Qu’est-ce que la nature-de-bouddha ?
Le sujet de ce séminaire concerne les cinq sagesses-de-bouddha ou, comme je préfère les appeler, les cinq sortes de conscience profonde. Je trouve que l’expression cinq sortes de sagesse est moins précise et utile car tout le monde les possède, y compris le ver de terre et le cafard. N’est-il pas un peu singulier de dire qu’un cafard possède les cinq sortes de sagesse ? Notre sujet, ces cinq sortes de conscience profonde, est en vérité contenu dans le sujet plus général de la nature-de-bouddha.
Maintenant, qu’entendons-nous par nature-de-bouddha ? En général, on fait référence à ces facteurs qui permettront à chacun d’entre nous de devenir un bouddha. Plus spécifiquement, ils nous permettront d’atteindre les divers différents types de Corps d’illumination ou Corpus d’un bouddha. Il y aurait beaucoup à débattre à propos des Corps d’un bouddha, ainsi que sur les différents types de facteurs de la nature-de-bouddha qui nous permettent de les réaliser, mais tel n’est pas l’objet de notre séminaire.
Commençons par une vue d’ensemble de la nature-de-bouddha. Tout le monde possède les facultés du corps, de la parole et de l’esprit. Nous disposons d’une sorte de corps qui nous permet de faire des choses. Le corail, qui est en vérité une espèce d’animal marin, ne peut pas faire grand-chose avec son corps, mais il peut au moins manger. Nous avons une forme de langage parlé ; et même si nous sommes muets et ne pouvons émettre aucun son, la parole fait référence à la faculté qui nous permet d’une certaine façon de communiquer avec les autres.
Nous avons également un certain type d’esprit : nous avons tous l’aptitude à comprendre des choses et à les ressentir émotionnellement. Même un insecte connaît la peur. Par exemple, vous posez votre doigt devant une fourmi, et elle se met à courir dans la direction opposée. De toute évidence, la fourmi éprouve la peur d’un danger potentiel et comprend qu’il y a quelque chose d’effrayant sur son chemin. Nous pouvons voir que, bien que ces diverses facultés puissent ne pas être hautement développées, néanmoins nous avons tous un corps, une parole et un esprit.
Du fait que nous disposons d’un certain niveau de corps, de parole et d’esprit, nous pouvons les développer plus avant. Si nous les développons au niveau le plus élevé, nous aurons alors le corps, la parole et l’esprit d’un bouddha. Après tout, un bouddha, lui aussi, possède un corps, une parole et un esprit.
C’est de cela dont nous parlons, en termes très généraux, quand nous parlons de la nature-de-bouddha. Il y a des choses telles que les facultés du corps, de la parole et de l’esprit que nous avons tous et qui nous permettront de développer les diverses caractéristiques d’un bouddha. La nature-de-bouddha n’a rien à voir avec la nature, toutefois, cette terminologie est utilisée pour une certaine raison dans nos langues occidentales.
Prenez quelques instants pour digérer cela et tâchez d’obtenir une certaine compréhension de ce que l’on entend par ces facteurs de la nature-de-bouddha.
[Réflexion]
Qu’est-ce que l’esprit ?
Au sein de l’esprit, en tant que l’un de ces facteurs de la nature-de-bouddha, on trouve de nombreuses subdivisions. Il est important de noter que l’on ne parle pas d’une sorte d’objet physique ou même de quelque chose d’immatériel à l’intérieur de nos têtes. Quand on parle de l’esprit, on fait référence à l’activité mentale. Si on en discute en termes très généraux, il s’agit de l’expérience individuelle subjective de quelque chose. Ainsi, c’est éminemment individuel. Chacun ou chacune a sa propre activité mentale individuelle.
Par exemple, ma vision d’un film n’est pas votre vision du film. C’est subjectif dans la mesure où ce qui me fait plaisir n’est pas nécessairement ce qui vous fait plaisir. Il s’agit juste de l’expérience d’une chose. Par exemple, nous pouvons expérimenter le fait de voir cet objet sur la table et ne pas savoir ce que c’est. Ne pas savoir est aussi une façon d’expérimenter, n’est-ce pas ? Nous parlons ici de faire une expérience dans les termes les plus généraux. Bien entendu, nous pouvons être plus technique quand on discute de la véritable définition de l’esprit, mais ce n’est pas non plus l’objet de ce séminaire.
Qu’est-ce que la conscience profonde ?
Comment expérimentons-nous vraiment les objets ? Quel est le mécanisme le plus fondamental ou la structure grâce à laquelle nous expérimentons les choses ? Nous pouvons décrire cette structure comme étant les cinq sortes de conscience profonde. Conscience est un terme au spectre très large, voulant dire faire l’expérience de quelque chose. Cela ne signifie pas nécessairement que nous savons ce qu’est une chose ou que nous la comprenons. Quand nous examinons les façons de connaître les choses, par exemple, nous pourrions savoir que nous ne comprenons pas quelque chose, ou bien nous ne pourrions pas savoir que nous ne comprenons pas. Comme on peut le voir, il s’agit d’une catégorie très large.
Cependant, dans tous les cas, nous avons ces diverses façons d’être conscients de quelque chose ou d’en faire l’expérience. Le mot profonde est ajouté à l’expression dans la traduction tibétaine du terme sanskrit pour indiquer qu’elles sont fondamentales. Certaines personnes traduisent ce mot par primordiale. Avec l’une ou l’autre traduction, la connotation est que ces cinq sortes de conscience sous-tendent toutes les diverses façons de connaître ou de savoir les choses, et qu’elles existent depuis des temps sans commencement. Une activité mentale sans commencement ou un continuum mental sans commencement veut dire qu’ils ont toujours été là. Telle est la véritable connotation du mot profonde ; nous avons tous ces sortes de conscience profonde.
Niveaux de la base, du chemin et du résultat
La nature-de-bouddha est toujours discutée en fonction de trois niveaux. Le niveau de la base est ce que nous avons tous maintenant. Le premier niveau fournit les matériaux de travail pour devenir un bouddha. Nous n’avons pas besoin de chercher à l’extérieur de nous pour trouver ces matériaux de travail, dans la mesure où tout le monde les possède en son sein, même les insectes et les vers de terre. La reconnaissance de ce niveau de base de ces facteurs nous offre un certain encouragement. Nous pouvons voir que nous avons véritablement les outils de travail et que nous pouvons y accéder et les utiliser.
Le deuxième niveau est connu comme le niveau du chemin. C’est le niveau grâce auquel nous travaillons avec ces facteurs en tant que chemin qui nous conduira à la libération et à l’illumination. Ce niveau est très étendu parce qu’il comprend tous les différents stades de développement entre là où nous en sommes maintenant et la bouddhéité. Les étapes des cheminements de l’esprit décrivent fondamentalement un trajet d’évolution. Il ne s’agit pas, toutefois, d’une évolution naturelle. Elle n’est pas semblable à la théorie darwinienne de la sélection naturelle. Nous devons travailler nous-mêmes sur ces chemins afin de progresser en passant par des phases toujours plus élevées d’évolution.
Enfin, le troisième niveau est le niveau résultant, le résultat de ce processus auto-évolutif. L’issue finale est l’atteinte du niveau d’un bouddha.
C’est pourquoi, quand on regarde les différentes manières d’être conscient de quelque chose – ces cinq sortes de conscience profonde – elles possèdent un niveau de base, de chemin et de résultat. Nous devons aussi comprendre que quand on parle de ces cinq sortes de conscience profonde, nous les avons toujours toutes les cinq travaillant ensemble en réseau. Nous ne pouvons pas en avoir seulement une ou deux.
Examinons maintenant très grossièrement le niveau de base de chacune de ces cinq sortes de conscience puis nous aborderons chacune d’elle plus en détail plus tard. D’abord, nous commençons par essayer de les reconnaître en nous. À ce niveau, rappelez-vous que nous cherchons, dans notre façon d’expérimenter les choses, quelque chose que nous partageons en commun avec tout le monde. Nous ne parlons pas de quelque chose de terriblement sophistiqué, mais plutôt d’un aspect très basique.
Conscience profonde du niveau de base pareille à un miroir
La première de ces cinq sortes de conscience profonde est appelée la conscience profonde pareille à un miroir. Maintenant, « miroir » est utilisé en tant qu’analogie très générale. Ce n’est pas précis du tout ; un terme plus précis serait « caméra ». Nous parlons d’engranger de l’information. L’analogie du miroir n’est pas utilisée au sens de quelque chose qui reflète une image, mais qui enregistre de l’information. Nous ne parlons pas non plus seulement d’information visuelle. En vérité, on fait référence à de l’information venant de n’importe lequel des sens et du royaume mental aussi bien.
On capte de l’information en termes de vues, de sons, d’odeurs, de goûts et de sensations physiques. Dans le royaume mental, on capte de l’information à propos d’émotions, et de la manière dont nous nous sentons et de ce que nous pensons, ce genre de choses.
La première sorte de conscience profonde est l’un des facteurs de notre nature-de-bouddha, quelque chose que nous avons tous, le ver de terre y compris. Le ver de terre enregistre de l’information également, n’est-ce pas ? Afin de ramper, il a besoin de recevoir de l’information sur ce qui se trouve devant lui. La conscience profonde pareille au miroir est quelque chose avec laquelle nous pouvons travailler, en développant de plus en plus cette qualité. Il s’agit d’une caractéristique très fondamentale de la manière dont l’esprit fonctionne, n’est-ce pas ? Afin d’expérimenter quelque chose, nous devons d’abord engranger de l’information. Notre esprit fait cela. Appeler cela une sagesse semble un petit peu étrange.
Niveau de base de la conscience profonde de l’égalisation
La deuxième sorte de conscience profonde est appelée la conscience profonde de l’égalisation, qui est la capacité d’assembler l’information. Nous captons de l’information et, pour être capables de la comprendre, nous devons assembler cette information avec d’autres informations similaires, issues d’expériences antérieures par exemple. Autrement dit, nous devons la mettre dans une catégorie ou un schéma afin de savoir ce qu’est une chose.
Par exemple, nous voyons un objet et enregistrons l’information de cet objet et l’assemblons avec d’autres objets qui lui ressemblent. Il s’agit là d’égalisation avec d’autres objets similaires afin de savoir, dans cet exemple, qu’il s’agit d’une table. Si nous ne faisions pas cela, nous ne pourrions jamais savoir ce que c’est, n’est-ce pas ? En outre, nous faisons cela automatiquement. Le ver de terre, lui aussi, fait cela. Comment diable le ver pourrait-il savoir d’une chose qu’il s’agit de nourriture quand il la voit s’il ne l’assemble pas à d’autres objets similaires, d’autres exemples de nourriture ? Une fois encore, il s’agit là d’un processus très basique. Nous ne faisons que mettre ensemble des choses compatibles.
Au niveau de base, quand nous captons d’abord l’information, nous n’avons pas besoin de savoir ce que veut dire l’information. Nous le savons grâce à un autre type de conscience profonde, la cinquième, dont nous parlerons dans un moment. De même, avec la conscience profonde de l’égalisation, nous n’avons pas besoin de savoir de quelle manière elle est égale ni ce que signifie la catégorie dans laquelle elle se range, etc. De nouveau, c’est la cinquième sorte de conscience profonde qui sait cela. Ici, la conscience profonde de l’égalisation fait simplement référence à l’activité très basique d’assembler les choses.
Ce que j’ai décrit est un type très basique d’activité mentale qui se produit toutes les fois que nous expérimentons quelque chose. Ce n’est pas conscient ; cela se produit de façon automatique. Si nous voyons un objet, nous n’affichons pas un menu dans notre esprit avec toutes les possibilités de ce que cela pourrait être, pour ensuite choisir dans quelle catégorie le ranger. En vérité, il est très étonnant que cela se fasse automatiquement. Cependant, nous n’entrerons pas dans la physiologie de ce phénomène parce que je n’ai aucune idée de la manière dont cela fonctionne au niveau physiologique.
Pour être un petit plus précis concernant la conscience profonde de l’égalisation, on ne parle pas d’une conscience de l’égalité, comme s’il y avait une égalité qui soit une espèce de chose solide et connaissable et que nous connaissions cette égalité. Nous ne parlons pas de ça. Nous faisons plutôt référence à une activité qui fait s’assembler les choses, et de ce fait les égalise. Ces deux types de conscience sont assez différents, n’est-ce pas ? Nombreux sont celles et ceux parmi nous qui n’ont peut-être pas étudié la philosophie ou la métaphysique, nous ne sommes donc pas sensibles à ce genre de distinctions. Cependant, une fois expliquées, ces distinctions ne sont pas si difficiles à comprendre, et elles sont réellement significatives pour nous aider à comprendre les choses plus précisément.
Notre esprit est incroyablement compliqué et la façon dont il fonctionne est extrêmement sophistiquée. Par exemple, si nous voulons réparer une vieille montre mécanique qui possède quantité de petits éléments mobiles, nous devons d’abord tout savoir à son sujet très précisément afin d’être capable de découvrir ce qui ne va pas et comment la réparer. Notre activité mentale, notre esprit sont pareils. L’esprit n’est pas une machine cependant. Quand on parle d’esprit dans le bouddhisme, on parle d’une activité mentale très complexe et sophistiquée. Nous devons la comprendre avec une grande précision pour être en mesure de la réparer, ce qui est notre objectif dans le bouddhisme. Quand notre activité mentale ne marche pas très bien, cela nous cause beaucoup de problèmes.
Le niveau de base de la conscience profonde de l’individualisation
La troisième sorte de conscience profonde, la conscience profonde individualisante, est le type de conscience profonde qui individualise un article. Ce n’est pas qu’elle connaisse l’individualité d’une chose ; elle individualise l’information égalisatrice qui est captée. Notre activité mentale enregistre l’information de toutes ces formes colorées que nous pourrions voir en face de nous et égalise certaines d’entre elles. Elle égalise une partie de l’information visuelle en une catégorie que la cinquième sorte de conscience profonde identifierait comme la catégorie des femmes, par exemple. Mais avec la conscience profonde de l’égalisation, nous sommes simplement conscients que ces formes colorées et pixels s’assemblent en une catégorie. Il s’agit d’égaliser et d’assembler une information en un groupe.
Maintenant, au sein de ce groupe, notre activité mentale peut individualiser un article. Cette capacité nous permet de spécifier un membre de la catégorie comme différent des autres. Dans la cas de la catégorie des femmes, une fois encore c’est la cinquième sorte de conscience profonde qui sait qui est Gabi par opposition à Alice. Comme je l’ai dit, ces cinq sortes de conscience profonde travaillent en réseau et opèrent simultanément. Au sein de ce réseau, cette conscience profonde particulière individualise un élément à l’intérieur du groupe.
Il y a ce film documentaire fantastique sur la vie des pingouins manchots en Antarctique. Le film documente comment les partenaires mâles s’aventurent dans l’océan pour manger du poisson et revenir après un certain temps. Il y a un troupeau composé d’une centaine de milliers de pingouins qui pour nous paraissent totalement identiques, mais pas pour un pingouin. Chacun de ces pingouins mâles peut individualiser au sein de ce troupeau quelle est sa partenaire. C’est assez extraordinaire, non ? Cette aptitude est un exemple de la conscience profonde de l’individualisation.
En vérité, c’est également étonnant si on examine cela à propos des êtres humains. Nous pouvons dire assez facilement la différence entre différents êtres humains. Toutefois, si nous revenions après nous être éloignés et que notre partenaire se trouvait dans une foule de cent mille personnes, nous aurions besoin d’utiliser notre conscience profonde individualisante pour le ou la trouver.
De toute évidence, la conscience profonde de l’individualisation et la conscience profonde de l’égalisation ne fonctionnent pas seulement avec l’information visuelle. Elles fonctionnent aussi avec le son de la voix des gens. Le chien s’en sert avec le sens de l’odorat. Nous le faisons avec le goût, n’est-ce pas ? Nous goûtons un fruit, par exemple, et enregistrons l’information. Nous l’égalisons avec des goûts similaires que nous avons eus, en sorte qu’avec la cinquième conscience profonde, nous savons qu’il s’agit d’une papaye. Nous pouvons alors l’individualiser de telle façon que nous savons, à nouveau grâce à la cinquième conscience profonde, que cette papaye n’est pas très mûre. Rien de particulièrement surprenant ici ; nous parlons de manière très basique de la manière dont l’esprit fonctionne.
Le niveau de base de la conscience profonde de l’accomplissement
La quatrième sorte de conscience profonde est la conscience profonde de l’accomplissement. Il s’agit de la conscience grâce à laquelle nous pouvons accomplir ou faire quelque chose avec un objet. Par exemple, mon activité mentale capte l’information visuelle de cet objet sur la table et l’égalise avec d’autres objets similaires que j’ai précédemment perçus. C’est sur cette base que, grâce à la cinquième conscience profonde, je saurai que c’est un verre d’eau. Ensuite, j’en suis conscient grâce à la conscience de l’individualisation. C’est sur la base de cette conscience que j’individualise ce verre et, de nouveau grâce à la cinquième conscience profonde, que je sais qu’il s’agit de mon verre d’eau et non celui de la personne qui traduit. D’autre part, la conscience profonde de l’accomplissement est la conscience de se relier à cet objet, de faire quelque chose avec. Une fois encore, c’est la cinquième sorte de conscience profonde qui sait quoi faire avec l’objet. Ici, la conscience profonde de l’accomplissement est seulement la conscience qui s’avance pour faire quelque chose avec. Dans cet exemple, avec la cinquième conscience profonde, nous savons comment le soulever, le porter à notre bouche, le tourner un peu vers le haut afin de pouvoir boire de l’eau. Toutefois, avant de faire ça, il doit y avoir la conscience de s’engager avec cet objet, de faire quelque chose avec.
C’est la raison pour laquelle, de manière plus spécifique, la conscience profonde de l’accomplissement est la conscience avec laquelle notre énergie s’avance vers un objet avec lequel ou auquel nous ferons vraiment quelque chose, même si c’est pour n’en rien faire et le laisser de côté. De nouveau, cette sorte de conscience profonde est très basique. Tout le monde la possède, y compris le ver de terre. Le ver ne pourrait pas manger quelque chose sans cette conscience car il ne saurait pas quoi faire avec l’objet qu’il voit.
Le niveau de base de la conscience profonde de la sphère de la réalité
La cinquième sorte de conscience profonde est techniquement appelée la conscience profonde de la sphère de la réalité, dharmadatu en sanskrit. Par commodité, faisons-y référence comme à la conscience profonde du réel ou conscience profonde de la réalité. Cette sorte de conscience profonde possède plusieurs niveaux. Le niveau le plus basique est la conscience de la réalité conventionnelle des choses. Elle fonctionne toujours en association avec les quatre autres sortes de conscience profonde.
Quand nous captons une information grâce à la conscience profonde pareille à un miroir, grâce à cette conscience profonde du réel nous savons ce qu’est cette information. Comme avec le ver de terre, nous n’avons pas besoin de mettre un mot dessus ; mais un ver, en un sens, saurait juste de manière très générale qu’il s’agit d’un objet visuel. De cette façon générale, nous captons de l’information et savons qu’il s’agit d’un objet visuel, ou d’un son, d’une odeur, ou d’un goût.
Si on pense en termes d’informatique (d’un ordinateur) qui ne connaît que les « zéros » et les « uns », il doit toujours y avoir malgré tout une fonction qui différencie que les zéros et les uns signifient une image sur un écran, ou un son, ou quelque chose d’autre. Les impulsions électriques entrent et nous savons qu’une chose est une information visuelle, sonore, odorante, ou gustative. Ici, nous ne parlons que de la conscience profonde de la réalité qui va de pair avec la conscience profonde pareille à un miroir pour savoir ce qu’est l’information captée, un son par exemple.
Avec la conscience profonde de l’égalisation, par exemple nous assemblons cette information avec d’autres sons. La conscience profonde de la réalité, travaillant en réseau avec ceci, sait qu’il s’agit du son d’une voix. Grâce à la conscience profonde de l’individualisation en réseau avec la conscience profonde de la réalité, nous saurions qu’il s’agit de la voix de notre mère, par exemple, et pas juste d’une voix en général. Grâce à la conscience profonde de l’accomplissement, nous saurions comment nous relier et nous engager avec ce son. Grâce à la conscience profonde de la réalité, nous saurions comment nous y relier et donc quoi faire ; dans cette situation, ce serait de parler et de dire quelque chose en réponse à la voix de notre mère.
Il est stupéfiant que nos cerveaux puissent véritablement faire tout ça. Toutefois, comme je l’ai dit, le vrai mécanisme physiologique impliqué dans le fonctionnement du cerveau est au-delà de la portée de mon savoir. Cependant, dans le bouddhisme on parle de l’esprit, et il est certain que l’activité mentale fait tout cela. De nouveau, c’est très basique. Il n’y a rien de spécial à propos de cet aptitude de l’esprit.
Prenez un moment pour réfléchir à ce qu’on entend par conscience profonde de la réalité.
[Réflexion]
Comme je l’ai mentionné, la conscience profonde de la réalité possède plusieurs niveaux.
Au niveau le plus simple, nous avons conscience de ce qu’est une chose, et à un niveau plus profond, nous savons comment elle existe. La compréhension la plus profonde serait la conscience profonde du vide ou de la vacuité d’une chose. De tout évidence, la plupart d’entre nous ne la possède pas maintenant, et le ver de terre certainement pas non plus. Mais nous pourrions avoir des niveaux plus simples de la conscience profonde de la réalité des choses.
Par exemple, nous pourrions avoir la conscience profonde de la réalité que les choses changent. Maintenant, bien entendu, il se pourrait que nous imaginions que notre belle allure et des choses de ce genre ne changeront jamais. Cependant nous ne parlons pas de ce niveau. Nous pouvons par exemple simplement savoir le changement de la réalité des choses quand nous engageons une conversation avec quelqu’un. Si nous n’étions pas conscients que quelqu’un a dit quelque chose d’autre, ou que l’humeur a tourné, ou que les chose sont changé au cours de notre interaction avec quelqu’un, nous serions réellement incapables d’avoir une conversation avec quiconque, n’est-ce pas ? Savoir la réalité que les choses changent est vraiment important dans nos talents sociaux de base pour être en mesure d’avoir de bonnes relations les uns avec les autres. Les plans changent, un grand nombre de choses change. Tout ceci fait partie de la sphère de la réalité, la conscience profonde de la réalité.
Réfléchissez-y un moment. Quelqu’un dit quelque chose et deux minutes plus tard il dit quelque chose de différent. Quand nous captons cette information, nous savons qu’il a changé d’idée à propos de quelque chose. Comment savons-nous qu’il a changé d’idée ? C’est en utilisant cette sorte de conscience profonde de la réalité. Sinon, l’information que nous entendons serait déconnectée.
[Réflexion]
Résumé
Telles sont les cinq sortes de conscience profonde. Elles sont les outils que nous possédons tous pour devenir un bouddha et pour développer le niveau résultant de ces cinq sortes de conscience profonde que possède un bouddha. Elles sont des aspects de notre nature-de-bouddha. Mais nous devons aussi reconnaître que pour l’instant, à leur niveau de base, les cinq sortes de conscience profonde sont très limitées. Nous avons besoin d’un cheminement de pratique afin de pouvoir les développer plus avant et avec moins de limitations. Nous devons aussi comprendre leur niveau résultant, c’est-à-dire, une fois dépourvues de limites, la manière dont ces cinq sagesses fonctionneraient dans le cas d’un bouddha. Quand nous saurons tout cela, nous comprendrons alors vraiment ce que nous faisons dans notre pratique bouddhique.
Au cours de ce séminaire, nous interrogerons nos limites courantes au sein de ces cinq sortes de conscience profonde, et nous apprendrons quelques exercices pour nous aider à développer de plus en plus ces sagesses. Fondamentalement, nous voulons comprendre ce vers quoi nous travaillons, qui est l’état d’évolution le plus élevé que nous pouvons atteindre.
Questions
Il est très clair que les deux premières sortes de conscience profonde travaillent sur la totalité des six champs sensoriels, mais est-ce que les consciences de l’individualisation et de l’accomplissement opèrent seulement au niveau sensoriel (sans le niveau mental) ?
La conscience profonde de l’individualisation peut certainement travailler au niveau mental. Nous captons une information à propos de notre état émotionnel, par exemple, et l’assemblons avec une autre information. Parallèlement, nous en connaîtrions la réalité comme étant une dépression ou une humeur triste. Puis, en l’individualisant, nous saurions qu’aucun moment de tristesse ou de dépression que nous éprouvons n’est exactement le même et qu’il s’agit juste d’un moment particulier que nous avons à ce moment-là. Grâce à la conscience profonde de l’accomplissement, nous pouvons nous relier à ce moment particulier de tristesse dont nous pourrions faire l’expérience et, grâce à la conscience profonde de la réalité, savoir qu’il a surgi de causes et de conditions spécifiques, et non pas simplement de façon générale. Grâce à la conscience profonde de la réalité, nous saurions également comment nous relier à cette tristesse ou à cette dépression particulière. Si notre conscience de l’individualisation n’était pas très bien développée, alors nous appliquerions toujours le même remède, la même solution, chaque fois que nous sommes tristes.
Comme autre exemple, examinons le fait d’avoir faim. En ressentant la faim, nous pourrions toujours manger la même chose ; cependant, du fait que nous pouvons l’individualiser, nous savons que maintenant nous aimerions manger un certain type de nourriture. Nous nous relions à notre sentiment de faim d’une façon individuelle.
Si nous avons existé depuis des temps sans commencement, alors nous avons eu l’occasion de tout expérimenter. En un sens, rien ne serait totalement neuf parce qu’il y aurait toujours la possibilité de l’égaliser avec une expérience antérieure, en est-il ainsi ?
Superficiellement, cela pourrait paraître ainsi, mais cela n’autorise pas les gens à faire des choses différentes et nouvelles. Dans toute conversation que nous entendons, nous pourrions avoir entendu ces mots auparavant, mais est-ce que cela signifie que nous avons entendu ces phrases exactes exprimées exactement de la même façon une fois dans le passé ? Cela semble peu vraisemblable, même en tenant compte d’un temps infini. Par exemple, si nous utilisons un ordinateur, est-ce que cela veut dire, si l’on prend en compte un temps infini, que nous avons dû utilisé un ordinateur à un moment donné du passé dans quelque autre univers ? Je ne sais pas réellement si c’est le cas.
En général, nous pourrions dire que nous avons tout expérimenter. Il est très clair dans les enseignements que tout le monde a été notre mère et que nous avons été la mère de tous les autres, et que nous avons aussi été des rois et des reines, et toute forme de vie. En général, on peut le dire, mais j’ignore si on peut le dire dans un sens plus spécifique. Par exemple, nous n’avons jamais fait l’expérience d’être un bouddha auparavant. C’est un bon exemple. Il y a aussi des choses que nous pouvons expérimenter pour la première fois, comme de développer la bodhichitta, et ensuite, pour la première fois, de ne jamais l’abandonner.
Ai-je compris correctement que la conscience profonde de l’égalisation est quelque chose d’automatique et non un processus mental de catégorisation ?
La conscience profonde de l’égalisation est le processus de classification et de catégorisation des choses, mais c’est seulement la conscience profonde de la réalité qui saurait de quelle catégorie et de quelle classification il s’agit. La conscience profonde de l’égalisation assemble les choses en groupes ; toutefois, elle ne fonctionne pas exclusivement comme base pour la cognition conceptuelle. Elle peut aussi servir de base pour la cognition non conceptuelle. Par exemple, nous pouvons avoir un amour égal pour tout le monde. C’est la raison pour laquelle la conscience profonde de l’égalisation assemble parfois les choses en catégories et en classifications, et parfois non. Comme avec l’exemple d’un amour égal envers tout le monde, ou d’avoir une compassion égale pour tout le monde, nous devons d’abord mettre tout le monde dans un même groupe. Ce groupe est la catégorie des êtres vivants qui veulent être heureux et ne pas être malheureux. Un caillou, par exemple, ne rentre pas dans cette catégorie. Cependant, nous pourrions placer le caillou et la personne ensemble dans une autre catégorie, telle que la catégorie des « choses contre lesquelles nous pouvons nous cogner dans l’obscurité ».
Selon ma compréhension des cinq sortes de conscience profonde qui viennent d’être expliquées, il semble que même un ordinateur perfectionné peut accomplir ces cinq activités. Par exemple, il existe une machine conçue pour jouer aux échecs, d’accord ? Elle peut engrangé de l’information, elle peut individualiser chacune de pièces sur l’échiquier, et elle peut décider quoi faire. Est-ce que cette machine peut posséder ces cinq sortes profondes de conscience ? Cela me fait flipper.
Afin de résoudre votre dilemme, nous devons revoir la définition du fait d’expérimenter une chose. En ce qui concerne les cinq agrégats, il y a l’agrégat qui consiste à ressentir un niveau de bonheur ou de malheur. On le définit comme le facteur mental grâce auquel nous expérimentons les résultats de notre karma. Donc, expérimenter quelque chose veut dire éprouver un niveau de bonheur ou de malheur associé à ces cinq sortes de conscience profonde. Il se peut que l’ordinateur soit capable d’accomplir les fonctions des cinq sortes de conscience profonde, mais il ne se sent pas heureux quand il gagne ou malheureux quand il perd. Dans ce sens, l’ordinateur n’a pas d’activité mentale à la façon dont les bouddhistes définissent l’activité mentale, bien qu’il ait une activité informatique.
Utilisons mon exemple favori, Star Trek (La Guerre des étoiles), où nous avons l’androïde appelé Data, le très intelligemment nommé. Data fait toutes les choses que vous décrivez, mais Data n’a pas de sentiments. Il ne peut ni se sentir heureux ni malheureux. Il est seulement une machine et, en tant que machine, il se languit d’être humain. Telle est la différence fondamentale entre une machine et un être vivant. Contrairement aux machines, les êtres vivants font l’expérience des choses avec bonheur ou malheur.