Clarification de divers aspects cruciaux du tantra

Révision

La pratique du tantra est une pratique complète qui implique de réunir un très grand nombre de choses et il nous faut l’aborder posément et progressivement. On ne peut pas s'attendre à ce que l'on soit capable, dès le début, de le pratiquer de manière exhaustive, ce n'est évidemment pas possible. C'est pourquoi, que nous pratiquions le Dharma allégé ou le Dharma authentique, nous devons être patients avec nous-mêmes. Comme l'a souligné Sakya Pandita, le fondement majeur d'une pratique réussie du tantra est le respect des vœux et de la discipline éthique. Nous avons besoin des trois entraînements supérieurs : l'autodiscipline éthique, la concentration et la conscience discriminante de la vue correcte du vide, non seulement dans le soutra mais aussi dans le tantra. Ce sont eux, avec la force du renoncement et de la bodhichitta, complétés par les six attitudes de grandes portées ou paramitas, qui nous permettront d'atteindre notre but, que ce soit par la voie du soutra ou par la voie combinée du soutra et du tantra.

Le Mahayana

Nous ne devrions pas considérer le Vajrayana comme un véhicule distinct du Mahayana. C'est une grande erreur de penser ainsi. Au sein du Mahayana, nous avons les voies du soutra et du tantra, mais toutes deux sont de manière égale des pratiques du Mahayana, tout comme le dzogchen, qui n'en est pas non plus séparé. Il s'agit sans aucun doute d'une pratique du Mahayana destinée à nous amener à l'illumination et à être bénéfique à tous les êtres. C'est ce qui en fait une pratique du Mahayana. Il ne faut pas dénigrer le Mahayana en le considérant comme quelque chose de séparé et non comme quelque chose d'aussi avancé que le Vajrayana ou le dzogchen.

Le tantra est considéré comme une voie plus efficace et plus rapide que le soutra et il est bien connu comme tel. Il convient cependant de le comprendre correctement. Sinon, nous considérons le tantra comme une bonne affaire et pensons que nous nous en tirons à bon compte parce qu'il nous permet d'atteindre rapidement l'illumination. C'est particulièrement le cas lorsque nous entendons dire qu'il s'agit d'une voie facile. Cette affirmation est trompeuse, le tantra n'est pas du tout facile. Il est en général plus rapide que le soutra parce qu'avec lui, nous travaillons sur des méthodes qui sont similaires au résultat que nous voulons atteindre.

Nous voulons atteindre le corps et l'esprit d'un bouddha, la parole faisant partie du corps. Le corps et l'esprit d'un bouddha sont simultanés, ils sont toujours inséparables. Lorsque nous pratiquons avec les méthodes des soutras, il n'est pas possible d'avoir les causes du corps et de l'esprit d’un bouddha simultanément en un seul moment d'activité mentale. La raison en est que notre activité mentale ne peut prendre un objet ou s'engager avec lui que d'une seule manière à la fois. Le tantra, cependant, fournit une méthode pour pratiquer les causes permettant d'atteindre les deux simultanément.

La cognition non conceptuelle du vide : la cause de l'esprit d'un bouddha

Le vide, ou la vacuité, est l'absence totale d'un mode d'existence impossible. Nous projetons et croyons en un mode d'existence impossible, mais il ne correspond pas à la réalité. Ce qui est absent, c'est donc un mode d'existence impossible, ou, plus précisément, une méthode non valide et impossible pour établir l'existence de quelque chose, à savoir un mode d'existence qui correspond au mode d'apparence que nous projetons par ignorance.

Un exemple simple est celui où nous pensons : « Je suis le centre de l'univers, le plus important, je devrais toujours avoir mon mot à dire, et tout le monde devrait me prêter attention. » Si nous pensons que nous existons de cette manière et qu'il suffit de penser ainsi pour qu'il en soit ainsi, cela ne correspond pas à la réalité. Le « moi » qui est le centre de l'univers et le plus important est totalement absent. Il n'a jamais existé et ne peut pas exister, même si nous pensons que c'est ainsi. Fermer les yeux et faire l'expérience que tout disparaît et qu'il ne reste que « moi » n'établit ni ne prouve que nous sommes le centre de l'univers, même si cela semble être le cas. Cette façon d'établir que nous sommes le centre de l'univers ne fonctionne pas. Elle est fausse.

Il existe de nombreux niveaux d'impossibilités d'établir que les choses existent, c’est-à-dire, pour résumer, les manières d’existence impossibles que nous projetons. Nous devons aller de plus en plus loin. Lorsque nous nous concentrons sur le vide, nous nous concentrons sur le fait que ces façons impossibles d'exister n'existent pas. La cognition non conceptuelle de ce vide élimine toutes les obscurcissements de notre esprit, de sorte que notre esprit devient l'esprit d'un bouddha.

La bodhichitta : la cause du corps d'un bouddha

La cause du corps-de-forme d'un bouddha est la bodhichitta. La bodhichitta se concentre sur notre propre illumination individuelle qui n'a pas encore eu lieu, et le fait avec l'intention de l'atteindre, soutenue par l'amour et la compassion. Il ne s'agit pas seulement de l'intention d’atteindre l’illumination, mais aussi d’être bénéfique à tous les êtres. La connaissance du vide et la bodhichitta sont deux façons très différentes de se concentrer sur un objet. La première se concentre sur l'absence d'un tel objet, tandis que la seconde se concentre sur ce que nous souhaitons atteindre pour le bénéfice de tous les êtres. En un seul moment d'activité mentale, nous ne pouvons pas réunir les deux simultanément. Néanmoins, l'une peut être la force qui sous-tend l'autre et elles peuvent se soutenir mutuellement, et c'est ainsi que cela fonctionne dans le soutra.

Réunir les deux causes en un seul moment d'esprit

De la même manière, dans le tantra, nous avons la bodhichitta et la compréhension du vide. Mais ici, alors que notre esprit est totalement absorbé sur le vide, nous sommes conscients que nous avons aussi un corps. Ce n'est pas que notre corps apparaisse dans la méditation, mais dans cet esprit qui se concentre sur le vide, nous sommes conscients qu'il y a un corps. C'est ce que l'on décrit généralement comme le fait que « l'esprit qui comprend le vide apparaît comme la déité ».

Nous continuons notre méditation d'absorption totale par ce qui est souvent traduit de manière trompeuse par la « post-méditation ». Littéralement, ce terme signifie en fait « réalisation consécutive ». Que réalisons-nous après nous être totalement absorbés sur le vide ? Nous avons toujours une concentration totale et nous méditons toujours. Cependant, au lieu de nous concentrer sur l'absence d'une manière impossible d'exister, nous nous concentrons sur ce que l’on appelle le « vide pareil à une illusion ». Notre corps apparaît comme un yidam, mais parce que nous avons compris le vide, nous réalisons que la façon dont il apparaît est comme une illusion. La façon dont il semble exister ne correspond pas à la réalité, mais nous ne sommes pas dupes. C'est la réalisation consécutive, l'accomplissement consécutif. Bien sûr, nous pourrions maintenir cela en dehors de la méditation, mais l'accent principal est mis sur la méditation.

En pratiquant ces deux phases de méditation de cette manière, nous nous rapprochons du résultat en ayant les causes du corps et de l'esprit d'un bouddha simultanément en un seul moment d'activité mentale manifeste. C'est ce qui rend le tantra plus rapide.

Présentations tantriques concernant les temporalités pour atteindre l'illumination

Il est dit dans l'un des tantras, je n'ai pas pu retrouver la référence exacte, mais elle est souvent citée, que si nous respectons nos vœux tantriques de manière pure, alors même sans méditer, ce qui signifie, à mon sens, sans pratiquer intensivement les stades de génération et de complétude, nous atteindrons l'illumination en sept à quatorze vies. Il s'agit d'une affirmation assez forte, et nous devons donc analyser et réfléchir à ce qu'elle signifie réellement.

Regardez les vœux tantriques et ce que nous devrions faire purement pendant toutes ces vies. Cela signifie que nous ne devons pas abandonner la bodhichitta, la bodhichitta authentique, et que nous devons méditer sur le vide six fois par jour. Atteindre l'éveil en respectant purement ces vœux ne signifie évidemment pas l'atteindre en ne méditant pas sur la bodhichitta et le vide. C'est ce qui explique l'importance du respect des vœux. Je pense que c'est l'une des bases sur lesquelles Sakya Pandita s'appuie pour dire que sans les vœux, il n'y a pas d'initiation et il n'y a pas de tantra.

Dans une autre présentation, nous découvrons qu'en pratiquant le tantra anouttarayoga, la classe la plus élevée de tantra, nous pouvons atteindre l'illumination en seulement trois ans et trois phases lunaires. Une phase de la lune correspond à quinze jours. Ces données sont tirées du Tantra de Kalachakra. Dans ce tantra, il y a une explication très élaborée des respirations. Le souffle inspiré et expiré passe d'une narine à l'autre douze fois par jour. Il y a douze changements semblables aux douze signes du zodiaque et aux douze mois de l'année. On trouve tous ces parallèles dans les enseignements du Kalachakra, et nous pouvons facilement nous laisser séduire par la beauté de la symétrie de ce système.

Lorsque la respiration passe d'une narine à l'autre douze fois par jour, un certain nombre de respirations appelées « respirations de conscience profonde » pénètrent dans le canal central. Ceci est expliqué de manière unique dans le Kalachakra. Il y a cinquante-six respirations et quart qui entrent dans le canal central chaque fois que la respiration passe d'une narine à l'autre. Si nous observons la respiration, nous pouvons découvrir qu'il est vrai que le souffle passe principalement par une narine et non par les deux de manière absolument égale. Cependant, au moment où il passe de façon absolument égale dans les deux narines, il entre dans le canal central.

Le Kalachakra mentionne fréquemment le nombre 21 600, qui correspond à une certaine mesure en astronomie et en astrologie, ainsi qu'au nombre de respirations par jour et par individu. Pour atteindre l'illumination, il nous faut également 21 600 moments de concentration sur le vide, avec une cognition non conceptuelle de la claire lumière et une félicité immuable.

Si l'on calcule le nombre de ces respirations profondes dans le canal central au cours d'une vie de 100 ans, où chaque année compte 360 jours, et que l'on divise ce chiffre par 21 600 respirations par jour, le nombre de jours de respirations profondes consécutives nécessaires pour atteindre ce chiffre correspond au nombre de jours en trois ans et trois phases lunaires. Étant donné que nous devons faire entrer, en méditation, toutes ces respirations de conscience profonde dans le canal central pour atteindre l'illumination, on dit que l'illumination peut être atteinte en trois ans et trois phases de la Lune. C'est de là que vient ce chiffre.

Il est donc un peu trompeur d'avoir le grand espoir qu'après avoir fait une retraite de trois ans, nous atteindrons l’illumination. C’est possible, mais il ne faut pas y compter.

Il y a une autre présentation qui apparaît très souvent dans les textes du dzogchen, à savoir qu'il y a « celles et ceux pour qui cela arrive d'un seul coup ». Nous pourrions penser que nous sommes l'une de ces personnes pour qui cela arrivera d'un seul coup. Cependant, il y a un nombre tellement infime d'êtres qui ont accumulé une quantité incroyable de force positive dans des vies antérieures pour que cela arrive d'un seul coup, qu'il est très improbable que nous soyons l'un d'entre eux.

Il ne s'agit pas non plus d'arriver de nulle part sans avoir entendu parler du bouddhisme, sans avoir pratiqué quoi que ce soit, de s'asseoir et, d'un seul coup, d'être éveillé. Les textes du dzogchen font référence au fait d'aller d'un seul coup de l'atteinte de la voie de la vision jusqu'à l'illumination, en ne passant pas par la voie progressive des dix bhumis (terres des aryas bodhisattvas). Néanmoins, pour la grande majorité des pratiquants, une fois qu'ils ont la connaissance non conceptuelle du vide, qu'ils ont accédé à rigpa et qu'ils l'ont rendu manifeste dans leur expérience, ils doivent encore progresser graduellement à travers les bhumis. Il n'y a qu'un nombre infime de pratiquants pour lesquels tous les obscurcissements disparaissent d'un seul coup.

Quelques conseils

Il est très important, lorsque l'on pratique le tantra, d'avoir une attitude réaliste à son égard. L'un des conseils les plus utiles des textes de méditation est de méditer sans aucune attente, sans aucun espoir ni déception. Si nous n'avons pas d'attentes, nous ne serons pas déçus. Ce conseil est également très utile dans la vie, en particulier dans les relations avec les autres. N'attendez rien, ni d'eux ni de la vie en général. Si les choses se passent bien, c'est merveilleux et nous nous en réjouissons. Mais n'oubliez pas les huit dharmas mondains et n'exagérez pas en pensant : « C'est fantastique ! » Et si les choses ne vont pas bien et que nous sommes déprimés, cela ne sert à rien non plus, c'est un obstacle.

Le jeune Serkong Rimpotché utilise tout le temps cette expression : « Quoi qu'il arrive, ce n'est rien de spécial. » Il ne s'agit pas d'une attitude où rien n'a d'importance, mais d'une attitude où l'on ne fait pas grand cas de quoi que ce soit. Nous nous contentons de pratiquer avec constance et engagement, en faisant de notre mieux pour respecter les vœux. « Petit à petit », comme le dit Sa Sainteté le Dalaï-Lama ; ne vous attendez pas à ce que les progrès soient si rapides. Si nous voulons faire une évaluation de nos progrès, prenons une période de cinq ans et comparons la façon dont nous avons géré les situations difficiles de la vie à l'époque et aujourd'hui. Tel est le test. Nous avons progressé si nous sommes mieux à même de faire face aux défis qui se présentent dans la vie sans nous énerver, mais en faisant preuve d'un peu plus de patience et de sagesse. Nous entendons-nous mieux avec les gens, en particulier avec les personnes difficiles ? Si oui, alors, nous avons fait des progrès.

C'est bien de cela qu'il s'agit, n'est-ce pas ? La pratique du Dharma consiste à travailler sur nous-mêmes, à essayer de réduire nos défauts pour finalement nous en débarrasser et réaliser de plus en plus notre potentiel. Le soutra est utile à cette fin, et une combinaison des soutras et des tantras est encore plus efficace. Il s'agit toujours d'une pratique du Mahayana, pour le bénéfice de tous les êtres. J'en viens maintenant aux dernières questions.

Quelle est la place du ngondro ?

Merci pour cette vue d'ensemble très élaborée du tantra et pour ces enseignements inspirants. Il me reste une question à poser. Vous avez parlé de l'importance d'être prêt pour la voie du Vajrayana. Où placez-vous le ngondro dans cette vue d'ensemble ? Sur la voie du soutra ou sur la voie du Vajrayana ?

Comme je l'ai expliqué au début, il y a les pratiques préparatoires ngondros communes, qui viennent entièrement des soutras. Il s'agit des quatre pensées qui tournent l'esprit vers le Dharma, ainsi que du refuge, du renoncement, de la bodhichitta et des paramitas. Il y a aussi les pratiques non communes : les prosternations, Vajrasattva, les offrandes de mandala et le yoga du maître. Je dois également mentionner que, bien qu'il s'agisse des quatre pratiques les plus connues que l'on trouve dans certaines traditions, il est possible d'en faire d'autres. Il est par exemple possible d'offrir 100 000 bols d'eau, 100 000 statuettes en argile (tsa-tsa) et bien d'autres pratiques du ngondro. Le nombre de 100 000 n'est pas fixe. Dans certaines traditions, il s'agit de 110 ou de 108 000 et dans d'autres de 130 000. Cela n’a pas d’importance. Nous faisons ce qui se trouve dans notre propre lignée.

On pourrait parler du ngondro encore davantage. Il y a les ngondros standards et les ngondros spécifiques que votre maître personnel vous donne. Ceux-ci peuvent être très différents. J'ai toujours considéré comme faisant partie de mes ngondros le fait de courir ici et là pour obtenir des visas pour Serkong Rimpotché et ses assistants avec différents passeports, d'écrire des lettres, d’organiser toutes les conférences et les voyages, etc., ainsi que de traduire pour lui. Tout cela faisait partie de mes ngondros.

Je pense que nous pouvons considérer toute activité dharmique répétitive comme un ngondro, en ce sens qu'elle développe une force positive et affaiblit la force négative de ne pas vouloir, par exemple, se rendre à l'ambassade et faire toute la route jusqu'à Delhi pour s'occuper de la bureaucratie. J'aurais pu dire que je ne voulais pas faire cela. Nous pouvons faire le ngondro d’une traite dans une période donnée, ou nous pouvons faire chaque partie quand cela est possible et nous convient. Nous pouvons le faire toute la journée, ou nous pouvons faire une session le matin et une session le soir, ou encore une seule session par jour. L'important, c'est la continuité. Ne rompez pas la continuité.

Ainsi, nous pouvons voir qu'il y a de nombreuses façons de faire les ngondros, et on peut débattre de la question de savoir s'ils font partie du soutra ou du tantra. Cependant, ce qui ne peut être débattu, c'est que le ngondro commun vient avant le ngondro non commun. Si nous ne savons pas ce qu'est le refuge et que nous n’avons pas un certain sentiment du refuge, réciter 100 000 fois les mots « Je prends refuge dans le Bouddha, le Dharma et le Sangha », alors qu'ils ne signifient rien pour nous n'aura pas beaucoup d'impact. Nous avons besoin des ngondros communs en premier.

Nous pouvons recevoir une initiation avant de les terminer. En fait, c'est ce qui se passe la plupart du temps. Nous conservons alors l'engagement minimum de l'initiation. Il peut s'agir par exemple de réciter un mala, c’est-à-dire 108 fois OM MANI PADMÉ HUM. C’est très bien, faisons-le. Cependant, nous devons nous préparer de plus en plus à une pratique plus sophistiquée.

Initiations et liens étroits

Je pense aux yidams et aux initiations. Ce ne sont pas des archétypes, c'est bien plus que cela. Lorsqu'il y a transmission, quelque chose est transmis. De même, les gens peuvent se sentir proches de certains yidams ou d'un enseignant lorsqu'ils se présentent. Qu'est-ce qui perdure au travers des vies successives pour que cela se produise ? Il semble que cela devrait être facile à comprendre, mais qu'est-ce qui perdure de vies en vies ? Il est possible que nous puissions méditer sur un yidam et obtenir un résultat différent, mais il semble que cela indique quelque chose, quelque chose qui est transmis.

C'est une très bonne question. Tout d'abord, [parlons de] ce que ce n'est pas. Une transmission, ce n'est pas comme vous lancer un ballon de football. Voici la transmission, je te la lance et tu l'attrapes. Ce n'est certainement pas quelque chose de concret comme cela. Pour comprendre ce qu'est une transmission, nous devons comprendre ce que sont la coproduction conditionnée et le vide. L'apparition d'une chose dépend de nombreux facteurs, causes et conditions. Au cours de nos vies antérieures ou de nos expériences passées, disons que nous avons eu une série d'interactions avec un maître spécifique ou avec la pratique d’un yidam. Une tendance ou une familiarité avec cette pratique apparaît alors comme un phénomène imputable sur la base de ces expériences, comme un souvenir inconscient de celles-ci.

Qu'est-ce qu'un souvenir de quelque chose ? Il s'est passé quelque chose et nous nous souvenons de quelque chose qui représente conceptuellement ce qui s'est passé. Il s'agit d'un souvenir. De même, le sentiment de familiarité ou de connexion avec quelque chose est fondé sur une connexion antérieure et peut-être pas seulement une fois. C'est pourquoi il y a des circonstances comme celle d’une initiation ou comme le fait d’aller en Inde ou dans un centre bouddhiste où nous rencontrons un maître ou voyons une peinture d'un yidam, et un sentiment de proximité naît automatiquement. Il ne s'agit pas d’une connexion qui se trouve à l'intérieur de notre continuum mental comme une « chose » que l'on peut trouver, qui attend de surgir et qui est maintenant là. Il ne s'agit pas de cela. Le sentiment de proximité dépend de toutes les causes et conditions. Il n'y a rien de solide là-dedans ; néanmoins, cela fonctionne.

Un moyen facile de se familiariser avec la notion de coproduction conditionnée est de considérer un objet commun, cette chaise, par exemple. Cette chaise est composée d'atomes et les atomes sont composés de sous-particules et il y a des champs d'énergie et d'autres choses de ce genre qui sont impliqués. Il en va de même pour notre corps. Il s'agit essentiellement d'un espace vide. Néanmoins, et c’est le mot important ici, néanmoins, nous ne passons pas à travers la chaise lorsque nous nous y asseyons. C'est le « facteur néanmoins » qui fait que, bien que la chaise ne soit pas solide, concrète et trouvable, elle fonctionne. C'est la même chose pour une transmission ou le sentiment de familiarité. Cela fonctionne. Il n'y a rien qui vous est lancé. Il n'y a pas de « moi » qui attrape la transmission, ni de maître qui l’envoie.

Confusion entre archétypes et yidams

Merci pour les enseignements. Ils ont été fantastiques et il y a beaucoup à assimiler. Le bouddhisme est devenu très populaire parmi les psychologues en général et cela a donné lieu à une comparaison entre les yidams et les archétypes jungiens. Qu'en pensez-vous ?

Selon Jung, les archétypes font partie de l'inconscient collectif. Cependant, le concept d'inconscient collectif n'existe pas dans le bouddhisme. Ce n'est pas qu'il y ait un grand nez dans le ciel et que nous fassions tous partie de ce grand nez. Nous avons tous des nez individuels. De même, il n'y a pas un esprit collectif dont nous ferions tous partie. On ne trouve pas cela dans le bouddhisme. En ce qui concerne les archétypes, il y a certains mythes et certaines choses que l'on retrouve dans de nombreuses sociétés ; cependant, ces archétypes sont aussi ceux de la méchante sorcière et de toutes ces sortes d'images que l'on trouve dans la mythologie. Ici, nous n'avons pas le yidam de la méchante sorcière, de la vieille femme sage, du vieil homme sage, etc.

Comme je le disais, les yidams sont des méthodes spécifiques pour intégrer, sous forme d'infographie, tous les différents enseignements qui aident les autres sur la voie pour atteindre le corps-de-forme d'un bouddha et pour continuer à aider les autres. Ce n'est pas le cas des archétypes. Les objectifs des yidams et des archétypes sont donc très différents. 

En outre, chaque yidam représente l'ensemble de l'illumination, mais chacun incarne également un aspect plus spécifique de celle-ci. Par exemple, il y a Avalokiteshvara, Tchenrezig, pour la compassion, ou Manjoushri pour la sagesse et la clarté d'esprit. Néanmoins, ils sont très différents des archétypes, car tous les yidams, même ceux qui sont énergiques, incarnent des qualités positives pour aider les autres, alors que certains archétypes incarnent des qualités négatives. Ils sont donc très différents des yidams. De plus, les yidams ne peuvent pas être auto-établis et inhérents à notre esprit, alors que les archétypes sont supposés l'être.

Je n'ai pas été très proche des psychologues jungiens, mais le terme « archétype » est parfois utilisé par eux en relation avec le bouddhisme.

Oui, c'est vrai. Jung a eu quelques contacts avec le bouddhisme, mais il a aussi mal compris beaucoup de choses, par exemple, l'image du couple dans le tantra. Si nous regardons les mots pour le couple, yab-yum, ce sont les mots pour « père » et « mère » et non les mots pour « homme » et « femme ». De même que nous avons besoin d'un père et d'une mère pour donner naissance à un enfant, de même, nous avons besoin de méthode et de sagesse pour atteindre la bouddhéité. Il s'agit d'un symbolisme correct, mais il l'a interprété comme représentant les principes masculins et féminins et comme si nous devions les unir et découvrir l'un ou l'autre à l'intérieur de nous-mêmes. Ce n'est pas le bouddhisme. Le bouddhisme ne parle certainement pas d'un principe féminin ou masculin.

Cela ne signifie pas que ces principes ne sont pas importants ou utiles. Ils le sont, mais le bouddhisme n'en parle pas et nous ne devrions pas penser que c’est le cas. Gardons les choses claires. Il existe de nombreuses formes de psychologie, et beaucoup de leurs éléments sont très utiles. Cependant, il ne faut pas les intégrer au bouddhisme et les considérer comme des enseignements bouddhiques. Ne pensez pas non plus que le bouddhisme n'est qu'une autre forme de psychologie ou de méditation. Cela le réduit et l'affaiblit. Le bouddhisme est bien plus que cela.

Les yidams ne sont-ils que des qualités anthropomorphiques positives ?

J'ai eu du mal à m'intéresser au Vajrayana ou à la pratique des déités et la façon dont je l'ai compris est que, pour développer des qualités telles que la compassion et la sagesse, des qualités abstraites, ces qualités ont été anthropomorphisées en une déité sur laquelle nous pouvons projeter ou voir ces qualités. C'est une méthode pour voir, à la fois à l'extérieur et à l'intérieur de nous-mêmes, comment développer ces qualités en imprégnant un yidam de ces qualités.

Comme je l'ai dit, les yidams peuvent être considérés comme une forme d'infographie, des représentations graphiques qui transmettent des informations. Par exemple, quatre bras transmettent l'information des quatre incommensurables, pour quatre visages, ce sont les quatre corps d'un bouddha, tandis que six bras représentent les six paramitas, les six attitudes de grandes portées. Il s'agit d'une manière de transmettre l'information qui permet de garder plus facilement tous les points à l'esprit en même temps. Ce n'est pas tout à fait la même chose que d'anthropomorphiser Dieu le créateur comme un vieil homme à la barbe blanche assis sur un trône. Il y a une différence entre Dieu en tant que vieil homme à la barbe blanche sur un trône et un yidam. Nous devons réfléchir à ces différences. Nous devons également garder à l'esprit qu'un yidam n'est pas un dieu personnel que nous allons adorer. Il ne s'agit pas d'adorer Tchenrezig ou Tara en disant : « Tara, Tara, sauve-moi. » Ce n'est pas Sainte Tara. C'est différent.

La bonne compréhension et la motivation pour la pratique du ngondro

Certaines personnes, telles que la génération d’après-guerre, qui ont lu tous les premiers livres sur le Tibet, Alexandra David Neel, etc., sont fascinées par le Vajrayana.

La génération hippie.

Tout à fait. Je pense qu'il y a une tendance à considérer le bouddhisme tibétain comme quelque chose de magique. Cependant, j'ai également l'impression que certains pratiquants hésitent à s’engager dans le Vajrayana en raison, par exemple, d'une mauvaise compréhension des yidams ou des vœux à prononcer. Nous devons développer une relation personnelle avec le maître et c'est peut-être comme si nous perdions notre liberté individuelle. Il y a la grande montagne appelée ngondro que nous sommes censés escalader après avoir fait un peu de méditation et d'autres choses. Certaines personnes veulent contourner cela, je pense, avec le Vajrayana. Le dzogchen et le mahamoudra semblent très attirants parce qu'il suffit de se détendre dans l'état pur de l'esprit. Cela sonne bien. Cependant, je pense parfois que cela alimente un peu notre paresse. Pourriez-vous nous conseiller, en tant qu'organisateurs, sur la manière dont nous devrions introduire le Vajrayana dans notre programme d'études ? Comment devons-nous le présenter ? Combien de temps devons-nous attendre avant de s’y engager ? Quelle est la meilleure façon d'ouvrir les gens à la possibilité de pratiquer le Vajrayana ?

Comme je l'ai dit, il est potentiellement très dangereux de s'engager prématurément dans le tantra. Les gens peuvent s’engouffrer dans toutes sortes de délires étranges et aller jusqu'à la schizophrénie, sans parler de la renaissance en tant que fantôme et d'autres choses de ce genre. Nous n'avons pas besoin d'en parler à ce niveau, mais il y a le danger que les gens partent vraiment dans un monde imaginaire et pensent qu'ils sont vraiment tel ou tel yidam. C'est pourquoi je pense qu'il faut toujours mettre l'accent sur les enseignements fondamentaux, l'entraînement de l'esprit de type lojong et ce genre de pratique.

Ne présentez pas le ngondro comme une obligation de payer une cotisation pour adhérer au club. Au contraire, comme je le disais, nous avons une habitude tellement incroyable de penser et d'agir négativement de manière perturbée que nous avons besoin, par la répétition, de construire quelque chose de positif, une force positive. Sinon, normalement, c'est le négatif qui l’emporte. C'est pourquoi nous devons répéter les choses si souvent. C'est comme forger de nouveaux circuits neuronaux.

Si les gens comprennent pourquoi ils font un ngondro, ils seront plus heureux de l'entreprendre. C'est en fait la présentation standard dans tous les textes bouddhiques pour entreprendre quoi que ce soit dans le Dharma. Regardez le Bodhicharyavatara, L’Engagement dans la conduite du bodhisattva de Shantideva. Quel est le premier chapitre ? Il s'agit des bienfaits de la bodhichitta. Tout d'abord, nous devons recevoir une explication des bienfaits de la bodhichitta, puis nous serons motivés pour essayer de la générer. De même, si les gens comprennent les bienfaits de la bodhichitta et s'y préparent correctement, ils seront heureux de faire les ngondros. Dans le cas contraire, l'attitude est la suivante : « J'ai hâte que ça se termine et que je passe aux bonnes choses. » Je pense que c'est très important.

En outre, le dzogchen, comme le dit Sa Sainteté, est si souvent présenté sous la forme de propagande bouddhiste. Longchenpa et mon propre maître Nyingma, le précédent Dudjom Rimpotché, ont clairement établi que le mahayoga, l'anouyoga et l'atiyoga ou le dzogchen sont des pratiques complètes qui s'intègrent les unes aux autres. Nous pouvons peut-être accéder à rigpa, mais il ne se manifestera pas sous la forme d'un corps-de-bouddha si nous n'avons pas auparavant pratiqué le mahayoga, qui met l'accent sur le stade de génération. Si nous ne nous sommes pas visualisés comme une figure-de-bouddha, pourquoi rigpa se manifesterait-il sous l'apparence d'un bouddha ? Si nous n'avons pas graissé les voies du canal central par la pratique de tsa-lung avec les canaux et les vents d'énergie dans l'anouyoga, la dissolution de nos niveaux grossiers d'esprit et de vent ne va pas se produire d'elle-même. Les canaux doivent être graissés de sorte que lorsque nous nous concentrons sur rigpa, les niveaux grossiers de l'esprit et des vents d’énergie se dissolvent automatiquement.

Par conséquent, la différence entre le mahayoga, l'anouyoga et l'atiyoga est simplement une question de sur ce quoi ils insistent. Nous ne pouvons pas nous passer du stade de génération pour avoir la cause d'un corps-de-forme d'un bouddha, ni de la pratique de tsa-lung pour avoir l'esprit de félicité d'un bouddha, ni de la pratique du dzogchen pour atteindre rigpa.

La méthode du dzogchen ne consiste pas simplement à se détendre et à faire en sorte que tout se passe d'un seul coup et que nous soyons déjà un bouddha. La méthode doit être comprise correctement, car il est très facile de s’y méprendre. Les gens peuvent considérer le dzogchen comme une bonne affaire. C'est pourquoi, s'il est présenté correctement, alors il est fantastique. Le dzogchen authentique n'est certainement pas destiné aux débutants.

C'est pourquoi il est si important de garder le secret. Le dzogchen est une pratique privée qui ne doit pas être diffusée ni faire l'objet de publicité. Un jour, Sa Sainteté le Dalaï-Lama a été interrogé sur les visions pures et les termas. On lui a demandé s'il y en aurait d'autres à l'avenir. Sa Sainteté a répondu : « Oui, il y en aura d’autres. » Pourquoi ? Parce que lorsque les pratiques deviennent trop répandues et trop connues du public au point de ne plus avoir de caractère sacré, lorsqu’il y a des t-shirts et des cendriers estampillés Kalachakra, lorsque les gens n'ont plus aucun respect pour ces pratiques, à ce moment-là, selon la manière bouddhique de l'exprimer, Vajradhara révélera une autre vision pure.

Il est important de garder à l'esprit que les choses doivent rester privées. C'est quelque chose que nous, Occidentaux, avons vraiment malmené. Au moins dans notre propre pratique, il ne faut pas en faire tout un plat. Cela doit être sacré pour nous et nous devons le respecter. Nous ne voulons pas que d'autres personnes nous demandent ce que nous faisons et pourquoi nous faisons cela, en prenant le vajra ou la cloche et en les donnant au bébé pour qu'il joue avec. Nous ne voulons pas de cela.

Quand étudier la théorie du tantra ?

Je vous remercie. Dans le Vajrayana, il y a tant de choses que je ne comprends pas vraiment. C'est particulièrement vrai en ce qui concerne les canaux et les vents. Ma compréhension est faible, mais peut-être n'ai-je pas essayé de comprendre. Actuellement, je fais les ngondros, ce qui prend beaucoup de temps, mais j'en suis à peu près à la moitié. Ma question est de savoir s'il est utile à ce stade de plonger dans la théorie pour essayer de comprendre le tantra plus profondément ou recommandez-vous que ce soit un processus plus progressif au fur et à mesure que j'avance ?

Tout dépend de la personne. Certaines personnes ont une grande capacité à étudier beaucoup de choses et d'autres sont rapidement désorientées. Il faut vraiment décider individuellement de nos capacités et de ce qui peut nous aider. Nous pouvons demander l’avis d’un maître, mais il se peut que celui-ci ne nous connaisse pas personnellement. Ne vous attendez pas à ce que le maître soit un bouddha omniscient. Considérer le maître comme un bouddha n'est jamais à prendre au pied de la lettre. Si l'on examine les qualifications d'un maître, on ne trouve nulle part la mention selon laquelle il ou elle doit être un être éveillé. Cela n'existe pas. Comme je l'ai dit, si le maître est un être éveillé, omniscient, alors il devrait connaître le numéro de téléphone de chaque être sur la planète. Évidemment, ce n'est pas à prendre au pied de la lettre.

Vous pouvez consulter le maître, mais utiliser aussi votre propre capacité de discernement. Connaissez-vous vous-même ainsi que vos capacités. Êtes-vous confus et est-ce de trop ? En fin de compte, si vous voulez être bénéfiques à tous les êtres, vous devez tout savoir. Une expression bien connue dit ceci : « Il n'y a rien à quoi un bodhisattva ne s'entraîne pas. »

L'une des conditions préalables pour recevoir une initiation tantrique est d'avoir foi en la méthode du tantra. Le bouddhisme n'exige jamais une foi aveugle. La foi, ici, est une croyance confiante fondée sur la connaissance et la raison. Pour acquérir cette confiance, nous devons avoir reçu une explication correcte de la méthode du tantra et l'avoir comprise. La méthode doit avoir un sens pour nous et être valide. Si elle n'a pas de sens, au bout d'un certain temps, nous pourrions l'abandonner et la considérer comme absurde.

Il est donc très important de connaître la théorie fondamentale avant de s'engager dans le tantra. Nous pouvons alors avoir une certaine confiance en lui. Nous n'avons pas besoin de devenir de grands érudits, mais simplement d'avoir une idée générale de ce dont il s’agit, afin de ne pas avoir de projections superstitieuses bizarres selon lesquelles le tantra est un tour de magie ou quelque chose de ce genre.

Être bénéfique à soi et à autrui

Vous avez dit que les corps-de-formes remplissent les objectifs des autres et que le Dharmakaya remplit l'objectif de soi-même. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet ?

Pourquoi un bouddha apparaît-il ? Les bouddhas n'apparaissent aux autres que pour les aider. Par conséquent, toute manifestation d'un bouddha – et gardez à l'esprit qu'un bouddha peut apparaître sous n'importe quelle forme, telle que celle d’un pont, un souhait que l’on trouve dans certaines prières – est faite dans l’unique but d'aider les autres. Ce sont les corps-de-formes. Il existe un type particulier de corps-de-forme pour aider les aryas bodhisattvas, le Sambhogakaya, et différents types d'émanations de celui-ci, les Nirmanakayas, pour aider d'autres types d'êtres. Les corps-de-formes sont bénéfiques aux autres en étant, par exemple, un pont, un bodhisattva ou ces yidams servant de méthode de pratique.

Quel est l'objectif même d'un bouddha ? C'est d'avoir un esprit omniscient, un Dharmakaya de conscience profonde, avec l'ensemble des véritables cessations de tous les obscurcissements, à la fois les obscurcissements émotionnels qui empêchent la libération et les obscurcissements cognitifs qui empêchent l'omniscience.

Il existe de nombreuses explications différentes de l'autre aspect du Dharmakaya, le corps de la nature essentielle, le Svabhavakaya, mais l'une d'entre elles est qu'il s'agit du vide de l'esprit d'un bouddha et des véritables cessations de cet esprit. Lorsque les deux séries d'obscurcissements disparaissent à jamais, le Bouddha accomplit son propre objectif d'atteindre l'illumination, de devenir un être éveillé pour aider les autres.

Le Svabhavakaya peut également être expliqué comme l'inséparabilité de tous les autres corps-de-bouddha, ce qui permet également d'atteindre les objectifs propres d'un bouddha. Le but d'un bouddha étant d’être bénéfique à tous les êtres, cela ne peut se faire qu'en ayant des corps-de-formes et un Dharmakaya simultanément et inséparables les uns des autres.

Vous avez également dit qu'en nous visualisant sous ces formes de yidams, le but est d’être bénéfique aux autres. Est-ce que cela se produit en tissant des choses ensemble et ainsi de suite ?

Oui. Les yidams sont également bénéfiques aux autres en leur fournissant une méthode de pratique plus proche du résultat qu'ils souhaitent atteindre, un corps-de-forme en même temps qu'un Dharmakaya.

Comment le fait de se voir comme un yidam est-il bénéfique aux autres ?

Cette méthode permet-elle de visualiser les yidams ? Ils sont un symbole des formes des Kayas, n'est-ce pas ? Cela me laisse perplexe. Peut-être pourriez-vous clarifier les choses. Vous avez commencé par poser la question de savoir pourquoi nous voudrions nous visualiser ainsi et j'ai eu l'impression que la motivation devrait être de pouvoir être bénéfique aux autres. En quoi le fait de se visualiser sous ces formes est-il bénéfique aux autres ?

Tout d'abord, revenons sur le Sambhogakaya et le Nirmanakaya dans le tantra. Le Sambhogakaya est identifié à la parole éveillée d'un bouddha. Le Nirmanakaya est identifié au corps physique éveillé d'un bouddha. C'est pourquoi nous combinons les deux ici avec la visualisation du yidam et avec le mantra.

Comment sommes-nous bénéfiques aux autres ? Nous pouvons d'abord le faire en méditant, en imaginant que nous sommes sous ces formes en train d'aider les autres, mais ensuite, nous devons réellement travailler pour aider les autres. Si, par exemple, quelqu'un vient nous voir avec un problème difficile et nous l'explique, si nous nous imaginons dans notre forme ordinaire comme notre moi ordinaire, il se peut que nous ne ressentions rien et que nous ne voulions pas être dérangés. Ou bien nous pourrions penser que le problème est trop difficile ou que nous ne le comprenons vraiment pas, etc.

Si nous dissolvons cette image négative et ordinaire de nous-mêmes grâce à notre compréhension du vide, nous nous rendons compte qu'elle ne correspond pas à la réalité et qu'elle est apparue en raison de nombreuses causes et conditions, de la paresse ou autre, mais qu'elle n'est pas quelque chose d'inhérent et d'auto-établi en nous, de solide et d'éternel. Nous pouvons dissoudre cette image négative de nous-mêmes, idéalement, instantanément, et nous imaginer en train de surgir en tant que Tchenrezig, nous avons alors de la compassion. Ou bien nous nous visualisons comme Manjoushri, nous avons la clarté d'esprit nécessaire pour comprendre le problème de cette personne. En nous rappelant que nous sommes ces yidams et, tout en gardant la conscience de cela, lorsque nous aidons quelqu'un, nous disposons d'une base d'aide beaucoup plus stable. Nous n'aidons pas simplement parce que nous n'en avons pas vraiment envie mais parce que c'est notre devoir d'être un bon bouddhiste.

C'est ainsi que nous appliquons la pratique du yidam dans la vie quotidienne, et c'est là que cela compte vraiment. Bien sûr, dans la méditation, nous imaginons que les lumières se répandent et que cela est bénéfique à tous les êtres, mais c'est un entraînement de ce que nous voulons réellement faire. Il ne s'agit pas de faire un tour de magie en rencontrant une personne souffrante et en imaginant simplement lui envoyer des lumières, tout en ne faisant rien alors que nous en sommes capables. Nous ne nous contentons pas de rester assis avec un grand sourire ou quelque chose de ce genre. Nous devons être actifs. Mais, bien sûr, il y a des gens et des animaux que nous ne pouvons pas vraiment aider, alors nous ne devrions pas rejeter cette pratique qui consiste à leur envoyer des lumières qui éliminent leur souffrance. Nous devons cependant le faire avec une compassion pure et la prière d’être, un jour, vraiment en mesure de soulager leur souffrance.

La pratique d’un yidam dans la vie quotidienne nous aide à accéder aux bonnes qualités dont nous disposons et nous donne le courage de les utiliser. Par exemple, d'après ma propre expérience, si je ne comprends pas quelque chose que je traduis ou si j'essaie de trouver comment exprimer clairement quelque chose, je m'arrête et je récite beaucoup de mantras de Manjoushri avec diverses visualisations. Cela m'aide beaucoup lorsque je veux avoir l'esprit clair et ne pas me contenter de m'identifier à la confusion de ce que je ne comprends pas et au sentiment que je n'y arriverai jamais. C'est très stimulant. « Il y a la clarté d’esprit, je veux avoir la clarté d’esprit, j'ai l'esprit clair. » Notre attitude dans son ensemble a changé et, en général, nous sommes mieux à même de comprendre.

Il en va de même pour la compassion dans une situation difficile au sein de notre famille ou au travail. Nous pouvons penser que c'est horrible et nous décourager. Mais si nous imaginons Tchenrezig, récitons le mantra OM MANI PADMÉ HUM et pensons à la compassion, nous sommes remplis d'inspiration. Nous commençons à ressentir quelque chose et nous pouvons alors développer un sentiment de compassion à l'égard de la situation et des personnes qui y sont confrontées. Cela peut être utilisé de manière très efficace.

Le lojong et l’entraînement de l’esprit

Ma question porte sur l'approche des autres membres de la communauté et sur la manière d'apprendre les uns des autres. Nous pouvons apprendre des membres de la communauté mais aussi nous désorienter les uns les autres. Pouvez-vous dire quelque chose à ce sujet à partir de votre expérience personnelle et de vos connaissances, comment apprendre de celles et ceux qui aspirent à devenir le noble Sangha ?

Consultez le lojong, les enseignements sur l'entraînement de l'esprit. Il s'agit d'instructions parfaites sur la manière de procéder. Si quelqu'un nous rabaisse et nous insulte, nous le considérons comme le maître nous enseignant la patience, etc. Il y a tous ces versets, à la fois dans L’Entraînement de l'esprit en huit versets et dans les Trente-Sept Pratiques du bodhisattva. Les informations que les autres membres de la communauté vous donnent peuvent être complètement farfelues. Ce n'est pas ce que vous apprenez d'eux. Vous devez déterminer si une personne est une source d'information valide ou non. Si ce n'est pas le cas, ne vous contentez pas de croire ce qu'elle dit, mais vérifiez par vous-même. Même si ce qu'elle dit est faux, elle peut être un excellent maître, non seulement de patience, mais aussi de la nécessité de tout analyser par nous-mêmes.

Comme le dit le Dharma, tout le monde peut être notre maître. Nous pouvons apprendre d’un chien. Un chien, où qu'il soit, peut se coucher et s'endormir. Un chien n'est pas difficile et n'a pas de grands besoins. Peu importe à quel point nous crions sur lui, il continue à nous aimer et à nous suivre, etc., il est loyal. Un chien peut nous apprendre beaucoup de choses.

Ainsi, comme nous l'entendons dans les instructions relatives à une relation saine avec un maître spirituel, nous devons nous concentrer sur les bonnes qualités de quelqu'un et non sur les mauvaises. Se plaindre et critiquer les mauvaises qualités de quelqu'un ne fait que nous déprimer et n'a aucun avantage. Cela ne signifie pas que nous les nions, mais que nous ne nous y attardons pas. Voir les qualités positives des autres peut nous inciter à les développer nous-mêmes. Si nous regardons bien, tout le monde a des qualités positives, et c'est sur elles que nous devons nous concentrer.

Voilà qui met un terme à notre rencontre. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de partager quelques réflexions avec vous. S'il y a quoi que ce soit d’utile que vous ayez pu tirer de cela, vous êtes invités, comme le dit toujours Sa Sainteté, à approfondir, sinon, oubliez-le.

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