Tirer profit du fait d'être dans un lieu saint
Comme je l'ai expliqué hier, nous nous trouvons dans un lieu particulier où le Bouddha a manifesté son illumination et où de nombreux êtres éveillés se sont rendus. Parmi eux, Nagarjuna et ses deux fils spirituels, ainsi que de nombreux Tibétains tels que Sangyé Yeshé, qui est venu du Kham et est devenu l’abbé de son monastère, ont vécu ici à Bodh Gaya. De nombreuses autres personnes sont également arrivées de tous les pays et, grâce à l'inspiration de ce lieu, elles ont obtenu de nombreuses réalisations. C'est une caractéristique particulière de ce lieu saint. Par conséquent, en nous trouvant dans ce même lieu et si nous avons une motivation forte et appropriée, si nous prions avec ferveur, persévérance et enthousiasme, et que notre pratique est correcte, nous pouvons développer une grande force positive.
Cela vaut particulièrement pour celles et ceux d'entre vous qui sont venus du Tibet. Bien que les conditions là-bas soient si difficiles, vous devez profiter pleinement du fait d'être dans un lieu hautement sacré pour acquérir beaucoup de force positive. Nous avons toutes et tous beaucoup de chance. À une époque où les idées fausses sont si répandues dans le monde et où il y a tant de désir et de haine, il est extrêmement précieux d'avoir la possibilité de suivre les enseignements du Bouddha sur la compassion, l'amour, etc. Bien qu'il y ait tant de richesses dans le monde, l'argent ne peut en aucun cas permettre d'échapper à la mort, à la vieillesse et à d'autres problèmes fondamentaux. Étant donné que les souffrances proviennent de l'esprit, les circonstances extérieures, telles que la richesse, ne peuvent pas éliminer cette souffrance mentale. Il est donc très important de suivre des méthodes spirituelles et, parmi toutes les traditions, il est merveilleux que vous vous intéressiez au bouddhisme.
Regardez les nombreux Occidentaux qui sont parmi nous. Ils sont venus en raison de leur intérêt sincère pour le bouddhisme. Ils méditent, récitent des prières, pratiquent et sont très savants. Leur intérêt pour le bouddhisme est dû au fait qu'ils y ont réfléchi à l’aide de raisonnements logiques. Pour accepter les enseignements bouddhiques, ils les ont d'abord analysés. En voyant leurs exemples, nous pouvons comprendre que c'est une occasion très précieuse de se trouver dans un lieu aussi saint que Bodh Gaya. Ici, nous prenons conscience de tous les vastes accomplissements, de toutes les actions et de toutes les qualités des êtres éveillés. Comme il est très rare de se trouver dans un endroit aussi propice à un comportement et à une pensée constructifs, nous devons essayer d'accumuler autant de force positive que possible. Plus que nulle part ailleurs, lorsque nous nous engageons dans des actions constructives ici, nous accumulons une très grande force positive, par le simple fait d’être dans ce lieu si particulier. Vous comprenez ?
Conseils pratiques pour les visiteurs tibétains
Pendant votre séjour, bien qu'il ne soit pas interdit de vendre des marchandises, vous devez faire preuve d'honnêteté, et bien qu'il soit normal de tirer un certain profit de vos ventes, ne soyez ni cupides ni malhonnêtes. De même, lors de la circumambulation, ne bavardez pas et ne rêvassez pas, mais soyez attentifs et respectueux. Ne jetez pas de papier par terre et n'allez pas aux toilettes n'importe où. Je sais que si vous faites la queue simplement pour utiliser les toilettes, vous risquez d'attendre des heures et de devoir aller ailleurs, mais soyez aussi propres que possible. Le Tibet est un pays froid, alors qu'ici, en Inde, à basse altitude, les conditions sont différentes. Il ne faut donc pas souiller les lieux partout où bon vous semble. Soyez prudents et responsables.
Il est également très bon de faire des prosternations, que ce soit en se penchant ou en s’allongeant au sol, mais faites-les correctement. Gardez les mains à plat sur le sol et les paumes tournées vers le bas. Offrez des bougies, faites ce genre de choses. C'est très bien, c'est même excellent. Faites des prières, méditez et même si ce n'est pas avec une concentration parfaite, cela reste une bonne attitude à adopter. La chose la plus importante est d'avoir une motivation pure. Par conséquent, nous devons examiner notre esprit et notre motivation pour tout ce que nous faisons. C'est très important. Nous devons essayer de réduire autant que possible le pouvoir de nos émotions et attitudes perturbatrices.
La meilleure chose à faire est de développer une attitude consistant à considérer les autres comme plus importants que nous-mêmes. C'est l'essence même du Mahayana. Ayez un cœur bon et chaleureux. Être constructif dans nos actions et être bon, chaleureux et aimant dans notre cœur sont les points essentiels de la pratique. Si nous nous engageons dans des actions du Dharma par orgueil, compétition ou envie, cela ne fait qu'engendrer une force karmique négative. Par conséquent, ce que nous faisons et pourquoi nous le faisons est de la plus grande importance. Nous devons toujours examiner et corriger notre motivation.
Mettre en place notre motivation
Étant donné que nous nous trouvons dans un lieu saint si particulier, nous devons essayer, autant que possible, d'avoir une motivation d’éveil. En gardant toujours à l'esprit les exemples du Bouddha sur le développement d'une résolution de bodhichitta, nous devons essayer autant que possible de faire de même. Si nous développons un bon cœur et une grande motivation dans un endroit comme celui-ci, c'est très bénéfique. Vous comprenez ?
Comme il est dit dans L’Engagement dans la Conduite du Bodhisattva, essayez de ne jamais vous mettre en colère, car rien ne détruit plus la force positive que la colère. Essayez donc de ne jamais perdre votre sang-froid ni de vous mettre en colère contre qui que ce soit. Essayez d'apprivoiser et de discipliner votre esprit pour qu'il ne soit pas grossier ou brutal. Au lieu d'être envieux des actions et des réalisations des autres, réjouissez-vous de la force positive que chacun accumule ici. Récitez la Prière en sept branches et pensez bien à tous ses points. Essayez d'accumuler autant de force positive que possible. Vous comprenez ? En effet, si nous parvenons à accumuler ne serait-ce qu’un peu de force positive pendant que nous sommes là, nos vies s'en trouveront grandement améliorées, n'est-ce pas ?
Ainsi, établissez une motivation de bodhichitta pour écouter ces enseignements. Il s'agit des 37 Pratiques du bodhisattva de Togmé Zangpo, qui se divise en trois parties : le début, l’enseignement proprement dit et la conclusion. L’enseignement proprement dit est divisé en trois niveaux de motivation, comme l'explique le lam-rim, la « voie progressive ». Le premier niveau de motivation est celui de la portée initiale.
La précieuse vie humaine
(1) La pratique d’un bodhisattva, au moment où nous avons obtenu le grand vaisseau (de la renaissance humaine) doté de loisirs et de richesses, difficile à trouver, consiste à écouter, réfléchir, et méditer inlassablement, jour et nuit, afin de nous libérer, nous-même ainsi que les autres, de l’océan du samsara récurrent incontrôlable.
Le Dharma est un système de méthodes visant à rendre paisible un esprit agité, ainsi qu’à le dompter. Nous sommes toutes et tous égaux dans notre désir de bonheur et d'absence de souffrance, et c'est le Dharma qui permet d'y parvenir. Cependant, les gens ne savent pas comment le pratiquer. Nous pouvons peut-être considérer notre corps humain comme appartenant seulement à une catégorie, celle de la descendance de nos parents, mais si nous regardons plus en profondeur, nous voyons qu'il est également doté de loisirs et de richesses. Les loisirs correspondent à la possibilité et à la liberté de pratiquer le Dharma, et c’est bien notre cas. Nous avons la liberté de venir ici et de pratiquer le Dharma, n'est-ce pas ? Nous ne sommes pas sourds, il ne nous manque pas diverses facultés qui nous empêcheraient d'entendre les enseignements, etc. Nous avons toutes les conditions propices à la pratique. Celles qui ne la sont pas sont absentes de ce lieu. Nous avons en fait huit loisirs et dix facteurs de richesse.
Nombreux sont celles et ceux qui sont nés en tant qu’être humain, mais peu ont l'indépendance et la liberté de pratiquer le Dharma. Nous avons donc beaucoup de chance d'avoir une opportunité aussi rare. De plus, des enseignants spirituels sont disponibles et présents dans le monde, qui suivent l'exemple du Bouddha et perpétuent ses actes. Les effets bénéfiques que nous connaissons aujourd'hui résultent de causes similaires que nous avons produites dans le passé. En d'autres termes, notre bonne fortune actuelle doit résulter de causes constructives que nous avons mises en œuvre précédemment. Par conséquent, pour obtenir à nouveau de telles opportunités et de telles conditions de travail dans le futur, nous devons construire dès à présent les causes constructives pour qu’il en soit ainsi.
Si nous agissons sans attachement, aversion ou naïveté, il ne sera pas difficile de développer des causes constructives pour obtenir une précieuse renaissance humaine dans le futur. À vrai dire, nous agissons rarement de cette manière, il nous faut donc profiter au maximum de l'occasion présente. Ne vous découragez jamais et ne vous sentez jamais inadéquat. Essayez d'agir de la manière la plus constructive possible.
Un esprit constructif ou apprivoisé n'est pas quelque chose que l'on peut acheter dans un magasin, planter dans un champ ou obtenir auprès d'une banque. Il provient de la pratique réelle de l'apprivoisement de notre esprit. Nous devons pratiquer pour acquérir des expériences de méditation et des réalisations stables. Nous devons donc suivre l'exemple des grands maîtres du passé.
Au Tibet, il y eut d'abord les grands lamas Nyingma, puis Atisha et la lignée Kadam, les lamas Sakya, Marpa, Milarépa et Gampopa de la lignée Kagyou, et ainsi de suite. Tous ont connu de grandes difficultés et, au prix d'efforts considérables, ils ont atteint l'illumination. Il ne tient qu'à nous de suivre leur exemple. Nous devons nous examiner et nous demander : « Quels progrès ai-je accomplis au cours des cinq, dix ou quinze dernières années pour apprivoiser mon esprit ? » Si nous constatons que nous avons fait quelques progrès, cela doit nous encourager. Rien ne sert d’être orgueilleux, mais si nous réalisons que sur cinq ou dix ans, nous avons un peu progressé, alors nous ne serons pas découragés lorsqu’il s’agira de faire le bilan de plus courtes périodes.
La pratique réelle consiste à écouter, à réfléchir et à méditer sur les enseignements. Cependant, lorsque nous entendons des enseignements ou que nous les étudions, nous devons toujours vérifier notre attitude à leur égard. Quoi que nous entendions, nous devons immédiatement le mettre en pratique. Nos pratiques de l'écoute, de la réflexion et de la méditation ne doivent jamais être séparées l'une de l'autre, et aucune d'entre elles ne doit manquer.
Les circonstances les plus propices pour tirer parti d'une précieuse vie humaine
(2) La pratique d’un bodhisattva est de quitter notre pays natal où l’attachement envers les amis nous ballotte comme sur des flots ; où la colère envers les ennemis nous consume comme du feu ; où la naïveté, en sorte que nous oublions ce qui doit être adopté et abandonné, nous enlise dans les ténèbres.
Le mieux est de quitter notre pays natal. S’il nous est impossible de le faire, nous devons éviter l'attachement ou l'aversion à cause de cela. Ne pensez pas : « C’est mon pays, ma famille », comme s'il existait un pays trouvable, intrinsèquement existant, pour lequel nous pourrions éprouver de manière justifiée de l'attachement pour les amis ou de la haine envers les ennemis. L'attachement et l'aversion entraînent des comportements destructeurs et créent beaucoup de force négative et de souffrance. Ces deux fauteurs de troubles sont les principaux de toutes nos émotions et attitudes perturbatrices, et tous deux proviennent de l'inconscience (l'ignorance).
De plus, même si nous quittons notre pays pour nous installer à l’étranger, que nous nous faisons de nouveaux amis et y développons de l'attachement et de l'aversion, cela ne marchera pas. Cela ne sert à rien. L'essentiel est de se débarrasser de l'attachement et de l’aversion, et de les remplacer par une attitude consistant à souhaiter le bien d'autrui. S'il y a des personnes vers lesquelles nous nous sentons attirés et pour lesquelles nous avons de l'attachement, il suffit d'un léger changement dans leur comportement pour que nous les haïssions soudainement. Mais si, au contraire, nous adoptons une attitude d'amour et de compassion pour aider ces personnes, alors même si elles se comportent mal, nous continuerons à souhaiter qu'elles soient heureuses. Nous devons donc remplacer notre attachement par une attitude qui consiste à souhaiter le bien d'autrui.
La plupart d'entre nous ont quitté leur pays, mais il n'y a rien d'extraordinaire à cela si nous avons encore de l'attachement et de l'aversion. Par conséquent, nous devons vraiment nous en débarrasser.
(3) La pratique d’un bodhisattva est de nous appuyer sur le retrait et l’isolement, en nous débarrassant d’objets préjudiciables de telle sorte que les émotions et attitudes perturbatrices soient progressivement entravées et bloquées ; par manque de distractions, nos pratiques constructives s’accroissent naturellement ; en clarifiant notre conscience, notre certitude dans le Dharma grandit.
Si nous sommes loin de celles et ceux qui nous dérangent et que nous ne sommes pas surmenés par le travail, nous nous tournons de fait vers des activités constructives plus facilement. C'est pourquoi il est plus qu’utile de vivre dans l'isolement et la tranquillité. Mais pour pouvoir méditer dans la solitude, nous avons besoin de toute la force d'avoir entendu et réfléchi aux enseignements, et ce sans aucun attachement ni aversion.
Ainsi, nous avons obtenu une précieuse renaissance humaine et nous devons maintenant l'utiliser correctement et ne pas perdre cette opportunité, car elle est impermanente. Nous devons donc nous détourner de nos préoccupations obsessionnelles centrées principalement sur cette vie, comme il est dit dans Les Trois Principaux Aspects de la Voie. Si nous mettons l'accent sur les vies futures, les choses se passeront bien dans cette vie également. Mais si nous dépensons toute notre énergie pour cette vie, cela n'aidera en rien nos vies futures. C'est pourquoi nous devons cesser de nous occuper uniquement des affaires de cette vie et travailler à l'amélioration de nos vies futures. Pour ce faire, nous devons réfléchir à l'impermanence.
L'impermanence
(4) La pratique du bodhisattva est d’abandonner le fait d’être totalement concerné par cette vie au cours de laquelle amis et relations, longtemps réunis, doivent se séparer et suivre leurs propres chemins ; la richesse et les possessions amassées avec effort doivent être laissées derrière ; et notre conscience, en qualité d’hôte, doit quitter notre corps qui lui sert d’auberge.
Si nous regardons l'histoire du monde, personne dans les trois royaumes de la renaissance compulsive n'a vécu éternellement. Regardez les grands lieux du passé tels que Nalanda, où le grand Atisha et d'autres ont prospéré. Aujourd'hui, il n'en reste que des ruines. Cela nous montre bien l'impermanence. Regardez les coutumes et le folklore du Tibet d'autrefois. Ces circonstances sont passées ; elles sont impermanentes et ont pris fin. Dans cent ans, il est certain qu'aucun d'entre nous ne sera encore en vie. Nos continuums mentaux de simple clarté et conscience auront continué, puisque l'existence de vies passées et futures est certaine. Mais ce que nous vivons aujourd'hui aura cessé : notre richesse, notre prospérité, toutes ces choses qui sont le fruit de causes survenues dans des vies antérieures. Quelles que soient les relations que nous entretenons avec les autres, nos familles, etc., nous devrons tous nous séparer et suivre notre propre voie. Ceux qui ont accumulé une force positive connaîtront le bonheur tandis que ceux qui ne l’auront pas fait ne le connaîtront pas. La continuité du simple « je », étiqueté sur l'énergie subtile et la conscience, se poursuit à coup sûr, et nous expérimenterons donc les fruits des actions dans lesquelles nous nous engageons maintenant. Par conséquent, ce que nous faisons maintenant est crucial.
Lorsque nous mourrons, nous partons tous seuls. Même le Dalaï-Lama, lorsqu'il meurt, doit partir seul. Lorsque Mao Zedong est mort, il est parti seul. Sa femme, Jiang Qing, ne l'a pas accompagné, pas plus que ses nombreux partisans. Toute sa renommée de son vivant ne l'a pas aidé du tout. Nous pouvons voir ce qui s'est passé par la suite. Même un grand homme comme le Mahatma Gandhi est parti seul. Il a dû laisser derrière lui son bâton, ses sandales et ses lunettes rondes en fil de fer. Nous pouvons les voir dans le mémorial qui lui est consacré ; il n'a rien emporté. Les possessions matérielles, les amis, les parents, rien de tout cela ne nous aide au moment de la mort, pas même le corps que nous avons reçu de nos parents. Comme l'a expliqué Goungtang Rimpotché, nous devons tous partir seuls.
Regardez-nous, Tibétains, regardez-vous. Même si nous vivons des moments si difficiles, nous sommes toujours des êtres humains et lorsque nous mourrons, il n'y a aucune certitude que nous redeviendrons des êtres humains. Si nous ne progressons pas maintenant, pendant que nous sommes humains, que pourrons-nous faire plus tard, dans une autre vie, alors que nous ne le serons plus ? Évidemment, nous devons manger. À l'exception des grands êtres qui vivent d'une concentration parfaite, nous devons tous prendre des repas solides. Il est certain que nous devons planter de la nourriture et faire des choses pour cette vie, mais nous ne devons pas en faire une obsession. Nous devons consacrer peut-être 30 % de notre temps à cette vie et 70 % aux vies suivantes, ou mieux encore, faire du 50/50. L'essentiel est de ne pas s'impliquer totalement dans cette seule vie.
L'importance d'avoir de bons amis
(5) La pratique d’un bodhisattva est de nous débarrasser des mauvais amis, lesquels, quand on s’associe à eux, font croître les émotions empoisonnées ; nos actes d’écoute, de réflexion, et de méditation en viennent à diminuer ; et notre amour et notre compassion se réduisent à trois fois rien.
Nous devons donc surtout penser à nos vies futures et, pour ce faire, nous avons besoin de bons amis. Ils sont importants car ils nous influencent beaucoup. Même si nous n'écoutons et ne réfléchissons que très peu aux enseignements, l'exemple de bons amis peut nous inciter à progresser.
Il est donc important d'avoir des amis qui ont les mêmes dispositions que nous. Pourquoi ? Parce que, comme le dit ce dernier verset, les mauvais amis ou les amis trompeurs peuvent nous nuire par leur compagnie, c'est pourquoi nous devons nous en éloigner. Néanmoins, nous devons toujours avoir de l'amour pour eux, c’est-à-dire le souhait qu'ils soient heureux. Il suffit de rester à l'écart de leur influence négative.
(6) La pratique d’un bodhisattva consiste à chérir plus que notre corps nos saints maîtres spirituels grâce à qui, en nous fiant à eux, nos fautes viennent à s’épuiser et nos bonnes qualités à croître comme la lune montante.
Si nous avons des amis à l'esprit positif et que nous gardons la bonne compagnie de gourous ou de mentors spirituels, ils exerceront la meilleure influence sur nous. Bien sûr, nous avons besoin d'un gourou qui nous corresponde, mais même si cette personne est agréable à notre esprit, elle doit aussi être pleinement qualifiée. Nous, Tibétains, avons des tulkus ou des lamas incarnés aux noms célèbres, mais ils doivent être pleinement qualifiés, sinon cela n'a aucun sens. Par conséquent, nous devons mettre de côté le titre de tulku de la personne et vérifier ses qualifications personnelles. S'il ou elle est pleinement qualifié, ce n'est qu'à ce moment-là qu'il ou elle devient un gourou ou un lama.
Or, de nombreux tulkus ne sont pas des lamas. Ils n'ont aucune qualification, bien qu'ils puissent avoir une très grande propriété et beaucoup de richesses. L'argent, un grand nom et la célébrité ne font cependant pas de quelqu'un un lama. C'est pourquoi nous devons vérifier leurs qualifications réelles, leurs études, etc. Cet examen minutieux est extrêmement important. Le Bouddha tout comme Tsongkhapa l'ont souligné.
Une relation saine entre les disciples et leurs mentors spirituels est extrêmement importante. Si les gourous sont pleinement qualifiés, nous pouvons nous en remettre entièrement à eux et faire tout ce qu'ils disent, comme ce fut le cas entre Naropa et Tilopa. Si Tilopa lui disait de sauter, Naropa le faisait sans hésiter. En revanche, si nos gourous ne sont pas au niveau de quelqu'un comme Tilopa, nous ne devons pas faire n'importe quoi sur les conseils de n'importe qui. Nous n'allons pas sauter de ce stoupa monumental simplement parce qu'un imbécile nous dit de le faire, n'est-ce pas ?
L'essentiel pour nous, débutants, est de disposer d'une base solide ou d'un fondement d'autodiscipline éthique sur lequel nous pouvons nous appuyer. La façon dont nous, Tibétains, pratiquons est excellente. Nous avons un fondement de discipline éthique, sur lequel nous avons la pratique de l'amour et de la compassion du Mahayana. Enfin, au sommet, nous avons la pratique des quatre classes de tantras. En fait, nous, les Tibétains, sommes les seuls bouddhistes à pratiquer l'ensemble de la voie des enseignements du Bouddha, et ce sur la base d'une seule personne pratiquant le tout.
En Thaïlande, en Birmanie et au Sri Lanka, par exemple, ils ne pratiquent que la discipline éthique et n'ont ni le Mahayana, ni les tantras. Au Japon, en Corée et dans d'autres pays où le Mahayana existe, on trouve les tantras, mais seulement les trois premières classes : kriya, charya et yoga. Ils n'ont rien de l’anouttarayoga, la quatrième classe de tantra. Certaines traditions ont une vision du vide, mais seulement celle du système Chittamatra ou celle du système Yogachara-Svatantrika du Madhyamaka, mais pas la vision Madhyamaka-Prasangika. Certains endroits semblent avoir un Mahayana sans aucun fondement de discipline, tandis que d’autres essaient de pratiquer le Tantrayana sans le fondement des autres véhicules. C’est seulement chez nous, Tibétains, que la voie et la pratique sont complètes, incorporées en une seule personne. Et cette personne doit être chacun d'entre nous.
La direction sûre (le refuge)
(7) La pratique d’un bodhisattva est de prendre une direction sûre dans les Joyaux Suprêmes, en cherchant protection auprès de celles et ceux qui ne nous déçoivent jamais – car de qui les dieux mondains peuvent-ils protéger, quand eux-mêmes sont toujours enfermés dans la prison du samsara ?
Tout ceci nous amène à prendre une direction sûre, le refuge. Lorsque nous prenons cette direction sûre, nous devons être attentifs aux bonnes qualités des Trois Joyaux. En tibétain, le mot pour bouddha est Sang-gyé (sangs-rgyas). « Sang » signifie éliminer tout ce dont il faut se débarrasser, c’est-à-dire toutes les fautes, et « gyé » signifie réaliser et atteindre toutes les bonnes qualités. Le mot sanskrit « Dharma » signifie retenir, tenir quelqu'un à l’écart de ce qui n’est pas propice. En d'autres termes, suivre le Dharma nous éloigne de la souffrance.
En réalité, le Joyau du Dharma fait référence aux Nobles Vérités que sont les véritables cessations et les véritables cheminements de l’esprit. La véritable cessation des souillures passagères de notre esprit, leur dissolution dans la sphère pure du vide, est une véritable cessation. Les cheminements de l’esprit qui ont une connaissance directe et non conceptuelle du vide sont de véritables cheminements de l’esprit qui mènent à la libération et à l'illumination. Ces deux éléments constituent le Joyau du Dharma.
Le Joyau du Sangha se réfère aux Aryas ou aux Nobles, ceux qui ont une connaissance directe et non conceptuelle du vide. Ce sont donc les Trois Joyaux de la direction sûre. Le Bouddha est comme un médecin, le Dharma est comme un médicament, ou plus précisément, le chemin de la guérison, et l'état d'être guéri est comme les véritables cheminements de l’esprit et les véritables cessations. Quant au Sangha, il est comme un soignant qui nous aide dans ce processus.
Personne n’aime la souffrance, du plus petit inconfort au plus grand, et nous souhaitons toutes et tous en être libérés. Son état d’élimination et les méthodes pour y parvenir définitivement sont comme le Joyau du Dharma. Nous avons besoin d'un enseignant pour ce processus, c'est le Joyau du Bouddha, et d'amis pour nous aider, c'est le Joyau du Sangha. En outre, nous devons avoir confiance dans la capacité des objets qui nous montrent une direction sûre pour nous protéger, et nous devons redouter la souffrance et désirer la soulager. Ces attitudes sont les causes qui nous permettent de mettre en place une direction de refuge sûre dans notre vie.
Comme le Bouddha a enseigné les moyens d'éliminer la véritable cause de la véritable souffrance de manière que sa véritable cessation se produise, il est digne d'être l'objet d'une direction sûre [d’une prise de refuge]. Nous avons rencontré les enseignements d'un tel Bouddha et nous devons donc prendre sa direction sûre dans la vie. Nous prenons une direction sûre dans notre futur état résultant, celui de notre atteinte d'une véritable cessation de toutes nos souffrances et de notre future atteinte de l'illumination. Nous prenons également une direction causale sûre dans ce qui est offert maintenant par les Trois Joyaux qui nous amèneront à cet état. C'est pourquoi vous êtes toutes et tous invités à prendre une direction sûre dans la vie.