Pourquoi seuls certains êtres ont développé la bodhichitta pour la première fois ?

Les facteurs de la nature-de-bouddha

Nous avons l'inconscience sans commencement, ces deux obscurcissements, et la nature-de-bouddha sans commencement, ces deux réseaux. Au niveau de la base, parce que nous accumulons une force positive avec l'inconscience, la naïveté et ainsi de suite, cela devient simplement un réseau de construction du samsara. Pour que ces réseaux deviennent des réseaux de construction pure, un être limité doit développer le renoncement, ou le renoncement et la bodhichitta, pour la première fois, puis les accroître davantage. Or, contrairement au fait de devenir notre mère, le développement du renoncement et de la bodhichitta ne peut se faire naturellement, sans l'inspiration et les enseignements d'un bouddha et sans effort individuel.

Un autre aspect de notre nature-de-bouddha est la capacité de nos continuums mentaux à être inspirés. Il s'agit d'un ensemble de facteurs qui se transforment en divers corps-de-bouddha ou qui permettent cette transformation d’opérer. Connaissez-vous les corps-de-bouddha ? Les corps-de-forme, le Nirmanakaya et le Sambhogakaya, ainsi que le Dharmakaya, etc. L'un des facteurs qui permettra cette transformation est le fait que, contrairement à un rocher, nous pouvons être inspirés, élevés. Le mot « inspiration » (byin-gyis rlabs) est souvent traduit par « bénédiction ». Je pense que c'est une façon totalement erronée de le traduire. Cela n'a rien à voir avec le fait d'être béni d'en haut. Être inspiré par l'inspiration d'un bouddha ou d'un maître ou, dans nos termes occidentaux, par le coucher du soleil, signifie que nous pouvons être exaltés, élevés.

Cela fait partie de notre nature-de-bouddha. Nous disposons également des facteurs mentaux sans commencement qui nous permettent de faire des efforts. Nous avons par exemple la concentration. Nous avons tous ces facteurs mentaux qui font partie des agrégats, mais ils sont encore une fois obscurcis et limités par l'inconscience sans commencement et la saisie d'une existence dûment établie. Nous disposons des facteurs qui nous permettront de devenir un bouddha, mais nous avons également d'autres facteurs qui les empêchent de fonctionner pleinement. C'est la dynamique à laquelle nous sommes confrontés et qui décrit le samsara, avec ses hauts et ses bas. C'est la dialectique entre ces deux éléments, tel est le samsara.

Les implications du temps sans commencement en ce qui concerne le développement des facteurs de la nature-de-bouddha

Une fois de plus, on commence à analyser la situation et à y réfléchir. Le facteur important, qui est assez difficile à appréhender pour nous, Occidentaux, est l'absence de commencement. S'il y avait un commencement à partir duquel tous les êtres limités étaient égaux et avaient le même degré d'inconscience et de saisie d’une existence véritable, il serait alors difficile d'expliquer les différences dans la façon dont ce nombre fini d'êtres limités se développe spirituellement. Comprenez-vous cela ? Si nous sommes tous partis du même point et que nous disposons d'un temps infini, comment expliquer nos différences ? C'est le problème du commencement, l'un des très nombreux problèmes du commencement. Comme je l'ai dit, il ne faut pas banaliser la force de notre façon habituelle de penser en ce qui concerne le commencement. On retrouve ce point de vue dans la science avec le Big Bang, comme dans nos religions occidentales avec le concept de la création. C'est très profondément ancré dans notre façon de penser.

S'il y avait eu un commencement et que tout le monde avait commencé sur un pied d'égalité, pourquoi certains êtres limités auraient-ils développé le renoncement et la bodhichitta pour la première fois et atteint la libération et l'illumination alors que d'autres ne l'ont pas fait ? L'inconscience ou ignorance empêche la libération et l'illumination. La force opposée est la conscience discriminante correcte du vide. Cependant, cela n'est pas suffisant en soi. Une connaissance conceptuelle correcte du vide qui n’est pas soutenue par la force du renoncement ou de la bodhichitta ne fera que nous rendre très intelligents dans le samsara. Sans le renoncement et la bodhichitta en tant que support, il est impossible d'avoir une connaissance non conceptuelle du vide. Nous pouvons en avoir une, mais elle sera conceptuelle.

Savez-vous ce que signifie « cognition conceptuelle » et « non conceptuelle » ? Ce n'est pas si facile à comprendre. Encore une fois, une note de bas de page : « conceptuel » signifie que nous pensons au moyen d'une catégorie, le « vide », et que nous avons quelque chose qui représente cette catégorie lorsque nous nous concentrons sur elle ou que nous y pensons. Pensez à un chien. Tout le monde a sans doute une image différente dans son esprit — « dans son esprit », c’est la manière occidentale de parler — de ce à quoi ressemble un chien, n'est-ce pas ? Lorsque nous pensons à un chien, soit nous entendons le son du mot « chien », soit nous avons une image mentale d'un chien, mais nous pensons par rapport à la catégorie « chien ». Ce qui est conceptuel ne doit pas nécessairement être verbal, ni être un raisonnement. Lorsque nous nous concentrons de manière conceptuelle sur le vide, nous avons la catégorie « vide », nous savons ce qu'elle signifie et nous avons quelque chose qui la représente, comme l'espace vide. Nous pouvons nous concentrer sur le vide proprement dit, mais c'est à travers le voile, à travers la catégorie, une image mentale, puis sur le vide lui-même. C'est conceptuel.

« Non conceptuel » signifie sans la catégorie et l'image mentale. Nous pourrions cependant lui donner un nom et nous savons ce que c'est. C'est ce qui est difficile à concevoir avec le non conceptuel : cela reste une compréhension. Nous ne nous étendrons pas sur ce point. Nous parlons toujours de conceptuel et de non conceptuel, et il est important de bien comprendre à quoi cela fait référence. Voir un chien, savoir que c'est un chien, sans penser « chien », [c’est non conceptuel]. Bien sûr, nous pouvons le voir sans dire « chien » dans notre esprit, nous ne parlons pas de ce niveau grossier.

La compréhension correcte du vide doit être soutenue par la force de la bodhichitta afin de s'opposer à ces facteurs qui empêchent la libération et l'illumination. Nous voici face à un point complexe qui est, à mon avis, difficile d’apprécier dans toute son étendue. Puisqu'il n'y a pas de commencement et que chaque être limité est un individu avec un degré variable d'inconscience, de saisie d’une existence véritable, cela a toujours été différent. Il n'y a pas de commencement, cela a donc toujours été différent : différentes forces des deux réseaux, des réseaux de construction du samsara, différentes forces de répercussions karmiques et de tendances des émotions perturbatrices, etc.

Les répercussions karmiques, les tendances karmiques, ainsi que les différentes tendances des émotions perturbatrices, la tendance à se mettre en colère, la tendance à s’attacher, tout cela a toujours été différent pour chacun. Les forces des facteurs mentaux permettant le développement spirituel sont également différentes, il y a toujours eu différents niveaux chez tout le monde — de concentration, de conscience discriminante, d'intelligence, etc. Il est difficile de concevoir que cela ait toujours été différent. Il n'y a pas eu de début où tout a commencé de zéro ou du niveau un, ou de quoi que ce soit d’autre. En raison de ces différences, certains êtres limités peuvent occasionnellement développer le renoncement et la bodhichitta.

Le terme « être limité » (sems-can) est généralement traduit par « être sensible ». Rappelez-vous qu'un bouddha n'est pas un être sensible. « Limité » signifie d’une part un matériel limité, un esprit limité — pas en termes de handicap, mais limité en ce qu'il n'est pas omniscient — et d’autre part, un corps limité. Pensez-y. Si vous aviez le cerveau d'un ver de terre, que pourriez-vous faire ? Votre matériel serait limité. Vous ne pourriez pas faire grand-chose non plus avec le cerveau d’un poulet, sans parler du fait que vous n'auriez même pas de mains. Il est très intéressant de penser au matériel du point de vue du matériel informatique. Un bouddha n'est pas un être sensible, c'est pourquoi le terme « sensible », en anglais du moins, est un peu trompeur. Nous ne parlons pas non plus de plantes. Il doit s'agir d'un être qui a une intention et qui subira les conséquences de ce qu'il fait en fonction de cette intention. Il ne peut s’agir ni d’une plante, ni d’un rocher.

Il n'y a pas de commencement, tous ces facteurs ont par conséquent toujours été différents. Pensez-y. Ce n'est vraiment pas facile à intégrer. Chaque fois que le doute surgit à ce sujet, c'est parce que nous sommes encore habitués à penser à un commencement, à un point de départ.

Parlons de la bodhichitta. À cause de ces différences, seuls certains d'entre nous ont développé la bodhichitta. Pour que cela se produise, il faut une grande accumulation de force positive de construction du samsara avant que ce réseau de force positive, de force positive de construction du samsara, soit suffisamment fort pour que nous rencontrions un bouddha, recevions des enseignements, les suivions et développions le renoncement et la bodhichitta pour la première fois. D'accord ? Et ensuite, il nous faut encore trois milliards d'innombrables éons de force positive supplémentaire.

Shantideva le formule très bien. Il dit que même le développement d'une pensée positive sans l'influence d'une émotion perturbatrice est extrêmement rare. Voici ce qu’il écrit :

(I.5) Tout comme un éclair fend la nuit sombre et nuageuse, illuminant tout instantanément, de même, grâce à la puissance des bouddhas, il est rare et fugace qu’apparaisse en ce monde une attitude positive.
(I.6) Ainsi, les (comportements) constructifs sont toujours faibles, tandis que les forces négatives sont extrêmement fortes et insupportables. À l’exception d’un objectif complet de bodhichitta, y a-t-il autre chose de constructif qui puisse le surpasser ?

C'est exactement ce dont nous avons parlé. Il y a beaucoup de sens dans les vers de Shantideva.

Tous les êtres ont-ils déjà atteint l'illumination, sans que nous le reconnaissions ?

Un doute peut surgir ici. Peut-être que tout le monde a déjà atteint l'illumination, mais que nous ne le reconnaissons tout simplement pas, tout comme nous ne reconnaissons pas que tous les êtres ont été notre mère, alors qu'ils l'ont en fait été ? N'est-ce pas la même chose ? Quelle est la différence ?

Je reconnais très clairement que j'ai des émotions perturbatrices, il y a donc une différence entre ne pas reconnaître nos mères et ne pas reconnaître l'illumination.

À cause de nos émotions perturbatrices ? Je ne pense pas que cela puisse l'expliquer. Quoi qu'il en soit, nous n'avons pas vraiment le temps pour que tout le monde donne des réponses, alors permettez-moi de donner la réponse à cette question. Il peut évidemment y en avoir d'autres. Votre réponse est peut-être correcte, mais j'ai des doutes à ce sujet. Ce n'est peut-être pas ce que vous voulez dire, mais pour simplifier à l'extrême, vous dites que nous sommes trop stupides pour le reconnaître, mais je ne pense pas que cela réponde à notre question. Cependant, comme je l'ai dit, ce n'est peut-être pas ce que vous vouliez dire.

Il doit y avoir une différence. Dans le cas où tous les êtres limités ont été ma mère, à l'exception de ma mère dans cette vie tant qu'elle est encore en vie, l'état « d'être ma mère » de tous les autres êtres limités [ayant été ma mère] ne se produit plus maintenant. D'un autre côté, dans le cas d'une personne éveillée, son état d'illumination continue à se produire présentement une fois qu'il est atteint. Par conséquent, si pour la raison du temps sans commencement, tous les êtres avaient déjà atteint l'illumination, alors l'état d'illumination de tous les êtres continuerait à se produire actuellement, y compris le mien. Cependant, cela est contredit, de fait, par la cognition valide de ma propre façon d'agir, de parler et de penser : je ne suis pas éveillé.

Ce n'est donc pas comme si tous les êtres avaient été ma mère, mais que je ne les reconnaissais pas comme tels parce qu'ils ne sont pas ma mère dans cette vie. Ce n'est pas que tous les êtres aient déjà atteint l'illumination, mais que je ne les reconnaisse pas comme tels parce qu'ils ne sont pas illuminés dans cette vie. Vous comprenez ? La raison pour laquelle je ne reconnais pas que tout le monde a été ma mère est qu'ils ne sont pas ma mère dans cette vie. En revanche, si quelqu'un devient éveillé, il l'est toujours dans cette vie. Que je puisse le voir ou non, le fait d'avoir des émotions perturbatrices est secondaire. Le fait est que cette personne est toujours éveillée dans cette vie, et qu'il devrait donc être possible de le voir.

Votre réponse d’avoir des émotions perturbatrices, comme je l'ai dit, est trop simple. Le fait d’être trop stupide serait une raison pour laquelle nous ne reconnaîtrions ni l'un ni l'autre, que quelqu'un ait été ma mère ou que quelqu'un soit éveillé. Cela n'explique toutefois pas la différence. C'est pourquoi la logique, la logique bouddhique, est très, très importante et utile pour clarifier notre compréhension. La raison d'être du débat est de dissiper tous les doutes, de sorte que lorsque nous méditons, nous soyons capables de nous concentrer sur un seul point, sans que des doutes ou des incertitudes ne viennent s'y ajouter. C'est là tout l'intérêt du débat. Le but du débat n'est pas de trouver la bonne réponse. Ce n'est pas le but. L'exercice consiste à avoir une position et à être capable de la défendre, l'autre personne soulignant les contradictions ou les faiblesses de notre pensée, parce que dans notre propre méditation analytique, nous ne serions jamais aussi critiques que quelqu'un d'autre. Comprenez l'importance et l'objectif du débat. Il ne s'agit pas d'un exercice intellectuel. Il a pour but de nous aider à méditer.

Les lois de la probabilité et le rôle de la force positive et de la prière

Nous pouvons maintenant poser la question : comment se fait-il que certains êtres limités, mais pas tous, aient accumulé suffisamment de force positive samsarique pour rencontrer un bouddha, recevoir des enseignements, les suivre et développer le renoncement et la bodhichitta pour la première fois ? Comment ont-ils fait ? Comment certaines personnes s’y sont prises ? Comment cela s'est-il produit ? Quel rôle le choix et la prise de décision ont-ils joué dans tout cela ?

Nous devons maintenant analyser. Dans le cas où quelqu'un devient ma mère, il n'y a pas eu besoin de force positive pour que cela se produise, et il n'y a pas eu non plus de décision ou de choix, n'est-ce pas ? Il se trouve que quelqu'un devient notre mère parce que, au cours d'un temps infini, tous les êtres auront interagi les uns avec les autres. Il en est ainsi car tous les êtres sont égaux dans le sens où tous les êtres s'engagent dans des activités samsariques et tous subissent la renaissance. Ce n'est pas que tout le monde reste immobile dans la même position pour toujours. Tout change en permanence.

Ensuite, la logique bouddhique : il faut donner un exemple. C'est comme l'exemple selon lequel toutes les particules de poussière dans une pièce au cours d'un temps infini entreront en collision les unes avec les autres parce qu'elles sont toutes en mouvement de la même manière. C'est une analogie pour expliquer pourquoi tout le monde, s'il n'y a pas de commencement à la renaissance, a été à un moment donné notre mère. C'est une autre démonstration. S'il n'y a pas de commencement et que tout le monde renaît tout le temps, comme des particules de poussière qui s'entrechoquent, tout le monde se sera rencontré, tout le monde aura été ma mère, tout le monde aura été mon père, tout le monde aura été mon enfant, mon ennemi, et ainsi de suite, comme des particules de poussière qui s'entrechoquent dans une pièce.

Un autre doute surgit alors : mais qu'en est-il de la rencontre avec mes gourous au cours de toutes mes vies ? Quelle est la différence ? Pour rencontrer le Dharma, rencontrer et étudier avec des maîtres spirituels au cours de toutes nos vies, nous devons avoir offert des prières et dédié notre force positive pour que cela se produise. Nous assemblons une autre pièce du puzzle. D'ordinaire, personne n'offrirait de prières et ne dédierait de force positive pour naître en tant qu'enfant d'une personne spécifique au cours de toutes ses vies. C'est là toute la différence, n'est-ce pas ?

Venons-en maintenant à notre contexte scientifique. Nous voulons appliquer ici les lois de la probabilité. Les lois de la probabilité conduisent à la conclusion que tous les êtres ont été ma mère à un moment donné, tout comme elles pronostiquent que toutes les particules de poussière dans une pièce finiront par entrer en collision les unes avec les autres si on leur donne suffisamment de temps. En revanche, les lois de la probabilité ne permettent pas de conclure que tous les êtres ont rencontré un Bouddha à un moment donné.

Vous voyez à quel point il est important de poser des questions. Le fait de rencontrer un bouddha à un moment donné est-il juste une question de probabilité ? Si c'est le cas, cela aurait déjà dû se produire. Pourquoi cela ne s'est-il pas produit ? Parce qu'une accumulation de force positive est nécessaire pour rencontrer un bouddha, recevoir des enseignements, etc. Nous n'avons pas eu besoin d'accumuler de force positive pour que quelqu'un devienne notre mère. Encore une fois, s'il y avait un début à partir duquel le réseau de force positive de chacun était égal, alors le même raisonnement qui prouve que tout le monde a été notre mère prouverait que tout le monde a développé la bodhichitta et est devenu un bouddha.

Nous appliquons ici l'argument prasanga en considérant l'inverse. Si une personne avait rencontré un bouddha et ainsi de suite, tout le monde aurait rencontré un bouddha, sinon, si une personne n'avait pas rencontré un bouddha, personne n'aurait jamais rencontré un bouddha, y compris les disciples proches du Bouddha Shakyamouni. Les lois de la probabilité ne s'appliquent donc pas. C'est difficile à accepter. Il faut sans cesse émettre des doutes, se dire : « Ok, mais… »

Qu'est-ce qui empêche la rencontre avec un bouddha ?

Ce qui empêche la rencontre avec un bouddha, c'est que nous n'avons pas accumulé suffisamment de force positive. C'est à cela que mène toute ma présentation. Pour accumuler de la force positive, il faut pouvoir faire un choix. Lorsque nous avons envie d'agir de manière destructrice, disons de crier sur quelqu’un, et que nous avons également envie de ne pas lui crier dessus, comment prendre la décision de choisir l'un et non l'autre ? C'est à cela que tout se résume. C'est là précisément que nous mène cette discussion. Comment prenons-nous la décision de crier sur quelqu'un ou de ne pas crier ? Avons-nous le choix ? Tout part de là. Comme je l'ai dit au début, il s'agit d'un matériel que vous pouvez analyser, avec lequel vous pouvez travailler et dont vous pouvez débattre les uns avec les autres par la suite. Il s'agit d'une grande et longue analyse, car c'est une question très difficile.

Puisqu’il n'y a pas eu de commencement, le réseau de force positive de chacun a toujours été d’une force différente. Toujours. Le niveau et la valeur de la force positive ont toujours été différents chez chacun. Pour cette raison, seuls quelques êtres limités ont accumulé une force positive suffisante pour rencontrer un bouddha, ce n’est pas le cas de tout le monde. Nous devons avoir obtenu une précieuse renaissance humaine afin d'accumuler plus de force positive. Cependant, nous avons besoin de la force positive pour obtenir une précieuse renaissance humaine, et c'est donc difficile. Comme l'expliquent tous les textes du lam-rim, si nous avons accumulé suffisamment de force positive pour obtenir une précieuse renaissance humaine, nous disposons alors d'une base de travail pour développer le renoncement et la bodhichitta pour la première fois et atteindre l’illumination. Tout se résume à la précieuse renaissance humaine. Comment l'obtenir ?

Résumé des points précédents

En résumé, en quoi sommes-nous tous égaux ? Nous avons deux séries de facteurs opposés, et il y a toujours une dynamique entre les deux. Nous avons d’une part les facteurs de la nature-de-bouddha sans commencement qui nous permettront de devenir un bouddha, mais nous avons d’autre part l'inconscience de la réalité sans commencement et la saisie d’une existence véritable qui nous en empêchent. Nous avons également tous les autres facteurs mentaux qui sont inclus dans les cinq agrégats de chaque vie. Tous ces éléments vont constituer notre matériel de travail. Ils auront des forces différentes tout le temps, mais ils sont notre matériel de travail.

Vous devez connaître les cinquante et un facteurs mentaux, n'est-ce pas ? Ajoutons-les à notre analyse. Nous avons des facteurs neutres — l'envie, l'intention, la concentration, la conscience discriminante, l'intérêt, toutes ces choses — qui peuvent être utilisés dans les deux sens, positif ou négatif. Nous avons certainement des facteurs positifs, constructifs, comme une attitude bienveillante qui permet de prendre soin des jeunes, l’instinct de survie, le fait de prendre soin de soi (envers soi-même et envers les autres). C'est instinctif, cela fait donc partie de notre matériel. Nous avons également des émotions et des attitudes perturbatrices, comme la colère, l'avidité, l'attachement. Nous pouvons voir cela chez un chien. Là encore, c'est très important. Ce n'est pas que tous ces éléments aient commencé de zéro au commencement. Il n'y a pas eu de commencement, de sorte que la force de chacun de ces éléments a toujours été différente pour chaque être. Nous avons des facteurs qui nous permettent de devenir un bouddha, nous avons des facteurs qui nous en empêchent, et nous avons tous les outils et les matériaux de travail qui peuvent fonctionner dans les deux sens, et ils sont toujours à des niveaux de force différents.

Maintenant, la vraie question est de savoir comment surmonter tous ces facteurs qui ne font que nous maintenir dans un samsara sans fin, perpétuant la renaissance récurrente incontrôlable, qui est la base de toujours plus de souffrance et de problèmes récurrents et incontrôlables ? Quels sont les principaux problèmes ? Ce sont les deux premiers types de souffrance. La force négative nous rend malheureux, tandis que la force positive nous rend heureux, mais ce bonheur est le bonheur ordinaire qui ne dure jamais et dont nous ne sommes jamais satisfaits. Si nous avons trop de ce bonheur, comme lorsque nous mangeons trop de notre plat préféré, il se transforme en malheur. C'est le samsara, mes amis. Des hauts et des bas, tantôt heureux, tantôt malheureux. On ne sait jamais ce qui va arriver ensuite, rien n’est garanti. C'est ce que nous voulons surmonter. Nous voulons mettre fin à ce mécanisme qui produit ces types de renaissance, qui sont les supports des hauts et des bas — heureux, malheureux, heureux, malheureux — indépendamment de ce qui nous arrive d'autre. Il est important de comprendre cela, sinon, il est très difficile de développer le renoncement. Ne banalisez pas le renoncement en pensant qu’il suffit de renoncer au chocolat. Nous ne parlons pas de cela.

De quoi avons-nous besoin pour pouvoir prendre la décision de travailler à l'illumination ?

La question est la suivante : lorsque nous sommes confrontés au choix de nous efforcer ou non de développer la bodhichitta pour la première fois — nous avons donc le choix — comment la prise de décision se produit-elle s'il ne s'agit ni de libre arbitre ni de déterminisme ?

Utilisons maintenant la méthode scientifique pour notre analyse. Dans mes premières études, j'ai étudié la chimie organique. Dans ce domaine, il y a le composé organique que l'on veut fabriquer. Qu'est-ce qui précède ce composé, que vous devez fabriquer et d'où il pourrait provenir ? Et qu'est-ce qui précède cela ? Qu'est-ce qui précède le composé, qu'est-ce qui le précède, qu'est-ce qui le précède, et ainsi de suite — vous devez remonter ainsi pour arriver aux éléments de base les plus élémentaires. Nous appliquons la même méthode d'analyse ici.

Pour être en mesure de décider d’atteindre ou non l’illumination afin d’être le plus bénéfique à tous les êtres, de quoi avons-nous besoin ? La chose qui vient immédiatement avant [cette prise de décision] est une croyance confiante en l'existence des qualités d'un bouddha, en notre capacité à les atteindre, et une aspiration à les atteindre nous-mêmes, et que nous pouvons le faire. Pourquoi vouloir atteindre quelque chose d'impossible ou qui n'existe même pas ? Nous devons être convaincus que cela existe réellement, que c'est possible.

Malheureusement, la plupart des adeptes du bouddhisme ne pensent même pas à cela. Ils ne se demandent jamais sérieusement si l'illumination est possible. Bien sûr, nous devons savoir ce qu'est l'illumination pour pouvoir poser sérieusement la question : est-ce possible ? Souvent, si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, nous nous efforçons simplement d'améliorer le samsara dans cette vie, d'avoir moins de problèmes dans cette vie. Ce qui n'est pas grave. Les enseignements bouddhiques peuvent nous aider à améliorer cette vie, mais ne réduisez pas le bouddhisme à cela. Il deviendrait alors une autre forme de psychologie. Le bouddhisme est bien plus que cela.

Qu’est-ce qui précède notre croyance dans le fait que les qualités d'un bouddha sont possibles, qu'elles existent et ainsi de suite, pour que nous les développions ? Nous devons rencontrer les enseignements d'un bouddha. Si nous n'avons jamais entendu parler du bouddhisme, du Bouddha, du Dharma, etc., comment pourrions-nous penser et poser la question : l’illumination est-elle possible ? Nous n'en avons jamais entendu parler. Il faut s'intéresser aux enseignements d'un bouddha et rencontrer un maître qui les enseigne. Lorsque nous rencontrons les enseignements et un maître, cela signifie que nous ne devons pas avoir une attitude antagoniste erronée à leur égard. Nous devons faire preuve d'ouverture d'esprit et d'intérêt. Il existe aujourd'hui de nombreux centres bouddhistes. Pour autant, beaucoup de gens ne s'y intéressent pas du tout. Le fait que les enseignements soient disponibles n’est pas le facteur essentiel. Nous devons également faire preuve d'amour et de compassion pour aider les autres et ne pas être totalement égoïstes.

Revenons en arrière : de quoi avons-nous besoin pour cela ? Nous avons besoin au minimum d'une précieuse renaissance humaine, afin que les enseignements et les maîtres soient disponibles, qu'ils soient soutenus — comme c’est le cas dans ce magnifique centre. Il faut que nous soyons un être humain et non un chien ou une mouche, et que nous rencontrions réellement les maîtres et les enseignements, que nous y soyons réceptifs, et ainsi de suite — nous pourrions énumérer toute la liste des qualités d'une précieuse renaissance humaine — et que nous les prenions au sérieux.

Qu'est-ce qui précède cela ? Quelles sont les causes d'une précieuse renaissance humaine ? Vous voyez, nous rassemblons toutes les pièces du puzzle à partir du lam-rim. De quoi avez-vous besoin ? Vous avez besoin d'une discipline éthique — la cause principale — et de la prière. Il vous faut prier et dédier la force positive : « Puissé-je toujours avoir une précieuse renaissance humaine dans toutes mes vies jusqu'à la libération et l’illumination. » Cette force positive doit être soutenue par les cinq attitudes de grande envergure, ou perfections (Skt. paramitas) : la générosité, la patience, la discipline éthique, la persévérance joyeuse, la stabilité mentale. La stabilité mentale est parfois traduite par « concentration », mais il ne s'agit pas seulement de concentration ; il s'agit de stabilité, un état dépourvu des hauts et des bas émotionnels, de la distraction mentale et du relâchement. Enfin, nous avons besoin de la conscience discriminante, que l’on appelle parfois « sagesse », mais ce terme est trop vague.

Il existe plusieurs types de discipline éthique, mais la principale consiste à s'abstenir d’adopter un comportement destructeur, sur la base de la conscience discriminante qui distingue les inconvénients d'un comportement destructeur et les bienfaits de s'en abstenir. C'est ce que nous discriminons. Il ne s'agit pas seulement de s'abstenir d'agir de façon terrible parce que nous voulons faire plaisir à notre maître ou quelque chose de ce genre. Dans un sens, c'est pour éviter d'avoir des ennuis. Nous n’agissons cependant pas d’une manière rigide et mécanique. Il doit y avoir une compréhension derrière tout cela.

Voici une question très intéressante. J'y consacre beaucoup de temps avec mes étudiants. Pourquoi, d’un point de vue personnel, ne volez-vous pas ou ne mentez-vous pas ? Si cela se résume à « parce que je veux être bon, je ne veux pas être mauvais », d'où cela vient-il ? C'est comme si vos parents allaient vous dire : « mauvaise fille », « mauvais garçon », « sois sage ».

 Je ne veux pas aller en prison.

Vous ne voulez pas aller en prison. Cependant, pour la plupart des gens du Dharma, cela se résume généralement à un sentiment « que ce n’est pas juste ». C'est très intéressant à analyser. Pourquoi ne volez-vous pas ? Cela ne me semble pas juste. D’un point de vue bouddhique, il faut comprendre que si je mens, si je vole, cela produira des conséquences karmiques (qui engendrent le malheur), et que si je m’en abstiens, cela conduira au bonheur. Il faut que nous en soyons convaincus.

Qu'est-ce que la conscience discriminante ? Vasubandhu la définit très bien dans l'Abhidharmakosha. Il s'agit d'une conscience intelligente, définie comme le facteur mental qui détermine de manière décisive si quelque chose est correct ou incorrect, constructif ou destructeur, nuisible ou bénéfique. Elle ajoute une capacité à décider. C'est un facteur très important que nous allons examiner. La capacité de décision permet de distinguer un objet — utile ou non — qui peut être soit correcte, soit incorrecte. Cependant, nous ne pouvons développer une telle conscience discriminante que dans le cadre d'une précieuse renaissance humaine. Tout se résume donc à la précieuse renaissance humaine.

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