Ce qu’il faut prendre en considération quand on se rappelle la mort

La difficulté d’obtenir une précieuse renaissance humaine et la manière d’en tirer le meilleur parti

Il est important au début de réfléchir à la difficulté d’obtenir une précieuse renaissance humaine avec tous ses répits par rapport aux situations empêchant la pratique du Dharma et ses agréments riches en circonstances favorables et en opportunités de pratiquer. Il y a beaucoup de choses à considérer et auxquelles réfléchir telles que la grande difficulté d’obtenir pareille base de travail du point de vue des exemples, du point de vue de sa nature, et du point de vue de ses causes.

Pour l’heure, nous avons véritablement obtenu une telle base si difficile à atteindre. Et comment se fait-il que nous en soyons venus à avoir une telle renaissance humaine ? C’est parce que nous avons accompli une grande quantité de travail spirituel dans nos vies passées, lequel a fait advenir les causes pour renaître tels que nous sommes maintenant. Un exemple pour comprendre cela serait comme d’avoir accompli le travail nécessaire pour rouler une grosse boule de métal à mi-hauteur d’une montagne. Autrement dit, nous avons fait tout le travail pour obtenir une vie humaine à cette heure, et ce qui nous incombe à ce stade c’est d’aller plus loin, de faire des progrès supplémentaires. Ayant amené cette boule à mi-chemin de la montagne, si nous n’agissons pas avec précaution, il y a le risque qu’elle roule jusqu’en bas et il sera très difficile de la faire remonter.

Ce que nous devons faire alors, sur la base de la précieuse vie humaine que nous avons maintenant, c’est d’essayer de développer la compassion, l’amour et un cœur dédié à la bodhichitta. Le mieux que nous puissions faire, après tout, est d’essayer de devenir illuminé sur cette base. Mais, si nous ne faisons pas bon usage de ce que nous avons maintenant, et faisons simplement des prières pour être en mesure d’obtenir une telle précieuse renaissance humaine dans le futur, ce serait pareil que d’avoir un grand panier plein de riz et, le mettant de côté et ne nous en servant pas, de rester assis et de prier pour en avoir un autre !

Pour le moment, nous disposons de cette excellente base de travail que nous pouvons utiliser pour pratiquer le Dharma, et nous devons fournir des efforts et des prières pour en faire plein usage. Nous devrions être très heureux de l’avoir. La façon d’aborder cela est de penser : « Si j’ai obtenu quelque chose de précieux comme cette base de travail, je m’en servirai correctement aujourd’hui et prie pour être capable de continuer d’agir ainsi demain. » Le matin quand nous nous réveillons, il est important de penser : « Comme il est merveilleux que je me sois réveillé ! Je ne suis pas mort pendant mon sommeil ! » Et alors il est important de nous mettre en route en formulant l’intention forte : « Aujourd’hui, je continuerai à faire un usage correct de ma précieuse vie humaine ! »

Le genre de vie que nous avons maintenant est tellement précieux ; il possède huit répits et libertés temporaires par rapport à huit situations difficiles dans lesquelles nous n’aurions aucune chance de faire des progrès spirituels. Il s’agit des huit situations en tant que non humains et des huit situations humaines sans aucune chance. Donc, quand nous nous éveillons le matin, nous devons nous dire combien nous sommes chanceux de n’être pas morts pendant la nuit. Si nous étions morts et avions repris naissance dans n’importe laquelle de ces huit situations sans aucune possibilité de faire aucun progrès spirituel, comme d’être né comme un insecte rampant sur le sol, nous n’aurions même pas l’occasion d’entendre parler de ces mesures préventives du Dharma. Il est donc important de se sentir très heureux et reconnaissant de notre bonne fortune : se réveiller le matin et continuer de jouir des opportunités que nous avons, et mettre en place la forte intention d’en faire le plein usage. Le soir, si nous avons pensé ainsi et avons instauré une intention très forte d’utiliser au maximum nos opportunités, alors, même pendant notre sommeil, ce sera très constructif.

Quand Tsongkhapa écrit ici : « Je fais la requête d’inspiration de développer sans interruption l’attitude d’en extraire l’essence par tous les moyens, de nuit comme de jour », il fait référence au type de pratique que nous pouvons faire à la fois le matin et le soir – à savoir, extraire l’essence de notre précieuse vie humaine.

Cet endroit dans le texte, où Tsongkhapa parle de ce sujet, est l’endroit que nous devons compléter avec la totalité des divers enseignements et méthodes concernant le même sujet qu’on trouve, tout d’abord, dans les soutras. Les soutras sont les paroles du Bouddha lui-même. De même, les divers shastras ou textes explicatifs qui furent rédigés par les maîtres bouddhistes indiens, et similairement tous les textes écrits par les maîtres tibétains de toutes les traditions du bouddhisme au Tibet : Kagyu, Nyingma, Sakya et Guéloug – quelles que soient les méthodes particulières qu’on trouve dans n’importe laquelle de ces sources concernant ce sujet –, nous devons également les appliquer ici. En d’autres termes, nous devons compléter et appliquer ici tout enseignement qui traite de la précieuse renaissance humaine, avec ses répits et ses agréments, peu importe la source bouddhique valide d’où il provient. C’est comme d’avoir un sucrier, nous y mettons tout notre sucre, indépendamment du magasin où nous l’avons eu.

Si nous avons une telle précieuse base de travail, et que nous n’en faisons pas bon usage, il sera très difficile d’en obtenir une autre. Si le cas était que nous puissions constamment obtenir une précieuse vie humaine encore et toujours, ce serait une chose ; mais, en fait, tel n’est pas le cas. C’est pourquoi, si nous n’en faisons pas bon usage maintenant, il est peu vraisemblable que la chance se représente encore. C’est comme quelqu’un qui est très fort et courageux, s’il ne possède pas de membres et est placé sur le sol quelque part, peu importe qu’il soit fort et courageux, il ne peut pas faire grand-chose. De même, il n’y aura pas grand-chose que nous puissions faire une fois perdu notre précieux corps humain.

À la rigueur, si notre corps humain était quelque chose d’extrêmement fort et impérissable, cela irait encore ; mais ce n’est pas ainsi. C’est une chose qui ne possède pas une très grande force. D’autre part, une fois que nous avons pris naissance, hormis mourir, il n’y a rien qui puisse arriver. Et s’il existait un endroit où nous avons entendu dire qu’on puisse aller et où les gens ne meurent pas, ce serait merveilleux, nous pourrions nous y rendre. Mais, en fait, un tel lieu n’existe pas. Comme il n’y a aucun endroit où aller pour échapper à la mort, il est important d’être conscient de la mort.

Mort et impermanence

Quand nous entendons parler de la mort et des royaumes inférieurs, la majorité d’entre nous trouve cela très déplaisant si on compare cela au fait d’entendre parler de choses diverses et de préoccupations mondaines. En entendre parler reviendrait à écouter une mauvaise histoire. Nous n’aimerions pas cela et n’y prendrions pas plaisir. Entendre, à la place, que des choses telles que la mort et les royaumes inférieurs n’existent pas serait comme d’écouter une très jolie histoire. Mais entendre une belle histoire qui dit que pareilles choses n’existent pas, alors qu’en fait elles existent, est une source de grande déception ; c’est tout simplement un mensonge.

Si nous décidons que, puisque nous n’aimons pas entendre des histoires à propos de la mort et des royaumes inférieurs, il vaut mieux ne pas les écouter parce qu’elles sont tellement désagréables et contrariantes, et si, avec une telle attitude, nous pouvions faire en sorte que la mort et la renaissance dans des royaumes inférieurs n’arrivent pas, ce serait très bien. Mais en fait, tel n’est pas le cas. Ne pas aimer en entendre parler et ne pas croire en elles ne les fait pas disparaître. Et, de fait, leurs récits ne sont pas juste des histoires fabriquées : c’est la pure vérité. Dans la mesure où notre fin mortelle est une chose qui arrivera définitivement à chacun d’entre nous, tôt ou tard, et que c’est juste une question de temps, il est nécessaire d’y prêter l’oreille et d’essayer de trouver une méthode pour éviter d’être complètement terrifié quand cela arrivera.

Ce n’est pas juste une question d’être totalement paniqué : « Je vais mourir ! Je vais mourir ! » et d’être complètement bouleversé. Ce n’est pas la question, car en fait il existe des méthodes, des mesures préventives que nous pouvons prendre pour nous assurer que notre mort ne sera pas une expérience à ce point terrifiante. S’il existe de telles méthodes et que nous ne nous en servons pas, alors c’est une véritable disgrâce ; c’est un immense gâchis. 

Nous pourrions aussi commettre l’erreur de penser qu’il vaut mieux ne pas être conscient de la mort. Mais si nous ne sommes pas conscients de la mort, la faute alors s’ensuit que très souvent nous ne serons pas du tout conscients d’adopter les mesures préventives du Dharma. Et même si nous sommes conscients de ces diverses mesures du Dharma que nous pourrions prendre, si nous ne sommes pas continuellement conscients de notre mort imminente, nous n’envisageons pas leur pratique jusqu’à leur terme. Quand nous entreprenons des pratiques du Dharma et ne les envisageons pas jusqu’à la fin, la faute est que nous n’avons pas été assez conscients de la mort.

Il y en a d’autres qui passent leurs vies à faire toutes sortes de choses destructives, comme de voler, de tuer, etc. Ils s’engagent dans toutes ces choses car eux aussi ne sont pas conscients de leur mort imminente et de ce qui peut s’ensuivre. Si, pendant notre vie, nous avons été accaparés uniquement par des affaires mondaines – en particulier négatives et destructrices – alors quand notre mort sera sur le point d’arriver, il n’est même pas nécessaire de mentionner que, bien entendu, nous allons être très perturbés. Tout le monde autour de nous sera également complètement bouleversé et malheureux. Mais, en plus d’être bouleversés, nous allons mourir dans un état misérable de grand regret. Tout ceci est dû aux fautes de n’avoir pas été conscients de la mort avant qu’elle ne survienne.

D’un autre côté, quand nous sommes conscients de la mort, cela agit comme une incitation qui nous pousse à pratiquer le Dharma. Donc, quand nous pensons à la pratique spirituelle et à l’incitation qui nous y pousse, la première instigation c’est d’être conscients de notre mort imminente.

Quand le Bouddha mit en route le premier tour de la roue du Dharma, une des premières choses qu’il enseigna concernait l’impermanence – la manière dont aucune situation demeure statique ou dure pour toujours. La Bouddha lui-même, par exemple, naquit dans une famille royale ; il était un prince doté d’une incroyable richesse et splendeur. Mais quand, près de la cité royale, il vit qu’on transportait un cadavre, telle fut la circonstance qui le poussa à sa pratique spirituelle.

Non seulement la conscience de la mort et de l’impermanence est l’incitation pour commencer notre pratique spirituelle du Dharma, c’est également une incitation pour que nous poursuivions le cours de notre pratique et pour nous voir la mener jusqu’à son terme. C’est quelque chose qu’on peut voir dans les représentations peintes de certains des plus grands pratiquants et êtres réalisés. Nombre d’entre eux portent des ornements faits d’os humains et se servent d’ustensiles en os, tels que des coupes crâniennes ou des trompettes faites à partir de fémurs. La raison de tout cela est de les aider à rester continuellement conscients de la mort et de l’impermanence.

En outre, continuer à penser et à rester conscients de l’impermanence est l’incitation qui nous conduit à l’achèvement véritable de notre voyage spirituel. Si nous avons une très forte réalisation de l’impermanence, alors nous avons un esprit spirituellement orienté extrêmement fort. Quand le Bouddha lui-même trépassa à Kushinagar, là, également, la dernière chose qu’il démontra à tout le monde fut l’impermanence.

Quand nous obtenons vraiment la réalisation de la mort et de l’impermanence – la réalisation que rien ne demeure statique – il s’agit du vrai chemin de quelqu’un de portée initiale. C’est la réalisation qui nous conduira à développer le chemin de quelqu’un de motivation de portée intermédiaire et cela agira comme incitation à progresser encore plus loin pour devenir quelqu’un de portée avancée. Cette conscience de l’impermanence est essentielle pour être capable de développer l’amour et la compassion et, de fait, pour être en mesure d’avoir une pratique spirituelle complètement pure et correcte en tout. De plus, si, sur la base d’une réalisation ferme de l’impermanence, nous avons été capables de bien pratiquer le Dharma, il est possible que, quand nous mourrons, nous serons en mesure d’entrer dans un état d’esprit très heureux, et de manière très paisible. Bien sûr, il n’existe aucun moyen pour que nous ne mourrions pas, mais la réalisation de l’impermanence fait de notre passage dans la mort quelque chose que nous pouvons affronter dans un état d’esprit heureux et paisible, sans aucun regret.

Comment être conscient de la mort

Il y a de nombreux points qu’on peut discuter en matière de mort et d’impermanence ainsi que les divers avantages d’en être conscient et les inconvénients de ne pas l’être. Mais en bref, quand nous demandons : « Bon, comment reste-t-on vraiment conscient de la mort ? », c’est décrit dans les deux premières lignes de la stance suivante :

(3) Au moment de la mort, mon corps et ma force vitale périront vite, telles des bulles à la surface d’un ruisseau agité. Me souvenant de cela et ayant acquis une certitude stable qu’après la mort les fruits de mes actions lumineuses et sombres me suivront […] 

Le premier point auquel nous réfléchissons est le facteur sûr et certain de la mort – le fait que la mort viendra sûrement. Le deuxième point est qu’il n’y a aucun moyen de dire quand la mort viendra pour de vrai. Le troisième est de considérer comment, au moment de la mort, sauf à avoir pris des mesures préventives du Dharma pendant notre vie, rien d’autre ne nous sera d’aucun secours.

Il y a de nombreux points à considérer en ce qui concerne la manière dont la mort est certaine. Peu importe le genre de corps avec lequel nous avons pris renaissance, il n’est aucune sorte de corps qui ne périra jamais. De nos jours, il y a de très bons hôpitaux, des médecins extrêmement habiles et des médicaments très puissants ainsi que des drogues merveilleuses. Mais peu importe la puissance de toutes ces choses, il n’y a toujours pas de remède à la mort. Il n’y a rien qui puisse éliminer la mort et aucun hôpital où nous puissions nous rendre pour y échapper, car s’il devait y en avoir un, on l’aurait construit sûrement. Le Bouddha pleinement illuminé lui-même, le Boudhha Shakyamouni, bien qu’il fût devenu totalement lucide et pleinement évolué, nous démontra néanmoins une manière ordinaire de trépasser lors de son départ final à Kushinagar. Nous pouvons tous nous y rendre et visiter cet endroit.

Certaines personnes ont même vécu des milliers d’années. Tout grand Mathusalem que quelqu’un puisse être – et certaines de ces personnes sont peut-être toujours parmi nous – néanmoins aucune d’entre elles n’échappera à la mort ou, jusqu’à un certain point, n’a échappé au fait de mourir finalement.

Bien qu’il y ait tellement d’endroits où aller, il n’y a pas d’endroits où l’on puisse échapper à la mort. Certains Tibétains ont parcouru toute l’Inde dans l’espoir de trouver un lieu ayant le traitement médical pour éviter de mourir de la maladie terminale qu’ils avaient, mais il n’existait pas de lieu que l’un d’eux ait pu trouver. Ils se sont même rendus à l’Ouest en quête de grands hôpitaux, mais quand notre temps est fini, notre temps est fini. Nous devons mourir. Peu importe la grandeur des hôpitaux qu’on puisse trouver, ou combien fantastique la quantité de drogues qu’on puisse avoir, quand notre temps est écoulé, il n’y a rien qu’on puisse en espérer. Les docteurs eux-mêmes tombent malades et doivent rester à l’hôpital et mourir.

Par ailleurs, il n’y a aucun moyen de dire avec certitude quand la mort viendra ; c’est une chose qui peut arriver à tout moment. C’est décrit ici dans l’exemple fourni par le texte : « Au moment de la mort, mon corps et ma force vitale périront vite, telles des bulles à la surface d’un ruisseau agité» Quand nous regardons des bulles ou de l’écume à la surface d’un ruisseau, nous pouvons voir clairement qu’il y a des choses qui ne durent nullement. Elles sont instables et peuvent disparaître à tout instant. Notre vie est exactement pareille.

Tous ces points sont des choses que nous pouvons vérifier pour nous-mêmes. Il n’y a, de fait, aucune certitude du moment où notre mort viendra. Il n’est pas nécessaire d’étudier cela dans les textes, nous pouvons le constater par nous-mêmes d’après nos propres expériences de vie. Toute la question est de ne pas nous leurrer en pensant que si nous ne pratiquons pas maintenant, nous pouvons être paresseux et remettre ça à demain. La raison en est que nous ne savons jamais quand nous mourrons. C’est pourquoi, nous devons prendre la décision ferme d’adopter et de suivre les mesures préventives du Dharma dès maintenant, reconnaissant et admettant le fait que la mort peut venir rapidement. Comme le dit notre texte : « notre corps et notre force vitale périront vite. »

Nous pouvons voir de nombreux exemples de la vitesse à laquelle les choses vont vers une fin. Après que le soleil s’est levé, il se couche rapidement, et quand nous sommes dans un train ou un avion, ils ne restent pas immobiles mais courent continuellement vers leur destination. La vie défile de la même manière. La mort est quelque chose qui viendra définitivement ; il n’y a aucun moyen de l’éviter. Et même si nous nous abusons en étant juste concernés par l’accumulation de richesse et de possessions matérielles pour cette seule vie, ce que nous avons accumulé ne nous sera d’aucune utilité. Au moment de mourir, nous serons incapables de rien emporter avec nous.

Potentiels karmiques lumineux et sombres

Et donc, si on se demande ce qui peut advenir de nous après notre mort, l’exemple est celui d’une ombre suivant un corps. Ce qui nous accompagne comme l’ombre de notre corps, ce sont les divers potentiels que nous avons accumulés dans notre vie, tant les lumineux que les sombres – les potentiels karmiques « blancs » et « noirs », comme on les appelle.

Nous voulons tous le bonheur et personne ne veut de souffrances ni de problèmes. D’où ceux-ci viennent-ils ? Tout notre bonheur vient des actions lumineuses, nobles, positives que nous avons commises ; tandis que tous nos problèmes et nos souffrances viennent des choses troubles, sombres, négatives que nous avons faites. Si telles sont les deux sortes de choses que nous emportons avec nous quand nous mourons – les potentiels karmiques de ces deux types d’actions – alors il est évident que nous nous trouverions en bien meilleure position si nous avions plus de ces potentiels positifs avec nous. Nous voulons emporter avec nous dans les vies futures des potentiels positifs lumineux pour le bonheur, potentiels que nous avons accumulés à partir de nos actes constructifs. Nous ne voulons aucun des potentiels négatifs, sombres, issus de comportements destructeurs, lesquels nous causeront problèmes et malheur. Telle est la raison pour adopter toutes les mesures préventives du Dharma et suivre une pratique spirituelle. Nous faisons cela afin d’accumuler ces potentiels positifs ou potentiels pour le bonheur, lesquels nous seront bénéfiques dans les vies futures. Nous réalisons que, hormis cela, rien ne nous sera d’aucune aide au moment de notre mort. Dès lors, la décision correcte à prendre consiste à mettre toutes nos énergies dans cette direction.

Il y a d’innombrables actions lumineuses et sombres. Mais on peut toutes les résumer sous la forme des dix actions constructives ou vertueuses et des dix actes destructeurs ou non vertueux. Il est important de connaître les détails de ce que sont chacune de ces actions constructives et destructrices. Les connaître constitue une base que nous pouvons faire s’étendre et élargir à mesure que nous progressons pour devenir une personne de motivation de portée avancée.

Si, après notre mort, il n’y avait pas une chose telle que la renaissance, alors la mort serait juste une événement solitaire, et il n’y aurait pas lieu d’en faire toute une histoire. Mais dans la mesure où le texte dit « après la mort », et qu’il parle de ce qui suit, alors nous pouvons être sûrs, en vérité, qu’il y a des vies futures. Nombreux sont les gens qui affirment qu’une chose comme la renaissance n’existe pas. Mais en dépit du simple fait qu’ils pensent qu’une telle chose n’existe pas, il n’y a aucun moyen pour qu’ils en soient absolument sûrs. Bien que nous ne soyons pas en mesure de voir vraiment les vies futures, il n’y a aucun moyen pour que nous puissions dire qu’elles n’existent pas du tout. 

En fait, il y a des vies futures ; c’est en tout point réel. Et qu’est-ce qui détermine le genre de renaissance que nous prenons ? Ce sont les types de potentiels karmiques que nous avons accumulés : soit lumineux, ce sont les constructifs, soit sombres, ce sont les négatifs. Ce sont eux qui déterminent le genre de renaissance que nous prenons. Bien que nous ne puissions pas voir les êtres des enfers ou les fantômes avides, nous pouvons en fait voir les animaux et des créatures rampantes tout autour de nous. Si nous n’arrêtons pas d’agir de manière destructrice, nous pourrions renaître avec exactement le même type de corps et exactement dans les mêmes types de situations horribles où ils se trouvent. Cela on peut le tenir pour sûr. Si nous pensons à tous les problèmes et souffrances que les animaux doivent affronter, et à toutes les difficultés d’une telle renaissance, nous développerons un état de frayeur. Nous ne voudrons pas faire l’expérience de ces choses nous-mêmes. Nous rechercherons une source de direction sûre et valide, ou refuge à prendre, afin d’éviter semblable terrible renaissance. 

La direction sûre – le refuge

S’il n’existait pas de direction sûre à prendre pour être capable d’éviter cela, mieux vaudrait alors ne pas penser à tous ces horribles problèmes. Mais, en fait, il y a une direction sûre à prendre ; on peut trouver un refuge. Si on demande : « Quelles méthodes adopter ? », alors, avant tout, nous devons savoir qu’il y a de grands êtres qui ont indiqué les mesures à prendre, à savoir les bouddhas.

Les bouddhas ont à la fois un Corpus ou Corps de Formes illuminées (un Rupakaya) et un Corpus ou Corps qui tout embrasse (un Dharmakaya). Si on se demande : « Comment les bouddhas réalisent-ils un Corpus de Formes illuminées ? », c’est à la suite d’avoir accumulé un potentiel positif ou mérite au cours de trois milliards d’éons. De même, si on se demande : « Comment les bouddhas réalisent-ils un Corpus qui tout embrasse, un Dharmakaya ? », c’est à la suite d’avoir complètement développé leur esprit pour être en mesure de tout comprendre – et en particulier, pour être capables de comprendre le vide (la vacuité), l’absence totale de modes impossibles d’existence. 

Un Corpus de Formes illuminées, ou Rupakaya, possède deux aspects : un Corpus de Pleine Utilité ou Sambhogakaya, et un Corpus d’Émanations ou Nirmanakaya.

Un Corpus de Pleine Utilité, ou Sambhogakaya, est un assortiment de corps qui fait plein usage des enseignements du Mahayana à l’esprit vaste. Seuls des bodhisattvas hautement réalisés – des aryas bodhisattvas de la première à la dixième terre – sont capables de rencontrer vraiment et de recevoir des enseignements de leur part. Pareils corps résident seulement dans des terres pures de champs de bouddhas, comme le royaume d’Akanishta, le royaume sans supérieur. Ils n’apparaissent pas dans des champs ordinaires ou terres impures. Ils exposent seulement les vastes mesures du Mahayana et, contrairement aux Corps d’Émanations suprêmes (Nirmanakaya Suprême), les corps Sambhogakaya ne font jamais montre d’un parinirvana, ou trépas avec libération finale. En outre, ces corps apparaissent ornés de la totalité des trente-deux marques majeures et des quatre-vingts caractères physiques mineurs d’un bouddha.

Bien qu’un Rupakaya inclue parmi ses formes illuminées ces corps Sambhogakaya, il est malgré tout nécessaire pour les bouddhas d’apparaître sous des formes capables d’être bénéfiques à tous et pas seulement aux aryas bodhisattvas. Les genres de formes illuminées que les êtres ordinaires non-aryas qui n’ont pas contemplé la réalité peuvent rencontrer sont celles qui constituent le Corpus d’Émanations, les Nirmanakayas – des émanations de Sambhogakayas.

Un Corpus d’Émanations, ou Nirmanakaya, comporte trois sortes de corps illuminés : des Corps d’Émanations Suprêmes, des Corps d’Émanations en tant qu’Artistes, et des Émanations en tant que Personnes.

Le Bouddha Shakyamouni est un exemple de Corps d’Émanation Suprême. Si quelqu’un a le potentiel karmique pur approprié, il est possible de rencontrer en vrai un tel corps d’émanation et de recevoir des enseignements directement de lui. Mais comme nous n’avons pas accumulé un potentiel pur, nous n’avons pas été capables d’en rencontrer un. Les types de corps d’émanations que nous pouvons véritablement rencontrer sont soit des Émanations en tant qu’Artistes ou en tant que Personnes.

Une émanation en tant que Personne que nous pourrions rencontrer pourrait être, par exemple, une émanation d’Avalokiteshvara. Sa Sainteté le Dalaï-Lama est une émanation d’Avalokiteshvara sous la forme d’une personne. Un exemple d’émanation en tant qu’Artiste serait comme dans l’histoire suivante. Il y avait une fois un roi des gandharvans ou musiciens célestes, qui était extrêmement fier de son talent de joueur de luth. Le Bouddha se manifesta en tant qu’émanation d’un artiste encore plus doué pour jouer du luth et, de cette façon, utilisa divers moyens pour aider cette personne.

Nous pouvons penser à toutes les différentes sortes de bouddhas selon la présentation des soutras ou des tantras. Selon le système des soutras, il y a un débat autour du millier de bouddhas de cet éon fortuné. Il y a aussi la discussion au sujet des bouddhas des trois temps et des dix directions. Selon les tantras, on a toutes les diverses figures-de-bouddha ou yidams, lesquelles, une fois encore, sont différentes sortes de formes illuminées. Toutes ces formes différentes sous lesquelles un bouddha peut apparaître constituent le véritable joyau des bouddhas, rare et suprême, à partir duquel nous tirons une direction sûre dans la vie.

En termes de notre propre pratique, il est important de respecter et reconnaître les diverses représentations du Bouddha. Nous devons considérer toutes les représentations d’un bouddha, depuis les grandes peintures dans les temples bouddhiques jusqu’aux moindres dessins d’enfants comme étant véritablement des bouddhas. La raison en est que lorsque nous développons un chemin d’accumulation (un chemin d’accumulation de l’esprit) – le premier des cinq chemins d’esprit – et, en particulier, un haut niveau des trois niveaux d’un tel esprit – nous serons alors capables d’entendre vraiment et de recevoir les enseignements de la parole illuminée de toutes les représentations des bouddhas, même à partir de modestes dessins d’enfants. De même, quand nous atteindrons un haut niveau du chemin d’accumulation de l’esprit, nous serons en mesure de nous rappeler et de réciter la totalité des divers enseignements que nous avons un jour entendus, sans aucun effort. Nous aurons de grandes compétences et capacités comme celles qui correspondent à ce niveau de chemin d’esprit. 

Tel est donc le suprême et rare joyau des bouddhas, ceux qui nous montrent véritablement la direction sûre à prendre dans la vie, le refuge. Il existe d’innombrables bonnes qualités du corps, de la parole et de l’esprit de tels êtres, et toutes ces qualités sont décrites dans les grands textes. Vous disposez ici d’excellents maîtres spirituels et vous pouvez étudier toutes ces qualités avec eux.

Une fois conscients de toutes ces bonnes qualités, compétences et aptitudes, nous aurons un état exceptionnellement fort et stable de croyance respectueuse en les faits. Si nous ne sommes pas conscients de toutes les bonnes qualités, il sera difficile d’avoir une croyance respectueuse réellement profonde et stable. Tout ce que nous pouvons espérer, c’est une sorte d’attitude dévotionnelle consistant à considérer le Bouddha comme quelqu’un de très saint et précieux, mais cela ne constitue pas une fondation pour obtenir un quelconque progrès.

Quant au véritable joyau rare et suprême des mesures préventives, le Dharma, cela fait référence aux qualités de déblaiements (d’abandons) et aux qualités de réalisations sur le courant de conscience d’un être illuminé, un bouddha. Et non seulement chez les bouddhas, ce sont également ces qualités de déblaiements et de réalisations qu’on trouve sur les courants de conscience de tous les êtres hautement réalisés, de tous les aryas. Telle est la véritable source du Dharma de la direction sûre. Du point de vue de l’approche conventionnelle de ce joyau, nous reconnaissons tous les textes et les écrits comme étant représentatifs de ce refuge du Dharma.

Le véritable joyau rare et suprême d’une communauté d’intention, une communauté tendant vers un but positif, le Sangha, serait constitué par celles et ceux qui nous aident à réaliser cet objectif du Dharma, source de la direction sûre. Spécifiquement, le vrai rare et suprême joyau du Sangha comprend tous les êtres hautement réalisés, tous les aryas eux-mêmes. Les aryas sont ceux qui ont contemplé la réalité, ou vide, directement et de manière non conceptuelle. Ils ont contemplé le fait qu’il n'existe pas de choses comme des identités vraies. De tels êtres sont la vraie source de direction au sein d’une communauté d’intention. 

En général, si on a quatre moines ou quatre membres d’une des quatre divisions de ceux qui ont pris la robe, cela constitue un Sangha ou communauté d’intention. Quand on a juste un moine, par exemple, on ne considérerait pas cette personne comme un Sangha, puisque étant seulement une personne, on ne peut la considérer comme une communauté d’intention. On dirait simplement que cette personne est un moine mendiant ou bhikshu. Il faut quatre personnes ou plus qui ont pris la robe pour constituer une communauté d’intention, ou Sangha.

Tandis que nous pratiquons, il est important de reconnaître que seul l’arya Sangha est la véritable communauté qui agit comme une source de direction sûre, et de pratiquer avec cette reconnaissance. La communauté monastique n’est que la représentation de celle-ci. L’arya Sangha agit comme nos véritables amis et nos soutiens sur la voie. Parmi les Trois Joyaux de Refuge, dès lors, le Joyau du Bouddha est celui qui indique réellement la direction sûre à prendre ; le Joyau du Dharma est la véritable direction à prendre ; et le Joyau du Sangha est les véritables soutiens, celles et ceux qui nous aident dans la démarche de prendre une direction sûre et ferme dans la vie.

Si je vous rapporte le récit de Stiramati (Blo-gros brtan-pa), un enfant des dieux, cela vous aidera peut-être à comprendre les Trois Joyaux. Quand nous parlons des dieux, les dieux n’ont pas les genres de problèmes ordinaires que nous rencontrons en tant qu’humains. Ils n’ont pas de problèmes à propos des richesses, des divers biens, des choses ; ils jouissent d’une vie pleine de grands plaisirs. Là où ils vivent, tout est de la nature des pierres précieuses et fait de joyaux. Ils sont sans cesse à s’amuser ; ils ont toujours autour d’eux de charmants dieux et déesses pour leur tenir compagnie, et ils vivent une très longue vie de loisir et de plaisir. Mais bien qu’ils aient des vies tellement longues, aucun d’eux ne peut échapper à la mort. C’est juste une question de temps.

Juste avant de mourir, les dieux reçoivent divers signes de leur mort imminente. Normalement, leurs corps sentent très bon, mais quand ils sont sur le point de mourir, ils commencent à dégager des odeurs très nauséabondes. Ils portent toujours diverses guirlandes de fleurs ; mais, au moment de mourir, ces guirlandes commencent à faner. Bien qu’ils aient l’habitude de batifoler et de prendre du plaisir avec les autres dieux et déesses, quand ces signes apparaissent, tout le monde les évite et les laisse seuls. Uniquement ceux qui sont des amis vraiment fermes et constants viendront les voir. Mais ils le feront seulement de loin, se tenant à distance et se contentant de les regarder. En outre, quand un dieu va mourir, il est capable de voir le type de renaissance qu’il prendra dans sa prochaine vie.

Il était donc une fois un dieu du nom de Stiramati. Ce dieu particulier vit qu’il allait chuter dans un des pires états de renaissance dans sa prochaine vie et qu’après cela il renaîtrait sous la forme d’un porc. Il éprouva un fort tourment et une prodigieuse souffrance mentale à cette idée. En général, quand on parle de souffrance physique et de douleur, les pires sont celles endurées par les diverses créatures des enfers ; mais en termes de souffrance mentale et de tourments, il n’en est pas de plus grands que ceux endurés par les dieux dans de telles circonstances.

Tout naturellement, Stiramati alla demander conseil au Roi des Dieux, Indra. Stiramati alla le trouver et lui demanda quoi faire pour empêcher cela. Le Roi des Dieux dit : « Je n’ai rien qui puisse t’aider hors de cette situation, aucune méthode qui puisse t’offrir une direction sûre dans ce cas. Le seul qui le peut est le Bouddha, et je vais t’y conduire. » Il emmena donc Stiramati, cet enfant des dieux, afin de rencontrer le Bouddha.

Le Bouddha lui donna des instructions pour faire les diverses procédures rituelles de la figure-de-bouddha Ushnishavijaya, une déité personnelle avec trois visages et huit bras, quatre de chaque côté. Le roi fit la totalité des diverses pratiques et procédures rituelles pour les neuf déités du cycle de Ushnishavijaya, et fut capable en conséquence d’épuiser complètement les potentiels négatifs qu’il avait accumulés pour avoir une renaissance aussi terrible. 

À ce stade, il se trouvait dans le Ciel des Trente-Trois Dieux. Au-dessus de ce ciel il y avait le ciel de Ganden (Tushita) et il fut en mesure de renaître dans ce ciel, encore plus haut que celui où il était déjà allé. Indra, le Roi de Dieux, a la capacité de voir les différents niveaux de renaissance que les gens prennent dans les royaumes inférieurs au sien ; mais dans la mesure où ce dieu était rené dans un royaume plus élevé que le sien, il était incapable de le voir. Il interrogea donc le Bouddha qui lui dit que ce dieu avait pris renaissance dans le ciel de Ganden, le ciel qui se trouve plus haut que celui d’Indra.

Si on réfléchit à cet exemple, le Bouddha est celui qui véritablement indiqua à Stiramati la direction sûre à prendre, celui qui lui montra le refuge. La vraie direction sûre fut fournie par la pratique, accomplie par ce dieu, des méthodes pour réaliser les neuf déités de Ushnishavijaya. Telle était la vraie direction sûre, le refuge qui lui permit d’épuiser la totalité de son potentiel négatif. C’est pourquoi il est dit que le joyau rare et suprême des mesures préventives en elles-mêmes, le Joyau du Dharma, est la véritable direction sûre à adopter. Indra, dans cet exemple, serait le Joyau de la Communauté d’intention, le Sangha, dans le sens où il a aidé ce dieu à trouver la direction sûre en lui faisant rencontrer le Bouddha.

En bref, la véritable pratique consistant à observer notre comportement en matière d’actes lumineux ou sombres et le fait d’agir en conséquence afin de faire advenir les résultats corrects constitueraient les véritables mesures préventives, le Dharma, lequel nous procure une direction sûre et solide dans la vie.

Éviter les actes destructeurs

Agir de façon constructive et lumineuse fait s’accumuler du potentiel positif. Le résultat en est une renaissance dans un des meilleurs royaumes. Si nous avons commis des actes sombres, troubles, et avons agi de façon destructrice, cela accumule du potentiel négatif. En conséquence de ce potentiel négatif, nous renaissons dans les pires états, et c’est un fait certain. Le facteur de certitude des actions karmiques fait référence à ce point.

Si nous voulons savoir comment réfléchir aux diverses sortes d’actions sombres et destructrices, celles-ci se trouvent condensées au nombre de dix : trois du corps, quatre de la parole, et trois de l’esprit. À titre d’exemple, si l’on considère la première, la première sorte d’action destructrice du corps, il s’agit de prendre la vie. Le résultat initial de prendre la vie est la renaissance dans un des pires états. Cela est connu sous le nom de « résultat de mûrissement » ; il s’agit de la première chose qui mûrit comme résultat d’une telle action. Puis viennent deux types de résultats qui correspondent à leur cause : il y a des résultats qui correspondent à leur cause dans notre expérience et des résultats qui correspondent à leur cause dans notre comportement. En ôtant une vie, un résultat correspondant à sa cause dans notre expérience serait alors, après avoir eu un pire état de renaissance, et même si nous renaissons en tant qu’être humain, de faire l’expérience d’une vie très courte pleines de graves maladies et de difficultés. Comme résultat correspondant à sa cause dans notre comportement, dès la petite enfance nous serons instinctivement très sadiques et aimerons tuer.

De même, il y a un résultat dominant dont les nombreux êtres qui ont pris la vie des autres feront l’expérience. Ce résultat est que, dans le pays où nous renaissons, la science médicale, par exemple, sera inefficace et faible et que la nourriture aura très peu de valeur nutritive.

Tout comme il existe ces quatre types de résultat par suite du fait de prendre la vie des autres, de même il existe quatre types similaires de résultat qui découlent du reste des dix actes destructeurs.

Quand nous avons un état d’esprit grâce auquel nous voyons tous les désavantages qu’il y a à tuer, et que nous prenons la résolution, du fait d’être conscients de ces désavantages, de nous abstenir d’ôter la vie, et que nous nous abstenons véritablement de tuer, cet exercice de retenue est une action lumineuse, positive du corps. Il s’agit là de l’action constructive de s’abstenir de tuer.

Si, dans une situation particulière, en voyant les désavantages de tuer, nous prenons la résolution pour une fois de nous abstenir de prendre la vie d’autrui, et que dans cette situation nous nous abstenons, nous expérimenterons une série de résultats en rapport avec cet acte constructif. Cependant, si, dans la même situation, nous prenons le vœu de ne plus jamais tuer et, qu’après cela, nous nous abstenons à chaque fois de jamais tuer, alors même en dormant, nous continuerons d’accumuler le potentiel positif de continuer de nous abstenir de tuer.

Parmi les disciples proches du Bouddha Shakyamouni, chacun avait sa spécialité. Il y avait le hautement réalisé Katyayana (Ka-tya’i bu) dont la spécialité était d’être capable d’amadouer et de traiter avec les gens des régions frontalières. Un jour, il rencontra un égorgeur d’animaux et demanda à cet homme de prendre le vœu de ne pas tuer, de ne plus égorger. Cette personne lui dit : « Je ne peux pas faire ça, je ne peux pas promettre de ne pas égorger pendant la journée. Mais je promets de ne jamais égorger d’animaux la nuit. »

À cette époque, on trouvait dans les océans de très nombreux trésors et pierres précieuses, et de nombreux marchands avaient coutume de partir en mer pour y chercher fortune. Ces marchands prenaient toujours un guide avec eux, dans la mesure où dans ces temps-là les voyages en mer étaient extrêmement difficiles et dangereux. Un jour, un groupe de marchands demanda au hautement réalisé Sangharakshita (dGe-‘dun ‘tsho) de venir avec eux pour leur servir de guide. Confrontés au mauvais temps et à d’immenses vagues, ils perdirent leur chemin et atterrirent dans un pays étrange et inconnu.

Une nuit, alors que Sangharakshita errait dans cet étrange pays, il tomba sur une belle demeure pleines d’excellentes provisions. Cette nuit-là, il y dormit très bien. Quand il se réveilla le lendemain matin avant l’aube, son hôte lui dit : « S’il vous plaît, partez avant que le soleil ne se lève, car durant la journée j’ai de terribles problèmes qui me harcèlent et me tourmentent tout au long du jour jusqu’à ce que le soleil se couche. » Il expliqua que dès que le soleil se levait, tous les animaux des environs venaient à sa maison et l’attaquaient. Les animaux à corne lui donnaient des coups de corne et l’embrochaient, ceux avec des dents et des crocs le mordaient, et ceux avec des griffes le lacéraient. Ces scènes horribles se poursuivaient jusqu’à ce que le soleil se couche, jusqu’à la nuit. « Mais aussitôt que le soleil est couché, dit-il, jusqu’à ce qu’il se lève à nouveau le matin, tout ici est paisible, aimable et beau. » 

Plus tard, Sangharakshita rencontra une fois encore le Bouddha et lui rapporta que dans une contrée lointaine s’était produit cette situation étrange et inhabituelle. Le Bouddha lui expliqua alors : « Il s’agit de la renaissance d’une personne, un égorgeur, qui avait fait le vœu devant le hautement réalisé Katyayana de renoncer à égorger des animaux seulement la nuit, mais avait dit qu’il devait continuer à les égorger pendant la journée. La situation à laquelle tu as assisté est le résultat de ce type d’action. »

Donc, comme on peut le voir d’après cet exemple, quel que soit le genre de potentiels karmiques que nous avons accumulés à partir de diverses sortes d’actions, il existe un facteur de certitude sur le genre de résultats qui s’ensuivent.

En outre, il existe un facteur connu comme le facteur d’accroissement concernant le comportement karmique. Autrement dit, à partir d’une très petite action, d’énormes et vastes résultats peuvent mûrir. Par exemple, considérez un petit gland – un arbre imposant et puissant peut pousser à partir de lui. Ceci se passe à un niveau extérieur. À un niveau interne, à partir de la graine d’un potentiel karmique accumulé à la suite d’une petite action, un résultat très grand peut également mûrir. Par exemple, si nous faisons une longue prosternation dans les règles, cela fait s’accumuler la même quantité de potentiel positif ou mérite que ce qui est requis pour renaître en tant qu’empereur cosmique universel, ou Roi Chakravartin, et cela autant de fois qu’il y a de grains de poussière en dessous de nous.

Une fois, quelqu’un avait composé un texte erroné à propos de certains rituels impliquant des serpents. En conséquence, une chose terrible arriva à sa tête : elle s’ouvrit en deux et il commença à se gratter. Puis, il se transforma en serpent. De même, il y avait quelqu’un qui avait dit à un moine : « Votre voix est pareille à celle d’un chien », et cet homme reprit naissance en tant que chien cinq cents fois. Donc, à partir d’un petit dérapage comme celui-là, comme de dire que la voix de quelqu’un est pareille à celle d’un chien, des résultats terribles et désastreux peuvent découler. 

Au commencement de l’univers, le premier monarque régnant était connu comme le « monarque communément choisi ». Non seulement ce monarque régnait sur les quatre mondes-îles – aussi appelés les « quatre continents » – ainsi que sur les mondes-îles secondaires, mais il avait également accumulé le potentiel positif pour être en mesure de partager le trône avec le Roi des Dieux, Indra, dans le Ciel des Trente-Trois Dieux. Tandis qu’il partageait le trône, les anti-dieux, les asuras, qui attaquaient sans cesse les dieux, devinrent très puissants et gagnèrent la bataille. Il était maintenant déchiré entre deux choix : ou bien aider les dieux dans cette guerre, ou bien tirer avantage de la situation et essayer d’usurper le trône dans ce ciel et régner par lui-même. Mais il eut beau essayer, il ne fut jamais capable de s’emparer du trône complètement. La raison pour laquelle il manquait du potentiel pour ce faire était qu’au temps d’un précédent bouddha il avait fait une offrande de cinq petits pois à ce bouddha. Quand il fit l’offrande des cinq pois et les plaça dans le bol à aumône rempli à ras bord de ce précédent bouddha, quatre d’entre eux atterrirent dans le bol mais un resta sur le bord du bol. En conséquence du potentiel positif accumulé par les quatre pois qui restèrent dans le bol, il régna sur les quatre continents et fut en mesure de partager le trône d’Indra. Mais il ne put occuper que la moitié du trône du Roi des Dieux à cause du pois qui était resté en équilibre sur le bord du bol.

Ces genres d’exemples donnent matière à réfléchir concernant la manière dont les potentiels karmiques croissent grâce au facteur d’accroissement du karma. Il est extrêmement important de réfléchir aux divers facteurs à propos des comportements karmiques et de leurs résultats.

Top