Nous avons discuté des cinq sortes de conscience profonde en relation avec les cinq skandhas ou agrégats qui constituent notre expérience, ainsi que les cinq types d’émotions perturbatrices. Il y a de nombreux autres systèmes auxquels nous pouvons corréler cette structure des cinq sortes de conscience profonde, mais ce sont des sujets pour de futures explorations. Dans notre étude du Dharma, nous obtenons souvent diverses pièces du puzzle et ces pièce s’emboîtent de différentes façons, et non juste d’une seule. Au fur et à mesure que nous poursuivons nos études, nous pouvons mettre en rapport diverses choses, assembler plus de pièces, et approfondir de plus en plus.
Examinons plus avant le niveau de base de nos cinq sortes de conscience profonde afin de reconnaître leurs limites et ce sur quoi nous devons travailler afin de les hausser jusqu’au niveau de celles d’un bouddha.
Que peut révéler la conscience profonde pareille à un miroir ?
Avec la conscience profonde pareille à un miroir, toute l’information entre. Cependant, nous ne prêtons pas attention à la plus grande partie ; en fait, nous ne remarquons même pas ce qui se trouve en face de nous. Toutefois, la conscience profonde pareille à un miroir peut être développée de plus en plus, en particulier quand on la combine avec la conscience profonde de la réalité.
Par exemple, quand on voit une personne, il y a une prodigieuse somme d’information disponible pour nous aider à égaliser, individualiser et entrer en relation avec cette personne. Tout d’abord, quand nous voyons la personne, l’information est présente en considérant sa véritable apparence. A-t-elle l’air fatiguée, heureuse ou soucieuse ? Avec la conscience profonde de la réalité, nous pouvons identifier le genre d’émotion grossière dont quelqu’un fait l’expérience d’après l’expression de son visage. Nous pouvons reconnaître plus avant si les muscles d’une personne sont tendus ou relâchés en observant les zones du front et autour de la bouche et des yeux.
Le langage corporel est également très important. Par exemple, ses épaules sont-elles soulevées par l’attention ou détendues ? Ses poings sont-ils fermés ou ouverts ? Tous ces facteurs en disent long, en vérité. Se tient-elle assise tranquillement ou est-elle constamment agitée ? Il y a des gens que ne peuvent rester assis tranquillement à une table ; ils tapotent sans cesse la table de leurs doigts. J’ai une amie qui, chaque fois qu’elle parle et fait une remarque, frappe la table à chaque point important. Cela peut s’avérer très fastidieux, mais cela en dit long aussi sur elle. Ses actes fonctionnent comme une ponctuation dans sa phrase.
D’autre part, nous pouvons en dire beaucoup à propos d’une femme, par exemple, si elle porte beaucoup de maquillage ou pas du tout. Fait-elle spécialement attention à ses cheveux, ayant toujours recours à un salon de coiffure, ou est-elle un petit peu plus détendue à ce propos ? Est-ce qu’elle se colore les cheveux ou non ? Porte-t-elle beaucoup de bijoux ou non ? De même, la manière dont une personne s’habille en dit beaucoup sur elle. Est-elle soignée ou pas très soignée ? Pour les hommes, est-ce qu’ils se rasent tous les jours ou non ? Tous ces facteurs en disent long sur la personne, n’est-ce pas ?
Avec la conscience profonde pareille à un miroir, nous captons toute cette information. Nous pouvons observer une personne dans un groupe. Est-ce qu’elle se tient assise à part ou avec les autres gens, en train de parler ? Toute l’information se trouve juste là. La conscience profonde pareille à un miroir enregistre tout.
Il est intéressant qu’il y ait certaines postures corporelles qui soient mentionnées explicitement par Shantideva, le grand maître indien, auteur de S’engager dans la conduite d’un bodhisattva. Il a remarqué que quand on écoute le Dharma, il est incorrect d’être assis les bras croisés devant notre corps car cela indique un d’état d’esprit critique et fermé, comme si nous nous protégions de ce que nous sommes en train d’écouter. Nos bras doivent être détendus sur les côtés afin de refléter un état d’esprit ouvert.
Examinons cela un peu plus : si nous sommes en train de parler avec quelqu’un, et qu’il se tient les bras croisés face à nous, nous ne nous sentons pas très à l’aise, n’est-ce pas ? Il ne semble pas qu’il soit très ouvert. Nous pouvons voir si ses boucliers sont levés ou non en observant son langage corporel.
De même, quand nous écoutons quelqu’un parler, nous pouvons en dire beaucoup sur lui, si nous écoutons vraiment. Est-ce que la personne parle très fort ou très doucement de telle sorte que nous pouvons à peine entendre ce qu’elle dit ? Parle-t-elle très vite ou très lentement ? Parle-t-elle un langage correct ou s’exprime-t-elle dans un langage incorrect en faisant des fautes de grammaire ? Parle-t-elle d’une manière facile à comprendre ou frime-t-elle en se servant de grands mots ? De toute évidence, nous pouvons aussi en dire beaucoup sur l’état émotionnel de la personne par la façon dont elle parle. D’après le ton de sa voix, nous pouvons dire si la personne est très déprimée et triste, ou excitée et heureuse. On peut trouver tous ces aspects rien que dans le son de la voix de quelqu’un.
En Occident, nous dirions que ce qui doit être développé est une plus grande sensibilité. Nous voulons être plus sensibles à ce que nous voyons et entendons, en particulier quand nous échangeons avec quelqu’un. Cette sensibilité s’applique également en matière d’interaction avec l’environnement, et en voyant et tenant compte de ce qui se passe autour de nous.
Bien que nous ayons la conscience profonde pareille à un miroir qui est le mécanisme de base pour être conscient de tout ceci, le problème est qu’elle est actuellement limitée en sorte que nous sommes incapables de nous en servir à sa pleine capacité. Prenez un moment pour réfléchir à cela.
[Réflexion]
Les facteurs limitants
Grâce à la conscience profonde pareille à un miroir, toute l’information entre par tous les canaux sensoriels. Les facteurs limitants sont les facteurs mentaux de l’attention et de l’intérêt. Nous sommes limités en ce qui concerne la quantité d’attention que nous prêtons à l’information entrante. Afin de faire attention, nous avons besoin de l’intérêt, n’est-ce pas ? Sans intérêt, cela nous est égal et nous ne faisons pas attention. Comment travaille-t-on à améliorer cela ? Nous le faisons en identifiant ce qui nous empêche d’éprouver de l’intérêt et en faisant attention.
Un des points limitants et restrictifs est notre vagabondage mental. Nous pensons souvent à autre chose. Peut-être même faisons-nous aussi des commentaires dans notre tête, en étant très critique : « Tu as l’air si terrible aujourd’hui », « Ce que tu viens de dire était stupide », etc. Nous faisons resurgir de vieilles histoires : « Et voilà, tu es de nouveau en colère. » Nous sommes perdus dans des pensées pleines d’espoir comme de souhaiter que la personne fasse plus attention à nous, nous aime, ou soit plus gentille, etc. Nous pouvons même nous passer des films mentaux dans notre tête, comme d’imaginer à quoi ressemblerait cette personne une fois déshabillée. Tout ceci interfère avec le fait d’être réellement intéressé et de faire attention. Par ailleurs, nous pensons à nous-mêmes ou à quelque chose sans aucune relation avec l’échange que nous avons avec cette personne. Nous ne sommes pas réellement intéressés. Au lieu de cela, nous sommes plus intéressés par ce qui se passe dans nos propres pensées que par l’autre personne.
D’une façon ou d’une autre, nous avons tous fait l’expérience du vagabondage mental. Par exemple, quand nous parlons à quelqu’un qui parle très vite, nous pensons souvent à ce que nous voulons dire en retour à cette personne. Nous n’attendons que le moment où elle reprendra son souffle pour pouvoir l’interrompre et dire ce que nous voulons dire. Nous ne faisons pas du tout attention à ce qu’elle dit. Nous pensons juste : « Pourquoi est-ce que tu ne te tais pas maintenant, que je puisse dire ce que je veux dire ? » Assurément nous avons tous fait l’expérience de ces situations. C’est très difficile, n’est-ce pas ? Néanmoins, nous devons travailler à faire attention. Nous devons calmer l’esprit et simplement prêter attention avec un esprit apaisé, sans penser à quelque chose d’extérieur.
L’attitude bienveillante
En même temps que l’attention et l’intérêt, nous avons besoin de ce qu’on appelle une attitude bienveillante. C’est un terme difficile à traduire, mais cela signifie considérer l’autre personne comme importante et digne de soin. Nous devons ressentir qu’il s’agit d’un être humain qui a des sentiments tout comme nous. Autrement dit, nous prenons l’autre personne au sérieux. Nous notons dans quelle sorte d’humeur la personne se trouve, etc. Cette aptitude est importante afin d’être capable d’interagir avec les autres. La façon dont nous lui parlons et échangeons avec elle est aussi quelque chose que nous prenons au sérieux, dans la mesure où notre manière d’interagir affecte l’autre.
Une attitude bienveillante est le facteur mental qui nous permet de ne pas agir de manière destructrice, d’exercer une discipline afin d’agir constructivement. Elle nous aide à nous abstenir de penser à autre chose ou de simplement dire une stupidité qui nous passe par la tête. Fondamentalement, développer une attitude bienveillante nous permet d’échanger de la façon la plus bénéfique et la plus appropriée possible. Sans bienveillance, peu nous importerait ce qui arrive à l’autre personne, dans la mesure où nous dirions et ferions juste ce que nous voulions, indépendamment de l’effet.
Nous pouvons identifier l’absence ou la présence de ce facteur mental quand nous parlons avec quelqu’un au téléphone. Par exemple, nous avons tous probablement fait l’expérience de parler au téléphone avec quelqu’un qui ne parle que de lui-même et ne nous demande jamais comment ça va. Nous avons l’impression qu’il ne s’en soucie pas assez pour le demander. De même, quand nous parlons aux autres, parlons-nous seulement de nous ? Est-ce que nous nous soucions le moins du monde de la personne ? Est-ce que cela compte de savoir si l’autre personne que nous appelons est occupée ou non ? Est-ce que cela compte de savoir comment s’est passée sa journée ? Voulons-nous juste lui dire ce que nous voulons dire à propos de nous-mêmes ?
Un aspect de ce facteur mental de l’attitude bienveillante est ce qu’on appelle en Occident la considération pour l’autre. Cela inclut la prise en considération de notre propre comportement. Comment interagissons-nous avec cette personne ? Est-ce que nous nous ridiculisons ? Agissons-nous comme un sauvage ou un être humain ? Grâce à cette attitude bienveillante, nous reconnaissons que l’autre personne est un être humain qui éprouve des sentiments, tout comme nous. Quelquefois elle est occupée, tout comme nous le sommes ; parfois elle a eu une bonne ou une mauvaise journée, tout comme nous. Alors en s’appuyant sur la conscience profonde de l’égalisation qui nous égalise, elle et nous, nous prenons soin d’elle et nous intéressons à elle en faisant attention à ce qui lui arrive grâce à l’information venant de la conscience profonde pareille à un miroir.
Je pense qu’il est très important de réellement prendre en considération les autres, en particulier à l’époque actuelle des téléphones portables. Quelle est notre attitude envers le téléphone portable ? Est-ce normal que nous puissions appeler ou envoyer un message à qui on veut et l’interrompre à n’importe quel moment et nous attendre à ce qu’on nous réponde sur le champ, parce que nous pensons que ce que nous avons à dire est réellement beaucoup plus important que ce qu’il fait, peu importe ce que c’est ? Il s’agit là d’un genre d’attitude qui doit changer.
Prenons un moment pour observer notre propre attitude ? Est-ce que nous nous soucions réellement de savoir si l’autre personne est occupée ou non, ou bien est-ce que nous l’interrompons tout simplement ? Ce syndrome est un excellent exemple de l’inflation du soi, ou du fait que nous sommes le centre de l’univers, la personne la plus importante. Quand nous pensons de cette façon, nous avons le sentiment que nous pouvons interrompre quiconque à tout moment avec notre portable et notre message, parce que ce que nous avons à dire ou ce que nous voulons à ce moment précis est la chose la plus importante du monde, bien plus importante que ce que l’autre personne pourrait ou voudrait faire. Ceci, bien sûr, n’est pas vrai ; après tout, nous sommes juste un autre pingouin parmi ce gigantesque troupeau de cent mille pingouins. Il n’y a rien de si spécial au sujet d’aucun d’entre nous.
Si on ne dispose pas d’assez d’information, un autre point important à se rappeler quand on appelle quelqu’un, c’est de s’enquérir. Quand vous appelez quelqu’un, demandez : « Est-ce le bon moment ? Avez-vous un peu de temps ? » Si la personne est occupée, soyez souples et changez. Vous pouvez demander : « Quel serait le bon moment pour vous appeler ? » De même, utilisez la conscience de l’égalisation afin de vous rappeler qu’à cette heure-là cette personne est habituellement en train de dîner ou de coucher les enfants, ce n’est donc pas un bon moment pour appeler ou envoyer un message.
Pour résumer, afin de pousser plus avant la conscience profonde pareille à un miroir captant toute l’information entrante, nous avons besoin d’apaiser l’esprit et de développer cette attitude bienveillante. Ce faisant, nous ferons attention et aurons de l’intérêt pour l’information entrante. Cependant, pour se calmer ainsi, cela requiert une bonne part de pratique, bien entendu.
L’esprit calme et apaisé
Quand nous captons de l’information et utilisons la conscience profonde de la réalité pour savoir de quoi il s’agit, devons-nous vraiment verbaliser la chose dans notre tête ? Si nous voyons quelqu’un, notre ami(e), et qu’il (ou elle) a l’air en mauvaise forme ou fatigué(e), avons-nous besoin de nous dire dans notre tête : « Tu sembles mal en point », ou bien le savons-nous tout simplement ? Pensez-y. Nous n’avons pas besoin de verbaliser, n’est-ce pas ?
Il y a deux situations dans lesquelles nous pouvons observer quelqu’un avec un esprit calme. L’une avec un esprit calme qui ne comprend rein ; nous sommes ailleurs, simplement en train de regarder quelqu’un. L’autre avec un esprit calme qui comprend ce que nous voyons. Par exemple, notre voiture ne marche pas bien, nous ouvrons donc le capot. Il y a une grande différence entre nous en train de regarder le moteur et ne comprenant rien à ce que nous voyons et un mécanicien qui regarde et est capable de comprendre immédiatement d’où vient la panne. Le mécanicien ne se fait certainement pas tout un discours dans sa tête sur ce qui ne va pas. Dans les deux cas, l’esprit est calme.
Un esprit calme pourvu de compréhension est ce que nous visons avec la conscience profonde pareille à un miroir et la conscience profonde de la réalité. Bien sûr, la compréhension requiert la conscience profonde de l’égalisation et celle de l’individualisation également, et de la souplesse pour être capables d’ajuster si à un moment donné nous interprétons incorrectement ce que nous voyons. Pour faire cela, nous avons besoin de l’intérêt afin de vérifier la validité de notre interprétation. Par exemple, quand nous voyons une certaine expression sur le visage de quelqu’un est-ce que cela indique qu’il est émotionnellement bouleversé ou qu’il a l’estomac barbouillé ?
Prenez un moment, puis nous essaierons un exercice.
[Réflexion]
Limitations physiques
Comme nous en avons débattu, notre conscience profonde pareille à un miroir est très limitée par manque d’attention, d’intérêt, et même à cause d’un défaut dans notre corps physique. Par exemple, du fait que notre corps se fatigue, il se peut que nous nous sentions épuisés et qu’il devienne difficile d’enregistrer réellement toute l’information. D’autre part, nous ne pouvons pas entendre des sons au-dessus ou en dessous d’une certaine fréquence, bien qu’un chien le puisse. Nous ne pouvons pas voir trop loin. Nous ne pouvons pas voir dans toutes les directions à la fois, malheureusement.
J’ai lu quelque chose de très intéressant sur Internet à propos d’une nouvelle technologie développée sur la base de l’œil d’un insecte. Son œil est composé d’une multitude de petits prismes qui permettent à un insecte de voir beaucoup plus que ce que peuvent voir les humains. Un insecte peut avoir une vision multidirectionnelle. La technologie développée comprend de minuscules caméras qui sont avalées et permettent à quelqu’un de voir ce qui se passe dans ses intestins. L’appareil sera en mesure de prendre simultanément des photos dans toutes les directions en se fondant sur la physiologie de l’œil d’un insecte. Intéressant, n’est-ce pas ?
Notre propre appareillage – cette machine, ce corps – est plutôt limité, et donc cela affecte aussi la portée de notre conscience profonde pareille à un miroir. Cependant, si nous étions un bouddha et n’avions pas ce genre de corps et d’esprit limités, alors le stade résultant de cette conscience profonde pareille à un miroir serait capable de capter toute l’information venant de partout avec une attention, un soin et un intérêt égaux.
J’en ai vu des exemples. Mon propre maître, le précédent Serkong Rimpotché, avait coutume de s’asseoir à côté de Sa Sainteté le Dalaï-Lama pendant les enseignements que donnait Sa Sainteté, et il gardait toujours les yeux baissés en signe de respect. À l’occasion, il jetait un coup d’œil au public un court instant. Par la suite, il était en mesure de mentionner, comme il l’a fait avec moi, que untel était endormi, une telle ne faisait pas attention, etc. En un très court instant seulement, il captait toute l’information et la traitait.
Je me rappelle que quand je voyageais avec lui en Occident, une fois nous sommes montés au sommet de la Tour Eiffel à Paris. Nos hôtes voulaient nous y emmener. Nous sommes montés en haut de la tour et Rimpotché a regardé à la ronde pendant à peu près une ou deux secondes, et ce fut tout. Puis il a demandé : « Pourquoi restez-vous là debout la bouche ouverte à regarder le paysage ? Vous l’avez déjà vu. » Il a demandé également : « Quel est l’intérêt de monter au sommet de cette tour ? Il ne vous reste plus qu’à en redescendre ? » Il n’y a rien de spécial à regarder du haut de cette tour. La belle affaire !
C’est le genre d’aptitude vers laquelle nous tendons, d’avoir cette conscience profonde pareille à un miroir. Nous voulons être capables de capter toute l’information et non pas de rester bouché bée les yeux grands ouverts mais de comprendre instantanément ce que nous observons et de répondre en conséquence. Nous sommes capables de faire cela quand nous conduisons notre voiture au cœur du trafic à grande vitesse, nous devrions donc viser d’être en mesure de le faire tout le temps.
La première fois que je suis allé en Inde, je vivais avec un moine tibétain. La maison était située à flanc de montagne avec une vue spectaculaire sur le soleil couchant, et j’avais l’habitude de toujours sortir pour regarder le soleil se coucher. Mon ami moine ne pouvait pas du tout comprendre pourquoi je m’asseyais dehors à regarder un coucher de soleil. À ses yeux, il n’y avait rien là de spécial.
Le plaisir
Un autre point très intéressant à explorer est le plaisir. Que veut dire jouir de quelque chose ? Pour réellement en jouir, cela doit-il durer longtemps ? Devons-nous voir quelque chose de beau juste un court instant, ou pendant dix minutes ? Est-ce seulement quand nous voyons une chose plus longtemps que nous pouvons réellement en jouir ? Un exemple beaucoup plus imagé serait si nous n’avions qu’une seule bouchée d’un plat délicieux et que nous en tirions du plaisir. Afin de réellement en tirer du plaisir, est-il réellement nécessaire d’en manger beaucoup au point de nous rendre malade. Si nous n’en avons qu’une seule bouchée, en avons-nous réellement tiré du plaisir ? Réfléchissez-y.
D’après cet exemple, je pense que nous pouvons identifier le facteur mental de la saisie, de l’attachement. C’est cette saisie qui active les potentiels karmiques. Quand nous prenons plaisir à quelque chose, nous nous accrochons au fait de ne pas être séparé de ce bonheur. Nous avons le sentiment que de jouir de quelque chose pour une minute seulement n’est pas suffisant. Nous ne voulons pas en être séparé ; nous pensons que nous devons en jouir pendant une heure pour réellement en jouir. Par exemple, quand nous sommes avec un bon ami, nous pouvons avoir du plaisir d’être en sa compagnie pendant un quart d’heure. Mais s’il doit partir immédiatement après, nous nous accrochons : « Ne pars pas encore. Je veux que tu restes plus longtemps. »
Shantideva a dit très joliment : que vous rêviez une heure ou que vous rêviez cent ans, quand vous vous réveillez, le rêve est terminé. Que nous ayons joui d’une chose pendant une minute ou pendant une heure, quand c’est fini, c’est fini. C’est la même chose. Bien que l’attachement ne soit pas spécifiquement notre sujet ici, cela nous affecte grandement et c’est un point important en rapport avec ce à quoi nous faisons attention et prenons plaisir ou non, pour cette raison.
Un exercice à propos de la conscience profonde pareille à un miroir
Nous voulons être capables de développer et améliorer notre conscience profonde pareille à un miroir. Nous pouvons pratiquer cela au niveau du chemin et en faire l’expérience dès maintenant grâce à un court exercice. C’est le genre de pratique qu’on peut faire partout avec n’importe qui. Autrement dit, quand nous voyons quelqu’un et que nous l’écoutons, au fur et à mesure que l’information arrive, nous pouvons essayer de le faire avec un esprit calme, sans commentaires mentaux, sans penser à autre chose. Nous pouvons essayer juste de prêter attention avec intérêt et bienveillance. Nous nous préoccupons de l’autre personne, parce que la manière dont elle va et ce qu’elle a à dire nous intéresse. Ce n’est pas comme si nous étions détachés et simplement curieux et intéressés par les habitudes d’accouplement de certains oiseaux dans les arbres et que nous regardions avec des jumelles, mais cette personne est un être humain qui a des sentiments. Nous voulons avoir une relation avec elle qui soit pleine de sens et bienveillante.
Essayons un exercice que nous faisons dans l’entraînement à la sensibilité que j’ai développé et sur lequel j’ai écrit. Vous pouvez en apprendre plus sur cet entraînement dans mon livre Développer une sensibilité équilibrée, ou sur mon site où il est reproduit. Pour faire cet exercice, nous devons nous regarder les uns les autres. S’il vous plaît, réarrangez la façon dont vous êtes assis, afin de former quelques cercles, peu importe leur taille et le nombre de personnes. Faites en sorte que les chaises soient en face les unes des autres de telle sorte que vous puissiez voir un certain nombre d’autres gens.
Pour commencer, fondamentalement, nous essayons d’abord d’avoir un esprit apaisé. S’il y a beaucoup de pensées verbales dans nos têtes, nous faisons de notre mieux pour les libérer en expirant. La façon de procéder est de n’accorder aucun intérêt aux pensées verbales qui surviennent. Considérez-les comme réellement ennuyeuses, nous nous y accrochons seulement parce que nous sommes intéressés par elles. C’est une directive importante à se rappeler quand on essaie de s’endormir et que cette voix dans notre tête ne cesse de ruminer. Essayez de reconnaître cette voix comme ennuyeuse, toute cette salade dans ma tête, et calmez-vous simplement.
Par ailleurs, nous ne cherchons pas à nous regarder les uns les autres comme des animaux dans un zoo. Si vos yeux se rencontrent, passez simplement sans vous attarder ; ne restez pas collés au regard d’une autre personne. Dans cet exercice, quand les gens commencent à se regarder les uns les autres, parfois il se peut qu’ils se mettent à rire. Il s’agit juste d’une réaction nerveuse due au manque de familiarité avec ce genre d’activité. Si une personne dans le cercle commence à rire, essayons de ne pas être comme une meute de chiens : quand l’un aboie, tous les autres font de même. Essayez de vous focaliser sur la respiration, cela peut vous aider à calmer l’envie de rire.
Laissez tomber tout le verbiage mental et les films qui peuvent avoir lieu dans votre tête. Reconnaissez que tous ces gens que vous voyez autour de vous sont des êtres humains et éprouvent des sentiments, tout comme vous. Nous ne regardons pas seulement des gens sur un écran de télévision. Ce sont de vraies gens. Soyez comme une caméra, regardez simplement autour de vous sans rien fixer et capter l’information sans la commenter. Par exemple, captez toute l’information de la manière dont quelqu’un se tient, la position de son corps, comment il prend soin de lui, toutes ces diverses caractéristiques. A-t-il l’air stressé, fatigué, ou plein d’énergie ? Très bien, essayons maintenant de faire l’exercice.
- Tout d’abord, nous commençons par regarder le sol, et nous respirons juste normalement par le nez pour nous calmer. Si toutes sortes de pensées étrangères nous passent par la tête, laissons-les juste passer. Elles ne sont pas très intéressantes. À mesure que nous expirons, nous imaginons qu’elles nous quittent.
- Puis, tout en maintenant cet esprit apaisé, nous levons les yeux et voyons les gens autour de nous. La manière dont nous leur prêtons attention se fait en considérant que chaque personne est un être humain avec des sentiments tout comme nous.
- Puis, une fois que nous avons établi le fait que nous faisons attention aux autres avec un esprit calme et une attitude bienveillante, soyez juste pareils à une caméra. Regardez autour de vous chaque personne et contentez-vous d’enregistrer l’information sans commentaire et sans jugement. Essayez de ne pas être comme la personne qui n’y connaît rien à propos des moteurs de voiture une fois le capot soulevé. Quand l’esprit commence à fabriquer une sorte d’histoire au sujet de quelqu’un, laissez-la juste s’en aller en l’expirant.
- Enfin, pour terminer l’exercice, nous regardons à nouveau vers le bas et nous nous concentrons sur la respiration et laissons juste l’expérience se décanter.
Tel est le premier exercice à propos de la conscience profonde pareille à un miroir. Plutôt intéressant, non ? Avant notre prochaines session, s’il vous plaît, digérez cette discussion et exercez-vous plus avant.