils aux jeunes enfants, nous pouvons mémoriser diverses choses, comme des comptines, et nous en souvenir bien des années plus tard, alors que se rappeler une chose de la veille, telle qu’un numéro de téléphone, est beaucoup plus dur. La mémoire à long terme est toujours meilleure que la mémoire à court terme.

Le système éducatif tibétain est ainsi fait que, jusqu’à l’âge de treize ans, les étudiants ne reçoivent aucune explication, ils se contentent d’apprendre par cœur. Certains Occidentaux pourraient penser que ce n’est pas satisfaisant et que c’est une façon « moyenâgeuse » d’étudier, mais on pourrait argumenter en disant que cette façon a ses bienfaits. Un étudiant qui apprend par cœur n’est pas totalement dépendant d’Internet ou des bibliothèques. Il peut se rappeler une chose sans avoir à la rechercher.

Le Premier Concile bouddhique

Le Premier Concile fut convoqué à Rajagrha dans le royaume du Magadha l’année qui suivit le trépas du Bouddha. Notez que le mot « Concile » est un mot occidental voulant dire organe de gouvernement élu. Ici, le terme désigne en réalité une assemblée où tout le monde se réunit dans le but de réciter les écritures afin de s’assurer qu’il n’y ait pas d’erreurs. 

Cinq cents arhats assistèrent au Premier Concile. Parmi eux, trois des plus remarquables arhats capables de mémoriser récitèrent chacun l’une des trois divisions majeures des enseignements du Bouddha. Ananda, le cousin du Bouddha (avoir un parent était alors une coutume qui perdure encore dans la tradition tibétaine), possédait une mémoire photographique et, en conséquence, récita par cœur tous les soutras. À cause de sa jalousie, Mahakashyapa, un moine âgé mais relativement nouveau, ne souhaitait pas qu’Ananda fût présent, mais comme Ananda avait la meilleure mémoire les autres arhats l’invitèrent à réciter les soutras. Les soutras sont des thèmes de pratique, traitant spécialement de la concentration.

Selon une de versions, une portion des enseignements sur l’abhidharma fut récitée par Mahakashyapa. D’autres traditions disent que Mahakashyapa se contenta de présider et que les enseignements sur l’abhidharma délivrés par le Bouddha ne furent pas récités à cette occasion mais furent compilés seulement plus tard par certains des arhats ayant participé au colloque. Le terme abhidharma est traduit ici par « sujets spéciaux de connaissance » et traite de métaphysique – la façon de comprendre l’univers, de quoi il est fait, les différentes sortes d’êtres en son sein, le champ de la biologie, etc. Ce domaine d’étude nous aide à développer ce qu’on appelle la « conscience discriminante » en sorte de pouvoir comprendre les divers facteurs de notre expérience.

Les règles de discipline propres à l’ordre monastique furent récitées par le moine Upali. Il y a des vœux tant pour les moines que pour les nonnes, de même que des divisions pour les novices,  ceux qui sont pleinement ordonnés, etc. Le Bouddha formula les règles afin de résoudre un incident ou un problème au sein de la communauté et non pour contraindre à l’ « obéissance ». Dans le monachisme chrétien, l’un des vœux principaux est celui d’obéissance, un vœu qui n’existe pas dans le système monastique bouddhique. Les lois célestes ou royales de la Bible ou des anciens Grecs ainsi que le système judiciaire légal occidental possèdent une législation qui doit être suivie et obéie. Dans ces contextes, obéir est synonyme d’ « être bon », tandis que la désobéissance doit être punie. Quand on regarde le système judiciaire occidental – l’administration de la justice – on découvre qu’il n’existe pas une chose comme la « justice ». Si quelqu’un suit la loi, alors il est bon ; s’il désobéit, alors il est « coupable ». Tout ce concept de culpabilité est une façon de penser très occidentale.

En revanche, l’éthique bouddhique est fondée sur la compréhension du problème, et non sur l’obéissance. Quand un problème ou une difficulté surgit, on trouve alors une solution ou une règle afin d’aider à éviter que le problème ne se reproduise et occasionne plus de difficultés. De nos jours, cela est pertinent dans toute organisation ou société ayant de prétendues lois ou règles auxquelles les citoyens doivent se conformer strictement. Cependant, si les gens comprenaient les raisons et les motifs derrière ces règles, alors il n’y aurait plus besoin de police et la société fonctionnerait beaucoup plus en douceur, sans heurts.  

Le Premier Concile fut présidé par Mahakashyapa, un vieux brahmane, plein de dignité, originaire du Magadha. Il devint moine alors qu’il était déjà plutôt âgé. Avant de mourir, le Bouddha donna à Mahakashyapa ses vieilles robes usagées en échange de celle toute neuve du brahmane. À une époque ultérieure, cela fut considéré comme un signe que le Bouddha avait transmis l’autorité de sa lignée d’enseignements à Mahakashyapa. Ce dernier se sentit donc investi d’une charge.

Toutefois, l’intention du Bouddha avait toujours été que l’autorité de ses enseignements devrait être maintenue de façon égalitaire, c’est-à-dire sans qu’une personne en ait la charge. Néanmoins, au cours de l’histoire du bouddhisme, il y a eu une dialectique continuelle entre une figure centrale détenant l’autorité, laquelle se charge d’organiser et de structurer les enseignements avec un certain pouvoir, et une communauté monastique égalitaire dont les dirigeants sont élus et dans laquelle les décisions sont prises de concert. C’est évident aujourd’hui dans la communauté monastique tibétaine à propos de la pleine ordination des nonnes. Le lignage pour ces types de vœux a été interrompu mais il existe un mouvement puissant pour son rétablissement. La prescription du Bouddha était que ces sortes de décisions ne pouvaient être prises par une autorité centrale mais, au lieu de cela, devaient être décidées au cours d’un concile d’anciens qui se seraient tous mis d’accord. Une décision majeure adoptée unanimement au sein de la communauté monastique bouddhique est en réalité difficile à mettre en pratique, et c’est une question pertinente, aujourd’hui encore, avec, par exemple, l’Union Européenne. Dans la communauté bouddhique, le Bouddha encourageait l’indépendance de pensée malgré les patriarches, et comme il n’existait pas de stricte exécution d’un certain nombre de coutumes, diverses interprétations se développèrent en différents endroits. 

Une fois le Bouddha décédé, Mahakashyapa prit la communauté en charge, organisant le concile afin de passer en revue et de codifier les enseignements du Bouddha. Au début du Premier Concile, Ananda rencontra le premier ministre du Magadha pour lui faire part de l’intention du Bouddha d’avoir un ordre démocratique égalitaire mais le premier ministre était trop occupé à préparer l’attaque du royaume d’Avanti, à l’ouest du Magadha.

Si l’on spécule, le fait que Mahakashyapa ait été un dirigeant puissant et qu’il ait pris l’initiative de codifier les enseignements contribua sans doute à la survie de l’ordre bouddhique dans ces temps troublés. Issue de Mahakashyapa, s’ensuivit le développement d’une lignée de patriarches – lignage ou succession – qui prirent la direction de toute la communauté bouddhique. Les Tibétains dénombrent une lignée de sept patriarches alors que dans la tradition Zen japonaise on compte vingt-huit patriarches, le dernier étant Bodhidharma qui apporta le Zen en Chine et débuta la lignée des patriarches chinois de la tradition Chan. Par la suite, des branches de ces traditions se rendirent en Corée, au Japon, etc. Dans les pays adeptes du Théravada de l’Asie du Sud-Est, des patriarches nationaux initièrent une lignée de succession, par exemple « le Grand Patriarche de Thaïlande », etc. Au Tibet, un genre de position similaire à celle d’un patriarche se développa avec l’institution des Dalaï-Lamas. Dans un cas comme dans l’autre, ils ne sont pas considérés comme des papes infaillibles en directe ligne du Bouddha, ayant une autorité légale sur l’ordre monastique. Au lieu de cela, fondamentalement, ils ont la responsabilité de maintenir la cohésion de l’ensemble de l’ordre et de veiller au bien-être des communautés aussi bien monastiques que laïques au sein de leurs pays. 

Un point intéressant dans le développement historique des enseignements du Bouddha est l’éclatement en diverses écoles de ce qui est généralement connu comme la tradition Hinayana. Ces écoles ont des versions légèrement différentes de l’abhidharma, de même qu’elles ont adapté ou modifié le vinaya selon la variété de leurs besoins. Cette adaptation fut décidée de façon démocratique par un groupe d’anciens et non de manière autocratique. Les anciens suivaient la coutume des Jaïns. Le système philosophique et religieux des Jaïns commença cinquante ans avant le Bouddha, et le Bouddha adopta nombre de leurs idées. Les moines jaïns avaient coutume de réciter leurs vœux par cœur tous les quinze jours car ceux-ci n’étaient pas écrits.

Ce fut après le Premier Concile que l’usage se répandit pour l’assemblée des moines de réciter les divers enseignements de mémoire et d’entendre d’abord les mots exacts des enseignements au moyen de la transmission orale (à ce stade leur compréhension des enseignements n’était pas requise !) puis de les mémoriser correctement. La transmission orale est un trait prépondérant dans les monastères tibétains même de nos jours. La récitation de groupe des soutras est une coutume importante dans les monastères bouddhiques traditionnels à travers l’Asie.

Le Deuxième Concile bouddhique

Environ un siècle après le Premier Concile – il existe différentes opinions quant à sa date, soit 386 avant notre ère soit 376 – un Deuxième Concile fut convoqué à Vaishali dans la république du Vajji.

Différentes versions décrivent le but principal du Deuxième Concile, à savoir l’entérinement de la scission au sein de la communauté. Remarquez ici que « scission » ne veut pas dire schisme, à l’instar de Devadatta vis-à-vis du Bouddha. Ce n’était pas que les gens se haïssaient ou souhaitaient s’entretuer ; il s’agissait juste d’un désaccord sur des usages. Une des versions rapporte que, parmi toutes les controverses débattues, la question principale à cette époque était l’opinion divergente pour savoir si oui ou non les moines étaient autorisés à manipuler de l’or (de l’argent) en accord avec les règles monastiques. 

Le groupe dont le sentiment était que le Bouddha préconisait que les moines ne manipulent pas d’or était celui des Théravadins. Ils formaient le groupe conservateur, celui qui était le plus strict. Théravada signifie « les tenants [de la doctrine] selon les Anciens ». Dans la tradition Théravada, aujourd’hui encore, les moines ne sont pas autorisés à manier ou transporter de l’argent, et doivent avoir des assistants ou novices pour gérer toutes les questions financières. Le Mahasanghika, qui veut dire « la Communauté majoritaire », fut le groupe qui se sépara, disant qu’il était approprié que les moines aient de l’or.

Cette question du maniement de l’or est sujette à controverse car certains moines commençaient à accumuler de l’argent et cela finit par créer des problèmes dans une communauté supposée être égalitaire. C’est encore un problème de nos jours dans les divers ordres monastiques. Dans la tradition Théravada, en Thaïlande par exemple, l’argent est géré de manière très stricte et les moines ne peuvent pas le toucher. Dans les pays Théravada, les moines et les nonnes ne paient rien. Ils sont supposés vivre de mendicité et accepter toute nourriture qu’on leur donne. Les laïcs qui soutiennent la communauté monastique, en donnant leur propre nourriture et en la plaçant dans les bols à aumônes, accumulent de la force positive – qu’on appelle « mérite ». Cette situation diffère de celle du Tibet où il fait trop froid et où les distances sont trop grandes pour aller mendier pieds nus, spécialement en hiver. Dans le système tibétain traditionnel, plusieurs personnes ont coutume d’apporter de la nourriture aux monastères qui la redistribuent aux moines. Dans différents pays, ces règles se sont développées diversement tout au long de l’histoire. 

Une autre version rapporte que la question principale débattue lors du Deuxième Concile concernait la situation de ceux qu’on appelle les arhats, les êtres libérés. Ces êtres ne savaient pas tout, c’est-à-dire qu’ils n’étaient pas omniscients. Par exemple, s’ils s’étaient égarés, ils devaient demander leur chemin. Toutefois, malgré les limites de leur savoir, les Théravadins concédaient qu’ils étaient néanmoins experts dans la science du Dharma ; qu’ils savaient comment enseigner aux autres et connaissaient le sens des enseignements. Les Théravadins insistaient sur le fait que les arhats, pareils aux bouddhas, étaient complètement délivrés de toute émotion perturbatrice, telle que le désir.

Cependant, l’autre groupe, les Mahasanghikas, en se fondant indubitablement sur leur expérience, disaient que les arhats pouvaient toujours être séduits pendant leurs rêves Ils pouvaient avoir des rêves érotiques et des émissions nocturnes. Ils interrogeaient le fait que si les arhats étaient toujours influencés par des rêves sexuels, pouvaient-ils alors être encore des arhats. Il s’agissait là d’une question très pratique puisqu’elle surgissait à partir des expériences des pratiquants. Les Mahasanghikas déclaraient qu’un bouddha n’était nullement influencé par des rêves. Cette déclaration eut pour effet d’accentuer la différence entre un bouddha et un arhat. Pour les Théravadins il n’y avait pas une si grande différence entre un arhat et un bouddha. Pour eux, le Bouddha enseignait à des audiences plus larges alors que les arhats n’enseignaient qu’à des nombres limités de personnes.

Si nous regardons le développement historique du groupe des Mahasanghikas, une partie d’entre eux alla de l’Inde du Centre vers le nord-ouest, une région qui est le Pakistan d’aujourd’hui. Un autre groupe se rendit au sud dans l’actuel Andhra Pradesh, à mi-chemin de la côte occidentale de l’Inde. C’est plus particulièrement dans cette région de l’Andhra que le Mahayana émergea en premier, de même, plus tard, c’est là aussi que le tantra se développa ainsi qu’au Pakistan. Historiquement, l’idée de ce qu’est un bouddha évolua de plus en plus en direction de l’omniscience, à savoir l’idée qu’un bouddha connaisse absolument tout simultanément et puisse se manifester sous un nombre incalculable de formes, enseignant et étant compris dans toutes les langues. Le concept de bouddha s’est continuellement élargi, jusqu’à atteindre la vision Mahayana qui présente et offre le plus grand nombre de qualités d’un bouddha.

Le Troisième Concile bouddhique

Certaines sources ne parlent pas de la troisième assemblée comme d’un concile. En revanche, les sources qui en parlent déclarent que le Troisième Concile eut lieu environ cent cinquante ans après le deuxième. Selon différentes versions, la date du Troisième Concile serait soit 237, soit 247 avant notre ère. 

Quatre-vingts ans auparavant eut lieu la fondation de l’empire Maurya en Inde du Nord. C’était donc le fameux empereur Ashoka qui régnait à l’époque du Troisième Concile. Cet empereur était cruel, et mena tout d’abord de nombreuses guerres au cours desquelles un grand nombre de gens furent tués. Mais, plus tard, après avoir entendu les enseignements bouddhiques, il se repentit et devint un fervent adepte et défenseur des enseignements bouddhiques, envoyant divers maîtres dans tout son empire et les régions avoisinantes pour expliquer et diffuser les enseignements. C’est sous le règne d’Ashoka que le bouddhisme vint pour la première fois au Sri Lanka. De même, il gagna l’actuel Afghanistan, le Cachemire, le Myanmar, etc.

Selon une autre version, à cause de la réunion de divers groupes ayant de nombreuses vues divergentes, l’objectif principal du Troisième Concile était que les Théravadins se préoccupaient de maintenir la pureté des enseignements. En conséquence, le moine en charge du concile écrivit une réfutation analytique des diverses vues courantes qu’il considérait comme des interprétations incorrectes des enseignements bouddhiques. Ceux qui avaient des compréhensions ou points de vue différents sur l’abhidharma – sur la manière dont les choses existent dans le passé, le présent et le futur, (sur des questions métaphysiques) – formèrent une école séparée, « la tradition Sarvastivada », et se détachèrent des Théravadins. 

Selon les Sarvastivadins, toute la matière est faite de particules ou atomes, dans un sens non occidental, et donc tout existe – le terme sanskrit « sarvasti » voulant dire tout-existant. Ils affirment que la matière (les particules) dans l’univers demeurent fondamentalement les mêmes dans le passé, le présent et le futur, changeant seulement de configuration. Par exemple, les atomes dans un corps viennent des atomes du sperme et de l’ovule des parents. Ces atomes seront les mêmes que ceux qui se dissoudront dans la terre au moment de la mort, ou deviendront des cendres si le corps est incinéré. De cette façon, on a le concept que tout existe dans le passé, le présent et le futur. Cette question trouve sa pertinence de nos jours en termes de science moderne. Nous pouvons envisager qu’une certaine quantité de matière et d’énergie dans l’univers persiste dans le temps, changeant de forme, ou qu’il s’agit de la création d’une énergie et d’une matière nouvelles.

Les Théravadins n’étaient pas d’accord avec la position des Sarvastivadins. Au lieu de cela, ils affirmaient seulement le présent, et disaient que les seules choses qui existent sont les phénomènes présents. Pour eux, les événements passés n’ont pas encore produit leurs résultats, comme une dispute entre un couple qui a eu lieu dans le passé mais est toujours efficiente dans la mesure où elle pourrait conduire à un divorce.

Sur une période de plusieurs siècles, à la suite du Troisième Concile, un nombre de plus en plus grand d’écoles se séparèrent sur la base de compréhensions différentes : certaines venaient du Théravada tandis que d’autres venaient des écoles Mahasanghika et Sarvastivada. Environ cinquante ans plus tard, l’école Dharmaguptaka bifurqua. Les adeptes de cette école rehaussèrent le statut des bouddhas, insistant sur l’importance de faire des offrandes d’abord aux stupas – les monuments contenant les reliques de bouddhas ou d’un maître réalisé – puis aux bouddhas, enfin aux religieux dans une moindre mesure. C’est alors que l’aspect dévotionnel devint l’accent principal.

L’école Dharmaguptaka fut la principale école bouddhique Hinayana présente au Gandhara, la région couvrant l’actuel Pakistan septentrional et l’Afghanistan oriental. C’est là que la version écrite la plus ancienne des enseignements bouddhiques fut compilée à partir du premier siècle avant notre ère, en langue Gandhari.

Une de principales questions à cette époque était « qui ou qu’était le Bouddha ? » Au fur et à mesure que les siècles passent, on peut comprendre que le fondateur de n’importe quel ordre (ou « religion ») devienne l’objet d’une glorification croissante. Quand on considère les autres traditions Hinayana (dix-huit d’entre elles), on voit alors, dans le développement historique au cours des siècles avant notre ère, que le Bouddha devient de plus en plus surnaturel, dans le sens où il acquiert plus de pouvoirs et devient plus omniscient. Dès lors, la différence entre un arhat et un bouddha devient plus grande. On peut noter ici que le Bouddha a enseigné habilement à différents auditoires en sorte que les enseignements se sont adaptés aux besoins spécifiques de cette époque en faveur d’un aspect dévotionnel de la pratique religieuse, lequel était également manifeste dans la littérature non bouddhique. Le besoin d’une figure dévotionnelle correspond au fait que le Bouddha devenait de plus en plus un être glorifié, de même qu’on mettait davantage l’accent sur la vénération des stoupas, des reliques et des monuments dédiés non seulement au Bouddha mais aussi à d’autres grandes figures.

En réaction à cet aspect dévotionnel, les écritures Mahayana ou soutras insistèrent sur les grands bienfaits (force positive, mérite) obtenus par la récitation et l’étude des textes. Historiquement, les écrits du Mahayana commencèrent par apparaître entre le premier et le quatrième siècle de notre ère dans la région de l’actuel Andhra Pradesh située dans la partie orientale de l’Inde du Sud. C’était la région où la branche Mahasanghika du Hinayana s’était installée et avait instauré la figure du Bouddha comme suprahumaine, agrandissant l’écart entre les réalisations du Bouddha et celles d’un arhat. Les principaux soutras du Mahayana qui surgirent d’abord furent les Prajnaparamita Sutras que le Bouddha avait enseignés au Pic des Vautours sur le vide (la vacuité) de tous les phénomènes, lors du deuxième tour de la Roue du Dharma.

L’accent des soutras du Mahayana n’est pas mis sur une dévotion excessive, où les gens allument simplement des chandelles et brûlent de l’encens aux monuments, etc., mais plutôt sur la nécessité d’étudier et de réciter les textes. Dans ces soutras, les bénéfices de l’étude sont continuellement répétés en donnant des chiffres. Ainsi, il y a trente-six millions de fois plus de mérites à étudier et réciter un texte que de faire des offrandes à un stoupa. Mais, comme l’a fait remarquer Shantideva, un grand maître indien bouddhiste de notre ère, il n’est malgré tout pas inutile de faire des offrandes.

L’aspect dévotionnel est également présent dans l’école Dharmaguptaka, une école qui s’est développée en Asie centrale. Les adeptes de cette école ont réuni ensemble ce qu’on appelle des « dharanis ». Fondamentalement, un dharani est une courte phrase ou formule qu’on récite continuellement afin de garder l’esprit concentré et conscient d’un certain enseignement. Il s’agit d’un genre de dévotion. L’usage des dharanis est apparu à un moment où l’hindouisme dévotionnel s’est développé. Il est difficile de dire si l’hindouisme a influencé le bouddhisme ou le contraire. Ils se sont tous les deux manifestés au même moment, avec les psalmodies hindoues telles que « Hare Krishna », et les récitations chantées de dharanis par les bouddhistes.

On voit clairement l’aspect dévotionnel du mouvement Dharmaguptaka dans le bouddhisme chinois, où les adeptes entrent dans les temples pour allumer de l’encens et des chandelles, en récitant constamment des dharanis. Dans la majorité des écoles bouddhiques de Chine, en général, on n’insiste pas tellement sur l’étude. Les dharanis n’ont pas seulement eu une influence sur l’aspect dévotionnel du bouddhisme, mais également sur le développement du tantra. D’où, plus tard, dans l’histoire du bouddhisme, la récitation de mantras, lequels sont habituellement plus courts que les dharanis et constamment répétés dans la pratique tantrique pour garder le pratiquant conscient du sens d’un enseignement spécifique.

Le développement de l’école Dharmaguptaka n’a pas seulement conduit à se focaliser plus sur l’aspect dévotionnel mais a créé également une version différente des vœux monastiques tant pour les moines que pour les nonnes. La tradition a passé par l’Asie centrale puis est allée en Chine. Entre les quatrième et cinquième siècles de notre ère, une autre branche, appelée Mulasarvastivada, s’est séparée de l’école Sarvastivada. C’est la version des vœux monastiques de cette école qui est suivie par le Tibétains. C’est pourquoi, de nos jours, il existe trois lignées principales d’ordination monastique : d’abord celle du Théravada, en Asie du Sud-Est ; la deuxième, celle de l’école Mulasarvastivada, qui s’est répandue au Tibet puis en Mongolie et les régions avoisinantes ; enfin la troisième, celle de l’école Dharmaguptaka, qui est allée en Chine puis en Corée, au Japon et au Vietnam. 

Le Quatrième Concile bouddhique

Il y a eu deux conciles séparés qui ont été appelés chacun le « Quatrième Concile bouddhique ». Le plus précoce se tint au sein de la tradition Théravada à la fin du premier siècle avant notre ère au Sri Lanka. Il y avait à cette époque une famine sévère et de nombreux moines moururent de faim. C’est la raison pour laquelle afin de préserver les enseignements qui avaient été transmis oralement jusqu’alors, ces derniers furent couchés par écrit. Cela se fit en langue Pali, le dialecte dans lequel les enseignements Théravada avaient été transmis.

Quant à l’autre Quatrième Concile bouddhique, ce fut lors de ce concile, à la fin du premier siècle de notre ère au Cachemire et en Inde du Nord, au sein de l’école Sarvastivada, que Kumaralata rejeta l’autorité des textes sur l’abhidharma pour s’en remettre exclusivement aux soutras Sarvastivada. La tradition qui en découla fut appelée « Sautrantika ». Par ailleurs, à cette époque, au premier siècle de notre ère, les Kushans, venus d’Asie centrale, conquirent le Gandhara, le Cachemire et le nord de l’Inde et établirent la dynastie Kushan. Au cours du règne de l’empereur kushan Kanishka, cet autre concile appelé le « Quatrième Concile » fut convoqué au Cachemire sous la conduite de Vimalamitra. À cette occasion, les membres du concile rejetèrent les affirmations Sautrantika et codifièrent les enseignements Sarvastivada sur l’abhidharma dans le Mahavibhasa Sutra. Ceci devint la base de la division Vaibhashika de l’école Sarvastivada. Tant les enseignements Vaibhashika que les enseignements Sautrantika étaient donnés dans les universités monastiques en Inde et continuent de l’être de nos jours dans les monastères tibétains.

À cause du manque d’une figure centrale d’autorité, différentes interprétations et opinions émergèrent naturellement dans différentes aires géographiques et c’est ainsi que le bouddhisme se développa.

Résumé

Tibétains et Indiens voient l’histoire comme non linéaire, histoire fondée sur les niveaux des enseignements bouddhiques, tandis que les Occidentaux voient l’histoire comme linéaire, organisant les événements historiques selon les dates et les faits. Dans la perspective historique de l’histoire, les enseignements bouddhiques ne furent pas consignés par écrit pendant de nombreux siècles après avoir été enseignés par le Bouddha. Au lieu de cela, ils étaient transmis oralement, continuellement récités et mémorisés, une coutume toujours en vigueur de nos jours. Les conciles étaient convoqués pour les adeptes de toutes les écoles bouddhiques afin de réciter ensemble les enseignements et identifier d’éventuelles corruptions. Le Premier Concile se tint en présence de cinq cents arhats, parmi lesquels trois d’entre eux récitèrent chacun une des divisions majeures des enseignements du Bouddha. Mahakashyapa présida ce concile contrairement à l’intention du Bouddha qui voulait que la communauté monastique reste égalitaire. L’autorité de Mahakashyapa conduisit à la codification des enseignements et aux lignées de patriarches.

Le Deuxième Concile fut réuni pour savoir si oui ou non les religieux pouvaient manipuler de l’or, et délibérer sur la situation des arhats à propos du désir. Dû à une différence d’opinion parmi les moines, une division s’ensuivit dans la communauté monastique entre les traditions Théravada et Mahasanghika.

Sous le règne de l’empereur Ashoka, le Troisième Concile fut convoqué pour certifier la pureté des enseignements et harmoniser les diverses interprétations compte tenu de la fragmentation et du développement de multiples écoles. En conséquence de différences supplémentaires dans l’interprétation des enseignements, les Sarvastivadins se séparèrent des Théravadins.

Le Quatrième Concile, au Sri Lanka, fut réuni pour coucher par écrit les enseignements. Le Quatrième Concile au Cachemire fut convoqué pour compiler les enseignements qui formaient la base du système philosophique Vaibhashika au sein du courant Sarvastivada tout en rejetant les interprétations Sautrantika.

De la sorte, à cause du défaut d’une figure d’autorité centrale, différentes interprétations et opinions émergèrent naturellement dans différentes aires géographiques, et c’est ainsi que le bouddhisme s’est développé.                                

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