Révision de la portée initiale
Dans les sessions précédentes, nous avons parlé de la relation à un maître spirituel et de la précieuse renaissance humaine. Ces deux sujets servent de fondation au sujet qui va suivre. Il est possible qu’il y ait des gens aux facultés extrêmement aiguës qui se soient exercés très profondément dans des vies antérieures et, du fait qu’il se soient accoutumés à tous les entraînements et toutes les méditations, qu’ils aient acquis une familiarité au cours de ces vies passées et soient capables dans cette vie d’engendrer immédiatement et directement la bodhichitta et la vision du vide. Toutefois, si tel n’est pas notre cas, nous devons alors pratiquer de manière ordonnée, passant progressivement par les diverses étapes telles que définies dans la voie graduée.
Concernant le niveau initial ou la motivation de portée initiale, il existe quatre sujets de méditation :
- Le premier d’entre eux est la méditation sur l’impermanence.
- Le deuxième concerne les désavantages qui s’ensuivent si nous renaissons dans les royaumes inférieurs.
- Le troisième est la prise de refuge.
- Le quatrième consiste à réfléchir à la loi karmique de cause et d’effet. Sur cette base, nous nous abstenons de commettre aucune des dix actions destructrices.
La mort et l’impermanence
Nous avons discuté de la précieuse renaissance humaine dont nous disposons. Nous devrions considérer cette question plus avant et penser que si cette renaissance humaine, cette base de travail que nous avons, devait durer pour toujours alors ce serait un fait à prendre en compte ; toutefois, en réalité, ce n’est pas quelque chose qui dure à jamais. C’est quelque chose d’impermanent. Puisque ce corps humain ne va pas durer toujours et sera vite perdu, nous devons utiliser le temps qui nous reste pour pratiquer le Dharma du mieux que nous pouvons.
Habituellement, quand nous pensons à la mort et à l’impermanence, notre esprit devient un peu triste car il n’y a personne réellement qui ne craigne pas la mort. Il y a des gens tellement effrayés par la mort qu’ils ne veulent pas même en entendre parler. Mais cela ne va pas les protéger ou les aider, car c’est juste une question de temps avant que leur mort réelle n’arrive. Clairement, ce n’est pas une si bonne attitude à avoir. En revanche, si nous sommes conscients de la mort, alors il nous est possible d’être capables d’éliminer la souffrance qui pourrait survenir à ce moment-là.
Par ailleurs, s’il n’était pas possible d’éliminer la souffrance au moment de la mort, alors certainement il vaudrait mieux ne pas y penser du tout ; toutefois, dans la mesure où il y a une méthode pour éviter la crainte et la souffrance du moment de la mort, alors il est avisé et sage d’être conscient de la mort dès maintenant. Actuellement nous avons une précieuse renaissance humaine, or il existe une méthode grâce à laquelle nous pouvons éviter la souffrance associée avec le moment de la mort. C’est pourquoi, pour nous, cela vaut la peine de suivre ces méthodes.
Jusqu’à maintenant, nous avons commis un tas d’actions destructrices et accumulé beaucoup de potentiel karmique négatif. En général, nous avons agi d’une façon très indisciplinée et tout cela s’est produit parce que nous n’avons pas été conscients de notre mort.
Il est extrêmement important d’être conscient de la mort. Un des facteurs qui a poussé le Bouddha lui-même à s’engager dans la pratique intense du Dharma fut, en voyant une personne décédée, sa rencontre avec la mort. S’il n’existait pas une chose telle que la mort, alors le Bouddha lui-même aurait été capable de rester pour toujours plutôt heureux dans son royal palais, jouissant de sa position. Mais, parce qu’il réalisa que la mort viendrait et que cette position royale ne durerait pas, il en détourna son esprit, abandonnant tout, et se consacra au Dharma.
Quand nous ne sommes pas conscients de la mort, ce qui arrive c’est que, au moment de notre mort, nous éprouvons une grande quantité de souffrance et de difficultés, et alors il sera trop tard, puisque que nous mourons. Dans un de ses chants, Jetsun Milarepa a dit : « Parce que je crains la mort, je suis allé dans les montagnes pour pratiquer intensément le Dharma, mais maintenant que j’ai réalisé l’ultime réalisation, je n’ai plus rien à craindre de la mort. La mort ne viendra pas à moi. »
Méditations sur la mort
Concernant les méditations sur la mort, il y a trois points sur lesquels méditer :
- Le premier point est que la mort est certaine.
- Le deuxième point est que, par contraste, le moment de la mort est complètement incertain.
- Le troisième point est que, sur le point de mourir, rien ne nous sera d’aucune utilité excepté notre pratique du Dharma.
Chacun de ces trois points comporte trois raisons qui les soutiennent. Développons-les.
La mort est certaine
Les trois raisons sous-jacentes à la question de la certitude de la mort sont :
- Le Seigneur de la mort viendra sûrement, et aucune circonstance ne pourra l’en détourner.
- Quand notre durée de vie est épuisée, elle ne peut être allongée.
- Pendant que nous sommes vivants, le temps que nous pouvons consacrer à l’étude et à la pratique du Dharma est court.
Concernant la première raison, il y a également trois points :
- Le premier est que peu importe le genre de corps que nous avons pris, nous n’avons jamais pris renaissance dans un corps immortel ou qui n’a pas été sujet à la mort.
- Le deuxième est que peu importe où nous voyageons ou vivons, nous ne pouvons pas nous enfuir devant la mort.
- Le troisième est que peu importe la méthode vers laquelle nous nous tournons, le genre de médecine, d’appareils mécaniques, ou de mantras que nous utilisons, quand vient le moment de la mort, ceux-ci ne seront d’aucune aide pour nous éviter de mourir. Quand notre temps est épuisé, nous mourons.
Le Bouddha est un être illuminé et, de ce fait, il n’est pas forcé de trépasser, et en réalité il ne meurt pas au sens normal du terme ; néanmoins, pour notre bien, il manifesta la mort et démontra le trépas. Pour nous, il n’y a pas de doute que nous allons aussi mourir, et peu importe le genre de corps que nous avons pris, nous n’en avons pas un qui soit immortel.
Peu importe l’endroit où nous pourrions aller, il n’y a pas de lieu qui soit exempt de mort. Il n’y a pas d’endroit que la mort ne puisse atteindre. Il y a des gens, par exemple, qui vivent à Dharamsala et tombent très malades, et ils pensent se rendre à l’Ouest dans un de ces fameux hôpitaux pour y être soignés. Cependant, il se peut qu’ils fassent tout ce chemin et meurent tout aussi bien dans un hôpital occidental. Peu importe où nous allons, quand notre heure est arrivée, nous mourons.
Il y avait une fois un guéshé qui louait une chambre dans la maison d’une vieille femme. La vieille mère dans cette maison prit une mouche posée sur son fils et dit : « Jette-la quelque part où elle ne mourra pas. » Le guéshé qui louait la chambre entendit cela et dit à la vieille mère : « S’il existe un endroit où vous pouvez jeter cette mouche et où elle ne mourra pas, s’il vous plaît, pourriez-vous m’y jeter aussi. » Il n’y a aucun endroit, où nous pourrions aller, où nous ne mourrons pas. Bien entendu, la mère avait en tête quelque chose d’un petit peu plus innocent, comme de jeter la mouche dans un lieu sans personne, où on ne lui marcherait pas dessus. Ultimement, il n’existe pas d’endroit où nous ne mourrons pas.
Peu importe le genre d’appareils mécaniques ou de machines que nous utilisons, ou même si nous partons en guerre contre la mort, malgré tout il n’y a rien qui puisse nous empêcher de mourir. Peu importe le genre d’installations médicales sophistiquées qu’il puisse y avoir, elles ne peuvent pas nous empêcher de mourir quand notre temps est épuisé. En fait, le docteur lui-même mourra également quand son heure sera venue.
S’il était possible d’acheter notre vie à partir de la mort, s’il y avait des appareils, des médicaments ou des mantras ou quelque chose qui puisse empêcher de mourir, alors les gens les plus riches seraient en mesure de les acheter. Malgré tout, vous découvrons que ce n’est pas le cas. Il n’existe pas de gens riches qui peuvent s’empêcher de mourir. Tels sont les trois points sur lesquels méditer concernant cet aspect du moment de la mort.
Le deuxième point sur la certitude de la mort est le fait que peu importe la durée de notre vie, il n’y a pas de temps supplémentaire qu’on puisse y ajouter. Autrement dit, si nous avons accumulé dans une vie antérieure le potentiel karmique de vivre cent ans au cours de cette vie, alors il n’y a rien que l’on puisse faire dans cette vie pour vivre au-delà de ces cent ans. Une fois que nous sommes nés, les cent années commencent déjà à s’écouler.
Dès que nous naissons, qu’importe ce que nous faisons, nous ne faisons qu’approcher de plus en plus de notre mort. Nous allons constamment vers notre mort. Ce n’est pas comme si nous pouvions arrêter et sauter hors du tapis roulant pendant un moment, puis continuer. C’est comme d’être à bord d’un avion rapide, une voiture, ou un train dans lequel il n’y a pas d’arrêt possible. Quand on conduit une voiture, bien sûr nous pouvons la stopper et la faire reculer ; toutefois, quand nous sommes dans la voiture, nous nous dirigeons vers la mort, il n’y a pas de retour en arrière. Nous devrions réfléchir à cela.
Le troisième point à propos de la certitude de la mort est que pendant que nous sommes vivants, le temps réel que nous avons à consacrer à la pratique du Dharma est extrêmement court. Par exemple, si nous devons vivre cinquante ans, si nous additionnons alors le temps que nous consacrons vraiment à la pratique du Dharma, cela pourrait atteindre seulement trois ou quatre années. Si on considère la quantité de temps que nous passons à dormir chaque nuit, à manger, à aller travailler, toutes ces choses, alors le temps restant pour véritablement se consacrer à la pratique du Dharma est extrêmement court.
Quand nous sommes jeunes, quand nous sommes des enfants jusqu’à l’âge d’environ seize ans, nous ne sommes même pas conscients ou attentifs à la pratique du Dharma. Après cela si nous devenons vraiment conscients de la pratique du Dharma et que nous songeons à nous y engager, malgré tout, c’est seulement une brève quantité de temps que nous pouvons y consacrer. Prenons notre propre exemple aujourd’hui. La journée est très longue, mais tout au long de la journée, dans sa totalité, nous consacrons peut-être une heure ici au Dharma et le reste du temps nous nous impliquons dans d’autres choses. Même si nous sommes ici pour une heure, c’est juste pour un petit nombre de jours et c’est une occasion très rare.
Telles sont les trois raisons qui alimentent la raison pour laquelle notre mort est certaine. En conclusion de la méditation sur ces trois points concernant le fait que, parce que nous sommes nés, il est certain que nous allons mourir, nous devrions prendre la décision de pratiquer le Dharma avant que nous ne manquions de temps. Même si d’ordinaire nous pensons pratiquer le Dharma, il se peut que nous pensions nous y mettre demain ou après-demain ; toutefois, nous ne devrions pas y penser de cette façon.
Comment le potentiel karmique affecte notre perception
Le deuxième point principal auquel nous devrions réfléchir est qu’il n’y a aucune certitude quant au moment de la mort. À cet égard, il y a trois aspects à considérer, mais avant de les aborder, il y a une chose qui doit être exposée concernant la description de l’univers comme étant constitué du Mont Meru, des quatre continents et des huit sous-continents. Telle est la description de l’univers selon les enseignements de l’abhidharma. Il existe une autre explication ou description de l’univers selon les enseignements du Kalachakra, laquelle est légèrement différente.
Selon les enseignements de l’abhidharma, le Mont Meru est carré, extrêmement beau, et organisé de manière très plaisante ; dans la description du Kalachakra, le Mont Meru est rond et apparaît sous un aspect terrifiant comme suspendu juste au-dessus de nos têtes. Il y a vraiment des gens qui ont cette sensation que le Mont Meru se situe directement au-dessus de leur tête et qu’il est sur le point de leur tomber dessus. C’est quelque chose de très terrifiant. Bien entendu, le Mont Meru ne leur tombe pas dessus ; cependant, selon cette description, il y a des gens qui expérimente avec une grande frayeur cette vision terrifiante du Mont Meru sur le point de leur tomber sur la tête.
La façon dont les choses nous apparaissent dépend réellement de nos propres potentiels karmiques. Dû à un potentiel karmique individuel et à cause du potentiel karmique général, partagé en commun, accumulé par tout le monde, la façon dont la terre apparaît habituellement aux gens de nos jours est celle d’une sphère. Ce globe sur lequel nous vivons constitue l’apparence du continent méridional. Nous ne devrions pas penser que les continents septentrional, occidental et oriental sont inclus sur cette terre. Ce globe constitue seulement le continent méridional.
En ce qui concerne la description de l’univers comme celle d’un Mont Meru carré et de quatre continents, de nos jours, nous n’avons pas le potentiel karmique pour être capables de voir les choses de cette façon. Elles ne nous apparaissent pas ainsi. Malgré tout, même si les choses nous apparaissent maintenant juste comme la sphère de la terre, et même si nous insistons fortement sur le fait qu’il n’y a que cette terre et qu’il n’existe rien de tel que le Mont Meru, les autres continents et les autres mondes, il n’y a aucun moyen pour que nous puissions vraiment le prouver. Nous pouvons également tomber dans l’autre extrême et devenir un fanatique du Dharma qui dit que l’univers, en fait, existe seulement en tant que Mont Meru entouré de quatre continents et de huit sous-continents. Un autre extrême encore serait d’insister sur le fait que la façon dont le monde apparaît maintenant sous la forme d’un globe est une simple apparence et n’est pas du tout comme ça en réalité. Nous ne pouvons pas non plus tomber dans cet extrême car, de fait, la terre est ronde, elle est semblable à cette sphère. C’est la façon dont elle existe.
Le potentiel karmique est très intéressant. Par exemple, considérons le liquide dans ce verre – tous, nous le voyons comme de l’eau, mais pour les fantômes affamés, il apparaîtrait comme du pus. Quand nous autres, les êtres humains, le regardons, nous le voyons comme de l’eau. Quand les dieux le regardent, ils le voient comme du nectar. Nous ne pouvons pas dire que tout le monde verra ce verre de liquide de la même manière. C’est juste en fonction du potentiel karmique individuel particulier de le voir d’une certaine façon qui détermine comment il apparaîtra à chaque être. C’est une chose à laquelle nous devrions faire très attention ici, car c’est un point important.
Quand on dit que les humains voient ceci comme de l’eau, les fantômes affamés comme du pus et du sang, et les dieux comme du nectar, chaque vision est une façon valide de voir et, pour la perception de ce type d’êtres, il s’agit d’un point de vue correct. Autrement dit, nous devrions dire que c’est vrai, et, de fait, ceci est un verre de pus et de sang pour un fantôme affamé, un verre d’eau pour les humains, et un verre de nectar pour les dieux. Ce ne sont pas des perceptions distordues comme de voir une image double de la lune, une montagne blanche comme si elle était bleue, ou de voir des arbres se mouvoir à reculons quand nous passons à côté d’eux en train. Ce sont là des exemples de perceptions distordues dans la mesure où ce que nous voyons ne correspond pas réellement à ce qui existe. Toutefois, dans cet exemple de voir ce liquide comme du pus, de l’eau ou du nectar, ces façons de voir existent en fait de manière valide.
Pareillement, nous devrions dire que la terre vue comme une sphère est une vision valide et vraie et qu’elle existe de cette façon, et que les gens la voient ainsi. De même, nous devrions dire que l’univers peut aussi être vu comme un Mont Meru carré entouré de quatre continents et de huit sous-continents à cause du pouvoir du potentiel karmique. De fait, il existe sous cette forme grâce au pouvoir du potentiel karmique de ceux qui le voient de cette façon-là.
Au sein de ce système dans lequel l’univers apparaît comme le Mont Meru, etc., nous vivons sur le continent du sud et, de l’autre côté du Mont Meru, il y a le continent du nord. Quand le soleil se lève et brille ici dans le continent méridional, puisque le soleil tourne autour du Mont Meru, alors il fait nuit dans le contient septentrional.
Au Tibet certains disent cela, parce que quand il fait jour au Tibet il fait nuit en Amérique du Nord, et donc que l’Amérique du Nord doit être le continent septentrional. Dire cela est une absurdité. Il n’en est pas ainsi. Dire que c’est ainsi reviendrait à brouiller les deux différents systèmes et les mélanger ensemble pour créer une confusion. Ce n’est pas ainsi. Quand on parle de continents méridional et septentrional, c’est dans le cadre de la description donnée dans les textes de l’abhidharma, et nous ne devrions pas confondre ni mélanger d’autres systèmes et d’autres façons de penser à ces systèmes. Ce sont deux systèmes complètement différents qui ne devraient pas être mélangés.
L’incertitude du moment de notre mort
La pertinence de cette discussion sur le Mont Meru et les quatre continents tient au fait que, dans le texte Un trésor de sujets spéciaux de connaissance (Abhidharmakosha), il y a une description des êtres humains du continent septentrional comme vivant pendant 1.000 ans, avec une durée de vie fixe et certaine. Les humains dans le continent méridional, cependant, ont de durées de vie incertaines sans durée fixe. Cela se réfère à nous.
Nous pouvons comprendre cela de la façon dont, en général, la durée de vie des humains du continent méridional, au début du dernier éon intermédiaire des éons d’évolution, était un nombre d’années indénombrable, un milliard d’années, ou le plus grand nombre fini, pour lentement décroître jusqu’à ce que la durée de vie passe à plusieurs dizaines de milliers d’années, plusieurs milliers d’années, plusieurs centaines d’années, or, maintenant, c’est encore moins et les durées de vie n’offrent aucune certitude. Il y a des gens qui vivent jusqu’à 100 ans et d’autres qui meurent dans leur vingtième année. Certains meurent dès leur naissance. Il n’y a aucune certitude quant à savoir combien de temps chacun de nous vivra.
Il y a trois aspects sur lesquels méditer concernant l’incertitude de notre durée de vie et le moment de notre mort :
- Le premier aspect c’est qu’il y a plus de circonstances susceptibles de causer notre mort que de circonstances pour demeurer en vie. Si nous y réfléchissons, c’est quelque chose que nous pouvons comprendre aisément. Il y a tant de différentes sortes d’armes et de machines qui peuvent nous tuer, et de choses terribles présentes dans le monde qui peuvent causer notre mort. Nous savons tous cela.
- Le deuxième aspect est que les choses qui peuvent véritablement nous garder en vie, comme tous les divers types de médicaments ou de traitements médicaux, sont très rares. Même s’il existe un médicament puissant qui peut nous aider à nous garder en vie, en général cela coûte très cher et il n’est pas si facile de mettre la main dessus. Toutefois, nous n’avons rien à débourser pour obtenir quelque chose qui va nous tuer. D’autre part, de nombreuses choses que nous utilisons pour essayer de nous maintenir en vie, la nourriture par exemple, peuvent s’avérer néfaste et nous tuer.
- Le troisième aspect est que nos corps sont extrêmement fragiles et faibles. Ce serait différent si nos corps étaient faits de pierre ou de fer, mais ce n’est pas le cas. Nos organes internes sont aussi fragiles que ceux d’une montre. Comme pour une montre, laquelle possède des rouages très délicats qu’un rien peut détraquer, nous avons à l’intérieur de nous des choses comme les poumons, les intestins, l’estomac et le foie qui peuvent être endommagés au moindre choc. Il y a cet exemple du fermier cultivateur de pommes de terre qui labourait son champ pour planter des pommes de terre. Il rentra chez lui pour manger et commença à faire bouillir de l’huile pour frire du pain. Il plaça le pain dans l’huile mais tomba mort avant même d’avoir pu ôter le pain de la poêle.
À partir de cet exemple, nous pouvons assurément voir que le moment de la mort est complètement incertain. Nous pouvons juste tomber mort à tout moment. En ce qui concerne le point principal comme quoi le moment de la mort est complètement incertain, nous disposons de ces trois aspects à considérer et sur lesquels méditer. En conclusion de ceci, nous devrions arriver à la décision que nous allons pratiquer le Dharma sur le champ, dès maintenant. Nous n’allons pas remettre cela à demain ou au jour suivant, car nous pourrions mourir à tout instant.
Hormis le Dharma, rien n’est d’aucune aide au moment de mourir
Le point suivant est que, hormis le Dharma, rien d’autre ne peut nous aider à l’heure de la mort. Considérant cela comme le point principal, à nouveau il y a trois points à prendre en compte :
- Le premier est que notre corps ne nous est d’aucune aide à l’heure de la mort. Peu importe la qualité des vêtements que nous achetons pour nous vêtir, peu importe la qualité de la nourriture dont nous nous nourrissons, au moment de mourir nous devons laisser notre corps derrière nous. Il ne nous sera d’aucune utilité d’aucune sorte.
- Le deuxième point est que peu importe combien d’amis, de proches, d’êtres chers, de serviteurs et d’employés nous avons, à l’heure de notre mort aucun d’entre eux ne nous sera d’aucune aide. Même s’il s’agit d’un puissant général dormant dans son lit avec des gardes armés autour de lui, il mourra. Les gardes armés ne lui serviront à rien. En fait, plus nous avons d’amis et de parents autour de nous quand nous mourons, et plus ils nous causent de douleur car tous se lamentent de nous perdre. Nous devenons si attachés à l’idée de les laisser derrière, que, en fait, cela cause plus de mal que de bien à l’heure de la mort.
- Le dernier point est que l’argent, la richesse et les possessions ne sont d’aucune aide au moment de mourir. Peu importe la quantité de richesse et de biens que nous avons quand nous mourrons, nous ne pouvons même pas en emporter ne serait-ce qu’une petite miette.
Il y a quelques années, Sa Sainteté le Dalaï-Lama a donné une initiation de Kalachakra au Ladakh, en Inde, et ce récit est une anecdote à propos du mécène qui avait fait la requête de cette initiation. Ce mécène avait un ami très riche qui est mort. Quand il mourut, il n’y avait rien qu’il pût faire de sa richesse et de ses biens. On recouvrit juste son corps d’un linge blanc et on enleva son corps pour qu’il soit incinéré. Voyant la fin à laquelle son ami riche était arrivé, cet homme décida d’utiliser l’argent de ce dernier pour faire la requête et sponsoriser l’initiation de Kalachakra auprès de Sa Sainteté le Dalaï-Lama.
Le mécène expliqua tout cela à Rimpotché, la façon dont le riche ami était mort, sans aucune de ses richesses et de ses biens avec lui, et comment on l’incinéra couvert d’un drap blanc. Rimpotché rapporta cette histoire au Dalaï-Lama, expliquant que cet homme lui avait dit comment son ami était mort et qu’il avait dû laisser toutes ses richesses et n’avait rien pu emmener ; une fois mort, il avait juste le linge blanc. Sa Sainteté fit cette remarque : « Oh, est-ce qu’il a été capable d’emporter le tissu blanc avec lui alors ? » Cependant, en fait, il ne put même pas prendre le linge blanc du fait qu’il avait été brûlé lors de la crémation. Même le tissu blanc avec lequel on couvre notre corps pour la crémation ne peut venir avec nous.
Après avoir réfléchi et médité sur ces trois points, la conclusion est que nous devons pratiquer le Dharma. Rien d’autre ne nous sera d’aucune aide – ni les amis, ni la richesse, ni les biens, ou notre corps – nous ne pouvons rien emporter avec nous. Cependant, la pratique du Dharma est une chose qui peut nous aider et donc, c’est la seule chose à laquelle nous devrions nous consacrer du point de vue de ce qui peut nous être bénéfique au moment de mourir.
Nous n’avons pas tellement besoin d’étudier la mort et l’impermanence dans les textes afin de prendre conscience de leur réalité. Tout autour de nous, si nous regardons simplement, il y a tellement de gens qui meurent, tellement d’enterrements, de crémations, et de choses de cette sorte. C’est tout autour de nous. C’est juste une question de temps avant que ce soit notre tour. Quand nous observons des pratiquants tantriques avancés et les voyons avec des coupes crâniennes humaines, des trompettes faites dans des fémurs, et diverses choses de ce genre, il y a une raison à tout cela. Il en est ainsi afin qu’ils restent toujours conscients de la mort.
La renaissance
S’il n’y avait rien après la mort, ce ne serait pas si horrible. Il n’y aurait pas d’appréhension à avoir à ce sujet. Mais après notre mort, il y a la renaissance. Quant à l’endroit où nous pouvons prendre renaissance, il existe seulement deux possibilités : dans l’un des états fortunés ou dans l’un des états infortunés. Si nous avons accumulé une grande quantité de potentiel karmique positif à partir d’actions constructives que nous avons faites, nous pouvons renaître dans l’un des états fortunés et il n’y a rien qui puisse nous effrayer. Toutefois, si on s’examine honnêtement, nous voyons, en fait, qu’au lieu de cela nous avons accumulé une grande quantité de potentiel karmique négatif et, qu’en conséquence, ce potentiel nous conduira à renaître dans un des royaumes infortunés.
Renaître dans des états de renaissance infortunés et prendre refuge comme moyen de surmonter la crainte de cette éventualité
Il y a trois états de renaissance infortunés. Les royaumes des enfers et le royaume des fantômes affamés sont des choses que nous ne pouvons pas voir avec nos propres yeux, aussi peut-être est-il difficile d’y penser sérieusement. Malgré tout, nous pouvons voir les animaux, or il s’agit d’un état de renaissance infortuné. Nous devrions considérer le genre de souffrance que cela implique d’être un animal, et quand nous l’imaginons, nous pouvons développer une grande crainte que cela ne nous arrive.
Quand nous sommes effrayés ou inquiets, alors, dans cet état de peur, nous rechercherions une protection ou un refuge pour nous indiquer une direction sûre à prendre afin d’éviter une telle renaissance. S’il n’y avait rien qui puisse nous fournir une protection contre cette peur, alors tout ce qui nous resterait, ce serait la peur. Mais il y a une chose qui peut nous offrir une protection contre cette peur. Si on demande quelle est la source du refuge et de la direction sûre qui peut nous aider à prévenir cette peur et éviter cette souffrance, ce sont les Trois Joyaux de Refuge – le Bouddha, le Dharma et la communauté du Sangha.
Le verset de prosternation au début de ce texte spécifie que le Bouddha, le Dharma et le Sangha sont l’équivalent des Trois Joyaux de Refuge. Quelles qualités doit avoir un objet de refuge afin d’être en mesure de fournir une direction sûre ? La première qualité est que ce doit être une personne qui soit libre de toutes les peurs. Si elle n’était pas elle-même délivrée de toutes les peurs, comment pourrait-elle vraisemblablement aider les autres à surmonter les leurs ? Le Bouddha est un objet de refuge de cette sorte, libre de toutes les peurs pour avoir accumulé une énorme provision de potentiel positif issu des actions constructives commises pendant trois éons incalculables et, en conséquence, pour avoir éliminé tous ses défauts et souillures.
La prochaine chose que le Bouddha requiert pour être capable de nous offrir refuge et direction sûre dans la vie est d’être habile dans les méthodes capables de délivrer les autres de leurs peurs. Mais, avant de continuer, y a-t-il des questions à ce stade ?
Questions
Que dois-je faire si j’éprouve des difficultés, par exemple, à faire une offrande de mandala du Mont Meru et des quatre continents, etc., et à croire à certaines choses en général ?
Quelle est la base de la difficulté à faire cette offrande avec conviction ? Est-ce parce que vous pensez que l’univers n’existe pas de cette façon ? Vous ne devriez avoir aucun doute à ce sujet. C’est une façon valide d’existence pour lui. Et si nous offrons un mandala sous cette forme, finalement nous serons capables de comprendre comment il existe de cette façon. Si nous y réfléchissons, la conviction viendra finalement.
Un exemple aidera peut-être. Disons, par exemple, que nous possédons un grand terrain et, étant riche, que nous songions à construire une grande maison sur ce terrain. Au moment où nous faisons les plans, nous ne devrions pas avoir de doutes pour savoir si oui ou non cette maison pourra devenir réelle. Autrement dit, si nous sommes convaincus de la probabilité qu’elle deviendra réelle, et que nous en passons par le processus de construction, elle le deviendra vraiment. Mais, au moment où nous faisons les plans, même si nous l’avons en esprit en tant que projection, à ce moment-là elle n’existe pas dans la réalité. Cependant, c’est quelque chose que nous pouvons construire et faire advenir.
Nous devrions penser que le monde existe de cette façon et il se peut que nous ne soyons pas capables de le voir ainsi maintenant, mais nous avons le potentiel karmique de le voir ainsi. C’est juste une question d’accumuler suffisamment de potentiel karmique pour être en mesure de le voir de cette façon. Par exemple, quand on dit que tout le monde a le potentiel karmique de renaître en tant qu’Indra, le roi des dieux, cette possibilité existe vraiment car nous avons tous eu des vies sans commencement durant lesquelles nous avons accumulé le potentiel karmique pour faire l’expérience de toutes les choses possibles. C’est ainsi que sont les choses. C’est juste une question de savoir ce qui amènera ce potentiel karmique à fruition, à maturité.
Quand nous offrons un mandala sous cette forme particulière, c’est en soi quelque chose de très positif et constructif. C’est très méritoire et peut contribuer à ce que nous soyons capables de voir véritablement l’univers de cette façon à un moment donné. Si nous avons des doutes à ce sujet, cela pourrait miner toutes les pratiques de déités dans lesquelles nous pourrions également nous engager. La raison en est que, en fait, alors que nous nous visualisons en tant que déité de méditation, à ce stade nous n’en sommes pas encore une. Toutefois, cela sert de méthode pour être en mesure de nous générer véritablement sous cette forme dans le futur. C’est la même chose.
Si nous poussons ce raisonnement plus loin, nous pourrions avoir des doutes sur notre capacité à générer un cœur bienveillant et chaleureux. De même, ce pourrait être une chose sur laquelle nous méditons en ce moment, mais que nous n’avons pas encore réalisée. Toutefois, se contenter de dire que si nous ne l’avons pas maintenant, cela signifie que cela ne peut pas advenir, l’affirmer rendrait impossible pour nous de développer un bon cœur. Ce serait comme de dire qu’il serait impossible d’apprendre jamais le tibétain si nous ne le savions pas dès maintenant. Ce serait le même cas que celui d’un enfant né en Angleterre qui ne pourrait jamais apprendre l’anglais parce qu’il ne le savait pas dès le début quand il est né.
Pourquoi est-ce que le fait que nous devrions nous consacrer dès maintenant à la pratique du Dharma est une raison pour avoir la certitude de la mort ?
C’est une très bonne question. Ce que vous dites est correct. Ce n’est pas exactement une raison pour dire que la mort est certaine. Mais c’est un fait que quand nous sommes vivants, il y a seulement une courte période que nous pouvons consacrer à la pratique du Dharma. Nous devrions réfléchir au temps que nous avons en étant en vie. La quantité de temps consacrée au Dharma est si brève quand on la compare à tout le reste du temps que nous consacrons aux activités autres que celles du Dharma. Comme notre mort est quelque chose qui arrivera sûrement, et comme c’est juste une question de temps, mais que nous ne savons pas quand cela arrivera, alors cela nous incite plus à réfléchir à la manière dont nous répartissons notre temps. En fait, nous voyons que nous ne mettons pas l’accent principal sur la pratique du Dharma, et donc que le temps que nous lui allouons est très bref. Donc, penser à la certitude de la mort nous motive pour ressentir un besoin puissant de pratiquer le Dharma, puisque c’est la décision à laquelle nous arrivons sur la base de ce point : à savoir que la mort est certaine.
Est-ce que notre durée de vie est fixe ? N’y a-t-il rien que nous puissions faire pour jamais changer cela ?
Nous pouvons comprendre cela à partir d’un exemple. Si quelqu’un est élu à un poste gouvernemental pour trois ans, la fonction durera trois années à moins que cette personne ne fasse quelque chose de réellement répréhensible. Quoi qu’il se passe, elle perd son poste après trois ans. De même, issue d’un potentiel karmique antérieur, nous disposons d’une certaine durée de vie ; toutefois, nous avons également besoin de circonstances pour qu’elle advienne. Autrement dit, si nous avons un grain de riz, il peut produire un plant de riz comme résultat ; cependant, il a également besoin de circonstances comme de l’eau et de l’engrais pour que cela advienne. Dans des circonstances adverses comme une sécheresse ou quelque chose de ce genre, il ne poussera pas.
Similairement, issue d’un potentiel karmique passé, il se peut que nous ayons la durée de vie de vivre cinquante ans ; pour autant, si nous mangeons de n’importe quelle façon et conduisons comme des fous sur les routes, nous pouvons mourir avant cela à cause de mauvaises circonstances. En d’autres termes, simplement parce que nous avons une certaine durée de vie, cela ne veut pas dire que nous vivrons aussi longtemps. Néanmoins, nous pouvons également mourir avant cela en ne faisant pas attention, par accident ou une autre cause de ce genre.
C’est la même chose dans le cas d’une diseuse de bonne aventure. Elle peut voir les lignes de vie dans notre main et dire quelque chose à propos de notre durée de vie, mais nous pouvons mourir avant à cause de circonstances autres. Simplement parce que nous avons une durée de vie, il n’est pas certain que nous vivrons jusqu’à son terme. Tout le monde possède aussi le potentiel karmique d’avoir une mort prématurée.
Il est possible que nous ayons une durée de vie de soixante ans en tant qu’être humain mais, à cause du potentiel karmique que nous avons accumulé, que nous mourions d’un accident à l’âge de quarante ans. Il est possible, bien que cela n’arrive pas dans tous les cas, que nous renaissions alors comme humain, lequel vivra les vingt années restantes de cette précédente vie. Ce n’est pas toujours le cas, mais cela peut arriver.
Nous devons épuiser trois choses pour que nous puissions mourir. Nous avons besoin que :
- La durée de vie soit épuisée
- Le potentiel karmique pour cette renaissance soit épuisé
- La force vitale soit épuisée.
Quand ces trois choses sont épuisées, alors notre vie est finie.
On m’a enseigné précédemment que le potentiel karmique d’une durée de vie se mesurait au nombre de respirations que nous prenons. Mon impression, ainsi que je l’ai compris, était qu’une vie ne se mesurait pas juste en années comme nous le savons mais plutôt en nombre de respirations réelles que nous prenons. Il semblerait qu’il y ait certaines pratiques grâce auxquelles on peut retenir notre respiration, et que nous puissions véritablement allonger nos vies. Pourriez-vous clarifier ce point ?
C’est la compréhension correcte. Il existe des pratiques concernant l’allongement de notre durée de vie quand on les mesure en nombre de respirations. Il y a la pratique de rétention de la respiration du vase, si cette personne fait cela pendant six mois, cela peut accroître la durée de vie de trois années. On dit que chaque jour il y a 21.600 respirations. Donc, si nous respirons très rapidement, en haletant et soufflant, cela réduira notre durée de vie. En revanche, si nous sommes plus détendus et respirons lentement et aisément, c’est beaucoup plus sain et cela nous donne une vie plus longue. De même, on vit plus longtemps si on vit plus proche du niveau de la mer que si on vit très haut dans les montagnes. Au Tibet, la durée de vie est légèrement plus courte comparée à d’autres endroits – seulement de cinquante à soixante années. Ceci est dû à l’altitude. Ici, à basses altitudes, en général les gens ont des espérances de vie plus grandes. Cela est vrai.
À cette heure, nous avons abordé trois des quatre points de la portée initiale. Le premier est la mort et l’impermanence ; le deuxième est la souffrance des royaumes inférieurs ; et le troisième est le refuge. Le quatrième est la loi karmique de cause et d’effet. Nous discuterons des détails sur le karma lors de la prochaine session.