Disposition d’esprit pour étudier le comportement d’un bodhisattva

Versets d’introduction et verset 1

Poser la motivation

Tout d’abord, pour étudier le comportement des bodhisattvas, nous devons avoir une excellente motivation. Quand nous avons une forte motivation, il est intéressant de voir comment notre esprit fonctionne. Si je disais : « Allons tous au temple du Dalaï-Lama ! » et que nous soyons d’accord là-dessus et commencions à nous mettre en route, et que soudain je change d’avis et dise : « Allons à Norbulingka ! », les gens ne seraient pas d’accord. Ils diraient : « Mais Norbulingka se trouve à 10 km ! » Cependant, si j’avais dit que nous pourrions faire une agréable promenade jusqu’à Norbulingka après le déjeuner, nous réagirions différemment : « Peut-être pourrions-nous faire cela. Mettons un peu de crème solaire et partons. » Notre motivation est donc très importante.

De même, pour ce qui est de notre motivation, ne pensons pas seulement à cette vie. Nous devons aussi tenir compte de notre prochaine vie. Si nous sommes destinés à aller dans les royaumes inférieurs, nous devrions alors nous faire beaucoup de soucis, même si nous avons la chance de revenir comme être humain. Mais, bien entendu, pour avoir de telles pensées comme motivation, nous devons accepter l’idée qu’il y a des vies futures.

De manière générale, nous croyons beaucoup à la science, mais les scientifiques se focalisent seulement sur le cerveau et les choses à faire dans cette vie. Or, quand nous mourrons, qu’adviendra-t-il de toutes les émotions et sentiments que nous avons ? Et qu’en est-il de toutes les connexions sincères, à cœur ouvert, que nous créons, où iront-elles ?

Il y a tant d’exemples de gens qui se souviennent de leur vie passée. Sont-ils fous ? Je ne le pense pas. Ce qu’ils disent est souvent très précis et exact. Les scientifiques n’ont aucune explication pour cela. Et je suis sûr que cela continuera à rester inexpliqué pour des milliers d’années, car les scientifiques ne se focalisent que sur le cerveau. Si nous voulons parler des vies passées et futures, nous devons réellement réfléchir à la conscience. Comment existe-t-elle, est-elle continue, et, si elle l’est, que faire de nos vies futures ?

La façon dont nous passons nos vies et ce à quoi nous occupons notre temps ne devrait pas être petit et étriqué, mais vaste et visant loin. Qu’il y ait une vie future ou non et, en ce qui concerne les vies futures, que la causalité fonctionne ou non, nous pouvons toujours agir avec sincérité. Tout dépend de nos actes, et nos actes dépendent de notre motivation.

Comme je suis bouddhiste, pour réaffirmer ma motivation, je prends refuge dans le Bouddha, le Dharma, et le Sangha. Peut-être y a-t-il quelques débutants ici parmi vous, vous pouvez donc juste vous contenter de m’écouter pendant que je récite la prière de refuge. Pour le moment, réfléchissez-y, et, plus tard, j’en dirai plus à ce sujet. 

Jusqu’à mon illumination, je prends refuge en les Bouddhas, le Dharma, et l’Assemblée la Plus Haute. Grâce à la force positive de ma générosité, etc., puissé-je atteindre la bouddhéité pour le bien de tous les êtres.

C’est ainsi que je me motive, en récitant cela. La partie la plus inspirante est la dernière phrase : « Puissé-je atteindre la bouddhéité pour le bien de tous les êtres. » C’est aussi la partie la plus difficile. Cela semble parfois même impossible de le ressentir ne serait-ce que pour notre propre famille, pour notre mari ou notre femme, ou nos enfants. Mais c’est possible. Si notre cœur n’est ouvert qu’à nous-mêmes, alors oui, nous n’aurons probablement pas assez de place pour notre propre famille. Nous devons donc ouvrir nos cœurs largement. Cela demande de la compassion, le fait de voir la souffrance des autres. Un grand maître en Inde a dit qu’il y avait une grande différence entre l’attachement et l’amour. L’amour est pur, mais l’attachement est mêlé d’illusion. Quand quelqu’un tombe amoureux, il dit : « Je t’aime tant ! » Il dit cela, mais il n’est sans doute pas correct de dire cela, car ce genre d’amour est de l’attachement. S’il s’agissait de véritable amour, on dirait : « Je veux que tu sois très heureux. » 

J’ai un très bon exemple d’ouverture de cœur. Chaque fois que je vais à Bodh Gaya, où le Bouddha a atteint l’illumination, je me rends également à Sarnath, là où il a donné ses premiers enseignements sur les quatre nobles vérités. C’est un lieu très intéressant. J’y vais normalement pour faire des prières et réciter des textes. Après en avoir terminé, je vais boire une tasse de thé. Il y a cet homme qui fait le meilleur « chai » (thé) du monde, dans une coupelle en argile, absolument délicieux. Autour de lui, il y a plusieurs échoppes à thé, et chez lui, en particulier, il y a de nombreux clients, mais les autres ne semblent pas jaloux. Il y a lui, sa femme, et ses enfants, et seulement quelques gens du cru, peu de touristes. Je suis allé là et lui ai dit combien son thé était tellement délicieux, et nous sommes devenus amis. Je lui ai demandé comment il faisait son délicieux thé. Quel était son secret ? Il a souri et m’a dit : «  Reste là et regarde tout ce que je fais, comment je dose et mesure. »

Il a dit qu’il prenait un engagement chaque fois qu’il ouvrait son échoppe le matin et allumait son feu. Il disait : « Que ce soit un étranger ou un ami qui vienne pour une tasse de thé, puissé-je avoir le pouvoir de faire le même thé délicieux. » Cette recette secrète se trouve en lui ! Cela n’avait pas réellement à voir avec le thé, mais avec le bel environnement mental qu’il créait et le fait que tous y prenaient plaisir. C’est un grand enseignement. Cet homme a un cœur ouvert. C’est ainsi que nous devrions ouvrir les nôtres.

Une star chinoise populaire, Jet Lee, a dit qu’il trouvait le bouddhisme tibétain très intéressant parce que les prières incluent tous les êtres, pas juste les humains. C’est ainsi que le bouddhisme tibétain a touché son cœur.

C’est beau, mais c’est également très délicat. Quand on dit « êtres sensibles », on doit savoir ce que cela veut dire. Les animaux comme les gens, tous ont des sentiments et réagissent aux choses de façon à nous montrer qu’ils veulent être heureux. Ils ne veulent pas qu’on les torture. Notre réaction face à la torture montre que nous n’en voulons définitivement pas. S’il y a réaction, alors nous avons affaire à un être sensible.

Il y a quelques semaines, un ami m’a dit qu’il étreignait beaucoup un arbre, et m’a demandé si l’arbre avait une vie. Je lui ai dit que nous devons savoir quelle est la définition de la vie. Quand nous disons qu’un arbre pousse et meurt, alors nous pouvons dire qu’il a une vie. Mais quand nous parlons de sentiments, bon, j’ignore si les arbres en ont ou pas. Quand j’ai dit cela, quelqu’un d’autre a dit que les arbres ont des sentiments, et qu’il le sait parce que, lors d’une méditation, les arbres lui parlaient dans sa tête. J’en suis donc venu à la conclusion qu’il n’est pas réellement important de se demander si les arbres ont une vie ou non, mais nous pouvons voir dans notre monde que les humains, et les animaux également, ont des vies et des sentiments, et que cela devrait être notre priorité. Et que si nous voulons sauver des arbres, nous devons éduquer les gens, car ce sont eux qui les abattent !

Hommage et prosternation

Nous devrions maintenant en venir au texte. Le titre du texte est Les Trente-Sept Pratiques d’un bodhisattva.

Hommage à Lokeshvara.

Le texte commence par un hommage à Lokeshvara, connu aussi comme Avalokiteshvara, le Bouddha de la compassion. Il s’agit en vérité de notre soi compatissant. Il y a de la compassion en nous. Nous n’avons pas besoin de la fabriquer ou de la générer en dehors de nous, car nous l’avons déjà en nous. Dans un film, quand on voit quelqu’un qu’on torture, on pense : « Oh, cela ne va pas, le pauvre, on le torture ! » Nous ressentons automatiquement que le bourreau est une mauvaise personne. Ensuite, quand nous voyons le héros punissant le méchant, automatiquement nous pensons : « Oui, c’est juste ! » Nous avons donc automatiquement de la compassion et de l’aversion devant la souffrance des autres. Nous les avons déjà en nous.

J’ai dit qu’Avalokiteshvara est notre compassion. Même si nous n’avons pas beaucoup de compassion, la petite compassion que nous avons naturellement en nous est pareille à une graine apte à devenir comme le Bouddha Avalokiteshvara, ou Tara. Au commencement, l’hommage ne s’adresse pas à quelque chose d’extérieur, là-bas, mais à quelque chose en nous, ici. Nous rendons hommage à notre propre compassion. Que nous voulions ou non aider les autres, cela a à voir avec les qualités que nous possédons vraiment.

Toujours je me prosterne avec respect, par le biais de mes trois portes, devant les suprêmes gourous et le Gardien Avalokiteshvara qui, voyant que tous les phénomènes ne vont ni ne viennent, dépensent leurs efforts en vue seulement du bénéfice des êtres migrants.

Le premier verset mentionne déjà la bodhichitta et le vide (la vacuité) réunis ensemble. C’est très profond. Nous voyons que toutes les choses vont et viennent, mais en fait les choses sont au-delà du va-et-vient. Cela signifie que leur allée et venue n’a pas d’existence véritable. Sur un plan relatif, nous pouvons dire qu’il y a allée et venue, mais non au niveau ultime.

Bien sûr, avant de décider qui vient et qui va, nous devons décider qui sont-« ils » ? Prenons Yoko comme exemple. « Quel est votre nom ? » « Yoko. » En vérité, nous pouvons dire qu’il n’y a pas de Yoko. Cela n’a rien à voir avec la théorie bouddhique, mais si nous cherchons, de la tête aux pieds, nous ne pouvons pas trouver Yoko. Qu’en pensez-vous ? Nous voyons Yoko assis là, et puis nous disons : « De la tête aux pieds, nous ne trouvons pas Yoko. » 

C’est le plus grand enseignement que le Bouddha nous ait donné. Il n’y a rien qui soit Serkong Rimpotché. Vous ne pouvez pas épingler ou mettre un doigt sur Serkong Rimpotché. Cette absence d’une existence inhérente en tant que Serkong Rimpotché, ou tout autre chose de cette sorte, le Bouddha dit qu’il s’agit là de la vérité ultime.

Quel est le bienfait de cet enseignement ? Qu’il n’y a rien qui devrait être saisi ou à quoi se raccrocher. S’il n’y a rien à saisir, alors notre esprit peut être très détendu, et une fois que nous obtenons quelque chose de bien, nous ne serons pas trop excités et si nous ne l’obtenons pas, il n’y aura ni grand regret ni inquiétude. À partir du moment où nous réalisons cette vérité ultime, nous pouvons avoir le contrôle sur notre esprit. Tel est le pouvoir de connaître la vérité ultime.

Gyalse Togmé Zangpo, l’auteur de ce texte, rend hommage au fait qu’il n’y a rien qui aille et qui vienne. Toutefois, quand on pense à la possibilité qu’il n’y ait pas une telle existence à cet endroit, que ressent-on ? Où sont mes amis ? Suis-je devenu fou ? Il se pourrait que nous nous sentions un peu découragés. Mais, pour le Bouddha qui nous a enseigné cela, quand il comprend qu’il n’y a pas d’allée et venue, sa connexion avec les autres êtres sensibles et son intention de leur être bénéfique devient encore plus forte.

C’est une grande qualité du Bouddha. Pour nous, si nous disons qu’il n’y a rien de tel qu’un « je », nous nous disons : « Bon, et puis quoi ? » Mais quand le Bouddha en fait l’expérience, automatiquement et simultanément, il comprend la réalité ultime, la vérité relative, et l’interdépendance. C’est pourquoi il s’agit aussi d’une louange au Bouddha.

…par le biais de mes trois portes…

Les trois portes sont notre corps, notre parole, et notre esprit. Notre corps, notre parole, et notre esprit nous apportent tant de problèmes. Avec notre corps nous pouvons frapper quelqu’un ou faire des grimaces. Avec notre parole, nous pouvons prononcer des mots rudes et bavarder. Et nous avons l’esprit, qui est la source de tout. De ces trois choses, on dit parfois que la parole est la pire. Avec le langage corporel, on pourrait se dire : « Elle n’a pas l’air tellement heureuse avec moi », mais, par la suite, nous découvrons que c’est juste sa personnalité, sa façon d’être, et qu’elle est comme ça avec tout le monde. D’un autre côté, la parole délivre le message du corps et de l’esprit. C’est pourquoi Atisha et les grands pratiquants Kadampa disaient : « Si vous êtes avec des amis, ayez conscience de ce que vous dites, et quand vous êtes seul, ayez conscience de votre esprit. »

Nous pouvons faire tellement de vilaines choses avec notre corps, notre parole, et notre esprit. Mais toutes les bonnes choses viennent de là également. Il s’agit de portes. Une fois que la porte est ouverte, tout y entre et en sort.

La promesse d’explication

Regardons maintenant le deuxième verset.

Les bouddhas pleinement illuminés, sources de bienfaits et de bonheur, se sont manifestés après avoir réalisé (par eux-mêmes) le saint Dharma. De plus, puisque cela dépendait d’avoir su quelles en étaient les pratiques, j’expliquerai celles d’un bodhisattva.

Si vous voulez bien comprendre le bouddhisme, vous devez dépendre d’une personne qui en a une certaine expérience. Si vous voulez connaître la bodhichitta, alors vous devez l’apprendre auprès d’un bodhisattva. Parlons des Trois Joyaux : le Bouddha, le Dharma, et le Sangha. Pour connaître le Dharma, les enseignements, vous devez vous aider du premier et du troisième [Joyau]. Pour savoir si le Bouddha dit vrai ou si ses enseignements sont d’une aide réelle, vous avez besoin d’un ami avec qui partager pour savoir si cela vous aide ou non.

C’est comme quand vous voulez aller au restaurant, vous consultez un guide pour vérifier les prix. De même, si vous voulez vérifier le Bouddha et le Dharma pour savoir s’ils sont utiles ou non, vous devez vous enquérir à la ronde pour trouver quelqu’un qui a l’expérience du Bouddha et du Dharma. Or, c’est le Sangha. Grâce au Sangha, les enseignements bouddhiques nous sont délivrés. Il y a tant de disciples du Bouddha, comme les bodhisattvas, ceux qui pratiquent la bodhichitta et forment le Sangha.

En vérité, la bodhichitta est une pratique séparée, secrète. Elle n’est pas enseignée en public. Quand je parle des vies passées et futures, les gens ne sont pas très intéressés. Il semble que la plupart des gens ne se préoccupent pas vraiment des vies passées et futures. Je ressens cela parfois moi aussi. Mais si je dis qu’il y a des méditations que je fais qui atténuent ma colère et mon aversion et me donnent une nouvelle énergie, alors les gens sont intéressés, parce que pour la majorité d’entre nous, notre objectif principal est cette seule vie. Pourtant, c’est ce que la méditation sur la bodhichitta peut faire.

Le Bouddha était quelqu’un de très sage et de très habile. Quand il donne un enseignement sur la bodhichitta, il parle d’être bénéfique à tous les êtres sensibles. Mais, en ce qui nous concerne, nous ne pouvons pas tous les aider, en particulier si l’on travaille à les aider juste au cours de cette vie. Ce n’est pas un travail pour cette seule vie. Nous devons penser : « Je travaillerai à en aider le plus possible et autant que je le pourrai jusqu’à ce que j’obtienne la pleine illumination. C’est cela que je ferai. »  

Pourquoi devons-nous penser ainsi ? Une fois que nous aurons atteint l’illumination, nous serons en mesure d’être bénéfiques à tout le monde, et de le faire sans effort. Nous ne le prendrons pas comme un travail, car être quelqu’un qui est en mesure d’aider tous les êtres, c’est ce que nous sommes une fois devenus un bouddha. Jusqu’à ce que nous atteignions ce stade, nous devons faire des efforts. C’est comme quand on a un travail, une fois qu’on l’a, on doit se lever tôt le matin et aller au travail, même si on n’aime pas ça, sinon pas de salaire.

Comme je l’ai dit, le Bouddha était très sage et habile. Il ne parlait pas de vies passées et futures. Si vous allez dans d’autres pays bouddhistes comme la Thaïlande, Taïwan, le Japon, tous ces moines non plus ne parlent pas de vies passées et futures. Ils parleront plutôt de shamatha, de vipassana et de la pleine conscience. En revanche, dans le bouddhisme tibétain, nous parlons plus des êtres sensibles et de la bodhichitta. On devrait réfléchir davantage à la manière d’atteindre tous les êtres sensibles et de leur être bénéfique, qu’on soit capable ou non de le faire en réalité. Mais une fois que vous pensez : « Oui, je peux le faire », sincèrement, cela veut dire que vous pensez qu’il existe une pleine illumination et que vous pouvez vous débarrasser de la souffrance, parvenir à une véritable cessation, la quatrième noble vérité, la principale.

Le Bouddha dit qu’il l’a réalisée et que nous pouvons tous le faire aussi. Une fois que vous l’avez obtenue, il n’y a plus de souffrance. Si vous l’obtenez et donnez cet enseignement à tous les êtres sensibles, vous pouvez tous les aider, y compris votre famille. C’est le meilleur cadeau que vous puissiez faire à vos êtres chers.

Mais faire cela demande une éducation. C’est pourquoi l’étude est très importante. Si vous voulez vraiment chercher quelque chose, recherchez la cessation. C’est ce que le bouddhisme a à offrir.

Une précieuse vie humaine

(1) La pratique d’un bodhisattva consiste, au moment où nous avons obtenu le grand vaisseau (de la renaissance humaine) doté de loisirs et de richesses, difficile à trouver, à écouter, réfléchir, et méditer inlassablement, jour et nuit, afin de nous libérer, nous-même ainsi que les autres, de l’océan du samsara récurrent incontrôlable.

C’est pareil à ce que j’ai dit plus haut : nous devons étudier, réfléchir et méditer. S’il existe une chose telle que la cessation où nous éliminons toutes les émotions négatives et, du fond de notre cœur, n’avons que des pensées positives envers les autres, alors ce sera parfait. Si nous pouvons vraiment réaliser cela, alors cela vaut vraiment la peine de nous y efforcer.

Les bodhisattvas étudient et méditent nuit et jour. Mais nous ? Ne pensez-vous pas que nous aimons paresser ? Nous sommes paresseux à aider les autres, paresseux à nous illuminer, paresseux à devenir de meilleures personnes. Nous ne voyons pas tant de bénéfice que cela à étudier et méditer. Nous voyons plus de bienfaits à rester au lit et à regarder des films. Cela nous paraît beaucoup plus intéressant. Mais pour Sa Sainteté le Dalaï-Lama, c’est tout le contraire. Même s’il a maintenant presque 85 ans, il étudie toujours et médite sans relâche afin de libérer les êtres de l’océan du samsara. 

Il est difficile d’obtenir une précieuse vie humaine. Même s’il n’y a pas de vie passée et future, réfléchissons juste à cette vie. Les animaux n’ont pas la sorte d’intelligence que nous avons. Ils ne peuvent pratiquer ni la patience ni la pleine conscience. Ils ont des qualités limitées, mais nous pouvons néanmoins apprendre d’eux de magnifiques enseignements. Les animaux sont censés chasser et manger leur proie, mais parfois, au lieu de cela, on voit que les prédateurs aident leur proie. Il y a de nombreux documentaires qui le montrent.

Avec cette vie humaine dont nous disposons, nous pouvons rendre d’autres gens heureux. C’est entre nos mains : nous pouvons rendre les autres heureux ou tristes. Et nous aussi ! Il y a toujours deux possibilités à chaque fois, même si quelqu’un vous met un pistolet sur la tempe.

Je partagerai ici un exemple que Sa Sainteté a partagé avec nous. Il a dit qu’il y avait un grand pratiquant, un moine, qui avait été dans une prison chinoise pendant plus de trente ans. Ce moine racontait son histoire à Sa Sainteté qui lui a alors demandé : « Avez-vous reçu une punition de la part de l’armée chinoise ? » Il a répondu : « Nous avons été punis, et nous n’avions pas beaucoup de nourriture, mais il y avait un danger plus grand. » « Lequel ? » « Le danger de perdre la compassion envers les Chinois », répliqua le moine. À cette réponse, Sa Sainteté pleura.

En qualité de bodhisattvas, nous devons étudier, réfléchir, et méditer car cela vaut la peine de s’y efforcer. Nous devons comprendre ce que nous faisons et en voir les bénéfices.  

Questions

Le but de ce texte est de développer l’esprit de compassion et la bodhichitta, et non la sagesse qui réalise le vide, n’est-ce pas ?

L’objectif principal du texte concerne le comportement d’un bodhisattva, même si en termes de vide, il n’y a aucune action à entreprendre ainsi que nous l’avons dit à propos du fait qu’il n’y a ni allée ni venue. Néanmoins, avant toute action, il doit y avoir une motivation. La motivation doit être celle de la bodhichitta et du vide. Il s’agit de pratiquer les deux ensemble : la bodhichitta avec une compréhension du vide.

En tibétain, si quelque chose de mauvais vous arrive, nous disons de ne pas le prendre négativement. Quelque chose dans votre façon de penser peut changer en sorte qu’elle devienne positive. Ce moine prisonnier aurait pu se dire : « J’ai passé toute ma vie à pratiquer et à aider les autres, mais le terme de mon existence est misérable. J’aurais pu rejoindre l’armée chinoise et ma vie aurait été bien meilleure. » Mais il n’a jamais baissé les bras. Il a accepté sa situation en pensant : « Je resterai fort et mourrai en paix. » Il a changé sa façon de voir.

Pour nous engager dans ce genre de pratiques, nous avons besoin de force. Une fois, j’ai vu Sa Sainteté réprimander un moine en faisant montre d’une grande colère. J’ai pensé : « Oh, il est le bouddha de la compassion, connu comme étant Avalokiteshvara, que lui est-il arrivé ? » Je suis allé le voir, et il était amical et riait, j’ai donc su qu’agir parfois avec colère était l’acte d’un bodhisattva. Si un enfant demande de la crème glacée et que les parents disent non, ils rendent service à l’enfant. La motivation est déjà là, présente. Pour nous, quand nous nous mettons en colère, non seulement nous sommes en colère après notre « ennemi(e) », mais nous nous fâchons et grondons même nos enfants, et rendons les autres autour de nous malheureux. Une fois que nous gardons le contrôle, c’est comme d’appuyer sur un bouton. C’est ça le contrôle. Quant à ce qui a trait au vide, ce point est discuté plus avant au milieu du texte.

À propos d’étude et de méditation, j’ai un ami qui dit que l’intellect est la chose la plus importante. J’éprouve une certaine aversion à cet égard. Je pense à tous les gens qui ne sont pas intelligents. Tout le monde ne peut pas tout comprendre. Qu’en est-il de ces gens ?

C’est une bonne question. Aussi inintelligent que quelqu’un soit, il y a toujours un moyen de délivrer le message et les enseignements. Quelquefois un étudiant est trop intelligent, le maître est alors bien embarrassé ! Mais c’est une bonne chose. Il y a différents moyens d’atteindre différentes personnes. Ce n’est pas seulement ainsi dans le bouddhisme, mais également à l’école. Si des élèves sont plus brillants que d’autres, on devra donc faire attention à la façon dont nous  les instruisons. Nous devons passer du temps et savoir comment leurs esprits fonctionnent. Cela demande de la patience. Par exemple, il m’arrive parfois d’enseigner à mes assistants. L’un est très intelligent, alors qu’avec l’autre je me mets quelquefois en colère. C’est mon problème. Avec lui, cela prend du temps.

La prière d’un bodhisattva consiste à se dire : tant que l’univers durera et qu’il y aura des êtres, moi aussi je resterai dans les parages. Tant qu’il y aura des êtres sensibles, moi aussi je resterai. Mon seul et unique but est de leur enseigner comment se débarrasser de leurs émotions perturbatrices. Tel est le serment du bodhisattva. Il est très puissant.

Il y a de nombreux étudiants qui sont très intelligents, ils savent tout, ils sont plus brillants que le maître, malgré tout ils ont encore besoin d’enseignement. Il y a aussi de nombreux maîtres qui donnent de très belles conférences mais sans jamais pratiquer dans leur propre vie. Ils savent tout, mais au niveau pratique, ils ne font rien. C’est pourquoi nous disons que chaque fois que nous donnons des enseignements, nous devrions placer un miroir en face et réfléchir. Dire et faire, est-ce la même chose ? Je peux être très intelligent et donner des conférences. Telle est ma vie. Si j’oublie de regarder ma propre façon de me comporter, je fais un mauvais usage de l’opportunité de devenir un bon rimpotché. C’est la raison pour laquelle, chaque fois que nous sommes sur le point d’étudier, de manger ou de dormir, nous faisons des prières.

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