Diriger la renaissance : Le système tibétain des tulkus

Ce soir, on m'a demandé de parler de la manière de diriger nos renaissances. On ne parlera pas ici du fait d'être capable de diriger notre renaissance afin de renaître dans une belle villa confortable au bord de la mer, d'être riche et d'avoir beaucoup de serviteurs. Il s’agira plutôt du contexte du système des lamas réincarnés que l'on trouve dans le bouddhisme tibétain. Ceux-ci sont appelés tulkus (sprul-sku) en tibétain et sont connus sous le nom de Rimpotché (rin-po-che). Cependant, tous les rimpotchés ne sont pas des lamas réincarnés qui ont dirigé leur renaissance, car les abbés de monastères reçoivent également le titre de Rimpotché.

Contexte historique

Il est assez intéressant de constater que ce système de lamas (bla-ma, grand maître) capables de diriger leur renaissance n'existe pas seulement dans le bouddhisme, en particulier dans la forme tibétaine du bouddhisme, mais aussi dans le Bön, la religion indigène du Tibet. À ma grande surprise, j'ai découvert lors d'un voyage au Kazakhstan, l’une des républiques d'Asie centrale proche du Tibet, qu'il existe un système similaire de maîtres réincarnés chez les soufis, une branche de l’islam.

Ce système consistant à diriger les renaissances est fortement lié à la pratique bouddhique, et plus particulièrement à la pratique du tantra. On le retrouve non seulement au Tibet, mais aussi dans toutes les régions où existe le bouddhisme tibétain. Il est présent dans toutes les régions himalayennes et dans toutes les régions où vivent les Mongols. C'est d'ailleurs par les Mongols que les soufis l'ont adopté au Kazakhstan. Dans le système du Bön, leur façon de pratiquer est très similaire à celle des bouddhistes. Il s'agit donc d'une vaste aire culturelle, au sein de laquelle s'est développé ce système de lamas réincarnés. Ces lamas réincarnés sont généralement considérés comme les plus grands enseignants de ces régions et ils sont généralement à la tête d’un monastère. Ils sont le lama en chef, l'enseignant principal du monastère.

Obtenir le contrôle de la renaissance

Il y a beaucoup de choses dont nous pouvons discuter à propos de ces lamas réincarnés, mais commençons par regarder comment cela fonctionne. Dans le bouddhisme, nous parlons du fait que chaque être continue à renaître, et que c'est une chose sur laquelle nous n'avons normalement aucun contrôle. Nous renaissons en fonction du type d'esprit et des états d'esprit que nous avons eus pendant notre vie, en particulier au moment de la mort, et aussi spécifiquement par la force des types d'actions et de comportements que nous avons adoptés. C'est en quelque sorte compulsif, dans le sens où nous sommes attirés vers certaines situations de renaissance en fonction de nos habitudes et de nos comportements antérieurs. Cependant, l’objectif du bouddhisme, en particulier dans la tradition du Mahayana, est que nous soyons réellement capables d’aider les autres. Nous ne voulons donc pas être attirés dans des situations futures uniquement par la force de nos habitudes. Nous voulons être capables de nous diriger à l'avenir dans des situations où nous pourrons aider au mieux les autres.

Vous savez très bien que parfois, nous pouvons avoir de très bonnes intentions. Seulement, il y a le match de foot qui passe à la télé et, parce que nous sommes si fortement attachés au football, même si nous avons un fort désir d'aider à faire quelque chose dans la maison ou d'aider les enfants à faire leurs devoirs, nous sommes simplement attirés de manière compulsive par la télévision. De la même manière, nous pouvons avoir un fort désir d'aider les autres dans nos vies futures, mais si nous avons un attachement très fort et des habitudes bien ancrées, alors, comme l'attraction magnétique que l’on a pour le match de football à la télévision, nous sommes attirés de manière compulsive vers toutes sortes de situations de renaissance qui pourraient ne pas être très propices pour aider effectivement les autres.

Nous pouvons donc être attirés de manière compulsive vers un type de situation de renaissance très agréable ou vers une situation qui ne l'est pas du tout. Tout dépend de ce à quoi nous sommes habitués. C'est comme quand on est ivre. Lorsque nous sommes ivres, nous ne contrôlons pas vraiment la situation, et nous pouvons être entraînés dans un moment très joyeux, à chanter avec nos amis, ou nous pouvons être entraînés dans une bagarre. Cela dépend vraiment de nos habitudes. De même, lorsque nous mourons, nous perdons également tout contrôle (c’est beaucoup plus difficile que lorsque nous sommes ivres) et si nous n'avons rien fait pour nous préparer à ce moment-là, là encore, en fonction de nos habitudes, nous pouvons être entraînés dans une situation plus agréable ou plus terrible dans nos vies futures.

Donc, si nous voulons vraiment être en mesure d'aider les autres, nous devons d'une manière ou d'une autre contrôler ce processus de mort et de renaissance afin de pouvoir continuer à l'avenir à nous trouver dans les situations les plus propices pour aider les autres. Cependant, il n'est pas nécessaire d'être un bouddha, un être complètement éveillé, pour être capable d'avoir un certain contrôle sur notre état de renaissance. Il existe de nombreux stades de développement spirituel qui nous permettent de diriger nos renaissances. Examinons donc un peu cette théorie et son fonctionnement. C’est assez intéressant et cela nous encouragera peut-être à le faire nous aussi.

Les différents corps d'un bouddha

Notre but est de devenir un bouddha. En tant que bouddha, nous avons ce que l'on appelle différents types de corps (tib. sku, skt. kaya, corpus). En ce qui concerne notre esprit, il devient un corps de connaissance ou un corps de sagesse. Nous avons également des types de corps physiques avec lesquels nous aidons les autres. L'exemple qui est souvent utilisé pour illustrer celui-ci est celui du soleil ou de la lune. Prenons l’exemple du soleil qui apparaît dans le ciel. Il y a la lumière, la chaleur, l'énergie, ainsi que l’apparence du soleil. Tous ces éléments font partie du soleil. L’apparence du soleil dans le ciel serait comme une apparence primaire, tandis que nous pourrions également voir l'apparence du soleil se reflétant dans divers objets tels qu’une flaque d’eau sur le sol. 

Ainsi, lorsqu’on examine les apparences physiques d'un bouddha, on parle d’une apparence primaire, connue par le mot sanskrit Sambhogakaya (longs-spyod rdzogs-pa'i sku, longs-sku, corps de plein usage) qui est un corps physique qui peut littéralement faire plein usage de tous les enseignements. Cette apparence de bouddha est très subtile, et elle est très difficile à percevoir pour la plupart des gens. Il faut avoir atteint un très haut niveau de réalisation pour la voir. Mais les émanations de cette apparence, comme les reflets de la lune ou du soleil dans les plans d'eau, sont des choses que les gens sont plus aptes à voir. Ces émanations, ou reflets de ce corps primaire subtil de bouddha, sont appelés en sanskrit Nirmanakaya (sprul-sku, corps d'émanation), qui est le même mot que celui utilisé pour désigner les lamas incarnés, tulku. Ces lamas réincarnés sont donc une sorte de manifestation ou d'émanation. Cependant, ils ne sont pas tous des bouddhas. En fait, très peu d'entre eux le sont.

En fait, il y a de nombreux types de pratiques que nous pouvons faire et qui nous permettront d'obtenir ces types de corps de bouddha. Par exemple, pour que nous puissions y voir plus clair, prenons l’analogie suivante quoiqu’inexacte : il peut s’avérer peu commun de voir quelqu'un comme Sa Sainteté le Dalaï-Lama en personne, mais beaucoup de gens peuvent le voir à la télévision. L’idée qu’on illustre ici est qu'il existe un certain type d'apparence, comme à la télévision ou dans la mémoire de quelqu'un, qui est plus accessible que l'apparence primaire. Ce que nous voulons, c'est d’être capables de nous générer de telle sorte que nous puissions aider les autres sous une forme très primaire, mais aussi sous une forme plus répandue. Par exemple, vous pouvez aider en enseignant à quelques personnes, mais si vous écrivez un livre que des millions de personnes lisent, vous pouvez apparaître et aider beaucoup plus de personnes à un niveau plus général.

Atteindre les corps d'un bouddha par la pratique du tantra anouttarayoga

Nous voulons donc être capables de pratiquer de manière à atteindre cet état de bouddha où nous avons cet esprit qui est conscient de toutes choses, qui sait comment aider chaque être et qui voit la réalité. Nous voulons également être capables d'apparaître de manière très directe, puis de manière plus étendue. La technique qui est utilisée pour y parvenir est une technique de la plus haute classe de tantra, qui est le type de pratique le plus sophistiqué et le plus exigeant. Ce que nous examinons est la manière dont notre fonctionnement structurel de base, celui qui se produit dans la vie ordinaire, est conjoint à ces différents corps de Bouddha : 

  • Ce parallèle est plus évident avec la mort. Lorsque nous mourons, notre esprit atteint un état extrêmement subtil, comme l'esprit d'un bouddha.
  • Ensuite, il y a une période de temps entre les naissances, que l'on appelle le bardo (bar-do) en tibétain, et dans cette période de bardo, nous avons une apparence subtile.
  • Puis, lorsque nous naissons, à partir du moment de la conception, nous avons une apparence plus grossière.

Ce processus est également parallèle à celui de l'endormissement :

  • Lorsque nous nous endormons, il y a une transformation : l'esprit devient très subtil.
  • Ensuite, lorsque nous rêvons, nous avons dans les rêves une apparence spéciale, très affinée.
  • Enfin, quand nous nous réveillons, nous avons une apparence plus grossière, qui provient de cette apparence subtile.

Ce que nous essayons de faire dans la pratique du tantra, c'est de nous entraîner à développer ces différents corps de bouddha qui peuvent apparaître de différentes manières, en faisant une pratique qui est similaire au processus de la mort, de l'état intermédiaire et de la renaissance.

Cette pratique comporte deux étapes. Au plus haut de ces deux stades, appelé le stade de complétude (rdzogs-rim), nous travaillons avec le système énergétique subtil du corps. Ce que nous voulons faire avec ce système d'énergie subtile, c'est la concentrer jusqu'à un point très, très fin pour la faire émaner dans un type de forme subtile, puis dans un autre type de forme plus grossière. Ce niveau plus grossier est également désigné par le même mot, tulku, qui désigne les lamas incarnés. Au début de cette pratique du tantra, que l'on appelle le stade de génération (bskyed-rim), nous faisons tout ce processus dans notre imagination. Nous imaginons donc que notre énergie devient de plus en plus subtile et concentrée, puis prend une apparence plus subtile, puis une apparence grossière. Cette apparence grossière est également appelée tulku.

Si nous sommes capables de faire ce type de pratique et si nous voulons la faire correctement, il ne s'agit pas seulement de manipuler les énergies ; nous devons la combiner, comme toutes les pratiques bouddhiques, avec la compassion et la sagesse. Nous devons donc avoir une motivation empreinte de compassion : nous souhaitons aider les autres en acquérant la maîtrise de tout ce processus. De plus, nous voulons aussi profiter de l'occasion qui nous est donnée de rendre notre esprit extrêmement subtil pour avoir la compréhension la plus claire de la réalité. Si nous voulons devenir un bouddha grâce au processus du tantra, nous utilisons ce fonctionnement structurel de base, qui est similaire au processus de la mort et de la renaissance, comme moyen d'atteindre la bouddhéité.

Nous souhaitons donc vivement aider les autres. Pour aider les autres, nous devons surmonter notre propre confusion et le caractère compulsif de nos vies, n'est-ce pas ? Si je suis complètement sous le contrôle de la télévision et du football, je ne peux pas aider les autres. Nous devons donc avoir un désir très fort d'aider les autres, mais aussi un niveau profond de sagesse pour réaliser que « le foot, ce n’est qu'un jeu, et ce n'est pas la chose la plus importante au monde. Ce n'est pas comme si toute mon identité et ma valeur en tant qu’être humain dépendaient de la victoire ou non de cette équipe. » Alors, comment puis-je surmonter cela, cette compulsion à être attiré par la télévision ? Eh bien, je dois en quelque sorte revenir à la raison et me concentrer fortement. Mon esprit va dans tous les sens, son attention est dirigée sur le terrain de football. Nous voulons donc parvenir à un type d'esprit très, très subtil qui se retire de tous ces aimants qui nous attirent. C'est similaire à ce qui se passe quand vous mourez ou quand vous vous endormez ; vous vous retirez de l'implication compulsive dans le chaos qui se passe autour de vous. Puis, lorsque vous êtes très concentré et très calme à ce niveau très subtil, vous pouvez en quelque sorte générer votre énergie d'une certaine manière : « Ok, je vais maintenant aider mon enfant. » L'énergie de notre esprit prend alors une certaine forme en nous. Ensuite, à cause de cette forme de l'énergie, de la façon dont elle est formulée en nous, nous nous levons et nous faisons effectivement à un niveau plus grossier ce que nous avions en tête de faire, aider l'enfant. 

Nous avons donc ici une structure parallèle qui consiste à faire cela dans notre imagination, à le faire avec le système énergétique (que nous ne pouvons pas vraiment maintenir), puis à le faire totalement en tant que bouddha. Dans tous ces exemples, que ce soit dans l'imagination, avec le système énergétique ou en tant que bouddha, le niveau d'apparence grossier est appelé tulku. Comme je l'ai dit, c'est le mot qui désigne un lama incarné. Ainsi, lorsque nous parlons de ces lamas incarnés, ces tulkus, il s'agit de personnes qui ont été capables de générer ce type d'émanation à l'un de ces trois niveaux. Il se peut qu’ils aient été capables de le faire avec leur imagination, leur système énergétique ou bien qu’ils soient vraiment des bouddhas. De leur vivant, ils le faisaient dans la pratique de la méditation et en travaillant avec les états de sommeil et de rêve, où l'on se trouve dans un état subtil et où l'on devient de plus en plus grossier. Tant que vous êtes en vie, vous le faites en relation avec la méditation. Vous méditez de manière similaire au processus de la mort, ou en travaillant avec le sommeil et les rêves. En travaillant sur ce sujet de son vivant, lorsque quelque chose de très similaire se produit au moment de la mort, on est alors capables d'utiliser cette situation avec un certain degré de contrôle.

Nous avons médité et pratiqué ce que c'est que d'avoir un esprit très subtil, de l'utiliser pour voir la réalité, et de faire en sorte que l'esprit prenne un certain niveau d'apparence, puis une apparence grossière. C'est ce que nous avons pratiqué dans notre méditation. Au cours de notre vie, nous avons profité de l'occasion du sommeil pour pratiquer, car l'esprit s'affine naturellement lorsque nous nous endormons, prenant une certaine apparence subtile lorsque nous rêvons, et une apparence plus grossière lorsque nous nous réveillons. Cela se produit naturellement au cours de ce processus de sommeil, de rêve et de réveil.

Pour le dire simplement, nous passons donc par ce processus de sommeil et ainsi de suite de manière très consciente, puis nous utilisons cette situation pour nous aider à approfondir notre pratique en essayant de devenir comme un bouddha, c’est à dire, un esprit très subtil qui a tous ces différents niveaux d’apparence. Ainsi, lorsque nous mourons, parce que nous sommes familiers avec ce processus dans la méditation et le sommeil, nous sommes capables de faire le même type de pratique pendant le processus de la mort. Nous pouvons faire l'expérience de la mort, de l'état intermédiaire et de la renaissance de la même manière que nous faisions l'expérience du sommeil, du rêve et du réveil lorsque nous pratiquions dans cette vie. Cela nous permet donc de diriger nos renaissances de la même façon que ces lamas réincarnés.

Il existe bien sûr la possibilité que quelqu'un puisse être un bouddha. En tant que bouddha, vous pouvez vous manifester sous diverses apparences et prendre naissance de diverses manières, de sorte que vous n'avez pas besoin de faire de pratique méditative au moment de la mort, car vous en avez totalement le contrôle. Mais comme je l'ai dit, très peu de gens sont des bouddhas. Si vous pratiquez sur la voie du tantra pour devenir un bouddha, alors vous n’aurez pas le contrôle total de tout ce processus, mais vous pourrez tout de même en avoir un grand degré de maîtrise. La plupart des tulkus en sont à ce niveau.

Conditions préalables à la création d'une lignée de tulkus

Si nous ne sommes pas déjà un bouddha, nous avons besoin de trois choses pour générer une lignée de tulkus (c'est-à-dire créer une chaîne de lamas réincarnés génération après génération). Nous avons besoin avant tout d'une bodhichitta très, très forte. La bodhichitta est cette motivation avec laquelle tout notre esprit, notre cœur et notre énergie sont dirigés pour devenir un bouddha afin de pouvoir aider tout le monde le plus complètement possible.

La deuxième chose dont nous avons besoin est de faire des prières ou de formuler des souhaits très forts qui poussent notre énergie dans la direction qui nous permettra de continuer à apparaître dans les meilleures circonstances pour pouvoir aider les autres. Pour que cela se produise, il faut avoir la volonté de le faire. La prière signifie ici que nous dirigeons notre énergie dans une certaine direction, et cette direction est de revenir dans la prochaine vie sous une forme qui sera dans une situation, une famille, etc. où toutes les conditions seront les meilleures pour pouvoir aider les autres. La prière ne signifie pas que nous prions Dieu, Bouddha ou quelqu'un d'extérieur. Il s'agit simplement de diriger notre propre énergie : « Puissé-je avoir la clarté d'esprit nécessaire pour comprendre et aider les autres. » Nous ne demandons pas à quelqu'un d'extérieur de nous donner cette capacité. Nous décidons très fermement de la développer nous-mêmes. Ce n'est pas si étranger, en fait, à notre façon de penser. Nous le faisons normalement au quotidien. Par exemple, lorsque nous sommes fatigués, mais que notre enfant a besoin de nous, d’une manière ou d’une autre, nous sommes capables de récupérer notre énergie par un souhait très fort. Nous ne formulons peut-être pas ce souhait consciemment, mais nous nous disons : « Je dois m'occuper de mon enfant. » Nous rassemblons notre énergie. C'est une intention forte dans une certaine direction. C'est littéralement ce qu'est une prière du point de vue du bouddhisme tibétain.

Nous avons donc besoin de cette forte motivation de bodhichitta et de prière. La troisième chose nécessaire est une sorte de compétence ou de niveau d'accomplissement, soit au stade de la génération de la pratique du tantra, ce qui signifie être capables de faire ce que nous avons décrit au niveau de l'imagination, soit au stade de complétude, ce qui signifie que nous sommes réellement capables de le faire avec notre système énergétique. C’est suffisant pour pouvoir ensuite faire cette pratique au moment de la mort et avoir un certain contrôle sur sa renaissance. C’est suffisant.

Il n'est donc pas nécessaire d'être un bouddha pour être capable de faire cela. Il n'est même pas nécessaire d'avoir une compréhension directe de la vacuité ou de la réalité pour pouvoir le faire. Ce que je veux dire, c’est qu’évidemment nous devons avoir une certaine compréhension mais pas la compréhension directe et non conceptuelle de la vacuité. Il n'est donc pas difficile de générer une lignée de tulkus. Il y a environ un millier de tulkus dans le bouddhisme tibétain, les plus connus étant le Dalaï-Lama, le Karmapa, etc.

Quand on y regarde de plus près, le plus difficile des prérequis est probablement d’avoir une bodhichitta absolument complète. Vraiment tout ce que l’on fait est dirigé vers l’illumination. « Je dois devenir un bouddha pour aider tout le monde. Je dois être capable d’avoir le contrôle de mes renaissances. » Cela nous permettra de surmonter la peur au moment de la mort, qui est normalement ce qui bouleverse la plupart des gens et leur fait perdre le contrôle. Nous pourrions connaître parfaitement toutes les techniques pour faire ces visualisations, ou être compétents pour manipuler notre système énergétique, mais sans cette bodhichitta, nous pouvons toujours avoir peur au moment de la mort et perdre le contrôle. Mais si notre cœur est tellement touché par les difficultés auxquelles les gens sont confrontés dans le monde, si bien que notre esprit est totalement habité par l'idée que « je dois rester calme pendant le processus de la mort », alors nous serons capables de le faire et d'aider les autres. Nous n'aurons alors pas peur au moment de la mort, ce qui nous pousserait, même si nous avions les compétences techniques, à nous perdre et à ne rien faire. De plus, par la force de nos nombreuses prières, nous essayons encore et encore de diriger notre énergie dans ce sens : « Puissé-je être capable de faire ça. Je dois rassembler mes énergies pour faire ça. »

Avoir le contrôle dans les situations de la vie quotidienne

Nous pourrions simplement considérer cette conférence comme une information intéressante sur le système social tibétain des tulkus. Mais si nous la considérons à un autre niveau, nous pouvons voir que ces points sont importants, car ils donnent une indication très claire de la façon dont nous pouvons surmonter la peur. Le moyen de surmonter la peur est la bodhichitta et de fortes prières.

Par exemple, il peut y avoir un incendie dans la maison, nous avons très peur du feu, mais notre enfant est piégé dans la maison. Si nous nous préoccupons pleinement de l'enfant, même si l'incendie est effrayant, nous n'avons pas peur ; nous surmontons la peur. Dans cette situation, comme dans l'exemple de l'aspiration de l'énergie et de son émanation, vous prenez une profonde inspiration et vous vous ressaisissez, puis l'énergie se structure pour s’extérioriser et vous courez vers le feu pour sauver l'enfant. C'est similaire au processus de la mort et nous n'avons pas besoin d'une situation aussi traumatisante qu'un incendie pour pouvoir faire cela dans notre vie.

Il existe de nombreuses situations très effrayantes auxquelles nous sommes confrontés dans notre vie. Souvent, ce sont des situations très simples auxquelles beaucoup de gens sont confrontés. Vous avez un nouveau-né. La première fois que vous le tenez dans vos bras et que vous le ramenez à la maison, vous êtes complètement effrayé : « Je ne sais pas quoi faire. Je risque de le faire tomber. » Mais ça ne veut pas dire que vous ne surmontez pas cette peur. Et comment la surmontez-vous ? Avec ce fort désir d'aider le bébé. Il en est de même pour n'importe quelle situation difficile ; au travail, dans une relation, etc. Beaucoup de peur surgit, et ce dont nous venons de discuter indique la façon de la surmonter afin de pouvoir agir d'une manière qui sera la meilleure pour apporter son aide dans cette situation. Nous façonnons notre énergie, et en façonnant notre énergie, nous façonnons ce que nous faisons réellement avec notre corps physique. Nous travaillons donc à un niveau subtil, puis à un niveau plus grossier. Nous sommes capables de façonner notre énergie en nous recentrant puis en ayant une vue d’ensemble de ce qu’il se passe : « Il n'y a aucune raison d'avoir peur. Mon enfant est dans la maison, il a besoin de mon aide», etc. Ensuite, on est capable de façonner l'énergie. Pour pouvoir le faire, nous devons avoir cette forte motivation au préalable, guidée par l’amour, l’altruisme, la compassion, etc.

C'est donc quelque chose que nous pouvons apprendre de ce système de tulkus. Il ne nous est pas si étranger. Il existe une méthode pour générer notre énergie.

La relation avec les tulkus en Occident

Nous devons faire une distinction claire entre le mode de relation bouddhique avec un enseignant, et dans ce cas un tulku, et le système culturel tibétain. La société tibétaine traditionnelle était médiévale, ce qui n’était pas nécessairement négatif, c'était ainsi, voilà tout. Les grands principes de la société médiévale sont fondés sur les relations entre les personnes de différentes classes qui entretiennent des relations fondées sur la loyauté et le service d'une part et la protection d'autre part. Ces tulkus au Tibet étaient responsables d'un monastère ou d'une province. La plupart d'entre eux étaient des moines, mais pas tous ; il n'était pas nécessaire d'être moine. Même si la plupart d'entre eux étaient des hommes, certains étaient également des femmes. Ils étaient dans la position d'un seigneur médiéval, offrant une protection spirituelle et parfois une protection matérielle aux habitants de leur localité. Les gens s'adressaient aux tulkus pour obtenir des conseils et de l'aide pour divers problèmes qu'ils pouvaient avoir, et leur relation était ancrée dans les valeurs moyenâgeuses, à savoir la loyauté et l’obéissance. Ce type de relation s'est donc mélangée à l'enseignement bouddhique sur la façon dont on se relie à son maître, perçu comme un bouddha.

Dans le cas des Occidentaux qui se relient à des maîtres tibétains aujourd’hui, qu'ils soient tulkus ou non, il est très important de suivre l'aspect bouddhique de la chose, et il n’y a au contraire aucune nécessité à suivre l'aspect médiéval. Cela ne veut pas dire que la méthode médiévale tibétaine est négative. Elle fonctionnait très bien dans leur société, mais elle n'est pas appropriée dans nos sociétés et pour notre relation avec ces tulkus.

Il y a beaucoup d'autres choses dont nous pouvons discuter à propos des tulkus dans le contexte de la société tibétaine. Tout d'abord, il peut y avoir de la confusion, comme je l'ai dit. Ils ne sont pas tous des bouddhas, pratiquement aucun d'entre eux n'est réellement un bouddha. C’est une discussion complètement différente de celle qui consiste à considérer son propre maître comme un bouddha. C'est un sujet dont nous discuterons ce week-end, mais je vais juste en dire quelques mots maintenant.

Si nous voulons devenir plus réalistes et pragmatiques dans notre pratique bouddhique, l'une des principales choses que nous devons clarifier est la relation avec notre maître. Lorsque l'on considère son maître comme un bouddha, il s'agit en fait d'un contrat avec cet enseignant dans lequel nous disons que ce qu'il fait ou pourquoi il le fait n'a pas vraiment d'importance, mais que pour moi, il est un bouddha. Cela signifie que je vais considérer tout ce que le maître fait comme s'il s'agissait d'un enseignement. Cela ne signifie pas que je suis maintenant un simple soldat dans l'armée : « Vous êtes le général, et je ne fais qu'obéir aux ordres », mais plutôt : « Je vais voir tout ce que vous faites comme un moyen de m'aider à grandir pour devenir moi-même un bouddha ».

On cite souvent cette exemple à ce propos : dans une vie antérieure, le Bouddha étudiait avec un maître qui un jour dit à tous ses disciples d’aller voler quelque chose pour lui. Tout le monde répondit « Oui, monsieur ! » et sortit pour voler, sauf le Bouddha, qui se contenta d’aller dans sa chambre. Le maître vint voir le Bouddha et lui dit : « Pourquoi ne vas-tu pas voler pour moi ? Ne veux-tu pas me rendre heureux ? » Le Bouddha répondit : « Comment le vol peut-il rendre quelqu'un heureux ? » Et le professeur dit : « Aha ! Tu es le seul à avoir compris la leçon. »

Ainsi, même lorsque le maître nous dit de faire quelque chose qui est complètement inapproprié et nuisible, quelle que soit sa motivation, nous le voyons comme une leçon : « Il ou elle m'apprend à ne pas faire ça. » Il faudrait agir ainsi avec son maître, qu’il ou elle soit un tulku (les enseignants bien souvent les plus connus) ou non, cela n'a pas d'importance. C'est le même principe de mode de relation.

Les jeunes tulkus

Maintenant, je voudrais dire quelques mots sur la façon dont on trouve les tulkus. Ceux qui sont à des niveaux très avancés peuvent en fait prédire où ils vont renaître et donner des indications. Les Karmapas, par exemple, laissent une lettre. Dans la plupart des cas, on cherche des indications soit dans les rêves d'êtres hautement réalisés, soit par des moyens surnaturels, comme un oracle qui entre en transe et donne une sorte d'indication sur l'endroit où trouver l'enfant. Il existe aussi un lac au Tibet que certains êtres hautement réalisés contemplent pour en recevoir certaines visions. C'est ainsi que l'on trouve souvent les Dalaï-Lamas. Ces êtres hautement réalisés ont une vision dans le lac, ce qui leur donne simplement une indication de l'endroit où chercher. Ce qui est décisif, c'est que de son côté l'enfant donne une indication de qui il est. Sa Sainteté le Dalaï-Lama dit que c'est le facteur le plus important. En général, les gens apportent des objets appartenant aux anciens lamas et des répliques de ces objets, et l'enfant identifie les bons objets. C'est la méthode la plus fiable pour identifier les êtres réincarnés, sans se fier simplement à un rêve ou à un oracle.

Parfois, nous trouvons des indications très spectaculaires, comme dans l'exemple de mon propre maître Serkong Rimpotché, qui était l'un des enseignants du Dalaï-Lama. Il est mort dans une certaine région de l'Inde, à la frontière du Tibet, et a renoué avec cette même région. Le précédent Serkong Rimpotché était le principal lama de cette région, et tout le monde avait une photo de lui dans sa maison. Ainsi, lorsque ce petit enfant a été assez âgé pour pouvoir parler, il a montré du doigt la photo dans la maison de ses parents et a dit : « C’est moi ! ». Et quand ses proches de sa vie passée sont venus le chercher et qu'ils sont arrivés à la maison, l’enfant s'est précipité dans les bras de son ancien intendant dont il connaissait un de ses noms et à partir de ce moment-là, il ne voulait plus quitter l'ancien intendant et n'avait plus aucun intérêt à rester avec ses parents et sa famille. Il avait trois ans. C'est donc un exemple d'une indication très claire et très forte de la part de l'enfant.

Sa Sainteté le Dalaï-Lama affirme que la seule chose certaine que l'on puisse dire à propos de ces tulkus, c'est qu'il s'agit d'enfants nés avec une quantité énorme de potentiel positif issu de leur vie antérieure. Cependant, il faut des circonstances positives pour que ces talents et habitudes puissent se développer à nouveau dans cette vie. N'oubliez pas que, d'un point de vue objectif, pratiquement aucun de ces tulkus ne peut être considéré comme un bouddha pleinement éveillé, même si leurs disciples les considèrent comme des bouddhas. Cela signifie que, bien que ces tulkus aient de grands potentiels positifs, ils ne se sont pas débarrassés de tout leur karma négatif. Si les circonstances favorables ne sont pas réunies pour les éduquer correctement, alors ces potentiels positifs ne se développeront pas et des potentiels négatifs se développeront.

Parfois, nous constatons que les tulkus agissent à l’inverse des enseignements et de l’éthique bouddiques. Ils peuvent même abandonner complètement tout type de vie religieuse. Cela ne veut pas dire qu'ils ne sont pas vraiment des tulkus ou qu'ils n'ont pas tous ces potentiels positifs. Cela signifie simplement que les circonstances n'étaient pas propices à leur développement. On observe quelque chose de similaire avec les bouddhas. Il existe de nombreux exemples de bouddhas apparaissant au cours d'âges sombres où personne n'est réceptif à leur égard, et ils ne restent donc qu'un moment, puis s'en vont. Le simple fait d'apparaître un instant aura une certaine influence positive, mais rester plus longtemps est une perte de temps, alors ils partent. Un bouddha n'a pas de karma négatif, donc il ne produit pas de négativité dans ces circonstances négatives. Mais nous pouvons voir une similitude dans le fait que des circonstances positives sont nécessaires pour qu'un bouddha ou un tulku puisse se développer et travailler pour aider les autres. Cela signifie donc que nous avons une grande responsabilité vis-à-vis de ces jeunes tulkus, en particulier ceux qui sont nés en Occident (et ils sont nombreux aujourd'hui). Il est très important que nous leur fournissions les circonstances adéquates pour qu'ils reçoivent une éducation bouddhique appropriée, une bonne éducation, etc., afin que leurs qualités positives puissent se développer.

Il faut réaliser que ces jeunes tulkus sont des enfants. Ils ne sont pas des dieux. Le système des tulkus n'est pas comme le système hindou des avatars. Les tulkus ne sont ni des petits dieux ni des fils de dieu. Ce n'est pas du tout ça. Il s'agit plutôt d'enfants qui ont un énorme potentiel positif, et bien qu'ils aient une continuité de potentiels positifs de leur prédécesseur dans leur dernière vie, ils ne sont pas la même personne, identique, avec la même personnalité. J'ai eu le privilège de connaître un certain nombre de ces tulkus dans deux vies, et l'une des choses que les jeunes tulkus détestent, c'est qu'on les traite comme s'ils étaient leur prédécesseur. Ils veulent être traités comme eux-mêmes. Donc, si nous les traitons évidemment avec beaucoup de respect, mais que nous leur donnons aussi ce dont un enfant a besoin en termes de foyer stable, de situation stable, d'une bonne éducation, et ainsi de suite, alors leurs qualités positives peuvent se développer et nous pouvons tous en bénéficier grandement.

Je dois également mentionner que lorsqu'un tulku se détourne de la vie religieuse en raison de circonstances négatives, cela ne signifie pas que la lignée des tulkus s'arrête là. Le potentiel positif de la renaissance par laquelle la lignée a commencé est toujours présent. Ainsi, même s'il y a une sorte de chute dans la deuxième vie ou s'ils ne pratiquent pas la méditation au moment de leur mort, cela n'a pas d'importance. Grâce à la force de ce potentiel positif qu’ils ont acquis ainsi que de leur habilité à diriger leur conscience au moment de la mort, ils pourront se réincarner à nouveau dans une forme qui pourra développer ces potentiels positifs. 

Ainsi, lorsque nous parlons de diriger nos renaissances, il pourrait y avoir un stade, en fonction de notre niveau d'accomplissement, où nous pourrions les diriger spécifiquement vers cette famille ou cette situation. Mais globalement, ce n'est pas le cas. En général, nous nous orientons vers une situation générale favorable, peu importe le nom de la famille. Si nous choisissons une famille dans laquelle renaître, c'est là qu'intervient le pouvoir de la prière, parce que vous dirigez alors vos énergies très fortement vers « Puissé-je renaître en tant qu'enfant dans cette famille-ci ». Il s'agit d'une mise en forme de l'énergie, d'une connexion très forte, et cela fait partie du mécanisme qui permet de la diriger vers une famille spécifique. Mais il faut être très prévoyant pour savoir qu'il s'agit vraiment d'une situation propice. Il est beaucoup plus sûr de faire une demande générique : « Puissé-je renaître dans une situation propice, et peu importe la famille. » C'est beaucoup plus sûr, parce que si vous faites ces souhaits et que vous n'avez pas la perception directe de la vacuité, alors vous avez encore un certain attachement, et donc le choix de cette famille serait mélangé à l'attachement, ce qui pourrait obscurcir votre jugement.

C'est un point important lorsque nous pensons à travailler avec compassion, à aider les autres et à faire des efforts pour nous libérer autant que possible de l’attachement. Nous pouvons penser : « Puissé-je aider les autres en ayant une grosse Mercedes-Benz pour pouvoir les conduire avec. » Eh bien, cela peut être mélangé avec un peu d'attachement. Il est donc préférable d'être ouvert et de penser : « Puissé-je simplement être en mesure de les aider de toutes les manières possibles. » De cette façon, vous évitez le danger de l'attachement en spécifiant la situation de manière trop restreinte. 

Conclusion

Voici donc une introduction générale à ce système de tulkus, ces lamas réincarnés. Comme je l'ai dit, nous ne devrions pas simplement considérer cela comme une leçon intéressante de sociologie à propos d’une culture étrangère. Cela nous donne beaucoup à penser en termes de nos propres vies, morts et renaissances. Nous allons tous renaître, alors plutôt que d'être attirés par des choses de manière compulsive, comme le match de foot à la télé, il serait beaucoup plus bénéfique d'avoir un certain contrôle sur l’ensemble du processus. Nous aurions tort d’être découragés et de penser : « Eh bien, je dois devenir un bouddha avant d'être capable de faire cela. » C'est quelque chose que nous pouvons réaliser dans un état beaucoup plus précoce. Ce n'est pas facile, bien sûr, mais ce n'est pas non plus inaccessible. En outre, il importe peu que quelqu'un nous cherche ou qu'on l’on soit reconnu. C'est sans importance. Si nous avons ce désir très fort de toujours pouvoir aider les autres et de toujours pouvoir être dans des situations où nous pouvons le faire, alors nous pourrons faire face à notre mort et la vivre sans crainte, parce que nous avons un objectif très fort en tête de ce que nous voulons faire pendant ce processus de mort et après. Et comme je l'ai dit, cela peut nous aider à faire face à des situations qui nous font peur dans notre vie également, et pas seulement à la mort. Tout revient donc à la bodhichitta, cette intention totale de nous développer jusqu'à l'état le plus complet possible afin de pouvoir réellement aider les autres.

Questions

Un tulku peut-il avoir plusieurs formes en même temps ?

Oui, il est possible pour les tulkus de se réincarner dans plusieurs formes simultanément, mais c'est un niveau très avancé. Cela dépend du niveau.

Que se passe-t-il lorsque des jumeaux naissent ? Ont-ils le même esprit ?

Les esprits ou, plus précisément, les continuums mentaux des jumeaux ne sont pas les mêmes. Si un jumeau mange, cela ne remplit pas l'estomac de l'autre et cela ne satisfait pas sa faim. Ils ont des continuums mentaux distincts.

Quelle est la durée de la période du bardo ?

Nous lisons dans les textes que, normalement, le temps entre les incarnations est une période de bardo qui peut durer de sept jusqu'à quarante-neuf jours. C’est variable d’un individu à un autre. Dans le cas de Serkong Rimpotché, mon maître, il est né neuf mois exactement après le jour de sa mort. Il n'y a donc pas eu de bardo, ou seulement quelques minutes. C’était exactement neuf mois jour pour jour. Il ne voulait pas traîner dans le bardo. Pas de repos. Cela indique une très forte détermination. Il y a d'autres cas où c’est beaucoup plus long que quarante-neuf jours. Cela peut être plusieurs années. Avec la lignée des Karmapas, j’ai oublié lesquels précisément, il y a eu une période où il y avait quelques années entre les incarnations. Cela arrive aussi. Dans ce cas, ils expliquent qu’ils sont partis et ont pris naissance dans un champ de Bouddha ou dans un autre endroit où cela était bénéfique.Il existe des exemples où la réincarnation a lieu en moins de neuf mois. C'est plus difficile à comprendre.

Mais est-il possible que la période du bardo dure plus de quarante-neuf jours ?

En principe, tout le monde s’incarne dans une nouvelle forme après quarante-neuf jours. Maintenant, si vous êtes un Bouddha parfaitement accompli, alors tout ce système de bardo et ainsi de suite n'est pas nécessaire. Les bouddhas peuvent apparaître quand ils le veulent. Mais si nous parlons de ce qui se passe avant la bouddhéité, le maximum est de quarante-neuf jours, et ensuite vous devez apparaître sous une forme quelconque quelque part (pas nécessairement dans ce monde).

Le Dalaï-Lama est-il un bouddha ou un tulku ?

Le Dalaï-Lama est un tulku. Mais comme je l'ai dit, un tulku peut être à n'importe quel stade. Donc, en tant que bouddha, il peut aussi être un tulku. Ici, la question est la suivante : le Dalaï-Lama est-il un bouddha ? En tant que mon maître, il est un bouddha. Mais objectivement, l’est-il ? Eh bien, seul un bouddha est capable de reconnaître un autre bouddha. Il est donc très difficile pour quiconque, en tant qu’être ordinaire, de pouvoir affirmer de façon définitive : « Cette personne est un bouddha. » En fait, cela n'a pas d'importance. Je veux dire que nous ne serions pas capables de le reconnaître, de toute façon. Mais il est certain que Sa Sainteté est l'un des êtres les plus développés que j'ai jamais rencontré, c’est déjà pas mal.

C'est une question très intéressante. Qu’il s’agisse du Dalaï-Lama, du Karmapa ou de quiconque, c'est une question intéressante. Sont-ils vraiment des bouddhas ? En tant qu'Occidentaux, nous avons tendance à vouloir rendre les choses très concrètes. Ainsi, par exemple, nous pourrions examiner un texte bouddhique tibétain et dire : « Eh bien, qu'est-ce que cela signifie ? » Un enseignant tibétain dira : « De ce point de vue, cela signifie ceci. Et si vous l'interprétez à partir de ce commentaire, cela signifie cela. Et sur ce plan, cela signifie cela.» Il vous donnera tout l’éventail des possibilités de ce que cela pourrait signifier. Mais nous, en tant qu'Occidentaux, nous nous demandons : « Qu'est-ce que cela signifie vraiment ? » Je pense que cela vient de tout l’héritage religieux occidental selon lequel il n'y a qu'un seul Dieu, une seule vérité : « C’est comme ça que ça se passe, point. »

C'est la même chose quand on dit : « Est-ce que cette personne est vraiment un bouddha ? » Cela doit être compris dans le contexte de la vacuité, car tout dépend du contexte. Si vous en parlez du point de vue de cette personne qui est votre maître, alors c'est une chose. Si vous en parlez du point de vue de votre niveau d'accomplissement et que vous voyez votre maître comme ceci ou cela, c'est une autre chose. Il est donc impossible d'obtenir une réponse définitive à cette question, tout comme il est impossible d'obtenir une réponse définitive à la question : « Que signifie réellement le texte ? » C'est le même problème. C'est difficile, cependant, à accepter pour les Occidentaux. C'est pourquoi la seule réponse que l'on puisse donner est de ne pas vous inquiéter pour ça. Ce qui compte, c'est la relation que l'on entretient avec ce maître et le fait de le voir dans le contexte de cette relation.

Terminons par une dédicace. Quelle que soit la compréhension et la force positive qui en ont découlées, puissent-t-elles s'approfondir et agir comme une cause pour atteindre l'illumination pour le bénéfice de tous.

Post-scriptum, juin 2013

Sa Sainteté le Dalaï-Lama a expliqué, spécifiquement en référence à sa propre lignée de Dalaï-Lamas, que les membres successifs d'une lignée de tulkus ne sont pas nécessairement des membres successifs du même continuum mental. Les personnes qui ont un lien étroit avec un grand maître spirituel, par exemple en étant son proche disciple, peuvent, sur la base d'une forte bodhichitta, de prières et d'une grande réserve de potentiel positif, se réincarner en une émanation tulku de ce maître. Leurs prières seraient, par exemple, d'être en mesure de poursuivre l'œuvre de ce maître.

Ainsi, lorsque de grands maîtres spirituels se réincarnent dans plusieurs corps à peu près en même temps (comme dans les aspects du corps, de la parole et de l'esprit), ces tulkus seraient sans aucun doute des êtres individuels avec des continuums mentaux individuels. Ils seraient tous des personnes ayant un lien spirituel fort avec ce maître et auraient eu le désir intense de poursuivre l'œuvre spirituelle de ce maître.

De plus, Sa Sainteté a expliqué que lorsque certaines lignées de tulkus sont considérées comme des émanations d'Avalokiteshvara, de Manjoushri, d'Amitabha, etc., il se peut qu'elles soient en fait des émanations ou qu'elles soient simplement des intermédiaires de la forte inspiration de ces bouddhas pour agir en leur nom dans ce monde.

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