L’impermanence pour surmonter la pensée confiante comme quoi « je ne mourrai pas »

Qu’est-ce que la mort ?

Quand on parle d’impermanence, automatiquement le sujet de la mort vient sur la table. Pourquoi la mort ? Quelle est la définition de la mort ? Des volontaires ?

La fin de la vie.

Très bien.

Quand cette expérience incarnée s’achève.

Parfait.

Quand la conscience quitte le corps.

D’accord. Excellent. Vous avez tous décroché un A+ ! Bien entendu, quand la conscience a quitté le corps, alors nous pouvons dire que telle personne est morte. Ici, il y a une légère difficulté, parce que nous devons croire à la conscience, et au fait que cette conscience soit capable de s’en aller. Qu’avez-vous dit ?

La fin de la vie.

Bien, mais c’est un peu comme si l’ « âme » se dissolvait, la dissolution des éléments grossiers. Pour moi, la mort c’est quand la possibilité de jouir ou d’expérimenter les apparences de cette vie n’existe plus. Quant à votre famille, celle-ci n’est plus votre famille. Une chose qui vous appartenait désormais ne vous appartient plus. Nous avons coutume de dire : « Ceci est mon droit. » Or, nous n’avons plus de droits désormais. C’est quelque chose que tout le monde peut accepter. Plus de droits.

Peut-être avez-vous lu ou écouté les enseignements sur Les Trois Principaux Aspects du chemin de Lama Tsongkhapa. Laissez-moi les paraphraser. Lama Tsongkhapa dit : « Les libertés et les opportunités de cette vie sont rares, et il n’y a pas de temps à perdre. Réfléchisssez-y encore et encore afin de chasser l’attachement à cette vie, afin de chasser l’attachement aux vies futures. Contemplez de façon répétée les infaillibles effets du karma ainsi que les souffrances du samsara. »

En bref, nous devons surmonter l’attachement à cette vie et aux vies futures. Peut-être êtes-vous des experts en anglais, mais j’ignore, quand on parle d’attachement en général, si c’est toujours négatif, ou si ça peut être positif ? Habituellement, c’est négatif ? C’est une question très contestable. En tibétain quand on dit döpa, désir, ce n’est pas négatif en soi. On a besoin de chag, le mot tibétain pour « s’accrocher », ce qui nous donne l’attachement associé à la saisie. Cela devient alors négatif. Êtes-vous d’accord ? Plus ou moins ?

C’est pourquoi, quelles que soient les choses que vous avez dans cette vie, vous devriez en jouir, en profiter ! Vous pouvez en disposer – sauf à avoir de l’attachement envers elles ! Sa Sainteté le Dalaï-Lama aime les montres. Quelques uns de mes très proches amis, des Rimpotchés, aiment toutes sortes de gadgets. Et voilà que ces grands maîtres parlent des inconvénients de l’attachement et du reste, alors qu’ils ont besoin de tant de choses ! C’est déroutant parfois. Nous devrions essayer de voir s’ils ont cette sorte d’attachement possessif ou non. Ressentent-ils de la tristesse ou ont-ils des attentes par rapport à ces choses ? Et, une fois qu’ils ont une chose, deviennent-ils complètement fous ? Une fois qu’ils la perde et ne l’ont plus, sont-ils tristes ? Tels sont les comportements que nous pouvons observer pour dire si quelqu’un a cette sorte d’attachement qui s’accroche ou non. Si tel n’est pas le cas, nous sommes sauvés.

Dépasser la pensée « je ne mourrai pas »

(7) Les amis du passé, pareils à nous en âge et en force, ont été emportés soudainement par le Seigneur de la Mort. Avec quelle espèce de confiance pouvons-nous donc prétendre que nous n’aurons pas peur quand l’heure de mourir arrivera ?

Une des conséquences les plus négatives de la croyance que nous ne mourrons pas est l’excès de confiance. À cause d’elle, nous commettons tant de choses négatives. Quelquefois, quand les grands maîtres entendent ou apprennent que des maîtres ou des amis proches sont morts, ils deviennent soucieux. Cela devient pour eux un signal pour rafermir leur pratique. Pour nous, nous faisons des prières de soutien quand les gens décèdent. Je place une petite offrande sur l’autel et je prie. Cela n’a pas beaucoup d’effet sur moi, et peut-être également sur vous non plus.

Il se peut que vous ayez fait la même expérience. Vous allumez la télévision et voyez une attaque terroriste où des gens sont morts, et vous vous dites : « Ah, comme c’est triste. » C’est triste « là-bas », mais rien de triste « à l’intérieur ». Nous ne pensons pas : « Peut-être que quelque chose de terrible m’arrivera aussi. Peut-être pas à cause de cette explosion mais peut-être quand je serai en train de voyager. » Cette pensée ne nous vient jamais, car nous avons une confiance excessive.

C’est pourquoi Konchog Tenpe Dronme a donné ce très bon exemple : cette comparaison avec de personnes du même âge, et sans doute en meilleure santé que nous, et qui sont mortes. 

Peut-être sommes-nous mentalement très en paix, et puis soudainement quelqu’un décède. Nous sommes choqués quand nous entendons cette nouvelle. Qu’est-il arrivé ? Cette personne était en meilleure santé que moi. Tout ceci nous vient à l’esprit, n’est-ce pas ? Les gens disent que le vide est très profond, mais les grands maîtres Kadampa disent, eux, que l’impermanence est très profonde. Pour des gens ordinaires comme nous, dès que nous entendons dire que quelqu’un de fort, en bonne santé, de plus jeune que nous ou du même âge, meure soudainement, automatiquement nous réagissons en disant : « Ce n’est pas juste. C’est incroyable. »

Automatiquement, nous avons cette sorte de réponse intérieure. C’est pourquoi l’impermanence est dite profonde. Êtes-vous d’accord ? Il y a une grande différence quant à la raison pour laquelle le vide et l’impermanence sont profonds. Nous pourrons discuter demain de savoir pourquoi le vide est profond. Il est très important, quand nous entendons une terrible nouvelle survenue dans le monde, que nous ne la voyons pas comme une chose lointaine. La façon de pratiquer des grands maîtres Kadampa est inspirante. Quand ils entendent ce genre de nouvelles, leur réponse n’est pas ordinaire. Ils regardent leur propre corps fait de chair et d’os et disent : « Bien sûr, cela arrivera car nous sommes faits de cette chose grossière absurde. Bien entendu, il est normal que je me sente mal à l’aise et malade. Cette auberge, ce corps que j’ai, est la source de toute souffrance. Bien sûr que je souffrirai. » Cette manière d’accepter la réalité est puissante. Pour des êtres ordinaires comme moi, je ne peux qu’imiter cette réponse, mais quand le moment arrive pour de vrai, je l’oublie !

Un de mes amis au Canada était dans ses quatre-vingt dixièmes années. C’était un ancien moine, et il avait reçu de si nombreux enseignements de grands maîtres comme Sa Sainteté le Dalaï-Lama, Kyabje Ling Rimpotché, Trijang Rimpotché et de tous ces grands maîtres. Et il était tellement fier d’être un Tibétain. Il remplissait tous ses engagements sans trop savoir. Quand nous discutions du bouddhisme, je voulais approfondir des points avec lui. Il paraissait être un vrai pratiquant et il en était si fier. Je lui ai posé de nombreuses questions. Nous en sommes arrivés au stade où il a dit : « Je n’ai pas de réponses détaillées, mais j’ai une très grande confiance dans le fait que quand je mourrai, je mourrai fièrement accompagné des bénédictions de Sa Sainteté et des autres. Je suis une personne très chanceuse. Même si je meurs ce soir, je mourrai avec le sourire. » J’ai pensé : « Très bien, à dire vrai, c’est une façon de mourir. » Plus de soucis, plus d’attachement, partir tout en douceur.

Deux ans plus tard, j’ai reçu des nouvelles de certains de ses parents. Ils disaient qu’il était à l’hôpital dans une situation critique et qu’il ne pouvait pas parler. Quiconque l’approchait, faisait qu’il se mettait à pleurer. J’ignore si c’était de bonheur. Sans doute pas. Parfois nous faisons montre d’une confiance vraiment excessive.

C’est pourquoi, dans la vie de tous les jours, chaque fois que vous entendez des nouvelles ou êtes confrontés dans votre famille à quelqu’un en train de mourir, gardez cet exemple à l’esprit. C’est une bénédiction pour votre pratique. Nous avons besoin de ce genre d’exemple. C’est la raison pour laquelle Konchog Tenpe Dronme place cet exemple ici.

Utiliser la mort pour conférer un sentiment d’urgence à la pratique du Dharma

(8) Même les moutons, qui sont parmi les créatures les plus stupides, sont inquiets quand ils voient leurs compagnons se faire égorger. Aussi, faute d’appliquer leur exemple à nous-mêmes, ne sommes-nous pas plus insensibles que de telles bêtes ?

Pourquoi des moutons ? Avez-vous un indice ? Pourquoi les moutons sont-ils considérés comme les plus stupides de toutes les créatures ?

Parce qu’ils suivent aveuglément ?

D’accord, ils suivent aveuglément.

Parce que si d’autres moutons vont être tués, néanmoins le mouton est… Il sait, mais…

Il n’a pas peur ? Non, ce n’est pas ça. Ceci est un exemple où même les moutons ont peur. Parfois, je ne suis pas sûr que de nombreux exemples aient un sens pour les non-Tibétains. Je considère les moutons comme très stupides à cause de leur manière de se battre. Quand ils combattent, ils se cognent la tête l’un l’autre, puis ils s’éloignent et se cognent à nouveau. C’est leur façon de se battre. Pour nous, cela paraît très stupide, j’ignore si cela fait sens pour vous ou non, mais c’est ainsi qu’on se sert des moutons comme exemple.

Assurément, les animaux savent quand on égorge leurs congénères. J’ai fait cette expérience une fois à Manali, alors que je visitai ma famille. Je voulais manger du poulet, mais mes parents et mon frère étaient occupés à quelque chose, je leur ai donc dit : « Je veux manger du poulet, je vais donc aller en acheter un. » Je suis allé chez le boucher et c’était la première fois que j’allais dans un endroit aussi horrible. Il y avait peut-être quatre ou cinq moutons sans tête, qui dégoûtaient de sang. À côté d’eux, il y avait une cage pleine de poulets. Ils étaient figés sur place, je pensai qu’ils avaient déjà été tués. Comme je m’approchais, je vis que leurs yeux clignaient. Maintenant je ne pouvais pas partir les mains vides. Je suis plein de compassion, mais je voulais manger ! Ce que j’ai dit au boucher c’était : « Avez-vous de la viande qui ne soit pas fraîche ? » « Oui, nous en avons. » Il est allé au réfrigérateur et en a sorti un poulet. J’ai pris le poulet et suis parti en courant ! Je regardais cette chair en pensant : «  Maintenant elle est déjà morte, donc ça va, je peux manger ça. » Mais j’avais toujours à l’esprit le clignement des yeux de ces pauvres poulets. Ce fut un vrai choc pour moi. 

Ma mère a cuit le poulet et a demandé : « Où as-tu trouvé ce poulet ? » Comme elle le cuisinait, elle avait remarqué que c’était une poule. Il y avait un œuf à l’intérieur. Ce fut vraiment une expérience forte, mais j’ai tout de même mangé le poulet ! Je continue de voir le clignement des yeux des poulets. Chaque fois que je parle de poulets, c’est cette image qui surgit en moi. La même chose s’applique ici. Quand les moutons sont égorgés un par un, ils n’ont aucune sagesse pour appeler à l’aide car ils sont très effrayés. Tels sont les animaux. Ils ne sont pas aussi intelligents que nous. Nous allons aux enterrements d’amis ou de la famille et disons : « Reposez en paix. » En Occident, nous portons des costumes, en Inde on s’habille en blanc pour faire montre de respect. Une fois l’enterrement terminé, la famille du défunt porte le fardeau de la tristesse, mais dans notre cas, pas tellement.

L’auteur veut faire une comparaison : qui est le plus sensible ? Soit ce sont les animaux qui sont les plus sensibles, soit c’est nous. Si nous sommes pris en otage par un terroriste, alors nous aurons un sentiment d’urgence, assurément ! Sauf à ressentir que notre temps est révolu, nous avons toujours des choses plus importantes à faire. 

Une fois, dans le Village du Haut des enfants tibétains, Sa Sainteté donnait une introduction au bouddhisme à la jeunesse tibétaine. Un étudiant lui posa une question : « Votre Sainteté, je me sens très heureux. Je n’ai pas beaucoup de problèmes dans ma vie, ai-je donc besoin de pratiquer ? » Je pensais que Sa Sainteté dirait : « Oui, bien sûr ! » Mais, au lieu de cela, il a dit : « Non, vous n’en avez pas besoin. Mais si vous voulez étudier ou faire des pratiques, alors faites-le sérieusement. » Tel fut le conseil de Sa Sainteté. Cela m’a paru profond. Un pratiquant est quelqu’un qui prend les choses très au sérieux. Les débutants peuvent y aller doucement, mais les gens qui ont déjà beaucoup étudié le bouddhisme doivent s’y engager d’une façon plus sérieuse. J’ai pris cela comme un conseil direct de Sa Sainteté adressé à moi alors que je le regardais en ligne depuis le Canada à cette époque. Grâce à la crainte de la mort, nous acquérons tant de qualités. Sans cette crainte, nous ne pratiquerons plus. Tel est l’avantage d’avoir peur de la mort.

La nature du corps est de mourir

(9) Que la nature de ce corps soit de mourir à un moment incertain peut se comprendre sans référence ou citation. Mais, si au moyen des sens nus vous ne le voyez toujours pas, alors votre désignation doit être à coup sûr celle d’ « idiot » !

Quand on parle du vide, on a besoin de beaucoup de logique et de raisonnement. Avec la bodhichitta, nous avons besoin aussi de logique et de raisonnement. Pour développer shamatha, nous avons besoin également de beaucoup de recherche et de dur travail. Mais ici, l’auteur nous montre comment cette pratique-là ne requiert pas de démonstration grâce au pouvoir des faits ou des arguments scripturaux. Nous n’avons pas besoin de cela comme support pour comprendre que nous mourrons tous et que l’heure de la mort est des plus incertaines. Si, malgré tout, votre attitude est de dire : « Je ne veux rien savoir à ce sujet et je ne m’en soucie pas », il est dit ici que vous devez être un idiot. En tibétain, on dit que vous êtes une personne qui devient aveugle après la naissance. Il y a des gens qui naissent aveugles, aussi leurs yeux donnent l’impression de voir, mais ils ne voient pas. Vous donnez l’impression de regarder des objets, mais vous ne voyez rien. Ceci devrait être la bonne traduction.

La nature de tout rassemblement est la séparation

(10) Cette réunion d’êtres chers, de domestiques et de personnes à charge est comme un tas de feuilles tombées d’un arbre – une rafale de vent les éparpillera par monts et par vaux, et une fois dispersées, elles ne convergeront plus jamais. 

Toutes les fois que Sa Sainteté donne des enseignements à un large public, il dit toujours qu’une fois réunis ensemble, à ce moment même la séparation est déjà implicite. Vous êtes tous ici, et moi aussi je suis là. Certains avaient prévu de venir, d’autres sont venus s’assembler comme des feuilles poussées par le vent, n’est-ce pas ? Puis, un autre vent survient et vous allez votre propre chemin et je vais mon propre chemin. Les membres de notre famille et nos ancêtres ont quitté ce monde et la famille. Ils se sont rassemblés puis se sont dispersés. Nous pourrions dire : « Avec un peu de chance, nous nous rencontrerons à nouveau », mais il n’y a aucune garantie. Cela peut aider les gens à garder des liens amicaux avec leurs familles.

Une fois que vous acceptez cela, quand vous avez l’occasion de vous réunir avec votre famille, cela apportera une plus grande paix. Mais vous avez cette crainte qu’un jour vous quitterez votre famille et la perdrez. Vous ne savez pas où vous pourriez aller, et vous ignorez où vos sœurs, vos frères et vos parents pourraient aller, et pas seulement en rapport avec la mort. À l’Ouest, c’est très courant, n’est-ce pas ? En général, une famille ne reste pas ensemble. Le plus souvent, quand un enfant obtient un travail, il a son propre appartement. Au Tibet, les familles restent ensemble. En Inde, aussi. C’est réellement douloureux de se séparer. Mais à l’Ouest, je ne pense pas que ce soit une chose tellement douloureuse, n’est-ce pas ? Cependant, pour les Tibétains, il est particulièrement triste d’être séparés de leurs familles. 

La fugacité de la vie de tous les jours

Le verset suivant contient un conseil très puissant. Je pense que nous en avons besoin, en particulier à l’Ouest.

(11) Des gens de différents endroits se pressant en foule dans un marché sont pareils aux abeilles qui se rassemblent à la fin de l’automne, dispersées aussitôt qu’assemblées : un enseignement sur le caractère éphémère de la vie pour celles et ceux doués d’entendement.

J’ai fait cette pratique à Times Square à New York. Je suis allé à Times Square en 2005. Il y avait tellement de monde. C’était très animé. Ce genre d’énergie vous fait vous sentir fort et énergique, même s’il fait nuit. Je me suis arrêté dans un coin et ai essayé de me souvenir de cette citation. Je ne suis pas resté longtemps. Je me suis rendu au square principal tandis que quelques Punjabis venaient pour profiter de la musique et faire des choses loufoques. Après 2 heures du matin, la belle sensation était partie, et tout ce qui restait, c’était des ordures, des tasses et des bouteilles. Toute la belle énergie s’en était allée.

C’est la même chose dans une boîte de nuit, n’est-ce pas ? J’y suis allé une fois. Ceci est un de mes sombres secrets ! Un de mes amis m’a invité. Il a dit : « Serkong, tu dois venir à une soirée. » J’ai acquiescé, pensant que c’était une soirée chez quelqu’un. Nous avions nos camarades de classe avec nous, quelque part dans Calgary. Il y avait un grand bâtiment avec deux hommes costauds devant. Je ne m’attendais pas à ça. J’étais avec mes amis et deux filles coréennes, mes camarades. Les filles entrèrent gratuitement et se dirigèrent aussitôt à l’intérieur. Les garçons, eux, doivent rester dehors où il gèle à -20°. Mes amis et moi tremblions de froid ! Nous avons attendu plus d’une demi-heure. Finalement, on nous a permis d’entrer à l’intérieur. J’ai pensé : « Ça y est, nous l’avons fait ! » On se sentait si bien à l’intérieur car il gelait dehors. 

Ensuite, il y avait un autre homme, grand, qui se tenait devant une immense porte. Il ouvrit la porte et ce que je vis était la chose la plus insensée que j’aie jamais vue. Je ne pouvais pas entendre mes amis parler. Même si je leur parlais dans les oreilles, ils ne pouvaient pas entendre. La musique était si forte. Et les gens dans ce lieu n’avaient pas l’air de se connaître bien les uns les autres, mais ils étaient tellement amicaux entre eux. C’est stupéfiant ! Des gens me dirent que je devais boire une bière. J’ai répondu : «  Non, désolé, je ne bois pas de bière. » J’ai envoyé un message à mes hôtes pour qu’ils viennent me chercher. Maintenant, je peux dire que je suis allé en enfer. Très vite, je suis parti en courant de cette soirée.

À cette époque, je ne pouvais pas pratiquer ce verset. Peut-être, quand vous rentrerez, irez-vous dans une boîte de nuit. Assurément vous devez y aller, mais, s’il vous plaît, essayez de penser de la sorte. Il se peut qu’après votre gueule de bois vous méditiez sur ce point. Ceci est un enseignement très puissant.

Exemples d’impermanence

(12) Prenez comme exemple le monde extérieur des éléments – ne soyez pas trompés par les étiquettes « été » et « hiver » – cela aussi ne dure pas, et, avec chaque dix jours qui passent, les montagnes et les vallées changent de couleur.

Pour nous, ce n’est pas réellement un enseignement. La majorité d’entre nous pense : « Chouette, profitons-en. » L’été est là. L’automne est l’époque où les feuilles tombent. Au Canada, c’est vraiment beau. Mais, même les éléments et les saisons montrent l’impermanence. Ceci est également un grand enseignement.

(13) L’eau bleue des sources ondule comme une danseuse et son cours produit une musique plaisante, mais, une fois saisie par la morsure glacée du gel, elle ne peut que murmurer comme si elle sanglotait de chagrin.

Ceci est une autre belle façon de montrer l’impermanence. Je n’ai pas besoin de rien expliquer ici.

(14) Combien plaisante la prairie avec ses fleurs qui dansent au chant des abeilles, mais tout tourne à la plainte et à la désolation quand l’automne dispense le gel cruel et la grêle.

Encore un verset où je n’ai rien à dire.

(15) Le fil de la vie est aussi fragile qu’une tresse de paille que deux souris rongent nuit et jour ; et à chaque instant qui passe, notre rencontre avec notre ennemie, la mort, se rapproche.

À nouveau, rien de spécial à dire à ce sujet. C’est un poème, n’est-ce pas ? C’est d’une grande aide. Si vous essayez de chanter en même temps, vous en titrerez une belle énergie. Je pense que c’est comme ça que ça marche. 

Le jeune comme le vieux, le riche comme le pauvre : tous peuvent faire face à la mort à tout moment

(16) Quand un enfant, jeune et florissant, peut tomber malade à en mourir et qu’il est pleuré par des parents dont les cheveux sont blancs comme une conque, leurs dos penchés aussi courbés qu’un arc, qui oserait dire alors que ce sont les anciens qui s’en vont les premiers ?

Nous ne pouvons rien garantir. Quand nous achetons quelque chose, nous voulons une garantie certifiée. Mais pour notre vie, nous ne pouvons pas obtenir de garantie. C’est pourquoi nous avons besoin d’une assurance-vie ! Il se peut que quelque chose m’arrive, et alors j’ai la possibilité de donner un peu d’argent à ma famille. Telle est la façon de penser des gens. Mais cela ne nous aidera pas d’allonger la vie. C’est quelque chose que tout le monde sait.

La plupart des gens prennent pour acquis qu’une fois qu’une personne est assez âgée, elle mourra bientôt. Tandis que les bébés et les adolescents, ainsi que les trentenaires et les quadragénaires, ressentent beaucoup d’énergie. On pense : «  Maintenant, j’ai tant de choses à faire. Je ne suis pas encore prêt pour mourir. » La majorité des gens pensent cela, n’est-ce pas ? C’est faire preuve d’une confiance excessive. C’est pourquoi nous devons avoir cette sorte de conscience. Sa Sainteté nous donne un conseil quand il dit : « Espérez le meilleur et préparez-vous au pire. » Il dit toujours cela aux gens.

(17) Frappé par l’adversité, comme la moisson par la grêle, l’homme riche peut se lamenter de sa perte et de sa situation désolée, mais ses appels à l’aide ont des chances de rester sans écho même auprès des pauvres serviteurs dont il avait pris soin dans le passé.

Pour les gens trop confiants qui possèdent la richesse, des amis, une bonne réputation – une fois que leur réputation décline et qu’ils font faillite, ou qu’une situation inattendue surgit et que la façon dont les gens les regardent change – pour ces gens qui ont beaucoup d’égo, c’est un gros problème. Quand ces choses arrivent, ils ne le supportent pas. Ils étaient très confiants quant à leur nom, leur renommée, et leur richesse. Mais quand ils ne sont plus riches et respectés, les autres agiront comme s’ils ne savaient même plus qui ils sont.

Nous serons préparés à ce genre de situation si nous comprenons qu’un nom célèbre et la richesse sont impermanents et temporaires. Pour aider à se préparer, nous pouvons réciter de manière répétée le mot « temporaire, temporaire ». Alors, dans le futur, nous pourrons affronter la réalité. Ne pas s’accrocher à la permanence est une chose dont nous devrions toujours nous souvenir. C’est un enseignement puissant, je pense.

(18) Dans la mesure où des paroles irréfléchies sont souvent mal interprétées, les alliés d’aujourd’hui peuvent se muer en ennemi de demain ; toutefois, cela peut fournir un enseignement qui mettra un terme aux notions fausses d’ennemi distant et d’ami intime.

J’ai fait cette expérience, et sans doute la plupart d’entre vous l’ont faite également, c’est sûr. Vous n’avez pas besoin de hocher de la tête mais, malgré cela, je sais que vous l’avez faite. Il y a celles et ceux que nous appelons nos amis, et, intentionnellement ou non, il se peut que nous fassions une plaisanterie stupide qui se solde par un dommage à notre amitié.

Nos amitiés sont faites d’une couche de glace très mince. Il n’y a aucune garantie, même si nous éprouvons de puissants sentiments, qui permette de savoir qui sont nos amis et nos ennemis. Très souvent, je fais des plaisanteries judicieuses. Quelquefois, j’ignore pourquoi mes amis les prennent tellement à cœur. Sans doute parce que c’est très dérangeant pour eux. Je peux en juger à la façon dont ils me regardent. Cela peut devenir une condition pour perdre des amitiés. J’essaie de faire très attention. Les maîtres Kadampa donnent ce conseil : « Quand vous êtes à l’extérieur avec des gens, mettez la conscience sur votre bouche. Quand vous êtes seul à l’intérieur, placez la conscience sur votre façon de penser. » C’est un message très puissant.

Nous aimons bavarder, n’est-ce pas ? À haute dose… Vous confiez à votre ami(e) un profond secret et lui demandez de ne le dire à personne. « Tu es mon ami(e) proche, et je vais te dire ceci. J’ai confiance en toi. » Et alors votre ami(e) ira voir quelqu’un d’autre et répétera ce que vous avez dit, et lui dira la même chose. Et, à un moment donné, votre secret vous revient. Et tourne le manège !

Il vaut mieux être conscient de ce que nous allons dire, si nous voulons garder pure notre amitié. Bien sûr, même cela n’offre pas de garantie, dans la mesure où, avec ou sans motivation ou intention, nous pouvons perdre des amis. Pour les gens qui pratiquent vraiment l’impermanence, quand de telles situations se produisent, ils peuvent accepter la réalité très facilement. Cela n’occasionne pas de grande secousse. Il se peut aussi que nous nous battions et devenions ennemis. Certains de mes amis disent : « Une fois que vous avez eu un grosse querelle avec quelqu’un, si ensuite vous devenez amis, cette amitié est très forte. » Mais il n’y a aucune garantie.

La célébrité et la richesse ne sont d’aucune aide au moment de la mort

(19) Les richesses du samsara sont réputées être des sources de fortune abondante ; mais, dans la mesure où une chandelle qui brûle semble être un palais pour un papillon de nuit, leur apparence séduisante n’a d’autre utilité que de nous tromper et nous mener loin du bonheur réel qui dure. 

Partout, on trouve de nombreuses citations qui aident, mais celle-ci est spécialement utile : je peux la réciter par cœur. Elle m’est d’une grande aide. Steve Jobs, avant de mourir, l’a réalisée. Il a dit que, toute sa vie, il a été occupé à faire tant de choses, sans cesse affairé. Il a eu le sentiment que finalement il parviendrait à profiter de sa vie. Mais, en fin de compte, il a réalisé que la mort est venue avant qu’il ait eu le temps de jouir de ce qu’il avait fait. 

C’est la même chose pour nous, nous sommes très occupés à gagner de l’argent et à développer une bonne réputation, mais nous ne serons pas capables d’utiliser tout l’argent que nous avons gagné. La bonne réputation que nous travaillons si dur à construire, nous ne l’utilisons pas à bon escient. Nous gâchons tant d’occasions. Nous passons nos vies à gagner de l’argent et à engranger une bonne réputation, et puis nous mourons.

C’est la même chose avec les insectes et les papillons de nuit. Ils virevoltent en jouant devant une lampe à beurre, aimant la manière dont elle les trompe. Et ils en meurent. Nous mourons avec notre richesse. Nous mourons avec notre renom. Nous les développons et puis c’est tout. Même si on se fait un nom comme Mère Teresa ou Martin Luther King, Jr., ces grandes figures meurent aussi. Tout ce qu’ils ont laissé au monde, c’est un bon exemple.

Mao Tsé-toung a dit dans l’une de ses conférences à l’université : « Vous devez étudier très dur et avoir une grande réussite. Je ne dis pas réussir dans un sens nécessairement positif. Vous pouvez aussi être négatif. Vous devez entrer dans les livres d’histoire afin que les gens sachent que vous avez existé. Sinon, vous naissez juste et puis vous mourez. » Je suis d’accord avec la moitié de sa conférence, mais nous devrions réussir et donner un bon exemple aux autres. Sans quoi, nous vivons, mangeons, puis mourons. Et c’est tout. Un insecte meurt, un personne meurt – c’est un peu pareil. Je ne veux pas dire que nous devons réussir par notre exemple aux yeux du monde entier – peut-être seulement à New York ou simplement au sein de notre famille, ou même aux yeux d’un ou deux amis qui ressentent la valeur que nous avons. C’est bien assez. Cela nous différencie du papillon de nuit.  

À l’heure de la mort, nous ne pouvons rien emporter avec nous

(20) En bref, le Seigneur de la mort arrivera bientôt – c’est sûr et certain – même si le moment de sa venue ne nous est pas connu. Et quand il viendra, il n’y aura pas d’échappatoire : une fois que vous êtes pris dans ses griffes effrayantes,
(21) Même le corps que vous avez connu depuis si longtemps doit rester dans son lit, tandis que vous allez seul, privé même de jeter un regard en arrière sur votre richesse, vos amis ou vos serviteurs.

Cela ressemble à un récit d’horreur, n’est-ce pas ? Mais c’est vrai, que nous l’arrangions d’une belle façon ou d’une façon terrifiante. À l’heure de mourir, la richesse et les amis ne peuvent nous aider. Quand vous êtes en prison, vous pouvez peut-être faire appel à votre grand patron et être remis en liberté sous caution. Mais quand les gens doivent faire face à la réalité de la mort, tous ceux qui apparaissent si dignes de confiance, voilà que leurs visages pâlissent et qu’ils ne peuvent parler. C’est un grand défi : je l’appelle le test final. Au moment de mourir, un vrai pratiquant devrait être très calme et accepter le fait comme faisant partie de la vie. C’est ce que dit Sa Sainteté. La mort est une partie de la vie. Si nous la refusons, cela devient un problème.

(22) Toute aide apportée aux alliés et toute amélioration des ennemis, poursuivies si inlassablement au cours de cette vie, doivent maintenant être abandonnées pour le dernier voyage. Le seul bagage ? – vos vertus, vos défauts.
(23) Alors, sur le chemin inconnu de l’état intermédiaire, vous devrez faire face à l’armée du Seigneur redouté de la Mort ; et, trompés par les fortunes du samsara, vous serez perdus, car même à la vue de vos fautes, tout regret alors sera vain.

Laissez-moi partager une histoire. C’est arrivé au père d’un de mes amis au Népal. Il adore parier. D’habitude, les Tibétains ne dorment pas dans la chambre où il y a un autel, au lieu de cela ils ont une pièce spéciale pour tous leurs objets saints. Mais ce vieil homme n’avait aucune dévotion, disant : « Vous avez décoré magnifiquement cette pièce où il y a un autel, je vivrai donc là. »

Oh, ce n’est pas bien du tout d’agir ainsi, mais il resta dans la pièce où il y avait l’autel et fit beaucoup de choses qu’il n’aurait pas dû y faire. Et sa famille ne pouvait rien dire à cause de son attitude autoritaire. Un jour, sa respiration devint laborieuse, et il trépassa. Il n’était pas certain qu’il soit mort ou non. Sa famille se réunit, accompagnée de parents en visite, et se mit à pleurer.

Après quelques instants, il se réveilla. Ils étaient surpris et ne savaient pas quoi faire. Il lui demandèrent : «  Que s’est-il passé ? » Il a répliqué : « Je pense que je suis mort pendant une minute. » Ils ne pouvaient tout simplement pas le croire. Tout doucement, il partagea son expérience : « Oh ! L’expérience de ma mort a été remarquable. Je ne cessais de tousser avec quelque chose en travers de ma gorge. Je ne voulais pas lâcher mais alors soudainement j’ai eu envie de lâcher très facilement. Et puis j’ai sombré dans le noir. Il n’y avait rien. Ensuite j’ai eu le sentiment de courir pour aller chercher de l’aide, mais il faisait très sombre et, tout à coup, j’ai réalisé que mon corps physique n’était pas avec moi. Mais, malgré tout, je ressentais le besoin urgent de chercher de l’aide. Je pouvais entendre des cris et quelqu’un qui me pourchassait. Je n’ai pas osé regarder en arrière. Je sentais que la seule chose que je devais faire, c’était courir. J’avais l’impression qu’il devait y avoir un trou de souris quelque part. Si je pouvais trouver une petite cavité, je pourrais m’y cacher. Je me sentais si fatigué et j’ai juste dit : « Oh, Dalaï-Lama ! » Alors une lumière est apparue, de plus en plus brillante, et je me suis réveillé. » 

À partir de ce moment-là, le pauvre homme continua de dormir dans la pièce de l’autel, mais d’une façon différente. Il ne jouait plus à parier en cet endroit et, au lieu de cela, passait son temps à lire, pratiquer, et écouter des enseignements des grands maîtres en préparation à la mort. C’était une expérience à partager.

Nous nous arrêterons là pour aujourd’hui. Ceci clôt les deux catégories de paresse, celle d’être accaparé par les choses mondaines, et celle de ne rien vouloir faire. C’est votre tâche de discerner si ces citations sont dans la bonne catégorie. Pour moi, ces deux catégories sont terminées. Demain, nous parlerons de la paresse du découragement ou du sentiment d’indignité. Nous pourrons finir ce texte demain.

Top