Quand on récite la prière de refuge, on dit : « Par la force de ma générosité et du reste… » Il est bon de savoir qu’on peut modifier cette phrase selon le contexte. Donc, si on est en train de se prosterner, on peut dire : « Par la force positive de me prosterner devant les boudhhas et les bodhisattvas. » Si on écoute des enseignements du Dharma, on peut dire : « Par la force positive d’écouter les enseignements du Dharma… » Il est bon de le faire de la manière la plus précise possible. Essayez de vous souvenir de cela, s’il vous plaît. OK, récitons maintenant la prière de refuge.
Jusqu’à mon illumination, je prends refuge en les Bouddhas, le Dharma, et la plus Haute Assemblée. Par la force positive de ma générosité et du reste, puissé-je atteindre la bouddhéité pour le bien de tous les êtres.
Reprenons rapidement les précédents versets et essayons de nous souvenir des points les plus importants. Tous les jours, essayez d’examiner vos actes. Sont-ils positifs ou négatifs ? Si vous notez quelque chose de positif, vérifiez pour voir si cela est inclus dans les versets enseignés par Gyalse Togmé Zangpo. Si c’est inclus dedans, alors c’est merveilleux ! Si cela ne semble pas y être, bon, on ne peut pas y ajouter ce qu’on veut comme on veut. Vérifiez donc à nouveau l’action. Peut-être est-elle reliée à quelque chose qui se trouve dans les versets ? C’est réellement une bonne chose de revoir nos actes de cette façon. Il ne s’agit pas de dire : « Oh, si Gyalse Togmé Zangpo et Sa Sainteté l’ont dit, nous devons donc le faire. » Ce n’est pas une mauvaise motivation, mais elle n’est pas suffisante. Cela doit venir du cœur, même s’il s’agit d’une chose aussi simple que d’aller piqueniquer, qui semble faire partie de la vie normale comme on dit. Bien entendu, nous devons sortir avec nos amis, il n’y a rien de mal à cela. Mais il y a tant de distractions comme celle-là. Et tellement de distractions réellement stupides, également. Comment pouvez-vous rendre le piquenique plus positif ? Essayez de réfléchir à ce qui, dans vos actes est constructif et à ce qui est destructeur.
L’importance d’avoir de bons amis
(5) La pratique d’un bodhisattva est de nous débarrasser des mauvais amis, lesquels, quand on s’associe à eux, font croître les émotions empoisonnées ; nos actes d’écoute, de réflexion, et de méditation en viennent à diminuer ; et notre amour et notre compassion se réduisent à trois fois rien.
Gyalse Togmé Zangpo veut que nous ayons de bons amis et ici, dans ce verset, il nous fournit une définition de ce que sont les bons amis. La plupart d’entre nous menons une vie plutôt sociale, et une grande partie des informations que nous obtenons nous vient de nos amis. Nous sommes donc vraiment beaucoup influencés par eux. Un grand maître du Tibet a dit que les mauvais amis n’apparaissent pas ornés de cornes, mais viendront un sourire aux lèvres pour essayer de nous aider. C’est nous-mêmes qui sommes en mesure de juger si leur « aide » est juste ou néfaste. C’est à nous de décider.
Pour trouver des exemples, nous pouvons examiner nos propres vies. Avons-nous été positivement influencés par des amis ? Avons-nous été négativement influencés ? Et de quelle manière ? Quand on parle d’amis destructeurs, il est important de faire remarquer de ne pas prendre cela de façon très solide comme si l’ami était seulement un ami destructeur. Ce n’est pas ainsi qu’il faut faire. Il y a des bonnes et des mauvaises parts chez tout le monde, et nous devons seulement prendre les bonnes parts. Et quand on se penche dessus, où se trouve réellement cette « mauvaise part » ? Et où est la « bonne part » ? Le mode de pensée est similaire à celui dont on se sert quand nous pratiquons la méditation analytique sur le vide. Cela nous donne l’opportunité de nous calmer et de penser : « Où est ce bon ami « à nous » ? Où est ce mauvais ami « nôtre » ? » Ultimement, il n’existe rien de tel qu’un bon ou un mauvais ami. Si c’était le cas, alors les bons amis seraient toujours bons et les mauvais, mauvais. C’est ainsi que nous voulons raisonner quand nous sommes très attachés ou très en colère. C’est la raison pour laquelle nous disons : « Je ne leur parlerai jamais plus ! » Et si quelque chose de bien se produit, nous disons : « Ce sont mes meilleurs amis. » Telle est notre façon de penser.
Nos sentiments changent d’une minute à l’autre. Notre meilleur ami, tout à coup, se change en notre pire ennemi. Peut-être était-ce dû à une simple façon de dire quelque chose, juste quelques mots. Il peut n’y avoir eu rien d’intentionnel, mais nous le prenons mal. Ce peut être aussi simple que cela. Il est vraiment drôle de voir à quelle vitesse nous étiquetons les gens en bons amis ou mauvais ennemis, sans plus de recherche ou d’analyse. Mais en réalité, il n’y a rien à quoi s’accrocher et rien envers quoi avoir de la haine.
Quand Gyalse Togmé Zangpo parle d’amis destructeurs, il ne pointe pas nécessairement du doigt quelque chose ou quelqu’un de solide. Quelle est donc la définition d’un mauvais ami ? Il dit :
…quand on s’associe à eux, ils font croître les émotions empoisonnées…
En vérité, cela se trouve en nous. On s’engage de moins en moins dans l’étude, la réflexion et la méditation. C’est une forme de paresse ou de vue fausse. Nous avons déjà en nous cette sorte de paresse et de vision erronée, donc quand nous sortons avec quelqu’un qui a les mêmes sentiments et ne travaille pas à les surmonter, c’est comme un encouragement pour notre ignorance paresseuse. L’écart entre le Dharma et notre propre pratique augmente de plus en plus. Même si nous étudions cinquante ans et pratiquons comme notre gourou nous le conseille, il n’y a pas de grand changement. En vérité, souvent les choses empirent ! Il se pourrait que nous ayons lu tous les soutras et les tantras, mais notre façon de penser et de vivre se détériore. Nous disons : « J’ai passé ma vie à étudier le bouddhisme, mais cela ne m’a pas changé. » C’est absurde ! Pourtant, nombreux sont les gens qui disent ça. Et la raison en est de ne pas avoir de bons amis.
Tout d’abord, nous devons reconnaître que l’ennemi est en nous. Quand nous choisissons un ami qui a la même façon de penser que nous, notre propre façon de penser y trouve une sorte de soutien logique. Notre cerveau humain est très intelligent. Nous pouvons faire preuve de tant de raisonnements quand notre façon de penser est correcte. La question est que nous n’avons pas le pouvoir de combattre en retour, et nous baissons les bras en quelque sorte. Nous pensons : « Ce type donne une si bonne explication selon laquelle il n’y a pas de vie suivante, que cela semble plus intéressant ! » Et donc, nous suivons cette voie. C’est triste, car nous ne pensons jamais aux résultats de ces façons de penser. Peu importe la beauté du Dharma et de notre pratique, nous perdons tout grâce à notre « bon » ami. Nous avons tous ce genre d’amis. Nous devons en premier identifier ces tendances en nous, puis les voir chez nos amis.
La majorité d’entre nous reconnaissent la manière dont nos émotions fonctionnent à l’intérieur de nous. « Tu as dit quelque chose de mal ». Avant de nous mettre irrationnellement en colère après notre ami, nous devrions lui être reconnaissant de nous avoir indiqué que nous avons mal agi, à l’instar d’un maître qui nous guide. Nous devrions penser de manière positive et être reconnaissant de l’occasion qu’il nous offre. Nous pouvons ensuite réfléchir un peu pour savoir si notre ami a vu juste ou s’il s’est trompé à notre propos. Si ce n’est pas vrai, vous pouvez dire : « D’accord, c’est ta façon de penser, je n’ai rien fais de mal. » Quand nous sortons avec des amis qui boivent de l’alcool et bavardent, nous devrions réfléchir pour savoir si cela a un mauvais effet sur notre pratique ou non. Que pouvons-nous apprendre de chacune des situations dans lesquelles nous nous trouvons ?
La compassion sans frontières
À l’Ouest, je trouve qu’il existe une mauvaise façon de penser à la compassion. Bien sûr, les Occidentaux diront que la compassion est magnifique, mais nombreux sont ceux qui diront également qu’elle a ses limites. En 2015, quand il y a eu le grand tremblement de terre au Népal, je vivais au Canada. Ma professeure, sur le chemin de l’école, avait écouté la radio et entendu parlé de la tragédie. Nous en avons donc discuté un peu en classe. Nous en avons parlé un moment, puis, après cinq ou dix minutes, elle a dit : « Bon, concluons ! C’est perturbant mais cela arrive partout dans le monde, je ne peux rien y faire. Personnellement, j’ai tellement de problèmes moi-même, cela me rend folle de garder inutilement à l’esprit ce genre d’événements. » C’est un exemple de jusqu’où peut aller une compassion limitée ! Si nous sommes un bodhisattva pratiquant, c’est ultimement très choquant. Sinon, ce qu’elle a dit est un peu vrai, n’est-ce pas ?
Par exemple, il arrive qu’on voie des gens se battre. Doit-on s’interposer ? Probablement non, car on pourrait être sérieusement blessé. Nous nous contentons donc de rester à regarder. Quelquefois, c’est tout ce que nous faisons. Dans la pratique, il n’est pas toujours facile d’agir avec compassion.
Donc, quand nous sommes avec nos amis, nous devons les écouter, mais nous devrions aussi avoir nos propres réponses. Du fait que je suis un admirateur des bodhisattvas, je me disais que, même si ce qu’elle dit paraît assez vrai, ce n’est toujours pas la manière correcte de penser. J’ai donc appelé ma professeure et lui ai fait part de mes pensées, et elle a répondu que de son côté ses sentiments étaient authentiques. Mais à mon avis, en tant que pratiquant de la bodhichitta, nous devons penser de manière incommensurable. Cela ne veut pas dire que nous nous rendrons personnellement au Népal, nourrirons tout le monde et distribuerons des couvertures. Notre esprit n’a pas besoin d’un visa pour aller au Népal. Ce qu’on fait c’est de ressentir dans notre esprit une connexion avec tout le monde. C’est ainsi que nous venons en aide avec notre cœur et faisons que notre compassion ou bodhichitta devienne plus forte.
En tibétain, nous avons le terme « sem-kye ». « Sem » est le mot tibétain pour le mot sanskrit « chitta », qui veut dire esprit, et « kye » veut dire générer, rendre plus grand. On utilise aussi le terme « sem-kye » pour décrire la bodhichitta. Nous avons tous un esprit, un « chitta », et tous nous avons une forme de compassion. Mais nous devons la faire croître. Tous nous avons aussi des obstacles. Pourquoi les obstacles augmentent-ils ? À cause du l’amour de soi. Quand nous avons un bon travail, gagnons beaucoup d’argent, et sommes occupés chaque jour, nous pouvons devenir assez étroits d’esprit. Ou bien nous ne nous focalisons que sur nos propres objets. Il se peut même que nous entendions parler d’un ami qui a besoin d’une aide urgente mais alors nous pensons : « En fait, je ne le connais pas plus que ça ; ce n’est pas réellement mon problème. » Rien ne s’allume dans notre cœur car notre connexion aux autres peut être à ce point limitée.
C’est la raison pour laquelle, quand nous récitons la prière de refuge, nous n’incluons pas seulement notre propre famille, nos bons amis, nos maîtres, etc. Il ne devrait pas en être ainsi. Nous devons inclure chaque être en particulier, car tous on le droit d’être heureux et de se libérer de la souffrance. Tous ont besoin d’aide. Cela inclue même tous les bodhisattvas également. Notre cœur est si compatissant et notre but est si grand, que nous incluons même un bodhisattva de la dixième terre qui est un million de fois meilleur que nous. Et nous incluons aussi dans nos prières une personne ignorante, hautement néfaste. Mais il est également très important, même si nous donnons quelques pièces de monnaie à un mendiant que nous rencontrons, de ne pas penser en même temps : « Oh, ce n’est qu’un misérable mendiant qui n’a rien à manger. » Ce genre de compassion n’est pas de la grande compassion. Je n’appelle même pas cela de la compassion. Cela ressemble plus à de la pitié pour cette personne, et alors nous ressentons à notre égard une forme de bonne conscience pour avoir été capable de donner quelque chose.
En vérité, dans ce genre de situation où quelqu’un a besoin d’aide, nous devrions penser : « Si je ne le fais pas, qui le fera ? » Le matin, nous récitons nos prières et parlons des mérites de la générosité, et le mendiant nous donne une chance de pratiquer pour de vrai. Nous devrions donc être très reconnaissants et donner aux autres avec respect. Nous devrions être très heureux que les autres nous donne la chance de pratiquer la générosité et développer la bodhichitta. Alors l’acte de donner sera très pur. Sinon, c’est comme quand les Tibétains voient un chien de rue, tout pelé et couvert de croûtes infectées, nous y allons d’un « oh, ce pauvre chien ». Pour le coup, il ne s’agit pas de compassion réelle ; cela ressemble plus à de la pitié.
Pratiquer réellement la compassion voudrait dire que nous irions vers le chien et lui donnerions ce dont il a besoin. Nous ressentirions profondément combien de temps ce chien a souffert, et combien de temps il renaîtra comme chien, et quel genre de renaissance il aura ; nous penserons même à la possibilité que nous-même puissions prendre ce genre de renaissance et combien terrible ce serait. Nous voudrions très fortement savoir s’il existe un quelconque moyen d’éliminer ce type de renaissance ? Oui, cela s’appelle « moksha », ou libération en français. Nous sommes capables d’atteindre la libération, mais elle ne nous est pas seulement réservée. Ce chien, lui aussi, est capable d’atteindre la libération dans le futur. Si nous pouvions apporter la libération à tout le monde, ne serait-ce pas la plus merveilleuse des choses ? Quand notre pensée va dans ce sens, elle devient alors bodhichitta.
Le bon conseil au bon moment
Revenons au verset. Nous avons besoin de bons amis. En vérité, les meilleurs amis que nous puissions avoir, c’est le Sangha, l’un des Trois Joyaux. Si nous écoutons vraiment leurs conseils, nous saurons automatiquement quand notre comportement est destructeur ou constructif. Nous saurons si nos autres amis sont bons ou mauvais. Et nous verrons aussi les bonnes qualités de nos mauvais amis et les mauvaises qualités de nos bons amis. Quand nous sommes avec nos amis, nous pouvons les écouter et essayer de les conseiller dans la bonne direction. Si nous pouvons les aider à changer, alors c’est très bien. Si nous ne le pouvons pas, c’est bien aussi, ce n’est pas si grave. Parfois, il s’agit plus de moment. Le moment doit être juste, nous devons donc faire attention au moment où nous donnons un conseil.
C’est comme avec mon ami Alex qui a été mon traducteur dans ma vie passée. Il m’aime beaucoup. Quand j’étais très jeune, je ne me souciais pas réellement d’étudier. Je voulais juste jouer à des jeux vidéo toute la journée. Parfois il était très strict et me disait : « C’est très mal, vous ne devriez pas jouer à ces jeux, ils ont une mauvaise influence. » Je me disais : « Oh, allons ! » J’avais juste envie de lui dire de s’en aller. Haha ! Bien sûr, maintenant je vois que ce qu’il disait était tout à fait vrai. Cela dépend donc beaucoup du moment approprié. Nous devons connaître le bon moment pour instruire et conseiller nos amis. Nous devrions être très habiles. C’est pourquoi le Bouddha a senti que la libération à elle seule ne serait pas en mesure d’aider les autres. Nous avons besoin de la pleine illumination pleinement omnisciente. Sans omniscience, nous ne pouvons pas aider les autres à 100% ; nous pouvons peut-être les aider à 40 ou à 60%. Mais avec l’omniscience, nous pouvons tout voir et sentir le moment propice, et tout marche à la perfection.
Rechungpa et la pierre précieuse
Rechungpa, le disciple du grand maître Milarepa, était très beau. De son côté, Milarepa, lui, n’avait pas belle allure. Tout ceci est décrit dans les textes. Rechungpa n’était pas très satisfait d’avoir Milarepa pour maître. Il avait l’impression que Milarepa n’avait aucune éducation et n’était pas un guéshé mais un simple laïc, un modeste pratiquant. Il demanda à Milarepa : « Quelles sont les six perfections ? » Milarepa sourit et répondit très brièvement : « Aller de l’endroit où tu es vers un meilleur endroit, c’est une perfection. » En vérité, cette réponse bien que courte est très puissante ! Mais pour Rechunpa, ce n’était pas assez. Il dit à Milarepa qu’il voulait aller étudier avec des guéshés très savants. Milarepa lui dit : « D’accord, tu peux t’en aller, va ! » Milarepa savait, grâce à son esprit omniscient, qu’il devait le laisser partir et étudier avec d’autres maîtres.
Mais, grâce à son omniscience, Milarepa savait qu’il était le seul maître parfait convenant à Rechungpa. Ils avaient une connexion karmique que Rechungpa n’était pas capable de voir. Milarepa le laissa donc partir. À cette époque, il n’y avait pas de taxis, Rechungpa dut donc marcher pendant de nombreux jours et semaines. Au cours de son voyage, il eut besoin d’un endroit où demeurer et, une nuit, il frappa à la porte d’une maison et une belle fille en sortit. Rechungpa demanda s’il pouvait rester pour la nuit et s’il pourrait avoir quelque chose à manger pour le dîner. Elle dit oui, et sa famille l’invita à entrer. Il y avait une forme de contact visuel entre Rechungpa et cette fille, qui sait ce qu’il arriva !
Rechungpa décida de rester un jour de plus. Cette fille prit son collier, lequel possédait une pierre précieuse, et le donna à Rechungpa en disant : « C’est un signe de mon amour pour toi. S’il te plaît, prends-en soin. » Rechungpa inclina la tête et le prit, puis continua son voyage. En chemin, il rencontra de nombreuses personnes qui parlaient de Milarepa, un maître d’un aspect peu engageant d’après eux mais qui donne de solides enseignements et est un grand pratiquant.
Finalement, il rencontra un grand maître avec beaucoup d’étudiants. Il écouta ce maître et, à la fin des enseignements, le maître joignit ses mains sur son cœur et dit que, bien qu’il n’ait pas rencontré Milarepa directement, il avait beaucoup appris de lui. Des larmes coulèrent des yeux de ce grand maître. Rechungpa était réellement étonné, pensant : « Peut-être devrais-je m’en retourner et rester avec Milarepa. Trop proche de lui je n’obtenais rien, alors que tous ces maîtres obtiennent tellement en étant loin. »
Rechungpa prit donc le chemin du retour vers Milarepa. Sur la route, la belle fille lui revint à l’esprit et il pensa lui faire une visite. Avant d’arriver, il rencontra un mendiant indigent qui avait vraiment besoin de nourriture et de vêtements. Une grande compassion s’éleva dans le cœur de Rechungpa, et il se demanda ce qu’il pourrait offrir à ce mendiant. Il se souvint de la pierre précieuse que la fille lui avait donnée. Il se dit que le mendiant serait très heureux et en mesure d’acheter beaucoup de nourriture et de vêtements. Il la donna donc au mendiant. Puis il se rendit chez la fille. Elle lui demanda comment tout s’était passé, et où se trouvait la précieuse pierre. Rechungpa lui dit : « Il y avait un mendiant qui en avait plus besoin que moi, je la lui ai donc donnée. » Elle se mit à crier, à pleurer, et s’emporta, cédant à sa colère. Il vit son mauvais côté et toute l’affection qu’il éprouvait envers elle disparut automatiquement.
Il s’en alla le jour suivant et revint vers Milarepa, se prosterna par trois fois et partagea les histoires et les instructions qu’il avait reçues du grand maître. Avant qu’il pût continuer, Milarepa l’arrêta et dit : « La fille t’a donné une pierre précieuse. Tu l’as donnée à un mendiant. En revenant la voir, tu as découvert le mauvais côté de cette femme. » Rechungpa répondit : « Oui. » Milarepa sourit : « Tu penses que ce grand maître vaut beaucoup mieux que moi, mais, en fin de compte, tu es revenu et fais mon éloge. Toutes ces choses qui te sont arrivées, je les ai fait se produire. Si tu pars à nouveau, tu ne trouveras rien ! »
Telle est la magie merveilleuse de la manière dont les bouddhas peuvent nous aider. La morale de l’histoire est que, grâce à la bénédiction du Bouddha, même si le Bouddha ou un grand maître n’est pas physiquement avec nous, nous pouvons apprendre quelque chose de toutes les bonnes et mauvaises choses qui nous arrivent. Les enseignements des bouddhas et de nos maîtres nous les apprenons à partir de nous, dans notre for intérieur. Mais nous oublions toujours ce point. Le grand enseignement de Milarepa à Rechungpa, ce sont toutes les péripéties par lesquelles il a fait passer Rechungpa.
Chérir nos maîtres spirituels
(6) La pratique d’un bodhisattva consiste à chérir plus que notre corps nos saints maîtres spirituels grâce à qui, en nous fiant à eux, nos fautes viennent à s’épuiser et nos bonnes qualités à croître comme la lune montante.
Ce verset est tout à fait vrai. Quand j’ai des problèmes, je vais voir mon maître. Aucune question n’est posée, mais en restant simplement assis à côté de lui, des choses positives se manifestent. Quand des pensées destructives surviennent, aussitôt et automatiquement je me dis : « Non je ne peux pas penser ainsi ! » Le plus stupide cependant, c’est d’écouter mon maître et de penser : « Oui, c’est la chose juste ! » et que vingt ou trente minutes plus tard, c’est le même vieux moi. Nous entendons notre maître parler de la grande compassion et nous ressentons une telle inspiration, mais celle-ci s’évanouit rapidement. C’est comme d’avoir perdu quelque chose de précieux. À vrai dire, nous devrions avoir l’impression d’avoir perdu un diamant précieux et nous devrions penser : « Je dois le retrouver maintenant ! » Nous pouvons alors écouter notre maître à nouveau et acquérir de plus en plus de force. C’est ainsi qu’il faut faire.
Si quelqu’un vous demande à quel point vous respectez Sa Sainteté le Dalaï-Lama, vous direz sûrement : « Immensément. » Combien précieux est Sa Sainteté ? « Très précieux. » « Pouvez-vous donner votre vie pour lui ? » « Quoi ?! » Mais si vous tombez profondément amoureux, nul doute que vous ferez tout pour protéger votre bien-aimé(e). Vous serez à ses côtés pour offrir votre protection chaque fois que vous le devrez. Quand vous pensez aux maîtres et à leur précieux savoir, à la manière dont cela vous aide et vous mène à l’illumination, vous devriez ressentir que si vous perdez cela, que vous arrivera-t-il ? Vous voudrez garder cela. C’est très important.
Donner une direction sûre à notre vie
(7) La pratique d’un bodhisattva est de prendre une direction sûre dans les Joyaux Suprêmes, en cherchant protection auprès de celles et ceux qui ne nous déçoivent jamais – car de qui les dieux mondains peuvent-ils protéger, quand eux-mêmes sont toujours enfermés dans la prison du samsara ?
Un point en relation avec ce verset a impliqué Sa Sainteté dans une controverse. Ces derniers temps, Sa Sainteté ne parle plus beaucoup du culte de certaine figure particulière, mais Sa Sainteté a fait de très fermes déclarations à son propos, et pour de bonnes raisons. Il se préoccupait au sujet de notre refuge. Si notre refuge n’est pas pur, alors nous n’empruntons pas la direction d’être bouddhiste. Il était très préoccupé. De quel genre de refuge avons-nous besoin ? Nous devons prendre refuge en quelque chose de beaucoup plus puissant que nous. Cette force n’est pas physique mais mentale, par exemple, le Bouddha, l’Omniscient, son amour pour nous, son pouvoir, sa façon de savoir ce que nous ressentons. Il connaît tout complètement. Quand on parle du pouvoir du Bouddha à nous aider, il s’agit de ses enseignements, le Dharma. Le Dharma, ce ne sont pas juste des sermons ou quelques beaux textes. Il s’agit de la propre expérience du Bouddha. Il l’a vérifiée par lui-même et a trouvé que c’était la seule voie vers l’illumination, il nous a donc délivré les enseignements. C’est cela le Dharma, et c’est la cessation même.
Sur ce chemin vers l’illumination, nous avons besoin d’aide. Nous l’obtenons du Sangha. C’est comme à l’hôpital, il y a le docteur, l’infirmière et la médecine. Le Bouddha est pareil au docteur qui prescrit la médecine, le Dharma, pour notre maladie, la souffrance. Le Sangha, ce sont les infirmières qui nous aident à prendre les remèdes. Mais il arrive parfois que nous oubliions l’importance des trois. En réalité, les Occidentaux sans aucune culture bouddhique traditionnelle font mieux que le gens de la vallée de Spiti d’où je viens. Ces derniers sont traditionnellement bouddhistes, accomplissent magnifiquement tous les rituels, mais ils n’ont guère de connaissances à propos du Bouddha, du Dharma, et du Sangha. En particulier du Dharma. En vérité, ils ne sont pas très curieux ni intéressés. Quand un lama donne une initiation et porte de beaux habits, automatiquement ils ont l’impression que tous leurs obstacles s’en vont magiquement sur le champ. Cette manière de penser arrive à l’Ouest également. C’est dangereux. C’est comme une maladie. C’est comme avec la plupart des religions, la plupart des pays bouddhistes perdent la pureté du bouddhisme.
J’ai étudié dans un monastère en Inde du Sud. Nombreux étaient les Tibétains qui assistaient aux poujas. Nous étions des milliers de moines et nous faisions souvent des poujas et des prières. Les Tibétains venaient faire des offrandes, les mains jointes, au Bouddha. En fait, ils restaient juste quelques secondes puis se rendaient dans les chapelles des protecteurs. Là, il y a tellement de gens qui font des rituels ! L’odeur y est assez différente, avec des lampes à beurre et d’autres offrandes. Ils y restent longtemps en prière. Même si Sa Sainteté le Dalaï-Lama nous enseigne sans interruption tous les enseignements bouddhiques nécessaires, nous les ignorons malgré tout. Quand nous rencontrons des obstacles, nous faisons vite des poujas protectrices. Nous oublions complètement que le protecteur ultime est le Bouddha lui-même. Dans nos prières au gourou, nous disons : « Vous êtes mon Gourou, mon Bouddha, mon protecteur », néanmoins nous avons l’impression qu’il existe un protecteur spécial, comme Palden Lhamo, qui est totalement différent et plus puissant que Sa Sainteté. Sa Sainteté ne nous enseigne que le bouddhisme, ah ! ah !, c’est tout.
Je pense, bien sûr, que Gyalse Togmé Zangpo a donné cet enseignement spécifiquement pour les Tibétains, en disant que les dieux mondains sont toujours des êtres sensibles piégés dans le samsara. Ils éprouvent jalousie et aversion tout comme nous, comment donc pourraient-ils vraiment nous aider, et comment pourraient-ils être notre refuge ? Si la caractéristique principale de notre prise de refuge est que nous voulons sortir du samsara, alors ils ne nous serviront certainement pas de refuge. Si nous sommes étroits d’esprit et que tout ce que nous voulons est une bonne vie et nous venger de nos ennemis, alors ces dieux mondains pourraient être notre refuge. Mais c’est une telle perte de temps, un tel gâchis. Notre but est d’obtenir la pleine illumination, pas uniquement de la bonne nourriture, de beaux habits, un nom et la célébrité. Nous recherchons la pleine illumination. Le Bouddha, le Dharma, le Sangha sont notre seul refuge.
Quand Atisha se rendit au Tibet depuis l’Inde, des lamas et des érudits tibétains montés sur des chevaux et habillés de brocarts vinrent à sa rencontre pour l’accueillir. C’étaient des moines. Quand Atisha vit cela, il partit en courant. Il dit à deux de ses étudiants : « Vite, courons, les maîtres tibétains arrivent ! » C’est le premier enseignement qu’il donna au Tibet. Nous ne devrions pas nous laisser impressionner par des choses mondaines comme celles-là. Nous devrions faire très attention.
Se réfréner d’avoir des comportements destructeurs
(8) La pratique d’un bodhisattva est de ne jamais commettre d’actes négatifs, même au prix de notre vie, car le Sage Compétent a déclaré que les souffrances extrêmement difficiles à endurer des pires états de renaissance sont les résultats d’actions négatives.
Ici, Gyalse Togmé Zangpo parle des royaumes inférieurs. Donc, en premier, nous devons examinez le fait qu’il existe ou non des royaumes inférieurs. Ne parlons pas des vies passées et futures. Focalisons-nous juste sur cette vie. Nous avons fait tellement de choses, des bonnes et des négatives. Ces actions sont toutes des causes qui créent des effets. Dans le bouddhisme, on dit que si on agit bien, de bons résultats se produiront, si on agit mal, ça ira mal. Nous appelons ça la causalité, la cause et l’effet.
Ne nous soucions pas des mauvaises choses pour le moment. Pensons aux bonnes choses. Nous avons fait beaucoup pour les autres, pour le peuple tibétain par exemple. Nous soutenons Sa Sainteté et pratiquons ce qu’il nous dit de faire. Ce sont de grandes choses. Quand le moment vient où nous devons quitter ce monde, que nous arrivera-t-il et où iront toutes ces bonnes choses et tous ces efforts que nous avons faits ? Quand quelqu’un meurt, son nom perdure pour une courte période, mais même cela finit par disparaître. La véritable question est de savoir si notre conscience continue ou non ? C’est une grande interrogation. Les scientifiques n’ont pas une bonne explication à propos de la conscience. En poursuivant des dialogues avec Sa Sainteté, ils demeurent toujours plutôt confus. Ils ne sont pas sûrs s’ils doivent suivre les explications bouddhiques de Sa Sainteté sur ce qu’est la conscience, ou s’ils doivent rester dans leur boîte.
Nous connaissons tous le pouvoir de l’esprit. Si nous entraînons notre esprit, même si nous sommes de très méchante humeur, nous pouvons facilement changer notre façon de penser. C’est la raison pour laquelle nous appelons cela « l’entraînement de l’esprit ». Le pouvoir de l’esprit est tellement puissant, réellement. Nous avons également vu tant d’exemples de gens qui se souviennent de leurs vies passée. Dans les enseignements, le Bouddha Shakyamouni parle tellement des vies futures. Ce qu’est la conscience et comment elle fonctionne, tout cela est tellement bien expliqué. C’est quelque chose de stupéfiant. Notre conscience passe de vie en vie lestée d’un bagage qu’on appelle des « empreintes ».
Au sein d’une famille, il peut y avoir deux enfants, frères ou sœurs, qui ont deux façons totalement différentes de penser. La forme de leur cerveau est la même, mais leur manière de penser est complètement différente. C’est très compliqué à expliquer. Ils sont nés dans la même famille des mêmes parents et ont la même tournure d’esprit, ne devraient-ils donc pas avoir des modes de penser très similaires ? En revanche, si on croit en la conscience et aux empreintes, nous pouvons en déduire que tout cela a du sens. Et, en vérité, tout notre espoir est dans les empreintes que nous avons. Les empreintes positives que nous créons ici dans cette vie, à partir des actions positives que nous faisons, auront pour résultat des effets positifs dans nos vies futures. C’est la raison pour laquelle, pour certaines personnes, les choses sont réellement négatives tandis que pour d’autres elles sont vraiment positives. Ce n’est pas que les gens qui font l’expérience de résultats négatifs dus à leurs actions antérieures aiment être « mauvais » et veulent faire l’expérience de résultats négatifs. Ils ont fait ce qu’ils ont fait parce qu’ils aimaient beaucoup le faire et qu’à ce moment-là ils ne se souciaient pas de savoir si le résultat serait bon ou mauvais. Cela concerne nos actes. Chacun de nous en tant qu’êtres sensibles avons fait tant d’actes positifs et destructeurs dans notre vie, et le résultat se produira un jour ou l’autre.
En regardant autour de vous, vous pouvez voir un grand nombre de gens qui ne travaillent pas dur mais réalisent beaucoup de choses. Et puis il y a ceux qui travaillent très dur mais qui ne réussissent presque rien. C’est très intéressant. Tout cela a à voir avec notre mérite et nos empreintes.
Considérons les choses négatives que nous avons faites. En vérité, nous avons fait tellement de choses destructrices dans nos vies passées, et celles-ci mûriront. C’est la raison pour laquelle nous rencontrons des problèmes dans notre vie actuelle. Mais il y a tant d’autres empreintes. Oh ! C’est réellement quelque chose d’impensable ! Nous devrions faire une pause et y réfléchir : « Ces choses destructrices que j’aime faire, le résultat sera une empreinte que j’emporterai dans la vie suivante, et à ce moment-là je devrai faire face à quelque chose dont je ne veux réellement pas. » Et cela ne concerne pas seulement nous. Cela n’affecte pas seulement nous. Nous ne pouvons pas aider les autres si nous sommes piégés dans une mauvaise situation. Nous ne pouvons pas réellement remplir notre rôle de bodhisattvas si nous sommes nous-mêmes confrontés à tant de sérieux problèmes.
Nous aimons beaucoup les autres et nous devons les aider quand ils sont dans des situations critiques. Pour ce faire, nous ne devons pas nous engager dans des actions destructrices. Nous ressentons cela si puissamment que nous ne nous y engageons pas même au prix de notre vie. Cela demande un très grand effort, mais si nous le voulons vraiment, nous le ferons. C’est pourquoi les gens qui sont gravement dépendants aux drogues, feront n’importe quoi. Ils ne se soucient pas de mourir tant qu’ils peuvent se procurer leurs drogues. Aucuns regrets. Sur ce point, bien entendu la façon de penser d’un bodhisattva est très différente. Le but de notre vie en tant que bodhisattva est d’être bénéfique aux autres, de les conduire dans la bonne direction, et nous sommes prêts à tout faire pour que cela advienne. Nous sommes prêts à cesser tout à fait de nous engager dans tout acte négatif, pour parvenir à l’état où nous pourrons véritablement aider les autres. Si nous faisons quelque chose de destructeur, sachant que dans le futur quelque chose de négatif nous arrivera en retour, nous ne serons pas en mesure d’aider les autres. C’est avec cette attitude que les bodhisattvas combattent les actions négatives. Ce que nous avons fait dans le passé est fait, peu importe ce que nous avons fait, ce sont des causes et elles auront des résultats. Mais maintenant, en ce moment même, nous pouvons mette un terme à ce cycle. Si nous continuons maintenant à nous engager dans des actes négatifs, alors il est sûr que dans la prochaine vie nous aurons à faire face aux résultats, et si les émotions négatives prennent le dessus et corrompent notre esprit, nous ne serons pas capables d’aider les autres.
C’est comme s’il y avait une fuite dans votre maison. Une ou deux gouttes sont tolérables, mais si vous ne faites rien, cela ne fera qu’empirer. Si vous ne stoppez pas la fuite à sa source principale, vous finirez dans de graves ennuis et une maison inondée. Nous la réparons donc dès que nous l’avons repérée. C’est la même chose ici. Nous essayons de corriger nos actes sur le champ afin de ne pas rencontrer de plus gros problèmes par la suite. Pour ce faire, nous devons savoir quel est le but de la vie. Sinon, nous gâcherons notre vie à simplement profiter des plaisirs du samsara.
Dédicace
Arrêtons-nous là maintenant, et dédions le potentiel positif que nous avons tous créé aujourd’hui.
Nous avons déployé des efforts dans l’écoute de ces versets de Gyalse Togmé Zangpo et dans le rappel des enseignements de Sa Sainteté et de nos autres gourous. Indépendamment de notre capacité à les mettre tous en pratique dès maintenant, le simple fait de les écouter même quelques minutes et d’avoir placé notre esprit dans cette direction est une chose merveilleuse. Notre esprit entend, mais il se pourrait qu’il ne fonctionne pas si bien. Nous devons donc avoir la motivation d’éveiller notre esprit. Nous connaissons maintenant une petite partie des enseignements et nous pouvons assembler les choses par nous-mêmes. Mon maître disait toujours que le meilleur engagement que nous puissions faire est d’étudier et de réfléchir sur notre pratique chaque jour pendant une quinzaine ou une trentaine de minutes. De quelle manière la pratique nous aide-t-elle dans la vie ? Réfléchissez à la volonté avec laquelle nous voulons avoir ce genre de pratique pour le restant de nos vies. Comme dédicace, nous devrions dédier ceci à nos maîtres afin qu’ils puissent vivre très longtemps et que nous puissions écouter leurs enseignements. Le meilleur engagement, donc, consiste à pratiquer quinze minutes, trente minutes, une heure par jour. Nous verrons notre vie changer grâce à cela. Avec cette dédicace, nous accumulerons beaucoup de force positive. Merci !