Verset 17 : Vivre dans la solitude
Faites que je progresse et vive en un lieu isolé, en dehors des limites (de toute ville) et, tel le cadavre d’un gibier, me réfugie dans la solitude et vive sans attaches.
Cela ressemble beaucoup à ce que Shantideva explique dans le huitième chapitre de son texte :
(VIII.37) Ainsi, que je vive dans la solitude, dans de belles et délicieuses forêts, avec peu d'ennuis, le bonheur et le bien-être, calmant ainsi toutes les distractions.
(VIII.35) Que ce corps demeure dans l’isolement et la solitude, sans se faire d'amis proches ni connaître de conflits. Si les autres me pensent déjà mort, ils n’auront pas de chagrin quand je mourrai vraiment.
Ici, Atisha dit que si nous voulons nous améliorer, nous élever et véritablement progresser, il est préférable de vivre dans un endroit calme, isolé, en dehors des limites d'une ville — c’est d’ailleurs ce que signifie le mot « monastère » en tibétain : un endroit calme et en dehors des villes — et de demeurer tel le cadavre d'un gibier. Cela signifie, comme l'explique Shantideva, que si nous sommes déjà considérés comme morts, personne ne sera endeuillé et ne nous interrompra [dans notre méditation] en faisant un drame autour de nous lorsque nous mourrons.
Nous pourrons pratiquer correctement pour améliorer nos vies futures si nous nous réfugions dans la solitude et vivons sans aucune attache. Il est évident que nous ne sommes pas tous capables de faire cela. Sa Sainteté dit souvent que seul un très faible pourcentage de personnes se sentira enclin à vivre dans la solitude et à consacrer sa vie à la méditation. Pour la plupart d'entre nous, il est préférable de rester dans la société et de s'impliquer dans l'aide aux autres dans la mesure de nos possibilités. Parfois, cependant, il est utile de faire une retraite pendant un certain temps, de rester dans un endroit calme pour méditer, pour écrire sur le Dharma, ou pour faire n'importe quelle activité constructive. Penser aux grands maîtres du passé qui ont vécu ainsi, et à certains du présent également, est une grande source d’inspiration.
Un endroit relativement calme est particulièrement propice lorsque l’on débute, car il y a moins de distractions. Cependant, ne vous faites pas d'idées trop romantiques sur l'Inde et le Népal : ce ne sont pas des endroits calmes. On pourrait même dire que le bruit est roi dans ces deux pays. Les monastères tibétains sont extrêmement bruyants. Tout le monde pratique à voix haute. De plus, même si nous sommes seuls dans un endroit calme, nous pouvons évidemment avoir énormément de bruit dans notre tête. Il n'y a aucune garantie que si tout est calme à l'extérieur, tout sera calme à l'intérieur. Néanmoins, un environnement calme est utile pour de nombreuses personnes.
Verset 18 : Vaincre la paresse
Avoir une pratique quotidienne stable
(Là,) que je sois toujours stable avec ma figure-de-bouddha…
Dans ce verset, « là » fait référence au fait d'être dans la solitude, dans un endroit calme et isolé. Que je sois toujours stable avec ma figure-de-bouddha. Voici un autre indice de la pratique du tantra introduite par Atisha.
Il dit : « Que je sois toujours stable. » Ce dont nous avons besoin pour gagner en stabilité, c'est d'une pratique quotidienne de la méditation, quelle qu'elle soit. Il est très utile d'avoir une pratique régulière que nous faisons tous les jours, particulièrement lorsque nous avons des vies très occupées et que nous faisons tant de choses. Quelle que soit le rythme frénétique de notre vie, nous avons cet état mental stable, un lieu stable où nous réfugier. Cela nous donne un sentiment de continuité. C'est très important pour la stabilité.
Si nous travaillons avec une figure-de-bouddha, un yidam, comme c’est le cas dans le tantra, nous abandonnons notre ancienne image de soi associée à notre vie trépidante et adoptons une nouvelle image de soi, sur la base de la compréhension du vide (vacuité), de la bodhichitta et du renoncement, bien entendu. L'image de soi que l’on adopte est celle d'un bouddha sous la forme d'une figure-de-bouddha telle qu'Avalokiteshvara ou Tara, qui incarne les différentes qualités que nous nous efforçons d’atteindre.
Lorsque nous nous rendons dans un endroit calme, il est très important de « dissocier », comme le dit Shantideva, à la fois notre corps et notre esprit de toute agitation.
(VIII.89) Ayant considéré les avantages de me dissocier (moi-même) en prenant en compte ce qui précède, et ayant ainsi pleinement apaisé mes pensées vagabondes, je vais méditer sur la bodhichitta.
Il n'y a pas que notre corps qui s'éloigne dans un endroit isolé. Nous écartons également notre esprit de toutes les associations, de tous les attachements, etc. Nous dissocions notre esprit de l'image de soi que nous avons lorsque nous sommes dans l'endroit que nous avons quitté. C'est pourquoi il est très utile de travailler avec une figure-de-bouddha. Elle nous aide à remplacer cette image samsarique de soi par une image disons plus « nirvanique », qui n’est pas empreinte de toutes les associations négatives anciennes. Ces associations sont négatives dans le sens où elles sont des émotions perturbatrices. La figure-de-bouddha représente notre illumination future que nous visons à atteindre grâce à la bodhichitta.
Se rappeler nos défauts pour surmonter la paresse
…et chaque fois qu’un sentiment de paresse ou d’épuisement apparaît, faites que j’énumère mes propres défauts…
Comme je le dis souvent, tant que nous ne serons pas devenus des arhats, les hauts et les bas du samsara continueront. C'est la nature même du samsara. Parfois, nous aurons envie de méditer, parfois non. Parfois, cela se passera bien, parfois non. Parfois, nous nous sentons paresseux et épuisés, parfois non. L'important est de continuer malgré tout. Comme le dit un verset précédent, nous considérons ces choses comme des illusions. Ne faites pas grand cas des hauts et des bas. Il nous faut simplement continuer.
Pour nous aider à surmonter cette paresse et cet épuisement, Atisha nous dit d'énumérer nos propres défauts. Autrement dit, nous nous rappelons que la paresse et l'épuisement sont des défauts. Ce sont des obstacles, des choses que nous voulons surmonter. Ainsi, nous nous rappelons notre motivation pour méditer : nous voulons surmonter des choses comme la paresse, le découragement, l'épuisement et l'apitoiement sur soi et entraîner notre esprit à ne pas être complètement distrait par l'attachement, la colère et ainsi de suite.
Nous nous rappelons que c’est précisément pour cela que nous méditons. « C'est exactement pour cela que je veux méditer, parce que je me sens paresseux et que je ne veux rien faire de constructif. » Nous réaffirmons notre motivation et cela nous donne la force de continuer. Cela fait partie de la persévérance : nous acceptons les hauts et les bas du samsara, nous acceptons cette difficulté. Nous ne nous faisons pas d'illusions à ce sujet. Nous allons de l'avant, nous faisons l’effort nécessaire.
Une fois que nous nous sommes souvenus de notre motivation à surmonter ces défauts, alors :
Se corriger par l’autodiscipline
…et me rappelle des points essentiels pour dompter le comportement.
Il s'agit de la discipline éthique, la discipline pour corriger nos défauts. Ce qui est expliqué ici, c'est que nous devons reconnaître nos défauts et nos lacunes lorsqu'ils apparaissent et nous souvenir de les corriger, par nous-mêmes. C'est ce que l'on appelle souvent le « gourou intérieur ». Nous n'avons pas besoin d'un gourou extérieur pour nous corriger. Nous n'avons pas besoin d'un policier, d'une maman ou d'un papa. Nous pouvons nous-mêmes reconnaître lorsque nous agissons d'une manière qui n'est pas en accord avec ce que nous nous efforçons d'atteindre, lorsque nous agissons d'une manière qui n'est pas constructive.
Alors, nous corrigeons le tir, sans tergiverser. Nous le faisons, comme le disait ma mère : « Et que ça saute ! » Il suffit de le faire. C'est comme si vous vouliez prendre une douche mais que l'eau était un peu froide. « Eh bien, allez- y, mettez-vous sous l'eau. Prenez une douche ou n’en prenez pas. Si vous voulez le faire, faites-le ! »
Verset 19 : Être aimable et amical si nous rencontrons d'autres personnes
Mais s'il m'arrive de voir d'autres personnes, faites que je parle calmement, avec douceur et sincérité, et me débarrasse de tout regard noir et de toute expression renfrognée, et garde toujours le sourire.
Ceci rappelle, une fois de plus, le texte de Shantideva :
(V.71) Ainsi, je me maîtriserai et présenterai toujours un visage souriant. Je cesserai de froncer les sourcils et de grimacer (en signe de désapprobation), je serai amical et honnête envers les êtres errants.
Même lorsque nous vivons et pratiquons dans la solitude, nous allons sans aucun doute rencontrer des gens. Lorsque nous avons des interactions avec eux, il est important que nous nous comportions calmement et aimablement. Si nous sommes stables dans notre pratique, nous serons calmes, ce qui mettra les autres à l’aise.
Il est toutefois important de ne pas se raidir lorsque nous sommes devenus calmes. Lorsque je suis retourné en Amérique après mes premières années en Inde, j'ai passé du temps avec ma sœur. Un jour, elle m'a dit : « Ton calme me donne la nausée. » J'étais devenu comme un zombie, restant calme tout le temps et ne montrant aucune sorte d'excitation émotionnelle, alors que ma sœur est une personne très émotive. Par conséquent, être calme et doux ne signifie pas que nous n'avons aucune expression sur le visage et que nous marchons comme des zombies. Nous devons être expressifs et réagir.
En ce qui concerne nos expressions faciales, il est recommandé de se débarrasser des regards noirs et des expressions renfrognées. C'est particulièrement vrai s'ils proviennent de la vanité : nous pensons que nous sommes merveilleux parce que « nous menons une vie spirituelle ». Nous regardons les autres avec des regards désapprobateurs : « Oh, vous êtes impliqués dans les affaires ? », « Vous buvez toujours de l’alcool ? », ou tout autre type de chose samsarique. Nous avons alors ce regard dédaigneux qui déprécie les autres.
Nous devons donc toujours garder le sourire. Cela ne veut pas dire un sourire forcé et faux comme on peut en voir dans la publicité. Nous devons plutôt, comme le dit ici Atisha, être sincères, parler avec notre cœur et ne pas être prétentieux, ne pas prendre de grands airs hautains et désapprobateurs ou quoi que ce soit de ce genre. Comme le dit toujours Sa Sainteté, c'est une joie de rencontrer chaque être humain, d’échanger d’humain à humain.
Dans le cadre de l’entraînement à la sensibilité, nous essayons d'observer nos expressions faciales. Nous essayons de remarquer si nous fronçons les sourcils ou si nous plissons le front ou la bouche. Si nous remarquons que nos muscles faciaux sont tendus d'une manière ou d'une autre, nous essayons de détendre notre visage, de détendre notre expression. C'est très important, car bien souvent nos visages se froncent machinalement et expriment la désapprobation. Tout cela est communicatif. Nous n’en sommes peut-être pas conscients, mais l'autre personne le voit.
D'un autre côté, notre expression faciale peut aller à l'autre extrême, c'est-à-dire que nous en faisons trop. Nous pouvons remarquer cet extrême chez les autres lorsque, par exemple, nous disons quelque chose et que l'autre personne réagit de manière excessive en l’exprimant sur son visage, ce qui peut nous mettre vraiment très mal à l’aise. « Cette personne est encore plus contrariée que moi par ce que j'ai dit. »
Verset 20 : Être généreux et ne pas entrer en compétition avec celles et ceux avec qui nous vivons et pratiquons
Et quand je suis continuellement en compagnie des autres, faites que je ne sois pas avare, mais que je prenne plaisir à donner, et me débarrasse de tout sentiment d’envie.
Parfois, nous vivons avec d'autres personnes, que ce soit dans le cadre d'une retraite avec des personnes partageant les mêmes idées ou avec d'autres personnes ayant des intérêts complètement différents. Lorsque nous sommes continuellement en leur compagnie, il est important de ne pas être avare de nos biens. « C'est à moi, tu ne peux pas l’utiliser », « c'est ma nourriture dans le réfrigérateur », ou encore, « c’est ma chaise ». On dirait Boucle d’or et les trois petits ours : « C'est ma chaise ; quelqu'un s'est assis sur ma chaise, quelqu’un a dormi dans mon lit ! » Cela crée un énorme malaise et affecte les relations des personnes avec lesquelles nous vivons.
Mais que je prenne plaisir à donner, nous prenons plaisir à partager avec les autres. Nous nous débarrassons également de l'envie. Il s'agit là d’être envieux des biens d’autrui. « Je veux utiliser toutes vos affaires parce qu'elles sont meilleures que les miennes », ce genre de choses. Ce conseil n’est cependant pas évident à mettre en pratique car il arrive très souvent que des gens veuillent nous exploiter, ils veulent sans cesse utiliser nos affaires plutôt que les leurs, etc. Cela demande beaucoup de patience.
C'est vraiment très intéressant de constater qu’avec les personnes que nous aimons vraiment beaucoup et dont nous nous sentons vraiment proches, nous sommes prêts à tout partager, même notre brosse à dents. En revanche, avec d'autres personnes, des personnes dont nous ne nous sentons pas si proches, nous ne sommes pas prêts à partager. Nous ne voulons pas même nous asseoir à la même table qu'elles. Notre capacité à mettre cela en pratique dépendra donc beaucoup de l'égalisation de nos attitudes à l'égard des autres.
Lorsque nous devons fixer des limites, nous essayons de le faire en comprenant ce qui est constructif et ce qui est destructeur. Par exemple, nous ne partageons pas notre ordinateur avec des enfants en bas âge, car il est presque certain qu'ils le casseront, ni avec des personnes irresponsables qui le détérioreront également. Cependant, dans les limites de ce qui n'est pas destructeur, il est important de partager. Comme je l'ai dit, ce n'est pas du tout facile de mettre cela en pratique.
Pour autant, prendre plaisir à donner, c'est la clé. Partager nous rend heureux. La plupart d'entre nous savent ce que cela fait, parce que nous en avons fait l'expérience. Lorsque nous aimons vraiment quelqu'un, nous sommes tellement heureux de lui donner quelque chose. Nous sommes tellement heureux qu’il l’accepte et le trouve utile. Nous essayons donc d'étendre ce sentiment de partage à celles et ceux dont nous ne nous sentons pas proches. Ainsi, sans être avare, sans être envieux de ce que les autres ont, et en étant heureux de donner, nous sommes très aimables.
D'un autre côté, nous devons être aussi forts et tenaces qu'un taureau lorsqu'il s'agit de s'en tenir à notre pratique. Si quelqu'un prend tout notre temps, ce qui nous empêche de faire notre pratique quotidienne, nous devons fixer des limites. Si quelqu’un veut utiliser nos bols d'offrande comme cendriers, nous ne le laissons pas faire, nous ne partageons pas de cette manière. Nous devons donc être fermes dans notre pratique et ne pas laisser les autres franchir certaines limites.
Guéshé Ngawang Dhargyey a un jour cité une expression tibétaine qui parle de cela. Cette expression prend l’image d’un taureau ou d’un buffle qui a un anneau dans le museau auquel est attachée une corde, qui permet de contrôler l’animal et de le mener où l’on veut. L’expression est la suivante : « Ne donnez pas la corde attaché à votre anneau de museau à quelqu'un d'autre. Gardez-la dans vos propres mains. » Autrement dit : « Ne remettez pas cette corde entre les mains de quelqu'un d'autre. Tenez-la dans vos propres mains. » En somme, soyez maître de ce que vous faites. En relation avec cela, Atisha dit :
Verset 21 : Être patient avec les autres
Afin de préserver l’esprit des autres, faites que je me débarrasse de tout esprit de controverse, et de toujours faire preuve de patience et de tolérance.
Nous essayons de plaire aux autres, de les rendre heureux et de ne pas les contredire. C'est ce que signifie l’esprit de controverse : contredire quelqu'un et se disputer avec lui. Tsongkhapa l'a très bien dit : « Si vous êtes d'accord avec l'autre personne, cela met fin à la dispute. » Nous sommes simplement d'accord. « Je suis d’accord. Je ne vais pas me disputer avec vous. » Et c'est fini. Encore une fois, cela dépend de la nature du problème. Mais en général, surtout si l'autre personne n'est pas disposée à écouter et est totalement fermée d’esprit, et ce même si elle dit quelque chose de totalement scandaleux, nous disons simplement : « Oui, oui. » Il n'y a pas lieu de discuter.
Cela nous ramène à la phrase qui provient de la Précieuse Guirlande (Skt. Ratnavali) de Nagarjuna : « Accepter la défaite et donner la victoire aux autres. » C'est l'un des points centraux de L’Entraînement de l'esprit en huit versets.
(5) Si, par envie, les autres me traitent injustement, avec force réprimandes, injures et autres, puissé-je prendre sur moi la défaite et offrir la victoire aux autres !
Il s'agit d'un conseil très important et utile. Nous acceptons la défaite : « D'accord, j'ai tort et vous avez raison. » Quelle différence cela fait-il ? Nous ne devons pas toujours avoir le dernier mot. C'est le sens de la dernière ligne du verset précédent.
Il y a cependant certaines limites. Si une personne va faire quelque chose de destructeur, nous devons fixer des limites. Si quelqu'un dit : « Allons chasser des kangourous », nous fixons une limite, nous refusons, nous ne sommes pas d'accord. Par contre, si quelqu’un affirme que le ciel est vert et que vous vous opposez en disant qu’il est bleu, cela ne sert à rien de continuer à se quereller. Quelle importance a ce genre de débat ? Cette remarque est particulièrement pertinente lorsqu'il s'agit d'une discussion politique ou religieuse et que l'autre personne ne veut absolument pas entendre ce que nous disons. À quoi bon ? Cela devient alors un bavardage inutile qui s'éternise. Nous disons alors : « D'accord, parlons d'autre chose. » Et c'est fini.
Même lorsque quelqu'un nous critique ou nous fait remarquer des erreurs ou des défauts, nous ne discutons pas. Nous disons : « Merci. Merci de l'avoir souligné. » Peu importe que ce soit vrai ou non. Il est inutile de se mettre sur la défensive. Et souvent, ce que les autres disent est vrai. Nous ne nous mettons surtout pas sur la défensive si la personne nous fait remarquer quelque chose simplement pour nous blesser, pour être agressive, ou d'autres choses de ce genre. Si nous la remercions simplement pour sa remarque, toute hostilité disparaît et la dispute prend fin.
Cependant, si quelqu'un nous accuse d'avoir fait quelque chose, nous ne la remercions pas sans examiner si ce dont on nous accuse est vrai ou non. Il est évident qu'il faut examiner ces choses en faisant preuve de discernement. Si quelqu’un nous accuse d’avoir pris son stylo alors que ce n’est pas le cas, nous ne disons pas simplement merci. Sinon, il répondra de le lui rendre, et nous ne l'aurons pas. Ce dont il est question ici, ce sont des personnes qui critiquent nos fautes ou nos erreurs, qui nous traitent d’avares ou d'autres choses de ce genre. Nous disons alors : « Je suis désolé. Merci de me l'avoir fait remarquer. Je vais y travailler. » Inutile de se mettre sur la défensive.
Verset 22 : Être un bon ami et un bon maître
Ne pas être inconstant dans notre amitié
Que je ne sois ni servile, ni inconstant en amitié, mais que je demeure toujours fidèle.
Il est important d’être fidèle en amitié. En anglais, nous avons le terme de « fair weather friends »pour parler des amis peu fiables qui sont amicaux quand les choses vont bien et quand nous sommes dans une bonne situation, mais qui, quand nous avons des problèmes et que nous ne sommes pas très agréables à fréquenter, nous laissent tomber et nous quittent. Ainsi, lorsque d'autres personnes disent des choses désagréables, commettent des erreurs ou nous blessent d'une manière ou d'une autre, il est important de leur souhaiter d'être heureuses.
Cependant, nous ne devons pas non plus nous montrer serviles. « Être servile » signifie flatter à l'excès. Nous flattons servilement la personne, surtout quand elle est gentille, mais nous la quittons quand elle ne l’est pas.
Être inconstant en amitié signifie changer continuellement d'amis. Nous abandonnons nos amis et passons aux suivants. C'est comme faire une nouvelle conquête, surtout lorsque la sexualité est impliquée.
Ce genre de choses indique que nos amitiés ne sont pas stables. Soit nous ne sommes pas convaincus que la personne est notre amie, soit nous ne sommes pas sincères. En ce sens, nous devons rester fidèles, non seulement par beau temps, mais aussi par mauvais temps, et non seulement lorsque nos amis sont agréables, mais aussi lorsqu'ils commettent des erreurs.
Respecter nos amis
Faites que je n’insulte pas les autres et garde une attitude respectueuse.
Certaines personnes ne sont amicales qu'avec des gens riches et puissants, des gens dont elles peuvent obtenir quelque chose. Puis, lorsqu'elles s'aperçoivent qu'elles ne peuvent rien obtenir d’elles, que ce soit des recommandations, de l’argent, des opportunités, du sexe ou autre, elles les laissent tomber. Elles insultent et méprisent celles et ceux dont elles ne peuvent rien obtenir, et elles ne leur montrent aucune sympathie.
Atisha pense ici au système des castes. Ne classez pas les gens en castes : « Je ne peux être amical qu'avec quelqu'un de ma caste », « Je ne peux être sympathique qu'avec quelqu'un de mon âge ou de ma classe sociale ». Tout cela n’a aucune importance. À la place, gardez une attitude respectueuse envers tout le monde. Tout le monde peut devenir un ami proche.
Que faire lorsque des personnes viennent à nous pour nous exploiter, c’est-à-dire des personnes qui veulent simplement obtenir quelque chose de nous et qui, lorsqu'elles ne nous trouvent plus utiles, s'en vont ? Tout d'abord, si nous pratiquons en tant que bodhisattvas, nous sommes heureux qu'elles viennent à nous et que nous puissions les aider. Si elles s'en vont, c'est leur affaire. C’est simplement triste qu'elles ne soient plus ouvertes à notre aide.
C'est particulièrement vrai pour celles et ceux qui sont des maîtres. C'est un gros problème auquel sont confrontés de nombreux maîtres occidentaux du Dharma. Beaucoup de gens viennent et sont leurs étudiants pendant un certain temps, puis ils partent et ne reviennent pas. Beaucoup de maîtres sont contrariés par cette situation. Ils ou elles se demandent : « Pourquoi ne viennent-ils plus ? Que s'est-il passé ? Ai-je fait quelque chose de mal ? » Dans ce cas, il faut se dire : « C'est leur affaire. Il leur est possible de venir, et s'ils ne viennent pas, c'est à cause de leur karma. S'ils voulaient seulement profiter de moi, c'est leur propre défaut. Je suis disponible pour les aider, qu'ils veuillent m'exploiter ou non. »
En ce qui concerne le fait d’être exploité par les autres, nous donnons ce qui est approprié. Nous ne donnons pas trop, ce qui pourrait être préjudiciable pour eux comme pour nous. Nous ne les laissons pas nous épuiser complètement, nous fixons des limites. Comme l'a très bien dit Ringou Tulku, de nombreuses personnes peuvent nous demander des choses, mais nous ne pouvons répondre qu'à un nombre limité de demandes, nous ne pouvons pas encore nous multiplier en un million de formes en même temps puisque nous ne sommes pas encore des bouddhas. Néanmoins, nous essayons au moins de leur donner un petit quelque chose, afin de ne pas les rejeter totalement.
Lorsqu'il s'agit de dire à quelqu'un que nous ne pouvons pas honorer sa demande, je me souviens d'une phrase exquise de Miss Manners. Miss Manners est la reine de la bienséance d'un journal américain à qui l'on pose des questions sur la manière de bien se comporter. Miss Manners, « Miss Bonnes Manières », dit que dans de telles situations, il suffit de dire : « Je suis vraiment désolé. » Nous ne donnons pas d'excuses. Nous ne donnons pas les raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas aider. Nous disons simplement : « Je suis vraiment désolé. Je ne pourrai pas le faire. » Nous ne nous expliquons pas. Si nous le faisions, la personne pourrait argumenter, et nous serions alors sur la défensive. Nous disons simplement : « Je suis vraiment désolé. » C’est un grand gourou, cette Miss Manners.
Donner des conseils ou des enseignements dans le seul but d'être bénéfique
Dès lors, quand je délivre des instructions aux autres, faites que j’aie de la compassion et l’intention d’aider.
Si nous donnons des conseils et des enseignements aux autres, ce qui ne doit pas nécessairement se faire de manière formelle, nous le faisons librement, nous ne le faisons pas pour l'argent ou la célébrité. Nous ne le faisons pas non plus parce que nous voulons que l'autre personne nous aime ou devienne dépendante de nous, ce qui est une faute encore plus grave. Nos conseils seront plus sincères si nous évitons tout cela.
Ensuite, pour ce qui est de la manière dont nous choisissons le type de pratique du Dharma à suivre, Atisha dit :
Verset 23 : Choisir ce qu'il faut pratiquer
Faites que je ne renie jamais le Dharma, portant mon intention sur toutes celles et ceux que j’admire avec ferveur, faites que je fasse des efforts afin que je m’engage jour et nuit (à franchir) les portes des dix actes du Dharma.
Nous devons réaliser que le Bouddha a enseigné de nombreuses méthodes et pratiques différentes. Par conséquent, nous ne renions aucune d'entre elles. Nous ne disons pas : « Ce n'est pas l'enseignement du Bouddha », « ce n'est pas utile » ou « ce n'est pas une bonne pratique ». Nous sommes ouverts à tous les enseignements du Dharma et les acceptons.
Dans l'ensemble des pratiques bouddhiques, nous choisissons ce qui nous convient, ce que nous admirons vraiment et avec quoi nous nous sentons proches, que ce soit le bouddhisme tibétain, le Theravada ou le zen, ou au sein du bouddhisme tibétain lui-même, qu'il s'agisse de telle ou telle tradition, de Gourou Rimpotché ou de Tsongkhapa. Peu importe ce que c'est, cela ne fait aucune différence. Toutes ces pratiques sont égales en leur capacité à nous mener à la libération et à l’illumination.
Nous devons trouver ce qui nous convient le mieux et ce que nous pouvons admirer avec ferveur. « Admirer » est le mot qui signifie aussi « conviction ferme ». Nous sommes fermement convaincus que c'est ce qui nous convient. Nous n'allons pas nous laisser influencer par la popularité de la pratique ou par le fait qu’elle plaise à nos amis, etc. Nous sommes vraiment convaincus que c'est ce qui nous convient le mieux et nous y mettons tout notre cœur.
Les dix actes du Dharma
S’engager jour et nuit en accomplissant ces dix actes du Dharma ne signifie pas que nous devons les accomplir tous les jours. « Jour et nuit » signifie simplement « notre temps ». Nous essayons donc de consacrer notre temps au type particulier de pratique qui nous convient le mieux. Quelles sortes de pratiques pouvons-nous faire ? On parle des dix actes du Dharma :
- « Copier les écritures ». Cela ne veut pas dire simplement les photocopier. Autrefois, cela signifiait recopier à la main les textes sacrés, car il n'y avait pas de versions imprimées et en faire des copies manuscrites rendait les textes accessibles à un plus grand nombre de personnes. Même aujourd'hui, alors que les versions écrites sont facilement accessibles, écrire ou dactylographier les textes peut s'avérer très utile pour se familiariser avec leur contenu, en particulier les écritures ou les enseignements qui concernent le type de pratique qui nous intéresse.
- « Faire des offrandes aux Trois Joyaux ». C’est toujours bon à faire, mais nous pouvons aussi faire des offrandes avec la motivation suivante : « Puissé-je être capable de bien pratiquer. »
- « Donner aux pauvres et aux malades. » C’est aussi quelque chose de général, que nous ferions de toute façon dans le cadre de notre pratique du Mahayana.
- « Écouter les enseignements » sur les choses pour lesquelles nous avons une grande admiration et conviction.
- « Lire les écritures » à propos des enseignements pour lesquels nous avons une admiration particulière.
- « Prendre à cœur l'essence des enseignements grâce la méditation ». Méditer et s'engager dans le type de pratique impliqué par l'enseignement ou le style particulier qui nous convient.
- « Expliquer les enseignements ». Si nous sommes en mesure d'expliquer un enseignement ou de le partager et d'en discuter avec d'autres personnes susceptibles d'être intéressées par le type d'enseignement qui nous intéresse, nous le faisons.
- « Réciter des soutras » C'est également très inspirant. Réciter à haute voix les textes qui traitent du sujet qui nous intéresse — qu’il s'agisse de poujas, de louanges, de soutras ou autres — est très inspirant, en particulier lorsque nous le faisons en groupe.
- « Réfléchir au sens des textes » qui traitent du sujet qui nous intéresse, y réfléchir pendant la journée, chaque fois que l'occasion se présente.
- « Méditer avec une concentration en un point sur le sens des enseignements », en essayant de se concentrer vraiment sur eux.
C'est ainsi que nous passons notre temps à étudier et à pratiquer un type d'enseignement particulier qui nous attire dans le bouddhisme. Nous le faisons sans nier ou dénigrer les autres types d'enseignements donnés par le Bouddha.
De nombreuses choses peuvent être incluses dans cette liste : transcrire les enseignements, écrire les enseignements que nous avons reçus, les mettre à la disposition des autres, etc. Il s'agit là aussi d'actes dharmiques. La meilleure façon de se familiariser avec un enseignement est de l'écrire après un cours.
Verset 24 : Dédier notre force positive
Dédicace de la force positive à l'illumination et aux autres
Faites que je dédie à la grande illumination sans pareille autant d’actes constructifs que ceux que j’ai amassés au cours des trois temps, et étende aux êtres limités ma force positive.
Si nous ne dédions pas les actes positifs que nous accomplissons pour atteindre l'illumination, nous ne ferons qu'accumuler du karma positif pour améliorer notre situation samsarique. C'est pourquoi il est important de dédier ces actions — ce que nous avons fait dans le passé, ce que nous faisons à présent, et ce que nous ferons à l'avenir — à l'illumination et d'étendre cette force positive à tous les êtres. Nous dédions tout cela non seulement à notre propre illumination, mais aussi à l'illumination d’autrui.
En outre, nous partageons avec les autres toute force positive dont nous disposons. Si nous avons appris quelque chose et en avons retiré de la force positive, nous le partageons. Si nous avons des contacts en Inde, par exemple, et que nous savons comment obtenir les bonnes conditions pour étudier là-bas, nous mettons ces informations et ces contacts à la disposition des autres. C'est cela partager notre force positive, partager la chance que nous avons, pour que d'autres puissent en bénéficier.
Pour développer cette force positive, Atisha dit :
Offrir la prière en sept branches pour développer la force positive
Ainsi, faites en sorte que j’offre toujours la grande prière de la pratique en sept branches.
C'est également ce que Shantideva souligne. La pratique des sept branches consiste à (1) se prosterner, (2) faire des offrandes, (3) admettre ouvertement les choses négatives que nous avons faites et appliquer les antidotes, (4) se réjouir des qualités positives [de nous- mêmes et des autres], (5) faire la requête des enseignements, (6) demander aux maîtres de ne pas s'en aller, et (7) la dédicace.
Verset 25 : Atteindre l'illumination en complétant les deux réseaux
Agissant de la sorte, faites que j’achève d’accumuler mes deux réseaux de force positive et de conscience profonde, et épuise ainsi mes deux obscurcissements.
En faisant des pratiques telles que la prière en sept branches, méditer et pratiquer les dix actes dharmiques, et ainsi de suite, nous accumulons et renforçons ces deux réseaux de force positive et de conscience profonde, ce que l’on appelle également les « collections de mérite et de sagesse ». Ce faisant, nous épuisons et nous nous débarrassons également des deux obscurcissements : les obscurcissements émotionnels qui empêchent la libération et les obscurcissements cognitifs qui empêchent l’illumination.
Ainsi, rendant mon obtention d’un corps humain pleine de sens, faites que j’atteigne l’illumination sans pareille.
Versets 26 et 27 : Les sept joyaux d’un arya
Au verset 26, Atisha parle des sept joyaux d’un arya, qui nous amènent à l'état d’un arya, l'état de la connaissance directe du vide. Voici les joyaux qu'il a mentionnés précédemment :
La liste des sept
Le joyau de la croyance dans les faits, le joyau de l’autodiscipline éthique, le joyau de la générosité, le joyau de l’écoute, le joyau de l'attention portée à la façon dont nos actions se reflètent sur les autres, le joyau de la dignité, ainsi que le joyau de la conscience discriminante sont au nombre de sept.
Ces joyaux sacrés sont les sept joyaux qui ne s’épuiseront jamais.
Ils ne s'épuiseront jamais. Lorsque nous parlons d’un joyau, nous ne devrions pas simplement penser à un bijou, mais plutôt à un trésor que nous développons de manière croissante.
Plus notre compréhension du Dharma et de ses enseignements grandit, plus notre conviction dans les faits enseignés dans les enseignements, à savoir (1) le joyau de la croyance dans les faits, grandit et plus il devient un trésor.
Ensuite, (2) l'autodiscipline éthique, qui consiste à s'abstenir de plus en plus de faire des choses négatives et s'engager de plus en plus dans des activités positives et constructives telles que la méditation et l'aide aux autres, se développe de progressivement, comme un trésor.
(3) Le joyau de la générosité est le fait de donner aux autres des choses matérielles, notre temps et notre énergie, des enseignements et des conseils, ainsi que les protéger de la peur. Les protéger de la peur ne signifie pas seulement les sauver s'ils se noient, mais aussi leur assurer qu'ils n'ont rien à craindre de nous. Ils n'ont pas à craindre que nous voulions obtenir quelque chose d'eux ou que nous les rejetions ou les ignorions. Nous sommes équanimes, alors nous leur donnons de l'équanimité. Nous leur donnons également notre amour, en leur souhaitant d'être heureux. Cette générosité peut se développer de plus en plus, en s'étendant de plus en plus pour inclure de plus en plus d’êtres.
(4) Le joyau de l'écoute. Plus nous entendons d'enseignements et les étudions, car nous devons évidemment y réfléchir et méditer sur eux, et plus nous nous en souvenons, plus l'écoute devient un grand trésor.
Viennent ensuite (5) le joyau de l'attention portée à la façon dont nos actions se reflètent sur les autres et (6) le joyau de la dignité. Ces deux joyaux sont les deux facteurs qui forment la base de l'autodiscipline éthique. Ce sont ceux qui sont toujours présents dans un état d'esprit constructif.
Tout d'abord, nous avons de la dignité. Nous nous respectons nous-mêmes, nous respectons notre nature-de-bouddha et nous nous soucions donc de la manière dont notre comportement se reflète sur nous : « J'ai un tel respect pour moi-même et pour ma nature-de-bouddha que je n'agirais pas comme un idiot, je n'agirais pas de manière destructrice. » Très souvent, lorsque les gens n'ont pas d'estime de soi, lorsqu'elle leur est volée, ce qui arrive souvent dans les conflits régionaux à travers le monde, ils ne se soucient plus de ce qu'ils font. Ils deviennent des kamikazes ou autres. Ils n'ont plus d'amour-propre, plus de sentiment d'estime de soi, et ils pensent donc qu'ils pourraient tout aussi bien être des kamikazes. En revanche, lorsque nous avons un sentiment d’estime de soi, cette dignité, nous nous retenons d'agir négativement. Nous nous disons : « Je ne vais pas me rabaisser en agissant de la sorte. »
L'autre facteur est l'attention portée à l'impact de nos actions sur les autres. Nous avons tellement de respect pour nos parents, nos maîtres, nos amis, notre religion, notre genre, notre pays ou quoi que ce soit d’autre que nous nous disons : « Si j'agis négativement, que vont penser les gens de ma famille ? Que vont-ils penser du bouddhisme ? Je suis censé être un pratiquant bouddhiste. » Ou encore : « Que vont-ils penser des personnes originaires de mon pays ? », etc.
Ces deux facteurs constituent la base de la discipline éthique, et ils peuvent se renforcer de manière croissante.
Enfin, (7) le joyau de la conscience discriminante consiste à être capable de distinguer non seulement comment les choses existent et comment elles n'existent pas, mais aussi de distinguer ce qui est utile de ce qui est nuisible, ce qui est bénéfique de ce qui est destructif, ce qui est une bonne utilisation du temps de ce qui est une perte de temps.
Ce sont les joyaux qui ne s'épuiseront jamais. Ils ne viendront jamais à manquer. Ils ne peuvent pas non plus être volés.
Garder notre pratique privée
Ils ne doivent pas être mentionnés aux presque humains.
Le terme « presque humains » fait référence aux fantômes, aux fantômes nuisibles qui peuvent causer des interférences. En fait, cela signifie que nous ne devrions pas nous vanter : « J'ai tant étudié », « j'ai tant de discipline » ou « j'ai tant de foi », car cela ne fait qu'inviter les interférences. Nous gardons respectueusement ces joyaux à l'intérieur. Nous ne nous en vantons pas. Nous n'avons pas besoin de les porter au cou comme des bijoux pour impressionner en société. Nous les gardons simplement à l’intérieur.
Le dernier verset est sans doute le plus célèbre du texte, et il est très souvent cité :
Verset 28 : Les points les plus importants pour la vie en commun et la vie en solitaire
Quand je me trouve au milieu d’un grand nombre, faites que je garde le contrôle de ma parole ; quand je suis seul, faites que je garde le contrôle de mon esprit.
Il s'agit là d'un très bon conseil. Quelles sont les choses auxquelles nous devons faire attention et que nous devons corriger si elles commencent à prendre une direction destructrice ?
Lorsque nous sommes avec d'autres personnes, c'est notre parole qui est en cause. Sommes-nous en train de dire quelque chose de stupide ? Disons-nous quelque chose qui va blesser autrui ? Ou quelque chose de faux ? Sommes-nous en train de nous vanter ? Nous plaignons-nous ? Que faisons-nous ? Nous surveillons donc notre parole. Si nous sommes sur le point de dire quelque chose de vraiment stupide, soit nous corrigeons ce que nous sommes sur le point de dire, soit nous nous taisons.
Lorsque nous sommes seuls, c'est notre esprit qui est en jeu. Nous surveillons ce que nous pensons et ce que nous ressentons. Nous ne limitons donc pas notre vigilance à ce que nous pensons de manière discursive, nous surveillons également notre humeur et les émotions qui surgissent. Ensuite, lorsque nous remarquons quelque chose de destructeur, quelque chose de dérangeant, nous essayons d'appliquer les antidotes.
C'est le meilleur des conseils. Il résume tout le chemin. Comme je l'ai dit, ce verset de conclusion est très célèbre.
Comment intégrer ces points dans notre vie quotidienne
À la question de savoir par où commencer pour intégrer ces points dans notre vie quotidienne, je pense que ce qui peut être utile, d'autant plus que le texte n'est pas très long, c'est de le lire tous les jours, tous les deux jours, ou quelque chose comme ça, afin de se familiariser avec ces différents points. Si nous faisons cela, lorsque nous nous trouvons dans une situation de notre vie quotidienne qui ressemble à ce qui est mentionné dans ces versets, nous nous souvenons du point. Parce que nous l'avons lu et relu, nous nous sommes familiarisés avec lui.
Nous ne pouvons pas dire qu'un point du texte est plus important qu'un autre. Tous ces points ont trait au développement de la bodhichitta, c'est-à-dire à l'apprentissage de ce qui est utile et, surtout, de ce qui ne l'est pas. Lorsque nous sommes capables de reconnaître ce qui n'est pas utile, nous essayons alors d'appliquer les conseils donnés ici. Par exemple, lorsque nous nous sentons très seuls et attachés à d'autres personnes, nous pensons à la façon dont le fait de passer beaucoup de temps avec elles nous distrait et interfère avec notre pratique. D'un autre côté, lorsqu'il y a beaucoup de gens autour de nous, nous pensons à la façon dont nous pouvons les aider. Chaque aspect de cet enseignement se rapporte à une situation différente. Ainsi, chaque fois qu'une situation se présente où nous pouvons appliquer l'un de ces points, nous l’appliquons.
Il est bon de lire quelque chose comme cela chaque jour. Il n'est pas nécessaire que ce soit ce texte en particulier, mais s'il s'agit d'un texte que nous trouvons particulièrement bénéfique, nous le lisons. Ensuite, en fonction du déroulement de la journée, un point ou un autre nous semblera plus pertinent, et nous nous arrêterons pour y réfléchir. C'est ainsi qu'il faut procéder. C'est comme lorsque nous récitons un certain nombre de mantras avec un mala. Nous pouvons réciter de façon similaire les versets et les différents points. De cette manière, nous nous en rappelons constamment. Je pense que c'est ainsi que nous nous familiariserons le mieux avec eux.
Ensuite, nous travaillons avec eux. Il y a de nombreuses façons de procéder. Pour ma part, j'ai choisi la traduction. Si nous traduisons ou écrivons les enseignements, nous sommes obligés d'y réfléchir. Si nous prenons des notes pendant les cours, une fois rentrés chez nous, nous pouvons les mettre au propre. Cela nous donne plus d'occasions d'y réfléchir, surtout si nous pensons à la manière dont ces enseignements pourraient aider d'autres personnes. Qu'ils soient utiles ou non n'a pas d’importance, ce qui compte, c'est que la motivation soit là. Il est en fait assez difficile de s'asseoir et de réfléchir en méditation et d'être capable de maintenir l'intérêt et l'attention. Cependant, le fait d'écrire les enseignements ou de les traduire nous donne vraiment l'occasion d'y réfléchir plus profondément.
Je trouve que la traduction est extrêmement utile à cet égard. J'ai travaillé sur une nouvelle traduction du texte de Shantideva, à partir du sanskrit et du tibétain. Bien que je l'aie enseigné en détail avec tant d’attention il y a quelques années, je l'étudie à nouveau. Je regarde absolument chaque mot, à la fois en sanskrit et en tibétain, et j'essaie vraiment de décider quelle est la meilleure façon de le traduire et de comprendre comment les Tibétains le comprennent, quelles sont les différences entre les deux versions linguistiques, etc. Ce texte m'est devenu tellement familier que je me souviens maintenant d'un grand nombre de ces versets. Il est donc très utile de lire un texte ou une partie de ce texte tous les jours et de le parcourir encore et encore. Il devient ainsi beaucoup plus familier.
Il y a beaucoup de petits trucs comme ça. Ugyen Tséten Rimpotché a donné un exemple excellent à ce sujet. Il a dit que lorsqu'il fait ces pratiques de récitation, ce que font tous les Tibétains, il récite chaque ligne ou chaque phrase trois fois de suite. Si nous récitons nos pratiques de cette manière, nous pensons réellement à chaque point. Nous pouvons parcourir nos pratiques très rapidement, surtout si nous les pratiquons tous les jours depuis des années. Mais le danger est de les parcourir à toute vitesse sans y réfléchir. En revanche, si nous prenons chaque phrase ou chaque ligne et que nous la récitons trois fois avant de passer à la suivante, nous prenons le temps d'y réfléchir ou de visualiser ce dont elle parle. C'est un conseil très utile d'un grand lama. Ugyen Tséten Rimpotché a environ 90 ans aujourd'hui, et il nous parle de sa propre expérience.
Lorsque vous lisez un texte comme celui-ci, le même conseil s'applique. Si nous avons le temps, nous pouvons réciter chaque ligne trois fois afin de réfléchir à chacune d'entre elles. Il n'est pas nécessaire de lire tout le texte si c'est trop difficile, nous pouvons en lire seulement quelques versets. Comme Shantideva l'a dit dans ses premiers versets : « J'écris ceci pour familiariser mon esprit, et si quelqu'un d'autre le trouve utile, c’est tant mieux. » Ainsi, dans notre pratique, ce n'est pas la quantité qui est importante, c'est la qualité.
Résumé
Je suis vraiment très heureux d'avoir eu l'occasion de partager ces enseignements et cette explication de Guéshé Ngawang Dhargyey. J’ai reçu ces enseignements en 1973, il y a longtemps. Heureusement, j'ai pris des notes. Et si vous avez vous-même pris des notes, dans trente ans, vous serez également en mesure de les expliquer à d'autres personnes, aux générations futures. Ce sont des enseignements forts précieux et très, très utiles.
Cliquez ici pour lire le texte original La Guirlande de joyaux d’un bodhisattva d'Atisha.