La nécessité des six perfections et la validité de leur source

Les phénomènes sans commencement

La réalité est notre base. Lorsque nous considérons les possibilités de transformation qui s'offrent à nous, les mettre en œuvre est alors la voie. Lorsque nous nous sommes transformés, c'est le résultat. La base est donc ce qui existe et ce qui n'existe pas, et la différence entre les deux doit être déterminée par une cognition valide. Ce qui existe comprend à la fois les phénomènes qui changent d'un moment à l'autre et ceux qui ne changent pas. Les phénomènes qui changent comprennent les formes des phénomènes physiques, les phénomènes qui ont la nature d'une expérience subjective des choses, ainsi que les variables non congruentes incidentes [les facteurs composés non associés] (dan-min 'du-byed), telles que le temps et les personnes, qui ne sont ni l'un ni l'autre des deux précédents. Ce qui existe n'est donc pas simplement ce qui peut être observé, mais ce qui est observé tel qu'il nous apparaît et, non seulement cela, qui n'est pas non plus contredit par d'autres connaissances valides du même niveau d’observation.

Les phénomènes matériels découlent de leurs causes d'obtention (nyer-len-gyi rgyu), c'est-à-dire des phénomènes matériels antérieurs à partir desquels ils sont obtenus. Un feu, par exemple, est obtenu à partir d'une cause de famille similaire (rigs-'dra'i rgyu) — il faut qu'il y ait eu un feu auparavant pour qu'il y ait un feu maintenant — et d'une cause substantielle (rdzas-rgyu), telle que la chose que le feu brûle. À un niveau fondamental, se trouvent les particules qui constituent un feu et qui ne peuvent être connues que par l'esprit. À un niveau encore plus fondamental, se trouvent les particules d’espace, qui ne sont abordées que dans les enseignements du Kalachakra. Par conséquent, les formes des phénomènes matériels ne naissent pas sans cause.

Les particules d'espace n'ont pas de commencement et tout ce qui est plus grossier n'est qu'une transformation de ces particules. Ainsi, sur la base de tout ce qui change d'un moment à l'autre, il y a un phénomène d'imputation appelé « dépérissement  » (zhig-pa), imputé sur ce qui est venu avant dans son continuum. Ainsi, toutes les formes de phénomènes physiques ont nécessairement des phénomènes physiques antérieurs comme causes d'obtention.

Il en va de même pour les manières d'être conscient de quelque chose, c’est-à-dire les phénomènes changeants d'un moment à l'autre dont la nature est d'être une simple expérience subjective de quelque chose. Tout comme les formes des phénomènes matériels proviennent de causes de famille similaire, il en va de même pour les manières d'être conscient de quelque chose. Elles ne découlent pas simplement de causes qui sont des phénomènes matériels, à savoir des capteurs cognitifs physiques et des objets cognitifs physiques.

Les variables non congruentes incidentes telles que le temps et les personnes, n'étant ni une forme de phénomène physique ni une manière d'être conscient de quelque chose, requièrent une base substantiellement existante (rdzas-yod).

[Les variables non congruentes incidentes ont une existence imputée (btags-yod) sur une telle base, ce qui signifie qu'ils ne peuvent pas exister ou être connus indépendamment de cette base. Le Sautrantika les classe parmi les phénomènes objectifs (rang-mtshan, phénomènes caractérisés individuellement), au même titre que les formes de phénomènes matériels et les manières d'être conscient de quelque chose.]

Ainsi, de même que les phénomènes substantiellement existants n'ont pas de commencement, de même les phénomènes existants imputés sur leur base n'ont pas non plus de commencement. Et de même que les formes des phénomènes matériels ne sont pas inventées par la pensée conceptuelle mais existent substantiellement, il en va de même pour les manières d'être conscient de quelque chose. Elles non plus ne sont pas de simples inventions conceptuelles.

Pour comprendre l'absence de commencement, nous devons analyser l'origine de notre conscience. Notre conscience a-t-elle un premier moment, un commencement ? Vient-elle d'un continuum et, si oui, d'un continuum de quoi ? Vient-elle d'une substance matérielle en tant que cause d'obtention, ou n'a-t-elle pas de cause du tout ? Si elle n'a pas de cause que nous puissions découvrir, n’a-t-elle simplement pas été créée par Dieu ?

La science doit étudier la question de la cause de la conscience. Lorsque nous analysons la question, nous constatons que la conscience est immatérielle et qu'elle ne peut donc pas naître de la matière, car cela serait contradictoire avec sa nature essentielle. La seule alternative est que notre conscience est un continuum sans commencement.

Comme nous venons de le mentionner, nous ne pouvons pas simplement postuler un continuum d'un phénomène d'imputation tel qu'une personne, un « moi », comme existant et pouvant être connu indépendamment, de lui-même. Il doit avoir une base substantielle. Et comme nous l'avons également vu, les formes de phénomènes physiques et les manières d'être conscient de quelque chose, en tant que base des phénomènes d'imputation, n'ont pas de commencement. La question est donc de savoir quelle est la base d'une personne, d'un « moi » ?

La base du « moi » ne peut pas être imputée uniquement sur les facteurs agrégés de notre apparence actuelle, par exemple, notre apparence ici et maintenant. La base doit être un continuum qui dure dans le temps. Étant donné que la forme de notre corps change considérablement au cours de chaque vie, passant de celle d'un bébé à celle d'un adulte, puis à celle d'une personne âgée, il n'est pas logique de considérer le corps comme la base durable du soi, du « moi ». Il est plus logique de considérer l'esprit comme la base sans commencement d'une personne. Une telle analyse conduit à une compréhension logique de la renaissance.

Le système philosophique du Vaibhashika affirme que ce continuum d'un esprit et d'un soi prend fin avec le parinirvana, tandis que les systèmes Sautrantika, Chittamatra et Madhyamaka affirment que ce continuum n'a pas de fin. Il ne peut y avoir de fin, car il faudrait qu'il y ait un contraire aux caractéristiques de clarté et conscience qui définissent l’esprit, et qui, s'il était appliqué, amènerait l'esprit et le soi, en tant que phénomène d'imputation, à se rapprocher de plus en plus d'une fin. Or, il n'existe pas de contraire à l’esprit.

La causalité

Le fait qu'une cause engendre un effet est tout simplement la nature des choses (chos-nyid). Ainsi, les continuums des formes externes des phénomènes physiques et de la conscience interne se rejoignent, en tant que conditions qui agissent simultanément (lhan-cig byed-pa'i rkyen), pour donner lieu à des effets. Par exemple, les sentiments de bonheur et de malheur que nous éprouvons sont les résultats de causes antérieures. Ils proviennent de moments de conscience antérieurs, mais aussi de causes karmiques. Une même situation peut déclencher l'apparition immédiate tantôt du bonheur, tantôt du malheur. Le sentiment qui surgit est dû à des causes karmiques antérieures.

Le fonctionnement de la relation de cause à effet s'opère en termes de phénomènes opposés, par exemple, les quatre éléments, la lumière et l'obscurité, le chaud et le froid. Les phénomènes qui s’opposent ne peuvent coexister. Si l'un des membres opposés d'une paire augmente, l'autre doit diminuer. Par exemple, si la chaleur augmente, le froid diminue. De la même manière, au niveau interne, il existe des oppositions dans la manière dont notre esprit appréhende les objets : « ceci est blanc et cela est rouge » ou « ceci est bon et cela est mauvais ». Il en va de même pour les émotions. Avec la colère, nous repoussons quelqu'un et, avec l'amour, nous nous en rapprochons. Dans un même moment de l'esprit, parmi ces émotions, seule l’une peut être présente, et ce simplement par le fait qu'elles s'excluent mutuellement, comme le chaud et le froid. Plus l'un augmente, plus l'autre diminue, et nous ne pouvons pas avoir les deux à la fois.

Puisque le bonheur et la souffrance s'excluent également mutuellement, nous devons opposer à la cause du malheur et de la souffrance une cause de bonheur qui s'exclut mutuellement de cette cause de malheur et de souffrance. Cependant, nous devons identifier correctement les causes du bonheur. Nous ne pouvons pas atteindre le bonheur uniquement par le pouvoir de la prière, ou en travaillant avec des pratiques avancées du tantra qui traitent des gouttes subtiles et des vents d'énergie (prana) du corps subtil. Le tantra hindou possède également ces pratiques de phowa (transfert de conscience vers des terres pures), de trungjug (transfert de conscience dans des corps morts) et de tummo (chaleur intérieure), ainsi que du travail avec les chakras, les mantras et ainsi de suite. Toutes ces pratiques ne sont pas exclusives au bouddhisme.

Le Bouddha a enseigné que la cause première de nos émotions perturbatrices et des impulsions karmiques qu'elles motivent, et qui sont à l'origine de notre malheur et de notre souffrance, est notre inconscience de ne pas savoir ou de savoir de manière incorrecte comment les choses existent. C'est pourquoi nous devons opposer à cette inconscience son contraire, lequel s'exclut mutuellement avec elle. Nous devons lui opposer la conscience discriminante qui nous permet de savoir correctement comment les choses existent.

La foi dans le fait que cette conscience contrera notre ignorance soutiendra cette conscience discriminante, et c'est une bonne chose. Mais la foi seule ne suffit pas. Si nous avons étudié et que nous prenons ce que nous avons appris comme base générale [de notre investigation], alors quand nous ferons l'expérience de la réalité de l'existence des choses, nous la reconnaîtrons et en serons fermement convaincus. Sinon, avec une foi aveugle, ou en faisant l'expérience de quelque chose sans savoir de quoi il s'agit, nous n'aurons pas de cadre pour l'intégrer et le stabiliser dans notre esprit.

Le vide de la claire lumière

La troisième noble vérité se réfère à la véritable cessation de la souffrance et de ses causes, et c'est un phénomène d'imputation sur la base de la claire lumière en tant qu’objet vide et d'un esprit qui prend le vide comme objet. De plus, l'esprit qui prend le vide pour objet a lui-même le vide pour nature. Le troisième chapitre du Soutra de la multitude de joyaux (dKon-mchog brtsegs-pa, Skt. Ratnakuta Sutra) en fait mention par ces mots : « L'esprit est sans esprit.» Cela signifie que l'esprit a une nature vide, se référant à la fois à sa nature la plus profonde et à sa nature conventionnelle. La claire lumière, à la fois en termes d’objet vide et en tant que nature conventionnelle de l'esprit, n'est pas quelque chose de nouveau qui surgit lorsque l'esprit est totalement absorbé (en équilibre méditatif) sur le vide et l'objet à réfuter, et que les souillures adventices de l'esprit ont disparu.

Il est important de rappeler que, lorsque l'esprit vise un objet à réfuter, l'esprit lui-même est également vide. L'objet à réfuter doit être réfuté d’après la propre nature vide de l'esprit. Ainsi, la nature de l'esprit qui connaît l'objet et l'objet lui-même sont vides.

La nature conventionnelle de l'esprit en tant que claire lumière n'est pas quelque chose de nouveau qui apparaît avec l'absorption totale. Parce que cette nature de claire lumière de l'esprit n'a ni commencement ni fin, Maitreya déclare dans L’Ornement des réalisations :

(VIII.33-34) Le corps d’éveil qui apporte, de manière égale, tous les divers bienfaits aux êtres errants, aussi nombreux soient-ils, est le corps d'émanation, sans aucune rupture dans sa continuité. De même, nous acceptons, comme n'ayant aucune rupture dans sa continuité, son activité éveillée aussi longtemps que le samsara continuera d’exister.

Si nous comprenons que la claire lumière — c’est-à-dire le vide en tant qu'objet et en tant que nature conventionnelle claire et connaissante de l'esprit qui a la capacité de la connaître — est en fin de compte sans souillures, alors nous aurons confiance dans la véracité de la troisième noble vérité. Notez que l'état qui demeure naturellement, c'est-à-dire notre nature-de-bouddha, est notre esprit de claire lumière, présentement contaminé par les souillures adventices.

S'appuyer sur des enseignements valides

Nous devons étudier tout cela dans les écritures bouddhiques, mais desquelles s’agit-il ? L'école Vaibhashika suit certaines sources de la tradition des soutras palis et d'autres de la tradition sanskrite. Selon le Chittamatra, les soutras qui peuvent être acceptés de manière littérale doivent être considérés comme ayant une signification définitive (nges-don), tandis que ceux qui ne peuvent être pris littéralement ont une signification interprétable (drang-don). Le Madhyamaka établit cette distinction en fonction des sujets abordés dans des passages spécifiques des soutras : ceux qui traitent de la vérité la plus profonde sont définitifs et ceux qui traitent de la vérité conventionnelle ont besoin d'être interprétés. Cette distinction ne se retrouve pas dans la tradition pali qui se réfère aux textes du Hinayana.

Si nous devions nous fier à d'autres textes pour déterminer s’ils peuvent être pris littéralement ou non, il n'y aurait pas de fin et pas de moyen de décider. C'est pourquoi nous devons utiliser la logique, et pas seulement les citations. Si un passage cité d'un texte n'est pas contredit par la logique ou la raison, il est définitif, alors que si une citation est contredite par la logique ou la raison, il ne l'est pas. C'est le critère accepté par les érudits de Nalanda.

Dans la Précieuse Guirlande et L’Ornement des soutras du Mahayana (Theg-pa chen-po mdo-sde rgyan, Skt. Mahayanasutra-alamkara), Nagarjuna et Maitreya nous enseignent respectivement que les écritures du Mahayana sont authentiques. Si les textes du Mahayana ne l’étaient pas, il serait difficile d'expliquer en profondeur les quatre nobles vérités en s’appuyant uniquement sur des citations. C'est pourquoi le Bouddha a enseigné le Tripitaka, les Trois Corbeilles — que composent le Vinaya, le Soutra et l’Abhidharma — à un public général, mais qu’il a enseigné les soutras du Mahayana uniquement aux personnes ayant de grandes facultés.

La voie lam-dre et ses enseignements provenant de la tradition Sakya parlent d'expérience valide, de maîtres valides, d'enseignements valides, de commentaires valides et de textes valides. Sur le plan personnel, le premier de ces éléments, l'expérience valide, est ce qui est le plus utile dans la vie quotidienne. Si notre expérience est authentique et valide, cela signifie qu'elle est fondée sur des enseignements valides et authentiques donnés par un maître valide et authentique qui s'est lui-même appuyé sur des commentaires valides et authentiques. Tout ceci nous permet de conclure que les textes des enseignements du Bouddha sur lesquels se fondent ces commentaires sont valides et authentiques.

Une expérience valide est une expérience qui entraîne un changement positif et authentique dans notre esprit, et un tel changement ne provient que d'une expérience valide de la bodhichitta et du vide. Les expériences valides et les changements positifs dans notre esprit ne peuvent pas se produire avec la seule pratique de la déité, en mettant l'accent sur la visualisation des détails de son visage et de ses attributs. La pratique de la déité n'est valide et authentique que si elle est fondée sur la bodhichitta et le vide.

Nagarjuna, dans les Versets racines de la Voie du milieu, commence par rendre hommage au Bouddha :

(I.1) Je me prosterne devant le Bouddha pleinement illuminé, le plus éloquent des éloquents, qui a indiqué que la coproduction conditionnée n’a ni cessation, ni naissance, ni fin, ni pérennité, ni venue, ni allée, n’est ni différente ni semblable, (afin d'apporter) un apaisement dans la fabrication mentale ainsi que la paix.

Nagarjuna a vécu quatre cents ans après le Bouddha et le connaissait donc mieux que nous. Nous supposons simplement que nous connaissons les qualités du Bouddha. Nagarjuna dit que le Bouddha a enseigné le Mahayana en privé à Maitreya et Manjoushri. Bien que nous ne puissions pas le confirmer nous-mêmes, si nous méditons sur la bodhichitta et que cela entraîne un changement positif dans notre esprit, cela démontre clairement que les textes du Mahayana qui en sont la source sont des enseignements valides du Bouddha.

La voie du Hinayana est la voie préliminaire, celle du soutra du Mahayana est la voie principale, et le tantra n'est qu'une branche du Mahayana à laquelle on peut s'entraîner. Les quatre écoles ou systèmes philosophiques sont comme des escaliers ascendants. Les écoles supérieures mettent en évidence les contradictions des écoles inférieures, mais en connaissant les systèmes inférieurs, nous pouvons apprécier la profondeur des systèmes supérieurs. Les systèmes supérieurs sont vastes et profonds car ils ne contredisent pas la logique. Si nous sommes conscients des domaines dans lesquels nous pouvons commettre des erreurs, cela nous aide à rester sur le bon chemin et à avoir confiance en lui. Ainsi, l'étude des systèmes philosophiques donne de la stabilité à notre vision de la réalité. Ensuite, sur la base des six attitudes de grande envergure et de la bodhichitta, nous serons en mesure de réaliser nos propres objectifs et ceux des autres.

La nécessité que les attitudes de grandes portées soient au nombre de six

Maitreya, dans L’Ornement des soutras du Mahayana, explique :

(XIX.42) Dans les textes du Mahayana, on trouve le don du Dharma, l'autodiscipline éthique pure, ainsi que la patience de ne pas se départir (d’aider), le travail avec persévérance associée à (la constance mentale pour stabiliser) la compassion, et la conscience discriminante, l'esprit majeur parmi les attitudes de grande portée pour celles et ceux qui ont de grandes facultés.

Ainsi, les enseignements des textes du Mahayana répondent à nos propres objectifs et à ceux des autres parce qu'ils incluent tous les enseignements qu'ils contiennent, en particulier ceux qui concernent les six attitudes de grande envergure.

Pour atteindre l'illumination, nous avons besoin de meilleures renaissances, or les six perfections, en particulier l'autodiscipline éthique de grande portée, nous permettent d'atteindre de meilleures renaissances. Nous ne pourrons pas aider les autres matériellement si nous ne sommes pas riches, et nous devons donc cultiver la générosité. Nous avons besoin d'amis vertueux, c'est pourquoi nous devons rejeter la colère et pratiquer la patience. Pour accomplir quoi que ce soit, nous devons faire preuve de persévérance. Pour avoir des amis, nous devons contrôler nos émotions perturbatrices et donc pratiquer la constance mentale (concentration). Enfin, pour aider efficacement les autres, nous devons avoir la conscience discriminante (sagesse) de savoir ce qui est bénéfique et ce qui est nuisible. Nous devons donc cultiver l’ensemble des six attitudes de grande envergure.

L'autodiscipline éthique consiste à s'abstenir de faire du mal. La générosité consiste à apporter une aide matérielle et à protéger de la peur. La patience consiste à ne pas se mettre en colère. Ces trois attitudes nous aident à réaliser les objectifs des autres. Un autre aspect de la patience, la patience d'étudier, et la persévérance nous aident à atteindre les objectifs des autres ainsi que les nôtres. La constance [stabilité] mentale et la conscience discriminante nous aident à atteindre nos propres objectifs. Ainsi, nous avons besoin de l’ensemble de ces six attitudes de grande envergure pour atteindre nos propres objectifs et ceux des autres.

Lorsque nous sommes généreux et que nous apportons une aide matérielle aux autres, ils deviennent naturellement des amis. Nous devons également offrir aux autres notre pratique de l'autodiscipline éthique, et nous le faisons en menant une vie qui ne cause jamais de tort à autrui. Avec de la patience, même si les autres nous font du mal, nous ne ripostons pas. Lorsque nous essayons d'aider les autres, nous ne devons pas perdre espoir ni nous décourager, et nous devons donc faire preuve de persévérance. Pour aider les autres, nous devons faire preuve de concentration et de constance mentale afin de parvenir à la perception extrasensorielle. Grâce à elle, nous pouvons connaître les pensées des autres et les aider à apprivoiser leur esprit. Nous avons également besoin de constance mentale pour pouvoir nous concentrer lorsque nous analysons les phénomènes. La constance mentale favorise donc le développement de la conscience discriminante. Grâce à la conscience discriminante, nous pouvons faire la différence entre ce qui est correct de ce qui est incorrect, entre ce qui est juste et ce qui est faux, afin d'aider les autres à dissiper leurs doutes et à atteindre l'illumination. Par conséquent, pour aider les autres à atteindre l'illumination, nous avons besoin de l’ensemble des six attitudes de grande envergure.

Les six attitudes de grande envergure sont définies par leur nombre. Lorsque nous ne sommes pas attachés à la richesse, mais que nous nous contentons de ce que nous avons et que nous le partageons avec les autres, nous pouvons nous engager dans une pratique appropriée. Cette générosité soutient et favorise notre autodiscipline éthique pour la pratique. Si nous sommes patients, les épreuves ne nous feront pas de mal et la souffrance ne nous découragera pas. Par conséquent, la patience soutient et favorise la persévérance. La concentration et la constance mentale nous permettent de surmonter les obstacles physiques et mentaux. Nous ne nous fatiguons pas lorsque nous nous engageons dans des pratiques constructives. Nous pouvons rendre notre corps et notre esprit aptes à atteindre le calme et la tranquillité d'esprit de shamatha (zhi-gnas). Sur cette base de shamatha, nous pouvons développer, grâce à la conscience discriminante, l’ état d'esprit exceptionnellement perceptif de vipashyana (lhag-mthong). Sans un état de shamatha comme base, il ne peut y avoir d'état réel de vipashyana. La constance mentale aide et soutient cet état de vipashyana. Par conséquent, il est certain que ces six attitudes de grande envergure sont toutes nécessaires pour entreprendre une pratique complète du Mahayana.

Il est également certain que ces six sont également des moyens habiles pour progresser dans notre pratique. Donner aux autres notre richesse et notre aide physique est une cause de prospérité. Grâce à l'autodiscipline éthique, nous évitons les actions imprudentes et inconsidérées du corps, ce qui nous aide à surmonter les distractions mentales. En ce sens, elle nous aide à nous concentrer. Si nous ne nous mettons pas en colère, nous avons la patience de mieux pratiquer. Avec la persévérance, nous ne nous décourageons pas. Grâce à la concentration et à la constance mentale, nous obtenons une félicité physique et mentale qui nous permet d'entrer dans des absorptions méditatives plus profondes qui suppriment temporairement les émotions perturbatrices grossières liées aux objets sensoriels du désir (le royaume du désir). Et avec la conscience discriminante, nous sommes capables de nous débarrasser pour toujours des émotions perturbatrices et de leurs tendances. Par conséquent, il est certain que les attitudes de grande envergure sont au nombre de six pour nous donner des moyens habiles adaptés à notre pratique.

Il est également certain que ces six attitudes de grande envergure nous aident à développer les trois entraînements supérieurs. En étant généreux, nous ne sommes pas attachés à nos richesses et notre entraînement supérieur à l'autodiscipline éthique devient pur. La patience nous permet de ne pas nous laisser abattre par les difficultés, ce qui nous aide également à maintenir notre entraînement supérieur à l'autodiscipline éthique. La constance mentale sert à l'entraînement supérieur à la concentration, et la conscience discriminante sert à l’entraînement supérieur à la conscience discriminante. La persévérance permet d’amener à la perfection ces trois.

Dans son Commentaire clarifiant le sens ('Grel-ba don-gsal, Skt. Sphutartha), de L’Ornement des réalisations de Maitreya, Haribhadra décrit l’attachement à notre foyer et à nos richesses, sans être généreux, comme un obstacle qui nous maintient dans le samsara. Sans autodiscipline éthique, nous commettons des actes destructeurs, souvent à cause de cet attachement. Sans patience, nous nous mettons en colère lorsque d'autres nous font du mal, ce qui nuit à notre pratique. Sans persévérance, nous sommes paresseux, nous remettons les choses à plus tard et nous nous décourageons. Sans constance mentale et sans concentration, nous nous laissons distraire et nous sommes entravés dans notre comportement constructif. Lorsque notre conscience discriminante est incorrecte ou corrompue, notre étude est inefficace et nous ne pratiquons pas ce que nous devrions. Pour surmonter les obstacles à notre pratique sur le chemin, nous avons besoin de ces six attitudes de grande envergure.

De plus, selon L’Ornement des soutras du Mahayana de Maitreya :

(XVI.14) La présentation (des six attitudes de grande envergure) suit un ordre où les dernières s'appuient sur les premières et en découlent, passant de leur statut d'inférieures à suprêmes, allant des plus grossières aux plus subtiles.

Autrement dit, les dernières attitudes de grande portée sont supérieures à celles qui les précèdent, et les précédentes supportent les dernières. L'ordre des six attitudes est donc important. Les premières sont inférieures dans le sens où les dernières sont plus difficiles à développer. En outre, chacune des six est progressivement plus subtile. Lorsque nous nous engageons dans des pratiques subtiles, nous avons besoin d'un esprit de plus en plus subtil. C'est pourquoi l'ordre des six est important et précis.

Enfin, dans L’Ornement des réalisations, Maitreya présente les six attitudes de grande envergure dans la section qui traite de la bodhichitta et de la pratique du bodhisattva. Il déclare :

(V.22ab) Dans chacune des (attitudes de grande portée), la générosité et ainsi de suite, ces (autres attitudes de grande portée) sont incluses.

Ainsi, chacune des six attitudes de grande envergure se complète dans chacune des autres.

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