La paix de l'esprit et ses causes
Qu'est-ce qu'un esprit heureux ? C'est un état d'esprit satisfait et détendu, qui a une perspective vaste et à long terme, et qui n'est donc pas perturbé par quoi que ce soit. Il en résulte un état d'esprit plus productif et plus clair, qui a la capacité de discerner comment traiter les problèmes de manière efficace.
La tranquillité de l’esprit ne consiste pas simplement à ne pas penser. Bien que le fait de ne pas penser procure un certain sentiment de détente, cela n'a rien d'exceptionnel. Même un lapin, après avoir été nourri, se détend et peut presque s’asseoir dans la posture en sept points de Vairochana. Cependant, un lapin est facilement perturbé. Par conséquent, ne pas penser à nos problèmes n'est pas une solution.
D'autre part, l'accumulation de biens matériels a ses limites. Même si nous possédions tous les objets matériels du monde, nous ne serions pas satisfaits. Nous en voudrions toujours plus. Une autre limite des objets matériels est qu'à notre mort, nous perdons tout ce que nous avons accumulé au cours de notre vie. Il est donc préférable de développer un sentiment de satisfaction dès le départ en ce qui concerne l'accumulation de biens matériels. En revanche, pour ce qui est des choses qui n'ont pas de telles limites, comme le développement mental, nous ne devons jamais nous contenter de ce que nous avons, mais continuer à nous développer jusqu'à ce que nous atteignions l’illumination.
Si nous subissons un traumatisme grave, cela ne doit pas nous empêcher de continuer à travailler à notre développement. Lorsque nous analysons ce que nous avons vécu, nous pouvons voir que c'est le résultat de nos potentiels karmiques. En réfléchissant à la souffrance conditionnée, nous constatons que tant que nous continuerons à renaître dans le samsara à cause de notre ignorance et de nos émotions perturbatrices, qui sont les véritables ennemis, nous continuerons à vivre des événements traumatisants. En réalité, nous avons la chance de connaître de grandes souffrances en tant qu’êtres humains, plutôt qu’en tant qu’êtres des autres royaumes samsariques.
Comme l'a expliqué Guéshé Potowa : « Rien n'est surprenant dans le fait que nous souffrions. Après tout, nous sommes nés avec des émotions perturbatrices, et elles sont la cause de notre renaissance. »
La générosité de grande envergure
Pour nous développer davantage, nous devons adopter et développer les six attitudes de grande envergure. La générosité, la première des six, est soulignée dans toutes les religions. Dans le bouddhisme, il en existe trois types :
- Le don de biens matériels
- Le don du Dharma
- Le don de libérer de la peur
La générosité est la volonté de donner. Il peut s’agir, par exemple, de donner des biens matériels. Il ne s'agit pas seulement de l'absence d'avarice, mais aussi de la conscience des avantages du don et des défauts de la saisie. Les shravakas et les pratyekabouddhas ont développé la générosité mais sans la vaste conscience qu’ont les bodhisattvas.
Ces trois types de générosité sont pratiqués principalement par trois types de personnes. Le don de biens matériels est principalement pratiqué par les laïcs, tandis que le don des enseignements du Dharma est principalement pratiqué par la communauté monastique. Pour les laïcs qui ont plus de pouvoir et de richesses, leur principale forme de générosité consiste à sauver des vies, par exemple en achetant des animaux destinés à l’abattoir.
Nous pouvons également être généreux avec notre corps, par exemple en faisant don de nos organes à notre mort. De notre vivant, nous pouvons donner un rein ou une cornée, et pas seulement à nos proches. En même temps, lorsque nous offrons quelque chose, nous devons savoir pourquoi nous le faisons ainsi que l'objet qu’il est approprié de donner et le moment pour le donner. De cette manière, nous n'offrirons pas de dîner à un moine ou à une nonne car nous savons qu’ils ont fait vœu de ne pas manger après le déjeuner, tout comme nous n’offrirons pas de nourriture grasse à une personne atteinte d'hépatite. Autrement dit, il est important de ne pas donner ce qui pourrait nuire à autrui, comme des armes ou du poison. Dans certains cas, bien sûr, le poison peut servir de médicament pour soigner les malades, comme dans le cas du venin de serpent. De même, il n'est pas convenable de vendre un terrain qui servira à l'élevage d'animaux pour leur viande, comme c’est le cas pour la pisciculture ou l’aviculture.
S'il était possible de faire don de notre cerveau à quelqu'un qui pourrait être davantage bénéfique aux autres, ce serait une bonne chose. Cependant, cela n’est possible que si nous avons atteint le stade où notre corps entier peut être donné, sans que cela nous cause de souffrance mentale ou ne fasse décliner notre bodhichitta. Si nous n'en sommes pas là, nous pouvons nous abstenir de ces actes de générosité extraordinaires.
Donner des enseignements sur le Dharma ne se limite pas à s'asseoir sur un trône, mais inclut également le fait de donner de bons conseils et d'éduquer les autres dans n'importe quel type d'école, avec une motivation pure. Lorsque nous conseillons ou enseignons aux autres, par exemple sur la bonté et la responsabilité, il est essentiel que nous incarnions nous-mêmes ces qualités. Cela donne une forte impression à celles et ceux qui reçoivent nos conseils et enseignements.
La préparation et la publication de livres constituent également un aspect important de la générosité du don du Dharma. Mais lorsque nous enseignons le Dharma à quelqu'un, nous devons nous assurer que ce que nous lui enseignons est pertinent et convient à sa disposition. Un jour, un maître bouddhiste a enseigné à un roi que tous les phénomènes étaient vides, ce que le roi a interprété comme une accusation selon laquelle il n'était rien lui-même. Prenant cela comme un défi à son autorité, il a fait décapiter ce maître pour trahison !
Le don de libérer de la peur consiste à libérer celles et ceux qui ont été injustement emprisonnés, à sauver les espèces menacées, à soutenir Amnesty International, à œuvrer pour l'abolition de la peine capitale, à rejoindre les mouvements pacifistes, à créer des sanctuaires où la chasse et la pêche sont interdites, et à soutenir les groupes de défense des droits de l'homme. Être végétarien, par compassion pour la vie des êtres sensibles et pas seulement pour notre propre santé, est une pratique généreuse de la non-violence. Travailler comme médecin, infirmière ou assistante sociale dans une maison de retraite, ou dans une école pour personnes aveugles ou handicapées, est également une pratique de la générosité. Nous pouvons aider à soigner des patients en centres de soins palliatifs, atteints du sida ou d'un cancer, etc. Nous pouvons également soutenir l'aide aux victimes de tremblements de terre, de famines et d’inondations.
Cependant, tous ces actes de générosité dépendent de la motivation. Si nous donnons avec orgueil ou dans un esprit de compétition, toute la force positive ou « mérite » accumulée est complètement gâchée. De même, si nous ne donnons qu'à nos amis et à notre famille, et jamais à nos ennemis ou à ceux que nous n'aimons pas, notre motivation est manifestement biaisée et inappropriée. Si nous donnons le Dharma ou sauvons des vies dans le seul but d'obtenir des remerciements, de la reconnaissance ou d’obtenir des choses en retour, c’est une erreur. Si nous désirons la célébrité, comme le fait de vouloir gagner le prix Nobel, notre pratique de la générosité est totalement gâchée. Si nous donnons quelque chose de petit dans l'espoir de recevoir quelque chose de plus grand en retour, nous avons simplement l'esprit d'un homme d'affaires. Un autre exemple d’arrière-pensée serait de donner dans l’espoir que le résultat karmique sera d’être riche et prospère dans les vies futures.
Lorsque nous donnons, nous devrions dédier non seulement l'objet mais aussi les fruits de notre don au bénéfice futur de tous les êtres limités. Nous devons donner sans rien attendre en retour. Nous devons donner en respectant la personne concernée, sans la considérer comme inférieure ou supérieure à nous. Lorsque nous donnons à quelqu'un qui se croit spécial, gardez à l'esprit que, de la même manière, nous nous croyons souvent très spéciaux. Avec une joie totale, donnez aux dix types de personnes : amis, étrangers, ennemis, ceux qui ont de bonnes qualités, ceux qui ont des défauts, ceux qui sont supérieurs, inférieurs ou égaux à nous, ceux qui sont heureux et ceux qui sont affligés par la souffrance.
Lorsque nous donnons à nos ennemis ou à ceux que nous n'aimons pas, nous devons le faire sans hostilité mais avec une bienveillance particulière. Lorsque nous donnons à des amis et à des parents, nous devons le faire sans attachement. Lorsque nous donnons à des étrangers, nous devons le faire sans indifférence. Lorsque nous donnons à ceux qui ont de bonnes qualités, nous devons le faire sans envie. Lorsque nous donnons à ceux qui nous sont inférieurs, nous devons le faire sans les regarder de haut ; et ainsi de suite. Nous devons donner à chacun avec une attitude appropriée.
En résumé, nous faisons précéder tout acte de générosité d’une motivation altruiste, nous maintenons une attitude altruiste pendant l'acte et nous l'achevons en dédiant la force positive. Nous faisons tout cela en gardant à l'esprit l'absence d'existence auto-établie du donneur, du receveur et de l'objet donné.
Nous pouvons établir notre motivation altruiste chaque matin, surtout s'il nous est difficile d'établir notre motivation avant de faire chaque action. Nous pensons : « Aujourd'hui, je vais donner un sens à ma vie », puis, au cours de la journée, nous essayons de nous souvenir de notre attitude altruiste, de la maintenir et de la garder à l'esprit. Le soir, nous passons en revue les actions positives et altruistes que nous avons accomplies au cours de la journée et nous nous en réjouissons, tandis que nous regrettons les actions négatives et égoïstes que nous avons accomplies et essayons de ne pas les répéter.
L’autodiscipline éthique de grande envergure
L'autodiscipline éthique est l'esprit qui nous permet de nous retenir de générer l'attitude de causer du tort aux autres et de nous abstenir de nous engager dans des actions qui leur causent du tort. Il s'agit plutôt de s'engager dans des actions positives qui leur apportent un certain bénéfice. Ainsi, nous nous empêchons d'avoir une attitude de chérissement de soi. Cela ne signifie pas que nous négligeons nos propres objectifs. S'abstenir d'avoir une attitude d'auto-chérissement sert à accomplir notre propre objectif d'atteindre l’illumination.
Il existe trois types d'autodiscipline éthique, qui englobent l'ensemble de la pratique des bodhisattvas :
- L'autodiscipline éthique qui consiste à s'abstenir de tout comportement destructeur
- L'autodiscipline éthique qui consiste à s'engager dans des actes constructifs
- L'autodiscipline éthique qui consiste à aider les autres.
L'ordre de ces trois éléments est clairement défini. En tant que bodhisattva, nous pratiquons l'autodiscipline éthique afin d’aider tous les êtres à atteindre leurs propres objectifs. Pour ce faire, nous devons développer nos propres facultés et capacités autant que possible, il ne suffit pas d'avoir une bonne motivation. Nous pouvons aider les autres à atteindre un bonheur temporaire, celui d'une renaissance humaine, ainsi que le bonheur ultime de la libération et l'illumination. Pour les aider à atteindre l'un ou l'autre de ces objectifs, nous devons connaître le processus pour y parvenir. Il ne s'agit pas seulement de connaître la lignée et l'histoire de ces enseignements, nous devons connaître le processus à partir de notre expérience personnelle de la pratique de ces méthodes. Nous y parvenons en développant les bonnes qualités que nous n'avons pas encore développées et en renforçant celles que nous avons déjà développées. C'est l'autodiscipline éthique qui s'engage dans des actes constructifs.
Pour y parvenir, nous devons nous débarrasser des qualités négatives que nous avons déjà développées et ne pas développer celles que nous n'avons pas encore développées. C'est l'autodiscipline éthique qui consiste à s'abstenir de tout comportement destructeur.
Dans son Traité en quatre cents stances, Aryadeva conseille ce qui suit :
(VIII.15) Tout d'abord, détournez-vous des actions déméritoires.
Il s'agit des actions qui résultent de nos émotions perturbatrices. Par conséquent, nous devons d'abord nous abstenir de penser, de parler et d'agir sous le coup d’émotions perturbatrices. C'est l'autodiscipline éthique qui permet de s'abstenir de tout comportement destructeur. Sur cette base, nous devons ensuite développer les facteurs opposés qui contreront et élimineront les émotions perturbatrices, à savoir les trois entraînements supérieurs. Pour les développer, il faut une autodiscipline éthique qui permette de s'engager dans des actes constructifs. Ensuite, pour aider les autres, nous devons connaître leurs besoins et savoir comment les aider : ce qu'ils doivent adopter et ce dont ils doivent se débarrasser. Pour cela, nous devons développer la conscience discriminante qui nous permettra d'utiliser l'autodiscipline éthique pour aider les autres.
L'autodiscipline éthique de s'abstenir de tout comportement destructeur
L'autodiscipline éthique qui consiste à s'abstenir de tout comportement destructeur implique de prendre et de respecter les vœux de pratimoksha (libération individuelle), de bodhisattva ainsi que les vœux tantriques. Les vœux de pratimoksha et de bodhisattva ont en commun le vœu de renoncer à tout acte destructeur. Sans les vœux de pratimoksha, nous ne pourrions pas renoncer aux dix actes destructeurs. Pour les laïcs, il existe les vœux de pratimoksha d'un jour et les vœux d'oupasaka ou d'oupasika à vie. Pour les moines, il existe les vœux d'ordination complète et les vœux de novice.
Nous pouvons comprendre l'importance des vœux de pratimoksha en considérant les grands maîtres bouddhistes qui les ont prononcés. Par exemple, parmi les cinq maîtres Sakya, les trois patriarches blancs [Sachen Kounga Nyingpo, Sonam Tsemo et Dragpa Gyaltsen] étaient des laïcs ayant prononcé les cinq vœux d'oupasaka, mais les deux patriarches rouges [Chogyal Phagpa et Sakya Pandita] étaient des bhikshous (moines pleinement ordonnés). Marpa, Milarépa et Rechungpa étaient des laïcs, mais Gampopa et le Premier Karmapa étaient des moines. À Nalanda, en Inde, il y avait probablement quelques étudiants laïcs, mais la plupart des étudiants étaient des moines. Nagarjuna, Aryadeva, les proches disciples du Bouddha, etc., étaient tous des moines. Shantarakshita et Kamalashila étaient également des moines, et Dromtonpa était un oupasaka célibataire.
Détenir le Dharma signifie maintenir le Tripitaka et son contenu. La manière la plus complète de le faire est d'être un religieux pleinement ordonné. Au minimum, vous devez être un laïc qui respecte tous les vœux oupasaka ou oupasika. Dans les deux cas, vous devez être quelqu'un qui respecte les trois séries de vœux : de pratimoksha, de bodhisattva et tantriques.
Avec la pratique du Dharma, nous visons la libération de la souffrance et prenons refuge dans le nirvana. Pour atteindre le nirvana, la libération, nous devons surmonter toutes nos émotions perturbatrices. Elles sont notre véritable ennemi. Pour nous débarrasser de nos émotions perturbatrices, nous avons besoin de ces trois séries de vœux — de pratimoksha, de bodhisattva et tantriques — qui ont toutes pour objectif l'élimination des émotions perturbatrices. Nous devons comprendre que les actions destructrices que nous commettons découlent de nos émotions perturbatrices, et lorsque nous comprenons cela, nous pouvons au moins nous abstenir de commettre les dix actes destructeurs.
L'autodiscipline éthique de s'engager dans des actions constructives
L'autodiscipline éthique qui permet de s'engager dans des actes constructifs implique de développer les deux réseaux (deux collections) de force positive (mérite) et de conscience profonde (sagesse). Cela signifie qu'il faut développer la méthode et la sagesse. L’aspect de la méthode implique le développement de l'amour et de la compassion, tandis que l’aspect de la sagesse implique une compréhension du vide et de l'impermanence. En ce qui concerne les émotions perturbatrices à éliminer, certaines surviennent sur la base conceptuelle d'une vision déformée et d'autres surviennent automatiquement en l'absence d'une telle vision des choses.
Les émotions qui surgissent sur la base d'une vision déformée comprennent la saisie d'un soi statique, sans partie, existant de manière indépendante, mais aussi d’une vision extrême, entretenant une vision fausse considérée comme suprême, ou encore d’une vision d’une certaine moralité ou d’une conduite considérée comme suprême. Elles sont fondées, en outre, sur une conscience discriminante incorrecte. Elles sont plus fortes, en un sens, que celles qui ne sont pas fondées sur une vision déformée, car elles ont un certain degré de certitude et de conviction, puisque nous pensons qu'elles sont fondées sur la raison.
Il existe des antidotes pour ceux qui ont une vision [des choses et de la réalité] et ceux qui n'en ont pas, certains réduisant les émotions perturbatrices et d'autres les éliminant complètement. Par exemple, l'amour et la compassion atténuent la colère. Lorsque nous voyons les défauts et les imperfections des objets que nous conceptualisons comme étant si beaux, le fait de voir leur laideur réduit notre désir, et ainsi de suite. Mais il n'en va pas de même pour les émotions perturbatrices fondées sur une vision déformée. Pour les contrer, nous avons besoin d'une vision correcte avec un mode d'appréhension tout à fait opposé au même objet. L’opposé qui élimine complètement nos émotions perturbatrices est l'absorption totale non conceptuelle (en équilibre méditatif) sur le vide. Voir les choses différemment, par exemple voir comme laid ce que nous considérons comme beau, est quelque chose que nous ne pouvons appliquer que lors d'une phase de réalisation ultérieure de la méditation (post-méditation). En soi, ce n'est pas suffisant. Nous avons besoin de la conscience profonde du vide en absorption totale.
La méditation est donc l'une des pratiques essentielles de l'autodiscipline éthique qui consiste à s'engager dans des actes constructifs. La méditation est une méthode qui nous permet de nous habituer à un état d'esprit bénéfique par l'effort. Le développement d’un état d'esprit bénéfique ne se fera pas naturellement sans effort. Dans le contexte de notre discussion, cet état d'esprit bénéfique se réfère à l'obtention d'une vision correcte de la réalité, avec une absorption méditative non conceptuelle sur le vide.
Il y a deux façons de discipliner notre esprit dissipé pour générer cet état bénéfique d'une compréhension correcte du vide. La première consiste à acquérir une conviction totale de la véracité de la vision correcte, la seconde est fondée sur la simple présomption de sa véracité. Cependant, le simple fait de présumer qu’elle est vraie n’est pas suffisant. Ce n'est que par un examen et une analyse approfondis que notre compréhension et notre conviction ne seront pas ébranlées. Une fois que nous avons acquis une conviction ferme, nous pouvons alors nous concentrer en un point sur la vision correcte.
Mais comment décrire l'esprit que nous cherchons à manifester dans l'absorption méditative sur la vision correcte du vide, en particulier l'esprit de claire lumière ? Jusqu'à ce que nous atteignions les stades avancés, nous devons laisser les livres être nos maîtres pour nous guider. Nous ne pouvons accéder aux « enseignements du Dharma de la réalisation » (rtogs-bstan) qu'après nous être appuyés sur les « enseignements du Dharma scriptural » (lung-bstan) du Tripitaka.
L'école Sakya explique la claire lumière en termes de « continuum causal qui est le fondement alaya de tout » kun-gzhi rgyu'i rgyud, le continuum causal éternel du fondement englobant toute chose).
[Le continuum causal alaya est un « facteur essentiel d’un Ainsi-Allé ( bouddha) » (de-gshegs snying-po, Skt. tathagatagarbha ; littéralement, « matrice d’un Tathagata »), un facteur de la nature-de-bouddha. Il se réfère à l'esprit de claire lumière et, lorsqu'il n'est pas manifesté, il donne naissance à toutes les apparences impures. En tant que tel, il constitue la base à purifier.]
Khyentsé Wangchoug, dans la transmission lobshay (slob-bshad, explications pour les disciples avancés) des enseignements lamdre (la voie et ses résultats), affirme que ce continuum causal alaya est un phénomène conventionnel, superficiellement vrai, qui est à la fois un phénomène affecté (conditionné, non statique) et une manière d'être conscient de quelque chose. La claire lumière en tant qu'objet est très difficile à atteindre et, étant au-delà des mots et des concepts, ne se manifeste jamais en tant qu’ « objet ». Bien que le continuum causal qui est le fondement alaya de toute chose soit manifeste en tant que l'esprit de claire lumière lorsque l'état de claire lumière est manifeste, et que dans cet état il donne lieu à de pures apparences, ce n'est pas quelque chose qui peut être transformé et utilisé comme une voie.
Mangto Ludrub Gyatso, qui, comme Khyentsé Wangchoug, était un disciple de Tsharchen Losel Gyatso, a expliqué que ce continuum causal alaya est un phénomène ultime, et l'a qualifié de fondement ultime englobant toute chose (mthar-thug-gi kun-gzhi) puisqu'il est en fin de compte la source de toutes les apparences, pures et impures.
Dans Le Trésor qui exauce les souhaits (Yid-bzhin mdzod), le maître Nyingma Longchen Rabjampa considère l'esprit de claire lumière, se référant à la conscience pure, rigpa (rig-pa), comme ultime, et, lorsqu'il est obscurci par des souillures adventices, comme conventionnel. Dans la tradition de Gouhyasamaja, l'esprit de claire lumière est considéré comme la vérité la plus profonde et le corps illusoire comme conventionnel. Il y a donc trois façons différentes d'utiliser le terme « ultime » ou « le plus profond » en référence à l'esprit de claire lumière, et certains maîtres indiens et tibétains ne donnent pas du tout d'explication concluante à ce sujet.
Par conséquent, bien que nous devions garder une vision pure de ces grands personnages, nous devons examiner ce qu'ils enseignent. Autrement dit, nous avons besoin du soutien des quatre sources fiables (ston-pa bzhi) :
- Ne vous fiez pas à la personne, mais à ses enseignements
- Ne vous fiez pas à ses paroles, mais à leurs significations
- Ne vous fiez pas à leurs significations interprétables, mais à leurs significations définitives
- Ne vous fiez pas à la conscience ordinaire, mais à la conscience profonde.
Il est difficile de pratiquer la méditation en société, non pas à cause de la société elle-même, mais à cause de notre propre manque de familiarité avec la méditation. Après tout, les grands pratiquants chevronnés sont capables de méditer parfaitement tout en vivant dans la société, et même d’acquérir de nouvelles réalisations en pratiquant dans ce cadre. Mais pour celles et ceux d'entre nous qui ne sont pas encore à ce niveau, nous avons besoin de circonstances appropriées et propices pour développer l'autodiscipline éthique nécessaire afin de s'engager dans des actes positifs tels que la méditation profonde. Nous devons préserver nos sens afin de ne pas rencontrer d'objets qui provoquent l'apparition d'émotions perturbatrices. Il est donc conseillé de méditer dans l’isolement.
Avoir une attitude attentionnée (bag-yod) et bienveillante ne signifie pas renoncer à notre liberté ou la restreindre. Nous avons besoin d'une attitude responsable envers nous-mêmes pour prendre soin de nous et être consciencieux, comme lorsque nous sommes malades. Par conséquent, l'exercice de l'autodiscipline n'est pas une restriction inutile. De même que lorsque nous sommes malades, nous nous abstenons de consommer certains aliments et ainsi de suite, de même, nous appliquons l'autodiscipline en considérant les avantages à long terme et à court terme. L'autodiscipline éthique n'est pas quelque chose d'imposé de l'extérieur, c'est plutôt nous qui voyons son but et l'exerçons nous-mêmes.
Pour exercer l'autodiscipline éthique, nous devons maintenir notre mental sur elle avec la présence attentive (dran-pa, pleine conscience) afin de ne pas la laisser tomber, et nous devons savoir ce qu'il faut adopter et ce qu'il faut rejeter. Nous avons également besoin du pouvoir de la vigilance (shes-bzhin) pour voir si les actions de notre corps, de notre parole et de notre esprit sont appropriées ou non. Pour ce faire, nous devons penser que nous sommes des pratiquants bouddhistes et que nous souhaitons détruire nos émotions perturbatrices. Avec cette détermination, nous pouvons alors développer la présence attentive et la vigilance, sinon, lorsque nous agissons mal, nous ne nous en rendons compte qu'après coup et nous avons alors honte.
Nous devons faire preuve de modération en ce qui concerne la nourriture, car les excès alimentaires ternissent l'esprit. De plus, si nous mangeons trop, nous prenons du poids que nous devons ensuite porter comme un lourd fardeau ! Nous devons donc faire preuve d'autodiscipline. Il est utile de pratiquer le yoga, mais pas si nous nous couchons tard. Il est préférable de pratiquer tôt le matin, lorsque l'esprit est clair. Bien sûr, pour se lever tôt, il faut cesser de se coucher trop tard !
Dans Une Anthologie des sujets spéciaux de connaissance (mNgon-pa chos kun-las btus pa, Skt. Abhidharma-samuccaya), Asanga classe le sommeil comme un facteur changeant : il peut être constructif ou destructif en fonction de notre motivation. Nous pouvons nous endormir avec une motivation positive, en pensant par exemple : « Demain, je me lèverai tôt pour faire des prosternations. » Dans le tantra, nous pouvons faire certaines pratiques dans nos rêves grâce à la force de notre motivation ou à la force des vents d’énergie subtils. Mais pour pouvoir maintenir la claire lumière des rêves, nous devons d'abord reconnaître le rêve comme un rêve. Si nous pouvons reconnaître la claire lumière des rêves, nous pourrons identifier plus facilement la claire lumière au moment de la mort.
Ensuite, dans notre pratique quotidienne, y compris dans nos rêves, nous pouvons faire de tout une pratique constructive. Nous pouvons offrir notre nourriture et nos boissons aux Trois Joyaux, donner nos restes en cadeau aux insectes, et nos crachats et notre urine en offrande aux pretas (esprits avides). Pour que notre vie ait un sens, le plus important est de maintenir la pleine conscience de la bodhichitta et du vide. Toutes les écritures en témoignent. Tout cela relève de l'autodiscipline éthique qui consiste à s'engager dans des actes constructifs.
L'autodiscipline éthique d’aider autrui
En ce qui concerne l'autodiscipline éthique consistant à aider les autres, il y a onze façons de le faire. Il existe de nombreuses écritures, notamment L’Engagement dans la conduite du bodhisattva et Le Compendium des entraînements (bSlab-btus, Skt. Shikshasamuccaya) de Shantideva, ainsi que le chapitre sur l'autodiscipline éthique des Terres des bodhisattvas (Byang-sa, Skt. Bodhisattvabhumi) d'Asanga. Tous ces ouvrages contiennent de nombreux versets que l’on pourrait citer. Je m’appuie aujourd’hui sur la liste des onze façons d’aider les autres mentionnées dans le lam-rim composé par le Ve Dalaï-Lama, et qui s’intitule Les Instructions de Manjoushri ('Jam-dpal zhal-lung). Ces onze façons sont les suivantes :
- En général, aidez celles et ceux qui souffrent, protégez leurs maisons et leurs biens, fournissez une assistance médicale aux malades, des lunettes à ceux qui ont une mauvaise vue, des prothèses et des fauteuils roulants aux handicapés, etc.
- Enseignez aux autres des compétences constructives pour qu'ils gagnent correctement leur vie, et non, par exemple, pour qu'ils gèrent un élevage de volailles.
- Offrez des cadeaux matériels et des invitations, par exemple pour un repas.
- Aidez les personnes qui ont peur des animaux sauvages.
- Aidez et consolez les personnes qui sont tourmentées par le malheur, comme celles qui sont séparées de leurs parents, qui ont perdu des êtres chers ou qui ont été volées. Aidez aussi celles et ceux qui se plaignent beaucoup. Un jour, la cuisinière d'Atisha, Amé Jangchoub, se plaignit ainsi à Dromtonpa : « Je dois cuisiner tout le temps, je n'ai pas le temps de pratiquer », ce à quoi Dromtonpa répondit : « Je dois traduire tout le temps. » Dromtonpa poursuivit en disant que tant qu'Atisha était en vie, la meilleure pratique consistait à le servir. C'est ainsi qu'il a encouragé Amé Jangchoub. Par conséquent, nous pouvons aider ceux qui se plaignent à nous en partageant leurs plaintes avec eux, puis en concluant par « cependant… » et en leur donnant des conseils. Si nous nous contentons de regarder de haut ceux qui se plaignent, c'est de l'arrogance. Voici donc des moyens d'aider ceux qui sont tourmentés.
- Donnez à boire et à manger à celles et ceux qui sont dans le besoin, apporter une aide matérielle et le Dharma aux démunis. Ne leur dites pas, bien sûr, de tromper les autres pour gagner de l'argent.
- Donnez des conseils à celles et ceux qui sollicitent notre soutien, afin qu'ils puissent se prendre en charge. Il s'agit d'utiliser les quatre moyens pour attirer les autres vers nous.
- Si les autres sont découragés dans leur pratique constructive, partagez leur inquiétude et aidez-les à se défaire de leur découragement.
- Louez les bonnes qualités des autres, même s'ils ont de nombreux défauts. Cela les encourage à améliorer encore leurs qualités.
- Punissez celles et ceux qui sont toujours intentionnellement destructeurs, afin de les aider, et soyez plus sévère si nécessaire.
- Recourez à des actes miraculeux, si c'est utile et si nous en sommes capables, bien qu'aujourd'hui nous ne soyons peut-être capables que de faire des tours de magie !
En résumé, l'autodiscipline éthique de l'aide aux autres consiste à leur être bénéfique en fonction de leur situation, de leurs dispositions, etc.
La patience de grande envergure
La patience de grande envergure dont nous avons besoin est parfaitement décrite par Shantideva dans L’Engagement dans la conduite du bodhisattva. Il y explique trois types de patience :
- La patience qui consiste à ne pas se laisser troubler par le mal
- La patience d'accepter facilement la souffrance
- La patience d’endurer des épreuves tout en s'engageant dans la pratique du Dharma
La patience de ne pas se laisser troubler par le mal
Alors qu’il décrit la patience, Shantideva écrit :
(V.13) Où pourrais-je trouver assez de cuir pour recouvrir toute la surface de la terre ? Avec le seul cuir de mes semelles, c'est la même chose que d'avoir recouvert la terre entière.
(V.14) De même, s'il m'est impossible de faire face aux événements extérieurs, si je parvenais à faire face à mon esprit, à quoi bon tenter de repousser quoi que ce soit d'autre ?
Autrement dit, la patience n'éliminera pas tous les ennemis et les fauteurs de troubles, mais c'est plutôt l'état d'esprit qui élimine la colère et nous permet de rester calmes face à l'adversité. Tout comme couvrir nos pieds de cuir serait égal à paver le monde entier de cuir, si nous protégeons notre esprit grâce à la patience, nous ne serons dérangés en nulle occasion par le mal ou ceux qui le causent.
Shantideva donne de nombreuses méthodes pour développer la patience qui permet de ne pas se laisser troubler par le mal. Il dit par exemple :
(VI.87) Si ton ennemi est dépourvu de toute joie, quelle raison as-tu de te réjouir ? Les simples souhaits dans ton esprit ne deviendront pas la cause de son infortune.
La patience est exempte de colère, même lorsque le mal est fait à nous-mêmes ou à nos proches. Si nos ennemis prospèrent, nous sommes généralement malheureux, et s'ils souffrent, nous sommes heureux. Pour nos amis et nos proches, c'est l'inverse : nous sommes généralement heureux lorsqu'ils prospèrent et nous souffrons lorsqu'ils sont tristes. Mais notre joie face à la souffrance de nos ennemis nourrit notre colère, et, sous l'effet de la colère, c'est nous qui devenons malheureux et qui souffrons.
Shantideva parle de la nécessité de la compassion envers celles et ceux qui sont en colère :
(VI.37) Quand, sous l'emprise d'émotions perturbatrices, les gens en viennent jusqu’à se tuer eux-mêmes, alors qu’ils se chérissaient tant, comment se fait-il qu'ils ne portent pas atteinte au corps d'autrui ?
(VI.38) Si je ne peux même pas développer de la compassion, de temps à autre, pour celles et ceux qui, sous l'emprise d'émotions perturbatrices, vont jusqu'à se tuer, du moins je ne me mettrai pas en colère (contre ces personnes).
D'autres personnes nous font du mal parce qu'elles sont sous l'emprise de la colère. Si elles sont extrêmement en colère, elles peuvent même se faire du mal à elles-mêmes. Les personnes en colère prennent même les membres les plus faibles de leur famille pour victimes. Ces personnes doivent être l'objet de notre compassion et non de notre colère. Nous devons également nous rendre compte que nous agissons exactement de la même manière lorsque nous sommes en colère. La maîtrise de soi est d'une importance capitale. Nous devons savoir que lorsque les gens sont sous l'emprise de la colère, ils agissent comme des fous et sont impuissants.
De plus, lorsque nous nous mettons en colère, c’est contre le mauvais objet. Shantideva explique :
(VI.41) Si quelqu’un me frappe, et que je mets de côté la cause de ma douleur, à savoir le bâton avec lequel il m’a frappé, et que je m’emporte contre la personne qui l’a brandi, puisqu’elle a agi sous l’influence de la colère, elle est également une cause secondaire. Il serait plus approprié de rager contre sa colère.
(VI.43) Tant son arme que mon corps sont les causes de ma souffrance. Puisqu'il a pris une arme et moi un corps, vers lequel dois-je me fâcher ?
Si quelqu'un nous frappe avec une arme comme un long et lourd bâton, considérez ceci : quand un long bâton est utilisé pour frapper une pierre, la pierre n'éprouve aucune douleur. Mais si notre corps est frappé avec un long bâton, nous ressentons de la douleur et de la souffrance. Puisque nous avons fourni le corps et que l'autre personne a fourni le long bâton, nous sommes tous deux également responsables de notre douleur et de notre souffrance.
Par ailleurs, pourquoi ne nous mettons-nous pas en colère contre le long bâton qui nous fait mal ? Nous disons que c'est parce que le long bâton a été manipulé par la personne. Mais, dans cette analyse, la personne est également contrôlée par des émotions perturbatrices. Pourtant, nous nous mettons en colère contre la personne plutôt que contre l'arme ou l'émotion perturbatrice.
Shantideva explique également :
(VI.39) (Même) si le fait d'agir violemment envers les autres était le mode de fonctionnement des personnes puériles, il serait aussi déplacé de se mettre en colère contre elles qu'il le serait d’en vouloir au feu de brûler.
(VI.40) Et même si cette faute était passagère, et que les êtres limités étaient bons par nature, il serait quand même aussi malvenu de se mettre en colère que de reprocher au ciel la fumée (âcre) qui s'élève (en lui).
Si nous pensons que la nature humaine est quelque chose qui ne changera jamais, alors quand quelqu'un agit mal en accord avec sa nature, pourquoi se mettre en colère ? C'est comme se mettre en colère contre le feu parce qu'il est chaud. Et si la mauvaise conduite n'est que temporaire, pourquoi se mettre en colère contre les gens qui agissent mal, puisque ce n'est pas leur nature.
Il n'y a aucune raison de se mettre en colère contre les autres qui nuisent à notre renommée. Shantideva le souligne :
(VI.90) La louange et la renommée, (ces) marques de respect, n'apporteront pas de force karmique positive, n'apporteront pas une longue vie, n'apporteront pas la force corporelle, ni l'absence de maladie, elles n'apporteront pas non plus de plaisir physique.
Si d'autres personnes ne nous ont pas directement blessés physiquement, mais tentent de détruire notre renommée et notre statut, il n'y a pas lieu de se mettre en colère. Nous devons comprendre que les mots de louange et de renommée ne sont que des mots vides. Si nous devenons célèbres, si nous ne nous contrôlons pas nous-mêmes, nous nous enorgueillirons. Dromtonpa a dit que même si la population mondiale nous plaçait au sommet de leur tête, nous devrions rester humbles.
Dans l'entraînement de l’esprit lojong, on considère qu'il est bon d'être diffamé, car cela nous permet de comprendre nos propres défauts, autrement, lorsque nous sommes constamment loués, nous devenons simplement arrogants. La célébrité et la renommée sont des obstacles à la pratique du Dharma car elles conduisent à des distractions. Par conséquent, si un ennemi porte atteinte à notre réputation, il fait preuve de bonté et nous aide en réalité.
Lorsque des ennemis essaient de nous nuire, nous nous mettons normalement en colère, mais grâce à eux, nous pouvons pratiquer la patience. Le Bouddha, les bons amis et les animaux domestiques bien élevés ne nous offrent pas de telles occasions de pratiquer la patience. Nous ne pouvons nous exercer à la patience qu'avec des animaux de compagnie méchants ! Même nos lamas ne nous donnent pas ce genre d'occasion de pratiquer la patience. C'est pourquoi nous devons être reconnaissants envers nos ennemis.
Shantideva ajoute :
(VI.109) Supposons que je dise : « Mon ennemi n'avait pas l'intention de (me) permettre de pratiquer la patience, il n’est donc pas digne d’honneurs. » Comment se fait-il alors que le Saint Dharma soit honoré comme étant apte à être une cause pour l’engendrer ?
Nous pourrions contredire l'argument ci-dessus en disant que nos ennemis ont la motivation de nous nuire plutôt que de nous aider. Mais dans ce cas, nous n'envisageons pas comment la troisième noble vérité ou la libération peut nous aider. La libération n'a pas non plus pour but de nous aider, alors pourquoi prendre refuge en elle ? Lorsque nous souffrons, la véritable cessation n'a absolument pas pour but de nous aider. Mais la véritable cessation est importante parce qu'elle est utile et bénéfique. C'est la même chose qu'avec un ennemi.
Nous pourrions encore rétorquer que la véritable cessation n'a pas pour but de nous nuire, mais ce n'est pas la même chose avec un ennemi, nous pensons alors qu'avec un ennemi, il est normal de riposter. Mais c'est précisément parce qu'elles ont la motivation de nous nuire que ces personnes sont appelées « ennemies » et qu'elles nous permettent de pratiquer la patience.
Si nous essayons de riposter, cela ne nous aidera jamais à surmonter la souffrance. Dans S'Engager dans la voie du milieu (dBu-ma-la 'jug pa, Skt. Madhyamaka-avatara), Chandrakirti déclare :
(III.4) Lorsque quelqu'un vous a fait du mal, si vous lui en voulez, est-ce que votre ressentiment annule ce qui a déjà été fait ? Par conséquent, la rancune ne sert absolument à rien dans cette vie et ne fait qu’apporter l'adversité dans les vies futures.
Lorsque nous sommes en colère contre un ennemi, le mal que nous avons déjà subi n'est pas du tout éliminé. En fait, si nous sommes en colère contre un mal déjà fait, cela ne détruit pas la souffrance, mais nous apporte au contraire davantage de souffrance, au point que nous ne pouvons même plus manger ou dormir. Nous souffrons davantage et nous sommes responsables de cette souffrance. En revanche, si nous pratiquons la patience, elle devient une cause de paix de l’esprit.
En résumé, lorsque nous sommes heureux, pensons que c'est le résultat de nos actes constructifs passés et souhaitons que ce soit la cause du bonheur de tous les êtres, car cela détruira notre arrogance. Lorsque nous souffrons, pensons : « Puissé-je ainsi assécher tous les océans de souffrance des autres. »
Après avoir reçu ces enseignements, il est important de se réjouir. Comme l'a écrit Guéshé Chekawa à la fin de L'Entraînement de l'esprit en sept points (Blo-sbyong don-bdun-ma) :
J'ai demandé ces instructions pour apprivoiser ma propre saisie du soi. Aujourd'hui, même si je dois mourir, je n'ai aucun regret.
De même, nous devrions penser : « J'ai reçu toutes les instructions pour me débarrasser du chérissement de soi, ainsi, même si je dois mourir, je suis satisfait d'avoir reçu tout ce dont j'ai besoin. »