Les cinq types de résultats
Voyons maintenant la présentation des cinq types de résultats.
Les résultats à maturité
Les résultats à maturité sont les éléments non obstructifs, non spécifiés, inclus dans les cinq agrégats. Ce sont des choses qui ne sont ni constructives ni destructives, mais qui n'entravent pas notre libération ou notre illumination. Ils font partie du continuum mental d'un être limité et proviennent de la cause de maturation qui était également jointe à son continuum mental. Ainsi, le fait que nous ayons un corps, un esprit, des sentiments et ainsi de suite, provient, à chaque renaissance, d'un comportement constructif et destructeur que nous avons eu dans nos vies antérieures.
Il est précisé ici que la cause de maturation et les résultats de maturation se trouvent sur le même continuum mental. C'est important. Cela va de pair avec le sens des responsabilités ; nous sommes responsables de ce dont nous faisons l’expérience. Du fait que nous ne sommes pas responsables que quelqu'un d'autre ait pris sa voiture et nous ait percuté, il ne s’agit pas néanmoins de solipsisme. Nous sommes en effet responsables de la manière dont nous vivons ce que nous vivons, et non de ce que font les autres.
Ces résultats de maturation sont la base avec laquelle nous ferons l'expérience de chaque vie, de toutes les choses qui se produiront au cours de cette vie. Ils proviennent de notre comportement compulsif dans les vies précédentes, c’est le karma, la compulsion, qu'elle soit destructive ou constructive. N'oubliez pas que par « constructif », nous entendons ce que nous appellerions en Occident le « constructif névrotique », comme le fait d'être perfectionniste, de toujours faire les choses de manière compulsive et que tout soit parfait, pour prouver à quel point nous sommes bons. Il s'agit de ce type de comportement karmique constructif. Il nous procure du bonheur, mais ce bonheur ne sera jamais satisfait parce que nous ne nous sentons jamais assez bons.
Les résultats qui correspondent à leur cause
Nous avons ensuite les résultats qui correspondent à leur cause, qui sont de deux types :
- les résultats qui correspondent à leur cause dans notre comportement
- les résultats qui correspondent à leur cause dans notre expérience.
Les résultats qui correspondent à leur cause dans notre comportement
Ces résultats proviennent de n'importe quel type de comportement antérieur : constructif, destructeur ou non spécifié (neutre). Dans notre comportement, ce qui correspond à sa cause se réfère à ce que nous aimerions faire. « J’aimerais te crier dessus » En français courant, nous dirions : « J’ai envie de te crier dessus ». On pourrait aussi dire : « J’ai envie de te faire un câlin » ou « j'ai envie de manger quelque chose ». L'envie de faire quelque chose conduit à l'intention ou au souhait de le faire, puis, avec cette intention s’ajoute le karma, c'est-à-dire l'envie irrépressible qui nous pousse à faire ce que nous avons l'intention de faire l'instant suivant.
Bien qu’il soit un postulat répandu, le karma ne mûrit pas à partir du karma. C'est pourquoi nous devons différencier clairement les étapes. « Je voudrais manger quelque chose » — cela peut être dû à la faim, à l'ennui, à n'importe quelle circonstance. Cela vient de l'habitude de manger, laquelle est neutre. La tendance, l'habitude de manger se transforme en « j'aimerais manger quelque chose ». « J'aimerais serrer quelqu'un dans mes bras », « j'aimerais crier sur quelqu’un ». Nous pouvons alors ne pas poursuivre cette envie, bien entendu. C'est la clé, nous pouvons nous arrêter là. Même si j'aimerais avoir du chocolat ou une seconde part de gâteau, je ne vais pas la prendre. Vous pouvez vous arrêter au moment où vous aimeriez faire quelque chose.
Cela peut conduire à l'intention ou au souhait de le faire. Nous pouvons ou non y réfléchir avant de décider de le faire. Et nous pouvons aussi nous arrêter là. Cependant, une fois que l'intention de faire quelque chose entraîne l'apparition d’une envie irrépressible, la compulsion prend le dessus. Nous perdons le contrôle. C'est le karma, l’envie irrépressible qui vous pousse à agir et vous fait prendre la deuxième part de gâteau.
Lorsque nous parlons de nous débarrasser du karma, nous ne parlons pas de ne pas manger du gâteau, qui est une action neutre. Ce dont nous voulons nous débarrasser, c'est de la compulsion, de l'absence de contrôle. Pour ce faire, nous utilisons notre intelligence pour discriminer ce qui est utile de ce qui est nuisible, ce qui est approprié de ce qui est inapproprié, pour ne pas nous contenter d’agir simplement de manière compulsive.
Lorsque nous parlons du résultat qui correspond à la cause dans notre comportement, nous ne parlons pas réellement de notre comportement ; nous parlons de ce que nous avons envie de faire et de ce que nous avons l'intention ou le désir de faire, c'est-à-dire de nous comporter d'une certaine manière. C'est ce qui mûrit.
Les résultats qui correspondent à leur cause dans notre expérience
Nous avons ensuite les résultats qui correspondent à leur cause dans notre expérience. Il s'agit de l'expérience d'une situation dans laquelle quelque chose de similaire à notre action précédente se reproduit. Nous parlons donc de notre expérience des résultats, nous ne parlons pas de ce qu'ils font. Nous parlons de notre expérience de quelque chose de similaire qui nous arrive. Ainsi, si nous crions sur les autres, les autres nous crient dessus, si nous trompons les autres, les autres nous trompent. Nous parlons de faire l'expérience que les autres nous trompent ou nous crient dessus.
Nous parlons de l'ensemble du réseau des cinq agrégats qui sont impliqués dans l'expérience de quelque chose qui nous arrive. Nous ne pouvons pas nous contenter de parler d'une expérience en soi. Il y a un corps impliqué, il y a une conscience impliquée, il y a tous les facteurs mentaux impliqués dans l’expérience — dans l'expérience de quoi que ce soit, les émotions sont là, tout est là. Cela fait partie de l'expérience de quelque chose qui nous arrive. Tous ces éléments sont des résultats qui correspondent à une cause dans notre expérience.
Cela est également très lié au karma, notre comportement compulsif, de sorte que nous pouvons essayer de comprendre ce qui nous arrive dans notre expérience. Il est très intéressant d'analyser ce que nous aimons faire et ce que nous n’aimons pas faire, d’en analyser les raisons et la provenance, qu’il s’agisse des choses constructives, destructives ou neutres. Prenons par exemple la nourriture que nous aimons. C’est très, très intéressant, n'est-ce pas ? Et outre, quels types d'habitudes, quels types de goûts suis-je en train de construire, et quels sont les facteurs mentaux qui sont impliqués dans tout cela ? C'est vraiment très intéressant. Autre exemple : vous travaillez tout le temps. Êtes-vous heureux si vous ne travaillez pas tout le temps ? Et si vous n'êtes pas heureux de travailler tout le temps, est-ce que cela développe une expérience où vous aimez travailler, ou, au contraire, où vous n'aimez pas travailler ? Essayez de comprendre tous les éléments qui entrent en jeu.
Les résultats dominants
Le troisième type de résultats est appelé résultats dominants. Il est difficile à comprendre. Il peut résulter de phénomènes destructeurs, constructifs ou neutres, non spécifiés, donc de n'importe quel type d'action. Là encore, il s'agit de notre expérience de quelque chose. C'est une expérience de quelque chose qui dominera notre renaissance, qui dominera notre vie. C'est comme l'environnement, ou d’une certaine manière, l’enveloppe [de la manière dont nous faisons l’expérience de quelque chose], ce n'est pas seulement l'environnement physique. Les exemples classiques sont de prendre des choses et d'utiliser des choses qui ne nous appartiennent pas. Le résultat, en tant qu’expérience, est que vous êtes pauvres. Bien sûr, si vous aimez prendre d'autres choses à d'autres personnes, vous faites l'expérience de personnes qui vous prennent des choses, qui vous exploitent. En outre, nous ferons également l'expérience, en tant que résultat dominant, d'une société dans laquelle les gens se volent et s'exploitent les uns les autres, où les choses sont toujours enlevées. Ce qui domine notre vie, notre expérience, est que la société tout entière est pauvre, l'environnement est pauvre.
C'est vraiment très intéressant. Nous parlons d’un type expérience commune à nombre de gens, mais pas seulement. Encore une fois, nous parlons de l'ensemble des agrégats qui en font l'expérience. Par exemple, il y a des gens qui, quelle que soit la situation dans laquelle ils se trouvent, en font un problème. Tout est compliqué, quoi qu’ils fassent, c’est compliqué et désordonné. C'est ce qui domine toute leur vie, n'est-ce pas ? Ils ont toujours de mauvaises relations, ou peu importe ce qu'ils achètent ou obtiennent, cela se casse, ce genre de choses domine leur vie. C'est donc l'expérience qu’ils en font.
Il existe un autre type, spécifié ici dans la présentation du Vaibhashika, qui pourrait également être les facteurs mentaux qui entourent, dans un sens, ou sont l'enveloppe ou l'environnement de la conscience primaire qui domine également l'ensemble de la cognition.
Les résultats créés par l'homme
Nous avons ensuite les résultats créés par l'homme. Ils sont de deux types : les résultats créés par l’homme qui sont produits ou développés et les résultats créés par l’homme qui sont des réalisations.
Les résultats créés par l'homme qui sont produits sont comme des choses physiques : vous vous cognez le pied contre la table et ce qui en résulte est une ecchymose. Il s'agit donc de choses physiques qui nous arrivent. Par exemple, si vous mangez de mauvaises choses, vous tombez malades. Il s’agit de ce genre de choses qui découle immédiatement de notre propre effort. Ce type de relation causale n'est pas une relation causale karmique. Nous pouvons expliquer de nombreux facteurs expliquant pourquoi, d’un point de vue karmique, cela produit une ecchymose et ainsi de suite, pourquoi vous vous êtes cogné la jambe et ainsi de suite. Cependant, la relation entre le fait de se cogner le pied et l'apparition de l'ecchymose est purement physique.
Et bien sûr, elle est influencée par de nombreux facteurs. En tant que personne âgée, je me cogne le bras et j'ai très facilement une marque bleuâtre qui met longtemps à disparaître. Un jeune fait la même chose et n'a même pas de marque. Les choses sont donc influencées par de nombreux facteurs, en l'occurrence l'âge. Ceux d'entre vous qui sont plus âgés se réveillent parfois et remarquent qu'ils ont une ecchymose, et ils n'ont aucune idée de la façon dont ils ont pu l'obtenir, parce qu'elle provient manifestement d'un choc très léger contre quelque chose. Il s'agit d'un résultat créé par l'homme.
Ensuite, il y a le résultat créé par l'homme qui est un type de réalisation, le second type de résultat créé par l’homme. Il s'agit d'atteindre, par l'effort humain, le niveau suivant de développement spirituel, le niveau suivant de compréhension. C'est le quatrième type de résultat.
Les résultats qui sont un état de séparation
Il y a un cinquième type de résultat, que l'on appelle résultat, mais qui, en réalité, n'en est pas un. Nous avons ce genre de choses dans le bouddhisme. Il s'agit d'un résultat qui est un état de séparation. C'est donc l'état d'être séparé de l'inconscience ou de l'ignorance. Cet état est statique, il ne change jamais, il n’y a plus d'ignorance, plus d'inconscience, plus de confusion. Elles sont parties pour toujours et ne reviendront jamais. Cet état de séparation n'est pas créé par quoi que ce soit ; l'atteinte de cet état est créée, mais pas l'état lui-même. Ainsi, cet état de séparation demeure à jamais.
Les quatre types de résultats
Lorsque nous parlons des quatre types de résultats, il y a :
- Le résultat direct immédiat. Il s’agit du résultat qui découle immédiatement d'une cause, comme l'ecchymose qui résulte du fait de se cogner le pied.
- Le résultat indirect à long terme qui découle d'un flux de continuité de la cause, c'est-à-dire que nous avons un long flux du fait de se mettre en colère et la continuité de ce fait, puis, comme résultat, vous vous mettez à nouveau en colère. L'exemple est celui que nous avons utilisé plus tôt lorsque nous parlions des causes immédiates et de causes à long terme — le cancer que l'on attrape après avoir fumé pendant une longue période, et pas seulement après avoir fumé une fois. Il peut également s'agir d'un résultat découlant d'une cause qui s'est produite il y a longtemps, ce qui est très lié à toute la discussion sur le karma. On peut aussi penser à un niveau physique : vous avez eu un accident quand vous étiez enfant et vous vous êtes cassé la jambe ou quelque chose comme ça, et ensuite, à un âge avancé, vous développez de l'arthrite à cet endroit.
- Les résultats à maturité.
- Les résultats dominants sont inclus dans cette liste de quatre.
Cette présentation est fortement liée à la présentation du karma. Ce dont je fais l’expérience aujourd'hui est le résultat de choses immédiates que je fais, mais aussi de causes anciennes, de causes karmiques. Cela est lié à mon corps qui en fait l'expérience et à toute l'enveloppe de la façon dont j'en fais l'expérience. Il s'agit donc d'une présentation dans le contexte du karma.
Si vous êtes intéressés, vous trouverez d'autres détails dans le texte fondateur de cette discussion sur la causalité, à savoir l’Abhidharmakosha de Vasubandhu. Abhidharma signifie « sujet spécial de connaissance ». Nous y trouvons une discussion assez complexe à propos des résultats qui découlent des causes, ainsi que des différents moments où les causes peuvent donner lieu à leurs résultats. Ainsi, pour chacune de ces causes, différents moments peuvent donner des résultats immédiats et d'autres peuvent donner des résultats à long terme — qui peuvent donner seulement l'un, qui peuvent donner l’autre, ou encore les deux, et quels résultats chaque type de cause peut avoir. Ce matériel est très compliqué et peut être très déroutant, à moins que vous ne fassiez vraiment des tableaux pour voir à quel point l'interaction de toutes ces causes et de tous ces effets peut être complexe.
Chaque expérience est le résultat de nombreux types de causes
Je pense que ce qui est important, c'est de comprendre que toute cause particulière peut donner lieu à de nombreux types de résultats différents, et que tout ce dont nous faisons l’expérience est le résultat de très nombreux types de causes. Lorsque nous comprenons cela, nous commençons à déconstruire notre vision solide de la réalité, car rien ne découle d'une seule cause ou d'aucune cause du tout. Tout cela nous amène à parler des seize aspects des Quatre Nobles Vérités. Chacune des Quatre Nobles Vérités comporte quatre aspects, et pour ceux-ci, vous avez quatre compréhensions correctes à acquérir et quatre compréhensions incorrectes dont vous devez vous débarrasser.
C’est au regard de la deuxième Noble Vérité — la véritable cause ou la véritable origine de notre souffrance — que ce matériel est pertinent. Il ne s'agit pas de dire que notre souffrance est causée par un dieu tout-puissant ou un quelconque créateur qui nous l’envoie, cela est réfuté dans le bouddhisme. Ce n'est pas non plus qu'elle n'a pas de cause. Elle ne provient pas non plus d'une seule cause, même si c'est ce que nous pensons souvent, « tout est de ma faute », ce qui nous fait nous culpabiliser. « Je suis le mauvais garçon », « tout ce qui arrive est de ma faute » ou « tout ce qui arrive est de ta faute », et nous le projetons sur quelqu'un ou quelque chose d'autre. En revanche, tout provient d'un énorme ensemble de causes qui se construisent à de très nombreux moments différents.
Nous parlons de la façon dont je fais l’expérience de ce qui se passe, de la façon dont vous faites l’expérience de ce qui se passe, de la façon dont tout le monde fait l’expérience de ce qui se passe. Pour celles et ceux d'entre vous qui sont thérapeutes, je pense qu'un très bon exemple de tout cela est la thérapie familiale. Nous réunissons toute la famille et nous demandons à chaque membre de la famille ce qui s'est passé, quelle est la situation, quelle est votre expérience d'un événement. Par exemple, lors d’un décès dans la famille, chaque personne dit les choses très différemment. Ainsi, si nous disposons de cette analyse très détaillée de la causalité, nous pouvons comprendre comment l'expérience de chacun découle de tant de facteurs différents dans leur passé, leur histoire, leur psychologie, etc.
Ensuite, avec les différents systèmes philosophiques bouddhiques, la question devient vraiment intéressante : y a-t-il quelque chose d'objectivement existant qui s'est réellement produit et dont tout le monde a fait l’expérience ? Ce serait comme un groupe de personnes aveugles touchant différentes parties d'un éléphant et décrivant ce qu'est un éléphant.
- Du point de vue du Sautrantika, il y a quelque chose d'objectif qui s'est réellement produit.
- Du point de vue du Chittamatra, il n'y a que l'expérience individuelle de chacun et le karma partagé, mais on ne peut pas dire que quelque chose d'objectif s'est produit en dehors de cela.
- Du point de vue du Prasangika, il y a toutes ces expériences différentes formant un réseau, et sur la base de ce réseau, nous pouvons étiqueter la situation de la famille. Quelle est cette situation ? Nous ne pouvons la trouver nulle part, c'est juste le concept de problème familial qui se réfère à l'expérience de chacun.
- Les adeptes du Svatantrika diraient : « Oui, mais à côté de l'expérience de chaque personne, il y a le code-barres du problème. ».
- Enfin, les adeptes du Vaibhashika seraient tout à fait satisfaits de constater que le problème est constitué de parties, qu’il n'est pas si solide.
Par conséquent, ces différents points de vue philosophiques sont également un très bon outil pédagogique pour traiter ces questions. Vous prenez la situation et vous l'analysez du point de vue de chacune des écoles, comment vous comprenez la situation du point de vue de chacun de ces différents systèmes philosophiques. Comment les Vaibhashikas le comprennent, comment les Sautrantikas le comprennent, etc. C'est ainsi que l'on commence à travailler avec ces systèmes et que l'on s'aperçoit qu'ils donnent tous des informations et des moyens très utiles de traiter les problèmes. N'en restez toutefois pas à l’information, c'est là tout l'intérêt.
Les quatre types de conditions
Le dernier sujet abordé dans le cadre de cette discussion sur la causalité est celui des quatre types de conditions.
- Nous avons les conditions causales. Il s'agit de toutes les causes qui ont le pouvoir de produire un résultat spécifique.
- Ensuite, nous avons les conditions antérieures immédiates. Il s'agit du moment de connaissance qui précède immédiatement et qui peut, par son inertie ou sa force, produire le moment suivant.
- Il y a ensuite la condition focale, il s’agit de ce qui fait que la cognition se présente en quelque sorte d'elle-même pour que nous puissions avoir une cognition — comme l'hologramme mental — de ce que nous voyons et de ce que nous entendons.
- Enfin, vient la condition dominante, qui fait référence aux capteurs cognitifs utilisés.
De quoi s’agit-il ? Nous avons un moment des cinq agrégats, et nous avons vu que nous pouvons en déconstruire tous les éléments comme provenant d'un réseau entier de causes. Il y a les présentations des six ou quatre types de causes. Chacun des petits éléments de ce moment est un résultat de nombreux types de causes différentes, ce qui constitue un réseau incroyablement complexe de causes et de résultats. Tout cela fait partie du domaine des conditions causales, à savoir toutes les conditions qui ont engendré les cinq agrégats de ce moment d'expérience.
Quelles sont les conditions qui ont permis ce moment de cognition ?
- Il y a eu un moment d'expérience antérieur immédiat qui a donné l'élan nécessaire pour que vous puissiez avoir le moment d'expérience suivant, il y a donc un flux de continuité.
- Il y avait un objet focal dans cette expérience. Cela signifie qu'il y a quelque chose que j'ai vu, quelque chose que j'ai entendu ou quelque chose auquel j'ai pensé, et tout cela provient d'un ensemble de causes.
- La condition dominante fait référence aux capteurs cognitifs — les cellules sensibles — sur lesquels on s'appuie pour déterminer, d’une certaine manière, la nature essentielle de cette expérience. S'agit-il d'une vision ? S'agit-il d'entendre ? S'agit-il d'une pensée ? La condition dominante domine donc ce que l'on appelle la « nature essentielle » de cette expérience, qu'il s'agisse d'une expérience visuelle, d'une expérience mentale ou d'une expérience auditive (si l'on écoute de la musique). Il est évident que si nous étions aveugles, nous ne pourrions pas avoir d'expérience visuelle. Ces cellules, ces capteurs comme je les appelle, sont donc des conditions nécessaires pour déterminer le type d'expérience que l'on va vivre.
Cela permet d'analyser plus en détail toutes les causes et les conditions responsables de ce que nous vivons à chaque instant. Plus nous comprenons la causalité — c'est la deuxième Noble Vérité, la cause de nos souffrances — et identifions ce que sont les souffrances, plus nous comprenons la véritable voie [la quatrième Noble Vérité], c’est-à-dire quelle est la compréhension correcte, la déconstruction qui nous permettra d'atteindre les véritables cessations. Les véritables cessations sont un résultat qui est un état de séparation, il est statique et éternel.
Questions
Avez-vous des questions ? Je pense que le thème général de notre discussion est la déconstruction, toutes les façons dont nous pouvons déconstruire ce dont nous faisons l’expérience, afin de nous débarrasser de la souffrance.
Analyser un problème selon un ou plusieurs systèmes philosophiques
Si nous utilisons l'analogie d'une personne malade, plutôt que d'essayer d'analyser l'efficacité de tel ou tel médicament, il est préférable de trouver le médicament le plus efficace et de l'utiliser. Si nous utilisons l'analogie d'un problème que nous rencontrons dans la vie, devrions-nous l'analyser du point de vue de chacune des écoles philosophiques ou ne devrions-nous pas simplement opter pour celle qui est la plus efficace ?
Le Bouddha n'a pas enseigné un mais de nombreux systèmes. La raison en est que les gens ont différents niveaux de compréhension et de capacité. D’un point de vue théorique, tout le monde a le potentiel de devenir un bouddha, mais, pour le moment, tout le monde se trouve à un niveau différent, le Bouddha a donc enseigné une méthode qui serait adaptée et compréhensible au niveau de compréhension de chacun. C'est également le cas en médecine : il pourrait y avoir le remède le plus efficace pour guérir quelque chose, tel qu’une transplantation cardiaque ou quelque chose de vraiment radical, mais le patient est peut être trop faible ou trop âgé pour pouvoir supporter un tel traitement, et il faut donc utiliser un traitement beaucoup plus faible. C'est la même chose. Si l'on peut rendre le patient plus fort, on peut bien sûr lui administrer un traitement plus efficace.
La souffrance n'a pas de commencement
Il n'est pas logique que le bouddhisme parle de la fin de la souffrance tout en affirmant qu'il n'y a pas de commencement à la souffrance. Comment le bouddhisme peut-il être aussi sûr que la souffrance n'a pas de commencement ?
S'il y a eu un commencement, comment a-t-il commencé ? Telle est la question. Comment le commencement a-t-il commencé ? Soit il vient d'un créateur, semblable à un dieu ou autre, soit il n'y a pas de cause du tout. Il y a alors plusieurs contradictions logiques qui découlent de ces deux possibilités. S'il n'y a pas de cause, tout peut arriver à tout moment, et il n'y a aucune raison pour que quelque chose commence sans cause. S'il existait un créateur tout-puissant, statique, non affecté par quoi que ce soit — c’est ainsi que le décrivent les écoles indiennes non bouddhiques qui affirment l'existence d'un créateur — alors pourquoi un tel créateur créerait-il ? Pourquoi un être aussi omnipotent, qui ne peut être influencé par rien, créerait-il ? Il doit y avoir quelque chose qui l'a affecté, qui a fait que ce créateur a décidé à un moment donné : « Je vais créer. » Cela contredit l'affirmation du créateur qui est statique et ne change jamais, qui n'est affecté par rien. C'est donc illogique ; il y a là une contradiction.
Si le créateur est affecté par quelque chose, que nous le considérions comme un être ou comme le Big Bang, alors la seule conclusion possible est qu'il n'existe pas de commencement absolu. En effet, qu’est-ce qui a affecté ce qui précède ? Et qu'est-ce qui l'a affecté avant cela ? Ce concept de « sans commencement » est donc très intéressant. Nous pensons tous de cette manière. Vous pensez que Dieu a créé [l’univers], que Dieu a eu un commencement ? Non. Dieu est éternel ; il n'y a pas de commencement. Tout est-il sorti du néant ? Dans ce cas, d'où vient le néant ? Le néant a toujours existé, il est sans commencement. En somme, quelle que soit l'affirmation, il n'y a pas de commencement, alors autant choisir la plus logique.
Ne vous méprenez pas. Ce que je disais, c'est que si le créateur a une nature telle qu'il peut être affecté par une décision de créer pour une raison ou une autre, pourquoi le créateur ne le ferait-il qu'une seule fois ? Question intéressante. Si le créateur a pu être influencé pour créer une fois, il pourrait être influencé pour créer un million de fois, surtout si le créateur n'a pas de commencement. Nous obtenons donc la même chose : il n’y a pas de commencement.
Remarques finales
Cependant, notre rencontre aura une fin, et je pense que nous y sommes arrivés. Je tiens à vous remercier pour votre attention. Si vous souhaitez approfondir ces sujets, de nombreux autres documents sont disponibles sur mon site web, entre autres.
Un dernier conseil : vous constaterez que chaque traducteur utilise une terminologie différente. Il ne sert à rien de s'en plaindre, car il est vain d'essayer de mettre tous les traducteurs d'accord. Les mots et la terminologie n'existent pas indépendamment du sens. Le mot est imputé au sens, et c'est pourquoi il faut examiner les définitions et les explications de chacun des termes. Il suffit ensuite de travailler avec les définitions pour se rendre compte que les différents traducteurs parlent de la même chose, mais qu'ils utilisent des noms différents. Allez à l’essentiel, ne vous attachez pas aux mots, à la terminologie, car vous risquez de vous embrouiller. C'est l'un des principes du bouddhisme : ne vous fiez pas seulement à l'enseignant, mais aux mots ; ne vous fiez pas seulement aux mots, mais au sens ; ne vous fiez pas seulement au sens littéral, mais au sens profond. Je vous remercie.