Après avoir soigneusement examiné le maître, les textes classiques sur la voie progressive (lam-rim) parlent des bienfaits ou avantages d’avoir une relation saine avec un maître spirituel. Ils évoquent aussi les inconvénients qu’il y a à se détourner de cette relation. Il est important de se rappeler l’exemple d’Atisha se rendant à Sumatra et examinant le maître Serlingpa pendant un très long temps avant de commencer vraiment à étudier avec lui. Certains textes disent même que le maître et l’élève doivent s’étudier l’un l’autre pendant douze ans avant de s’engager sérieusement dans la relation. Certainement, cette étude minutieuse est essentielle, et une fois qu’on s’engage et se fie à un maître de la bonne manière, alors on fait l’expérience de nombreux bienfaits.
Afin de développer l’aspiration à développer une chose, une méthode générale qu’on trouve dans le Dharma est d’en décrire les bénéfices, et de nous prévenir des dangers quand, au lieu de cela, une fois l’engagement pris, on s’en détourne et montre du mépris ou de la colère en pensant par exemple : « Ce que j’ai fait était tellement stupide. » Faire remarquer les dangers n’est pas fait pour nous effrayer, mais pour nous faire réaliser que nous ne devrions pas prendre ce genre de connexion à la légère en ce qui concerne notre attitude envers le maître. C’est plutôt sérieux et, si nous nous engageons dans cette relation prématurément puis décidons que c’était complètement stupide, cela nous laisse dans un état d’esprit affreux. Nous devons faire attention auparavant.
Par ailleurs, ne considérez pas ces listes de bienfaits et d’inconvénients comme si quelqu’un essayait de vous vendre une voiture d’occasion : « Achetez celle-ci. C’est vraiment la meilleure des voitures », etc. Il ne s’agit pas de publicité pour faire en sorte que nous voulions obtenir telle chose parce que les bénéfices en paraissent tellement grands. Ce n’est pas du tout l’attitude correcte. Tout dans le Dharma repose sur la causalité, la cause et l’effet. Si nous sommes sur le point de nous engager dans une relation maître-élève dans le cadre du Dharma, quel en sera alors l’effet ? Quelle en est l’influence et que peut-il arriver ? Nous devons nous engager dans la relation les yeux ouverts. Il n’y a là rien de magique.
La liste qui suit est la liste des bienfaits. Passons-les en revue pour s’assurer que nous en avons une compréhension et comment ceux-ci peuvent réellement s’appliquer dans la vie réelle.
Les bienfaits d’une relation saines avec nos maîtres spirituels
Nous serons plus proches de la bouddhéité
Le premier avantage est que nous sommes plus proches de la bouddhéité. C’est presque une évidence. Si le maître nous explique comment devenir un bouddha et que nous suivons les instructions du maître, alors tout naturellement nous nous rapprocherons du but. Cela signifie avoir la volonté de pratiquer ce que dit le maître et évaluer ce qui est réaliste dans notre cas présent. Un maître habile nous instruira dans les domaines qui sont les plus adaptés pour nous et pour lesquels nous sommes prêts. Mais, bien sûr, tout cela dépend du fait que nous ayons une relation personnelle avec le maître, et ce n’est pas facile.
Nous devons instaurer une relation personnelle, de personne à personne, ce que nous pouvons faire de diverses manières : par exemple en transcrivant ou en traduisant pour le maître. Si nous faisons quelque chose de ce genre, nous pouvons toujours en faire un petit peu plus. C’est ce que Serkong Rimpotché m’a enseigné. Il disait : « Peu importe votre niveau de fatigue, vous pouvez toujours faire cinq minutes de plus. » Un bon entraîneur dans un club de mise en forme fait la même chose, en nous poussant à augmenter les répétitions des mouvements ou le poids que nous soulevons. Bien évidemment, si c’est trop pour nous, alors nous parlons au maître et expliquons que nous sommes incapables de faire cela maintenant, et réclamons quelque chose qui nous aidera à atteindre ce stade.
Nous accumulerons de la force positive
Le bienfait suivant est que nous nous rapprochons de la bouddhéité en accumulant de la force positive grâce à des choses telles que faire des offrandes à notre maître (homme ou femme) et l’aider. Un maître spirituel est comme un bouddha ; et un bouddha n’a pas vraiment besoin d’offrandes. L’attitude que le maître devrait avoir, pour citer les textes, c’est d’être comme un « tigre vis-à-vis de l’herbe ». Un tigre n’est pas intéressé à manger de l’herbe. Si on considère les enseignements sur la nature-de-boudhha – les facteurs qui nous permettront de devenir un bouddha – l’un d’entre eux consiste en un réseau de force positive, appelé « collection de mérites ». Rendre service au maître de toutes les manières que nous pouvons, sans être ennuyeux par trop d’insistance, fait s’accumuler une énorme quantité de force positive.
Qu’est-ce que cela veut vraiment dire ? On ne parle pas de gagner des mérites comme si on accumulait un certain nombre de points, et alors nous gagnons la partie. Peut-être qu’un exemple tiré de ma propre expérience clarifiera ce point. En tant que jeune homme, j’étais plutôt égoïste et autocentré. J’ai eu l’opportunité d’être avec Serkong Rinmpotché pendant neuf ans et, bien entendu, je voulais rendre service. C’était un vieil homme, plutôt en surpoids, et je voulais naturellement l’aider à monter et sortir de la voiture, et l’aider de toutes les façons que je pouvais. Cela m’a éloigné du fait de ne penser qu’à moi et m’a incité à aider vraiment quelqu’un. Je me suis senti concerné plus par son confort que par le mien. Quel fut le résultat de cela ? J’ai appris grâce à ce processus à prendre soin non seulement de lui mais des autres aussi bien. J’ai appris à aider n’importe qui. Le fait de l’aider a fait s’accumuler la force positive et l’habitude de commencer à me sentir plus concerné par le confort et le bonheur de quelqu’un d’autre que par mon propre confort et bonheur.
Du moins, d’après ma propre expérience, c’est ainsi que cela marche. La relation avec le maître spirituel renforce l’importance de prendre soin des autres, et nous voyons que nous pouvons vraiment prendre soin d’eux. Évidemment, nous pourrions aussi apprendre cela en prenant soin de nos enfants. En tant que parent, nous nous soucierons naturellement plus du confort de notre bébé que du notre confort. Mais il y a une grande différence. Avec notre bébé, nous nous identifions à lui comme « mon bébé, c’est le mien » ; tandis que nous ne pouvons pas être possessif avec notre maître spirituel. Cela ne fonctionne pas du tout. Quand le bébé nous fait un câlin, c’est tellement agréable et délicieux. Le maître, lui, n’agira pas ainsi.
Nous plairons aux bouddhas
Le bénéfice suivant est que nous plaisons aux bouddhas. Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Les bouddhas possèdent l’équanimité. Ils ne vont pas se mettre en colère si nous ne pratiquons pas correctement, et ils ne vont pas dire non plus à quel point nous sommes merveilleux si nous le faisons. Faire quelque chose afin de plaire à notre maître et obtenir une tape sur la tête et remuer la queue comme un chien est juste ridicule. Nous devons analyser. De quoi s’occupent les bouddhas ? Ils s’occupent d’aider les autres à surmonter la souffrance et à atteindre la libération et l’illumination. Si nous pratiquons, nous nous rapprochons d’eux dans le sens où nous nous rapprochons de leurs espoirs à notre égard.
Peut-être que pour certaines personnes, le fait d’essayer de plaire à notre maître, comme de vouloir plaire à nos parents, peut marcher. Nous ne voulons pas être grondés, etc. Cependant, essayez de ne pas aborder ce point avec l’optique d’un enfant. En tant que parent, nous essayons d’enseigner à notre enfant un sens des valeurs universelles et à devenir quelqu’un d’honnête et de décent. Quand nous voyons qu’il l’est, nous en éprouvons de la satisfaction. Nous ne parlons pas alors de nous vanter de nos enfants à tous nos amis. Mais voir que nos enfants se sont révélés être de bonnes personnes est ce qui nous donne le sentiment d’avoir été un bon parent. Telle est l’idée derrière ce point de plaire à tous les bouddhas.
Comme il est dit, ce qui plaira à notre maître (homme ou femme), c’est de suivre vraiment ses instructions et d’essayer d’émuler les bonnes qualités qu’il ou elle possède. Il ne s’agit pas de choses beaucoup moins significatives comme de savoir ce qu’il ou elle préfère manger, etc.
Nous ne serons pas importunés par des démons ou une mauvaise compagnie
Le bienfait suivant sur la liste est que nous ne serons pas dérangés par des démons ou de mauvaises fréquentations. En ce qui concerne les démons, ne pensons pas à de petites créatures avec des cornes, des griffes, etc. On parle de forces démoniaques. Quand nous pratiquons correctement ce qu’on appelle le « gourou-yoga », nous nous protégeons des influences négatives en imaginant que notre maître est avec nous tout le temps. C’est tout l’intérêt d’imaginer le maître sur notre tête ou dans notre cœur. C’est là toute la valeur du maître. Même si notre maître a déjà trépassé, ses valeurs sont toujours dans nos cœurs, nous protégeant des influences négatives.
La question est qu’une fois établie la relation avec notre maître spirituel, nous soyons vraiment sérieux concernant le fait d’essayer de nous améliorer. Nous avons pris un engagement sincère après de notre maître en ce qui concerne nos attitudes, notre façon d’interagir, etc. Nous ne voulons vraiment pas être hypocrite. Même si tout le monde autour de nous agit de manière très incontrôlée, nous ne serons pas perturbés. Tel est le terme utilisé dans le texte : nous n’allons pas être « perturbé » ou désarçonné par toutes ces choses négatives autour de nous parce que nous sommes tout à fait clairs sur la trajectoire que nous donnons à nos existences. Notre engagement nous protège de ces prétendues influences « démoniaques » négatives.
En réalité, les influences démoniaques négatives sont notre esprit faible, la faiblesse de notre résolution. C’est ça qui est négatif et c’est pourquoi nous devons être très fermes par rapport à ce que nous faisons. Ce genre de stabilité repose sur un examen fort et une analyse préalable : suis-je prêt et désireux de me confier à ce maître spirituel ?
Nous mettrons immédiatement un terme à toutes les émotions perturbatrices et aux mauvaises actions
La liste continue en déclarant que nous mettrons automatiquement un terme à toutes nos émotions perturbatrices et mauvaises actions – à tout notre comportement destructeur négatif. Quand nous ressentons l’envie de faire ou dire quelque chose de négatif ou de stupide, nous pensons : « Comment puis-je agir ainsi ? J’ai un tel respect pour mon maître et pour le chemin, comment puis-je agir de façon stupide ? » Quand nous sommes avec notre maître, nous ne nous mettons pas les doigts dans le nez, juste pour utiliser un exemple ridicule. Nous voulons agir correctement par sentiment de respect envers notre maître et la situation. Comment pouvons-nous être en colère ou gourmand ? Quand nous mangeons avec notre maître, est-ce que nous engloutirions toute la nourriture et le gâteau qui se trouvent sur la table ?
Par exemple, je me souviens d’un jour où je rendais visite au vieux Ling Rimpotché, le tuteur senior de Sa Sainteté le Dalaï-Lama. Ling Rimpotché était le maître de Vajrabhairava (Yamantaka), une figure-de-bouddha réellement pleine d’énergie. À vrai dire, la plupart de gens étaient vraiment effrayé par lui car il avait une telle présence incroyablement forte et puissante ; mais en fait, Ling Rimpotché était très doux quand vous le connaissiez. Même avant de pouvoir comprendre bien le tibétain, j’allais lui rendre visite, et quand j’étais avec lui, par la seule force de son Manjushri – Manjushri se trouve dans le cœur de Vajrabhairava – mon esprit devenait plus clair. Je pouvais comprendre la plupart de ce qu’il disait. Il exerçait une force tellement puissante.
Lors d’une de mes visites, il était assis sur une estrade basse avec un tapis dessus et j’étais assis sur un socle identique perpendiculaire à lui. Soudain, un grand scorpion apparut sur le sol en face de nous. Ling Rimpotché se tourna vers moi et, avec un geste spectaculaire, me demanda, très ouvertement affecté : « Ciel, un scorpion ! N’avez-vous pas peur ? » J’ai répondu : « Comment pourrais-je seulement avoir peur en présence de Vajrabhairava ? » Il se contenta de rire et de rire.
Il appela son intendant, lequel vint, glissa une feuille de papier sous le scorpion, plaça un bol dessus et le mit dehors, comme si tout cela était une sorte de mise en scène pour servir de leçon. Mais la vérité était : comment quelqu’un pouvait-il, en présence d’un tel grand maître, céder à la panique, sur-réagir et sauter sur l’estrade en criant au scorpion ? Il était impossible que j’agisse ainsi. Voilà un exemple très clair. Comme le dit le texte, nous cessons automatiquement d’agir de façon ridicule et puérile.
Nos aperçus et nos réalisations sur les plans et les chemins spirituels s’accroîtront
Nos aperçus et nos réalisations sur les plans et les chemins spirituels s’accroîtront. De toute évidence, si nous sommes avec notre maître tout le temps, témoin de la manière dont lui, ou elle, gère les situations difficiles, bien sûr, plus nous pratiquerons en essayant de faire et d’être pareil et plus notre compréhension et nos réalisations augmenteront. Si nous devenons le traducteur de notre maître et conduisons la voiture pour lui, ou par toute autre contribution, nous voyons comment il gère les situations réelles de la vie quotidienne. Avec Serkong Rimpotché, je l’ai vu échanger avec le pape Jean-Paul II et avec un ivrogne dans la rue. La manière dont il gérait ces situations me donnait réellement un aperçu de la façon de se relier aux autres.
Nous ne serons pas dépourvus de guides spirituels au cours de nos renaissances futures
Ce bénéfice fait référence au fait d’avoir des guides spirituels positifs et constructifs au cours de toutes nos renaissances futures. Apprécier ce bienfait dépend, bien sûr, de la croyance en la renaissance, ce qui, pour beaucoup de gens, n’est pas une question simple. Cependant, si nous réfléchissons à l’exemple d’être instinctivement attiré vers un maître spirituel, ou même juste de vouloir instinctivement trouver un maître spirituel, de tels instincts perdureront et deviendront encore plus forts dans les vies futures. D’où viennent ces instincts ? Ils viennent des vies antérieures. Si nous accumulons de tels instincts en plus grande quantité dans cette vie, ils se manifesteront une fois de plus dans les vies futures. Cela dépend, bien entendu, du fait d’avoir une précieuse renaissance humaine et non pas celle d’un cafard !
Nous ne tomberons pas dans les royaumes inférieurs
Les textes affirment que nous ne tomberons pas dans les royaumes inférieurs. Quelle la cause pour une renaissance dans les pires états ? Un comportement destructeur. Quelle est la cause pour une précieuse renaissance humaine. La discipline éthique, complétée par les autres attitudes de longue portée, les « paramitas ». Dans une relation correcte avec un maître spirituel, nous agissons naturellement de façon éthique et pratiquons les autres attitudes de longue portée également :
- La générosité – Nous aidons notre maître, en étant généreux de toutes les manières que nous pouvons.
- L’autodiscipline éthique – Quand nous sommes avec notre maître, du fait que nous avons un tel grand respect pour lui ou elle, nous n’agirons jamais de façon négative.
- La patience et la persévérance – Il est vraiment dur de suivre et d’apprendre d’un maître spirituel en qualité de disciple proche. Pour ce faire, nous devons déployer beaucoup d’efforts et de patience. Ce qui veut dire ne pas se mettre en colère après notre maître, aussi difficile le chemin spirituel soit-il. C’est une des choses que nous devons réellement examiner avant de rentrer dans une relation maître-élève. C’est l’un des aspects les plus importants du contrat, pour ainsi dire. Peu importe ce que fait notre maître, nous nous engageons à le considérer comme un enseignement. Nous ne nous mettrons pas en colère.
Serkong Rimpotché, sans pitié, me traitait d’idiot tout le temps, même devant dix mille personnes. Je ne me suis jamais mis en colère après lui. Jamais ! En fait, il avait raison. J’étais un idiot ; et, au plus profond de moi-même, je ne voulais pas l’être. Ma réaction habituelle était un rire nerveux, et tous les Tibétains pensaient vraiment que la manière dont je répondais était merveilleuse. Ce n’était pas que je riais à ses dépens ; mais c’était ma réponse automatique. Si nous sommes sur le point de nous mettre en colère après notre maître, laissons tomber. La relation ne fonctionnera pas du tout. Ne jamais se mettre en colère après notre maître veut dire être réellement convaincu que lui, ou elle, ne s’intéresse qu’à notre bien-être. Si nous avons une telle confiance, nous pouvons plus facilement développer la patience et la persévérance.
- La concentration – Si nous sommes avec notre maître, nous ne pouvons pas laisser notre esprit vagabonder. Nous ne pouvons pas dire : « Qu’avez-vous dit ? Je ne faisais pas attention. » Cela ne va pas. Serkong Rimpotché m’a entraîné pour que je sois son traducteur. À n’importe quel moment du jour ou de la nuit quand j’étais avec lui, il avait coutume de s’arrêter et de dire : « Répétez ce que je viens juste de dire », ou « répétez ce que vous venez juste de dire. » C’était un merveilleux exercice. Je ne me suis jamais mis en colère ni ne me suis écrié : « Pas maintenant. » Nous avons besoin de ce niveau d’attention et de présence d’esprit si nous sommes en passe d’être un traducteur.
- La conscience discriminante [le discernement] – Serkong Rimpotché était parfait pour l’enseigner. Il y a un merveilleux exemple auquel je pense toujours. Une fois, Rimpotché enseignait à Nalanda, le monastère occidental en France. On lui avait demandé d’enseigner le neuvième chapitre ou chapitre sur la conscience discriminante du texte de Shantideva S’engager dans la conduite d’un bodhisattva (Bodhisattvacharyavatara). Seules quelques sessions y étaient allouées et Rimpotché pensait qu’il était absolument ridicule et prétentieux qu’on ait pu penser que ce chapitre très avancé et difficile puisse être traité dans son entier en deux ou trois sessions. Il commença par expliquer quelque chose de manière totalement incorrecte, et tous les moines occidentaux prenaient des notes consciencieusement. Puis, après la pause pour le thé, il revint et dit : « Vous êtes tous des idiots. Je viens juste d’enseigner une chose totalement incorrecte. Est-ce que vous ne réfléchissez pas ? N’examinez-vous pas tout ce que les gens disent ? Est-ce que ceci est en accord avec le texte ? Est-ce que ceci s’accorde avec ce que vous avez étudié auparavant ? Apprenez à faire preuve de discernement. »
Pour les sessions restantes, il expliqua un verset du chapitre entier d’une façon très élaborée pour leur montrer qu’ils devaient être sérieux dans leur volonté d’étudier ce sujet, et qu’ils ne devraient jamais croire que cela serait facile.
Sans effort, nous réaliserons tous les buts à court et à long terme
Ensuite, le texte dit que nous réaliserons sans effort tous les buts à court et à long terme. Cela ne veut pas dire rester passif, assis confortablement et que tout nous tombera tout cuit dans le bec. Mais la causalité karmique fonctionne vraiment. Le Bouddha n’a pas menti à ce sujet. Nous accumulons une grande quantité de force positive en rendant service et en aidant notre maître. Comme résultat, les choses se passent beaucoup plus facilement pour nous. Nous sommes en mesure d’accomplir beaucoup plus.
Je considère cette question dans le cadre de ma propre vie et de ce qui a été accompli avec mon site Internet en ligne. C’est incroyable. L’année dernière nous avons eu plus d’un million de visiteurs. Je crois qu’une grande part de ce succès est le résultat de la forte relation que j’ai eue et ai toujours avec mes maîtres spirituels, et de la grande somme d’efforts et de travail que j’ai mise à les aider afin qu’ils soient accessibles à de nombreuses personnes. Ma motivation pour devenir un traducteur et un interprète était que les enseignements de Sa Sainteté et des maîtres de Sa Sainteté étaient si incroyablement fantastiques. Mais, dans ces premiers temps, quand je suis allé pour la première fois en Inde, soit ils n’étaient pas traduits du tout, soit ils étaient pauvrement traduits. J’ai senti que je devais faire quelque chose à ce propos. Avec ce genre de décision d’aider, nous obtenons l’armure de la persévérance : « Qu’importe la difficulté de la chose, je vais le faire ! Je vais m’exercer pour être en mesure de traduire afin que les gens puissent avoir accès à ces enseignements. Ils sont trop extraordinaires et merveilleux pour que les gens n’aient pas accès à eux. »
Quant à mon expérience avec le site en ligne, tout est, comme je l’ai décrit, « tombé du ciel ». Quelqu’un s’est présenté et s’est offert pour mettre en place la version initiale du site pour moi. Quand la première version a démarré, des gens du monde entier m’ont contacté, désireux d’y contribuer. Je ne suis pas allé les chercher. Certains mécènes importants ont offert de financer les diverses personnes nécessaires à son fonctionnement. Je ne l’ai pas demandé non plus ; ils sont venus vers moi.
En un sens, cela s’est fait sans effort. Le karma est à l’œuvre. Si nous accumulons les causes karmiques, les résultats suivent – ça fonctionne. Bien que la plupart des résultats karmiques mûrissent au cours des vies futures, il y a certains types de comportement karmique qui donneront des résultats dans cette vie, comme d’aider ceux qui nous ont aidé le plus. En particulier, cela s’applique aux maîtres spirituels et à nos parents. D’après ma propre expérience, ces bienfaits se produisent. Il ne s’agit pas d’un gentil conte de fée.
Les inconvénients de tourner le dos à nos maîtres spirituels
Comme mentionné, des dangers s’ensuivront également si nous revenons sur notre engagement envers notre maître spirituel une fois que nous l’avons pris. Ils se produiront si nous le quittons en colère, montrant du mépris envers le maître, maudissant et abritant une grande haine à l’intérieur, regrettant de s’être laissé impliquer avec ce maître et avec le bouddhisme en général. Telles sont les sortes de situations auxquelles il est fait référence dans cette liste des dangers encourus. La liste ne fait pas référence au fait de commettre une faute en suivant les instructions de notre maître ou en étant trop paresseux pour faire ce que notre maître nous a demandé de faire. Ne vous méprenez pas sur la traduction de l’expression « une brèche dans la dévotion au gourou » comme faisant référence à cela.
Perdre la capacité à faire confiance à quiconque
Nous ne parcourrons pas la liste en son entier, mais nous pouvons en comprendre le sens général. Si nous nous ouvrons à quelqu’un en lui faisant confiance, d’une certaine façon nous devenons très vulnérable. Par exemple, un enfant qui implicitement fait confiance à un parent ou à un maître mais est ensuite sexuellement ou physiquement abusé par eux, dans la plupart des cas, l’enfant peut être émotionnellement abîmé pour le restant de sa vie. Il ne fait plus confiance à personne ; sa capacité à faire confiance est perdue. Il fera toujours attention à ne pas s’ouvrir, à ne pas s’impliquer pour ne pas être blessé à nouveau. C’est un gros obstacle.
Il y a l’exemple extrême d’un maître abusant les étudiants – de telles choses malheureusement arrivent. Il existe un petit nombre de gens qui prétendent être de grands maîtres alors qu’ils abusent ou tirent avantage des étudiants. C’est extrêmement dommageable. Mais les textes n’expliquent pas ce genre de situation quand ils expliquent les inconvénients ou le fait de tourner le dos à notre maître spirituel. Les textes ne font pas référence au cas où un maître abuse sexuellement ou exploite les étudiants en termes de pouvoir ou d’argent, ce genre de choses. Dans ces situations, le conseil est d’être respectueux pour tout bienfait que nous aurions pu recevoir de tels maîtres et de partir. Il est important, toutefois, de reconnaître que si nous quittons un maître abusif dans un état d’esprit très perturbé, négatif et en colère, nous sommes également abîmé dans la mesure où nous sommes fermés au fait de nous ouvrir dans le futur.
Cependant, dans cette liste des désavantages qu’il y a à se détourner de notre maître, on parle de quitter un maître qualifié, authentique. Que se passe-t-il quand on quitte un tel maître dans un état d’esprit très négatif, en étant vraiment en colère, en pensant à combien terrible est le maître, et que tout ce que nous avons pratiqué était stupide ? Qu’est-ce que cela fait à notre esprit ? Quel en est le résultat ? Le résultat est que nous ne serons pas ouverts au chemin bouddhique, et habituellement à aucun autre maître spirituel non plus. Nous ne ferons jamais confiance à aucune direction spirituelle. Même si nous commençons à nous impliquer dans une quelconque pratique spirituelle, nous serons paranoïaques, nous attendant toujours à ce que quelque chose de mauvais se produise. Comme il est expliqué dans la liste, toutes les bonnes qualités que nous aurions pu développer déclinent très rapidement car nous avons une telle attitude négative à propos de tout ce que nous avons fait. C’est comme si tout était jeté au rebut.
Tomber dans des renaissances pires
Le point suivant dans la liste des désavantages, c’est que nous tombons dans des renaissances infernales pires. On doit réellement comprendre ça correctement. Tout d’abord, nous ne disons certainement pas, comme dans une secte, que nous devons obéir et faire tout ce que notre maître déclare sans quoi nous irons en enfer. Dans ce scénario, on craindrait de faire quoi que ce soit de mal car alors nous irions en enfer. Ce n’est certainement pas l’intention ici.
Dans le contexte bouddhique, que signifie l’enfer ? Il y a de nombreux enfers dans le bouddhisme, mais qu’est-ce que cela veut dire ? En suivant le conseil de Serkong Rimpotché, nous devons examiner le parfum, la connotation des termes sanskrit et tibétain pour en avoir une compréhension.
- Le terme sanskrit naraka possède la connotation de « sans joie ». Il n’y a pas de joie, seulement du malheur, du chagrin et de la douleur. Si nous avons une attitude très négative envers notre maître et envers tout ce que nous avons fait pour essayer de nous améliorer, bien entendu nous sommes laissés dans un état d’esprit très malheureux. Si nous avons quitté notre maître dans un tel état d’esprit négatif, tellement en colère et plein de haine, de regret et de ressentiment, il ne s’agit pas d’un état d’esprit heureux. Il s’agit d’un état d’esprit totalement sans joie, n’est-ce pas ? Nous ne nous réjouissons nullement de toutes les choses positives que nous avons faites et apprises ; nous pensons que c’était une perte de temps stupide.
- La connotation du terme tibétain nyelwa (dmyal-ba) est qu’il est très difficile de sortir de cet état, que nous sommes en quelque sorte « piégés ». Nous nous sentons prisonniers de cet état d’esprit négatif, sans joie.
C’est clairement la description d’un état d’esprit infernal, complètement dénué de joie, très négatif, dans lequel nous sommes piégés et duquel nous ne pouvons sortir. Quand on y pense, si on croit dans les vies futures et dans un environnement infernal réel où qu’il puisse être, nous pouvons apprécier combien horrible serait cet état d’esprit. Nous pouvons comprendre logiquement comment ce dernier peut découler du fait d’avoir cette attitude très négative envers une personne à laquelle on se lie et en qui on se fie pour nous aider à nous améliorer.
S’il vous plaît, ne restez pas coincés et tracassés par la comparaison entre un enfer Vajra et l’enfer d’Avitchi, ou par l’idée de savoir à quelle distance sous Bodhgaya il se trouve, ou de connaître leur degré de chaleur respective. C’est passer à côté du sujet. Comme l’a dit souvent Sa Sainteté, le Bouddha n’est pas venu pour nous enseigner la géographie ; il est venu pour nous enseigner la manière d’éviter et de surmonter la souffrance.
Si nous avons une attitude très négative envers le fait d’essayer de nous améliorer, comment nous améliorerons-nous jamais ? De toute évidence, c’est le grand danger. Si nous n’avons pas examiné soigneusement notre maître et nous-mêmes avant de nous engager dans une relation maître-disciple avec la personne et dans une pratique sérieuse du Dharma, il nous faut vraiment très bien l’examiner désormais. Nous ne voulons pas courir le danger de nous détourner et d’être laissés avec une attitude réellement négative, nous coupant de la capacité de bénéficier des enseignements bouddhiques dans le futur. Imaginez juste le fait d’être désillusionné par quoi que ce soit de positif ainsi que par les gens qui essaient d’être positifs, au point que vous n’ayez plus personne vers qui tourner vos regards. Il n’y a aucun espoir. Cela décrit véritablement une situation infernale, n’est-ce pas ? Nous nous sentons piégés ; tout est tellement horrible et misérable, et il n’y a pas d’espoir.
S’il vous plaît, gardez à l’esprit que nous ne parlons pas de damnation éternelle. Même une renaissance infernale est impermanente ; elle aura une fin. Néanmoins, il y a de nombreux dangers à s’impliquer puis à briser ce type de relation engagée et de pratique spirituelle. C’est sérieux. Une fois encore, on n’insistera jamais assez sur le fait qu’il ne s’agit pas d’avoir à suivre des règles, et que si nous ne le faisons pas, nous serons punis. Il ne s’agit certainement pas de cela.
Une peur saine des désavantages
Nous entendons souvent débattre du mot « peur », principalement dans le contexte du refuge. Le « refuge » veut dire donner une direction sûre à notre vie. Il ne s’agit pas juste de prier : « Bouddha, Bouddha, sauve-moi, protège-moi. » Il ne s’agit pas de ça. En prenant refuge, nous allons dans la direction du sens le plus profond du Dharma. Il s’agit d’actualiser une véritable cessation de la souffrance et de ses causes, et de réaliser les vrais chemins – les véritables états d’esprit qui conduisent à cette cessation et en résultent. Les bouddhas l’ont réalisée pleinement et l’Arya Sangha en partie. Telle est la direction que nous voulons donner à nos vies, à laquelle nous voulons travailler. Bien évidemment, le maître spirituel nous aide à nous développer dans ce sens.
Mais quelles sont les causes pour donner cette direction à notre vie ? Les textes déclarent que c’est la peur des pires renaissances dans le futur et la confiance que nous pouvons les éviter en prenant cette direction sûre, ce refuge.
Il y a deux sortes de peur. Il y a un genre de peur très destructrice et dévastatrice Il s’agit de la peur qui nous fait nous sentir absolument impuissants et sans espoir. Il s’agit d’un état d’esprit très perturbé et dévastateur. « Il n’y a rien que je puisse faire. » Nous sommes juste paralysés par la peur. La peur qui nous motive à donner une direction sûre à notre vie est très différente, car nous réalisons qu’il y a un moyen d’éviter ces pires renaissances, et qu’il y a un grand espoir. Dans ce cas, il s’agit d’un sentiment sain de peur.
Prenons l’exemple d’avoir à traverser une rue très passante. Nous craignons d’être heurté par une voiture, mais nous savons que si nous regardons très soigneusement à gauche et à droite, nous pouvons traverser en toute sécurité. S’il n’y a aucun espoir de traverser la rue sûrement, nous sommes laissés à notre peur d’être renversés. Nous n’essaierons même pas de traverser cette rue. Toutefois, quand nous savons qu’il y a un moyen d’éviter d’être heurté, un sentiment sain de peur nous rend précautionneux. Parfois, j’utilise le mot « appréhension » au lieu de « peur ». Il y a une chose que nous voulons réellement éviter ; il ne s’agit pas d’un genre de peur paralysante.
La même distinction s’applique à l’état d’esprit que nous développons quand nous lisons ou entendons parler des désavantages de quitter la relation avec notre maître spirituel dans un état de mépris ou de colère. Nous craignons les résultats qui s’ensuivront mais nous ne sommes pas paralysés par la peur. De même que nous voulons éviter d’être renversé par une voiture, de même nous voulons aussi éviter l’horrible état d’esprit dans lequel nous serions si nous avions une telle attitude négative envers les maîtres, le bouddhisme, ou la pratique spirituelle en général. Cela nous laisserait sans rien. Mais nous savons que nous pouvons éviter ce danger.
Comment évitons-nous ce danger ? Ce n’est pas en agissant comme si nous étions un soldat obéissant dans une armée, qui salue et dit : « Oui, monsieur », et en faisant ensuite tout ce que notre maître dit. Nous pouvons éviter les dangers qu’il y a à se détourner de notre maître en examinant vraiment sérieusement auparavant tant le maître que nous-même, de même que notre disposition à être prêt à nous engager, nos aptitudes, etc. Nous devons faire très attention avant d’entrer dans une relation d’engagement avec un maître spirituel.
Être déçu
Quelle est la principale fonction des maîtres spirituels ? Ils peuvent nous donner des informations ; mais nous pouvons aussi obtenir des informations sur Internet et dans les livres. Ils peuvent répondre à nos questions et corriger nos erreurs, mais pour être en mesure de faire cela ils n’ont pas besoin d’être tellement avancés spirituellement. L’activité principale des vrais mentors spirituels, mis à part le fait de conférer des vœux, etc., est de nous inspirer. Nous regardons de telles personnes comme des exemples de ce que nous essayons de devenir. Ils sont nos modèles et nous sommes inspirés par leurs exemples.
Si nous sommes totalement déçus par eux en tant que modèles, et qu’ensuite nous leur tournons le dos avec mépris et mauvaise volonté, tout l’idéal d’inspiration que nous avions à l’esprit est juste complètement détruit. À la place, nous sommes laissés avec une attitude défaitiste négative et avons le sentiment que nous avons été tellement stupides d’essayer.
Une fois encore, le moyen d’éviter cela est de procéder à un examen vraiment très soigneux au préalable puis de suivre les diverses procédures indiquées dans les textes. Si notre maître fait quelque chose d’un peu étrange ou nous demande de faire quelque chose de déroutant, nous devons demander poliment : « Pourquoi dites-vous cela ? S’il vous plaît, expliquez-le-moi. »
À nouveau, je pense à l’exemple inspirant de Serkong Rimpotché. Lama Zopa a dit un jour : « Si vous voulez trouver un exemple d’un vrai mentor spirituel, c’est celui de Serkong Rimpotché. Il s’agit d’un authentique modèle. »
Je me rappelle qu’une fois il y a eu un problème légal au sujet d’un morceau de terrain au Népal que Serkong Rimpotché possédait ou que quelqu’un lui avait donné. Je ne me souviens pas de tous les détails ; mais, autant que je m’en souvienne, c’était pour faire un couvent de nonnes ou quelque chose de ce genre. On racontait des histoires et il y avait de drôles de rumeurs autour de cette affaire. Serkong Rimpotché a été si incroyablement bon car, un jour, il m’a pris à part dans sa chambre et m’a expliqué toute la situation afin que je ne puisse jamais développer aucun doute ni avoir des pensées étranges à cause de toutes les complications en cours. Il s’agit là du point essentiel – celui d’un maître bienveillant très concerné par le fait que je n’éprouve jamais aucune déception.