Résumé
Dans notre discussion sur la question du libre arbitre ou du choix par opposition à la prédétermination ou au déterminisme, nous avons vu qu’il existe de très nombreux facteurs en jeu et de nombreux pans des enseignements bouddhiques que nous devons assembler pour comprendre toute cette question et de quoi il en est. De même, nous avons vu que le libre arbitre implique qu’il y ait un « moi » dûment existant, indépendant de tout ce qui se passe, et qui pourrait donc faire des choix en se fondant juste sur lui-même, sans dépendre de toutes les circonstances variées, des conditions, des facteurs mentaux, etc., qui l’affectent. Nous avons pointé et vu l’erreur fondamentale dans cette façon de penser et que, néanmoins, des choix ont lieu et qu’ils se produisent sur la base de diverses habitudes, non seulement celles de nos manières de nous comporter, mais aussi de nos émotions aussi bien positives que négatives. J’utilise ici le mot « habitudes » dans un sens très large.
Nos choix pourraient également être influencés par des facteurs non connectés à nos continuums mentaux, tels que diverses circonstances extérieures – les circonstances physiques liées à ce qui se passe avec le climat ou dans l’univers – ou les circonstances dues à l’influence d’autres gens – les gens que nous rencontrons, la société en général, les gouvernements, etc. Similairement, les divers enseignements avec lesquels nous pourrions entrer en contact, lesquels, de toute évidence, découlent aussi des continuums mentaux des autres, ont également une influence sur nos choix. En outre, nos choix sont aussi influencés par nos facteurs mentaux tels que la conscience discriminante, l’hésitation, l’intention, etc., et nos émotions.
Il n’y a pas de contestation sur le fait que, subjectivement, nous faisons l’expérience de faire des choix tous les jours. Le problème réside dans la connotation de notre concept occidental de choix qui implique un « moi » existant indépendamment, lequel fait ces choix. Aussi pour comprendre toute cette question, nous devons essayer de cesser de l’aborder en pensant à un « moi » existant indépendamment et faisant des choix par lui-même, de son propre chef, grâce au libre arbitre, indépendamment de ces influences externes et internes.
Non seulement sont exclus le libre arbitre mais aussi la prédétermination parce qu’il n’y a personne, là, qui a décidé de ce qui allait se passer, ce qui est la connotation de la prédétermination. Quelqu’un aurait décidé de ce que nous ferions avant que nous le fassions. Bien qu’un bouddha connaisse ce qui ne s’est pas encore produit, ce qui s’est déjà produit, et ce qui se produit présentement – tout ceci étant, bien entendu, en changement constant, car ce qui se produit présentement diffère à chaque instant – néanmoins, un bouddha n’a pas décidé de ce qui arrive. L’omniscience d’un bouddha n’est pas toute-puissante, capable de par son propre pouvoir de faire arriver les choses indépendamment des principes de la cause et de l’effet. Ce point est très difficile à comprendre et requiert une compréhension réellement profonde du vide (la vacuité) : le vide de la cause et de l’effet, le vide des trois temps, etc.
Nous avons vu aussi qu’il existe un nombre de pulsions différentes, dont certaines sont d’ordre karmique et d’autres non, et que toutes influencent ce que nous faisons. Les pulsions karmiques comprennent les envies mentales qui poussent nos esprits à des actes qui demandent un effort et, dans les systèmes Vaibhashika et Madhyamaka, à des pulsions physiques tels que le mouvement du corps ou la profération de paroles qui sont les méthodes mises en œuvre pour faire que les actions du corps et de la parole aient lieu.
Quand nous avons examiné le système Théravada, nous avons vu qu’il y avait des pulsions d’énergie dues aux contraintes concernant le changement des saisons, la croissance des graines en plantes, le fait que les phénomènes affectés par des causes et des conditions changent à tout instant, ainsi que la façon dont la cognition sensorielle fonctionne. Les quatre premières sont des pulsions non karmiques, mais elles affectent les choix que nous faisons quand nous faisons quelque chose – par exemple, les changements dans le temps qu’il fait en hiver.
Nous avons vu également que la présentation Sautrantika de Vasubandhu établit une distinction claire entre les pulsions d’effort et les pulsions fonctionnelles. Les pulsions d’effort sont karmiques et incluent les envies mentales qui poussent la conscience mentale et ses facteurs mentaux attenants à penser et à décider de commettre un acte du corps ou de la parole, et la conscience corporelle et ses facteurs mentaux attenants à pousser le corps et la parole à accomplir l’acte. Ces pulsions karmiques demandent un effort, avec un agent voulant intentionnellement faire une chose et y mettant de la force. Les pulsions fonctionnelles, d’un autre côté, comprennent les envies mentales qui poussent les divers types de conscience et leurs facteurs mentaux attenants à percevoir des objets, par exemple quand nous voyons une chose. Ces pulsions sont non karmiques.
La présentation Chittamatra d’Asanga est plus complète et inclut cinq sortes de pulsions. Les pulsions d’observation sont les désirs mentaux impliqués dans la perception. Dans ce système, les pulsions fonctionnelles font référence aux pulsions associées aux éléments accomplissant leurs fonctions tels que la terre servant de support à une chose et les objets sensoriels fonctionnant comme des objets pour la cognition sensorielle. Nous avons inclus ici l’élément eau dans nos estomacs accomplissant la fonction de digérer la nourriture et peut-être de tuer au cours du processus de minuscules créatures. Ensuite, les pulsions de réalisation sont celles qui sont impliquées dans la réalisation des cheminements d’esprit d’un arya. Aucune d’entre elles n’est karmique. Les seules pulsions karmiques sont les pulsions d’effort, qui dans ce système sont les mêmes que dans le Sautrantika – il s’agit des envies mentales qui poussent la conscience et ses facteurs mentaux attenants à des actions du corps, de la parole et de l’esprit, lesquelles sont toutes précédées par un objectif intentionnel et demandent un effort. Seules ces envies mentales sont celles dont on parle quand on parle de karma dans les systèmes Sautrantika et Chittamatra.
Nous avons vu aussi qu’un bouddha, étant omniscient, connaît toutes les variables internes et externes qui affectent ce que nous pensons, disons et faisons. Un bouddha voit que tout ce qui nous arrive et affecte notre comportement ne découle pas exclusivement de notre karma. Le fait que nous soyons confrontés à des situations extérieures et la façon dont nous en faisons l’expérience reposent sur notre karma, mais ce qui se passe dans l’univers n’est pas juste fondé sur notre karma individuel. De nombreux autres facteurs sont impliqués, par exemple les ordres non karmiques expliqués dans le Théravada ainsi que les pulsions non karmiques expliquées par Vasubandhu et Asanga.
Le rôle des vents d’énergie
Un autre facteur qui affecte notre comportement et ce dont nous faisons l’expérience, ce sont les divers types de vents d’énergie. Pour faire court, appelons-les « vents ». Il existe plusieurs présentation du rôle des vents. Dans l’un de ses textes Sautrantika, Vasubandhu parle du rôle du vent comme l’un des quatre éléments : la terre, l’eau, le feu et le vent (l’air). Il note que le envies mentales impliquées dans les actes karmiques du corps ou de la parole poussent l’élément vent du corps à actualiser le mouvement du corps ou l’énoncé de la parole. C’est l’élément vent qui fait cela dans la mesure où la nature de l’énergie du vent est le mouvement.
Je crois qu’il s’agit là d’un postulat valide même si ces envies mentales ne sont pas considérées comme karmiques, comme dans les systèmes Vaibhashika et Madhyamaka, qui affirment que les mouvements du corps et les proférations de paroles sont les pulsions karmiques en actes du corps et de la parole. Dans aucun de ces systèmes philosophiques indiens, toutefois, on ne considère les vents en eux-mêmes comme des types de karma.
En ce qui concerne le système médical bouddhique et sa présentation des cinq vents subtils, le vent impliqué dans le mouvement du corps est le vent d’énergie diffus et celui qui est impliqué dans l’énoncé de paroles est le vent d’énergie ascendant. La force de ces vents affecte clairement l’intensité de notre comportement. De plus, un déséquilibre des vents tel que défini dans le système médical bouddhique est l’une des causes de maladie et de mauvaise santé, or notre santé est encore une autre variable qui affecte notre comportement.
Dans la cognition conceptuelle, en ce qui concerne les systèmes de l’anuttarayoga tantra, les vents subtils sont les montures de la conscience mentale subtile et de ses facteurs mentaux attenants, y compris les envies mentales. Une autre série de vents plus grossiers sont les montures des divers types de conscience sensorielle et de leurs facteurs mentaux attenants qu’une envie mentale pousse à la perception sensorielle. Ainsi, ces vents sont reliés à ce que Vasubandhu appelle les « pulsions fonctionnelles ». Il existe une connexion entre le fonctionnement de ces vents, et les envies mentales qui leur servent de monture, et les envies mentales qui provoquent les actions karmiques de notre corps et de notre parole. Pendant qu’une envie mentale, de type karmique demandant un effort, chevauchant un vent diffus ou ascendant, pousse la conscience corporelle à engager le corps ou la parole à mettre en œuvre l’acte karmique, une autre envie mentale, à savoir une envie fonctionnelle non karmique, chevauchant l’un des cinq vents sensoriels pousse la conscience visuelle, par exemple, à percevoir la base vers laquelle l’action est dirigée.
Le système du Kalachakra parle de vents du karma. Les vents du karma circulent à travers les canaux d’énergie subtils du corps et, en diverses occasions, ils passent au travers de l’une des quatre gouttes d’énergie créatives, à savoir les gouttes d’énergie des situations de veille, de rêve, de sommeil profond, et de celle qu’on appelle la « quatrième ». En faisant cela, ils produisent des apparences qui s’élèvent, pareils à des hologrammes mentaux, et que nous connaissons, respectivement quand nous sommes en état de veille, de rêve, de sommeil profond, et d’expérience de l’état de félicité. Ces vents du karma sont souillés par les obscurcissements émotionnels, cognitifs et karmiques. Les obscurcissements karmiques incluent toutes les conséquences karmiques des pulsions karmiques, à savoir les potentiels karmiques, les tendances karmiques, et les habitudes karmiques constantes. Tous trois sont des phénomènes imputés sur la base du « moi » conventionnel, selon le Prasangika, or le « moi » conventionnel est un phénomène imputé sur la base d’un continuum individuel de cinq agrégats.
Tandis que ces vents du karma, souillés par ces obscurcissements cognitifs, traversent chacune des quatre gouttes d’énergie créatives, ils les imprègnent, comme de l’huile un tissu, et font s’élever les apparences que nous connaissons respectivement lors de la veille, du rêve, du sommeil profond et de l’expérience de la félicité. Les potentiels karmiques et les tendances sont responsables des apparences conventionnelles des hologrammes mentaux des objets que nous percevons, or ces apparences sont produites à partir des éléments subtils de ces gouttes d’énergie. Les habitudes karmiques constantes sont responsables de l’apparence de ces objets comme ayant une véritable existence en soi établie de leur propre côté. Clairement, les apparences que nous percevons affectent la réponse de notre comportement.
Le Kalachakra parle également des vents responsables du mouvement des corps célestes, le soleil, la lune et les planètes. La révolution des corps célestes marque le passage du temps et il est clair que notre âge affecte ce que nous pensons, disons et faisons. Le Kalachakra expose aussi des enseignements détaillés sur l’astrologie. Les positions des corps célestes à notre naissance et leurs emplacements, dirigés par ces vents célestes, reflètent au cours de notre vie le type de corps et de circonstances sous lesquelles nous sommes nés, ainsi que ce qui arrive et que nous faisons pendant notre vie.
La manière dont nous assemblons ces influences non karmiques issues des divers vents avec nos pulsions karmiques est de toute évidence extrêmement complexe et comprise seulement par l’omniscience d’un bouddha. Mais ce qui est clair, c’est que toutes jouent un rôle en influençant les choix concernant ce que nous faisons.
Le rôle de l’esprit de claire lumière
Un autre facteur est de prendre en compte le rôle de l’esprit de claire lumière tel qu’il est abordé dans l’anuttarayoga tantra, le mahamudra et le dzogchen. Quelle est la relation de l’esprit de claire lumière et de rigpa, ou de l’esprit en général, avec la matière et l’énergie ? Nous pouvons dire, par exemple, que notre expérience de la matière et de l’énergie est une apparence de l’esprit, de l’esprit de claire lumière. C’est une façon de le dire, parce que, selon ces enseignements tantriques, le vent subtil qui constitue l’apparence des formes des objets physiques, cette dernière étant un hologramme mental, est le vent le plus subtil de l’esprit de claire lumière qui est devenu plus grossier en se connectant avec les éléments subtils d’un corps subtil.
Il est possible, bien sûr, d’interpréter cette vision selon laquelle tout viendrait de l’esprit de claire lumière dans le contexte d’une explication Chittamatra. Le Chittamatra affirme que les formes des objets physiques et la conscience, ainsi que les facteurs mentaux attenants qui connaissent ces formes, viennent tous de la même source native (rdzas). Ils viennent tous d’une seule et même graine de karma (ce que nous avons appelé une tendance karmique), qui est imputée sur la base de l’alayavijnana, la conscience « tréfonds » (ou fondamentale). Bien que certains systèmes non guéloug de l’anuttaratantra yoga applique la terminologie Chittamatra, telle que alaya et alayavijnana, à l’esprit de claire lumière, l’esprit de claire lumière et les apparences qui en découlent n'ont pas les mêmes caractéristiques que celles de l’alayavijnana et des apparences dans le système Chittamatra. Dans le contexte du soutra, le Chittamatra ne parle pas de l’esprit de claire lumière.
De toute façon, le Chittamatra dit que l’apparence de la forme d’un phénomène physique tel qu’une table et la conscience accompagnée des facteurs mentaux qui connaissent cette table viennent tous de la même tendance karmique ou graine en tant que source native. Une source native est comme un four d’où sort une miche de pain. Comme le Vaibhashika et le Sautrantika, le Chittamatra affirme que tant la table qu’une conscience visuelle connaissant cette table ont une existence dûment établie non imputée. Le Vaibhashika et le Sautrantika disent que la table possède une existence véritable, extérieure à un esprit qui la connaîtrait, laquelle peut être établie avant d’être connue. Son existence objective est établie par le fait qu’elle accomplit une fonction. Le Chittamatra réfute ce point et dit que vous ne pouvez pas établir l’existence d’une table objective indépendamment de son apparence en tant qu’hologramme mental se produisant au moment de sa cognition. Ce n’est pas comme si l’apparence de la table et la conscience qui la connaît venaient chacune de leur propre source native, la source native de l’apparence de la table se trouvant alors en dehors, ou séparée, de la conscience qui la connaît.
D’un autre côté, c’est très différent du point de vue tel qu’il est expliqué dans le système Guéloug. D’après le Prasangika, rien ne possède d’existence dûment établie non imputée. C’est la raison pour laquelle la question de savoir si une table dûment établie non imputée peut être établie avant sa cognition ou uniquement ou seulement dans le cas où sa cognition (le fait qu’elle soit connue) est une non-question. L’existence d’une table ne peut être établie qu’au moyen d’une imputation, uniquement à l’aide d’un concept ou d’un mot y faisant référence. Du point de vue des soutras, la source native de l’apparence de la table est les éléments qui la composent. La conscience et chacun de ses facteurs attenants sont issus de leurs propres tendances en tant que leurs sources natives. Du point de vue du tantra, le vent subtil qui fabrique l’hologramme mental, lequel est l’apparence que nous connaissons quand nous voyons une table, est l’élément vent subtil de notre corps subtil avec lequel se connecte le vent le plus subtil qui est la monture de notre esprit de claire lumière. C’est dans ce sens que le Prasangika affirme que toutes les apparences sont le jeu de l’esprit de claire lumière. Le Prasangika n’affirme pas que l’esprit de claire lumière crée des objets matériels.
Pour raccorder ceci à notre discussion sur le karma, notre comportement compulsif, qu’il soit mû par des pulsions karmiques mentales ou composé de pulsions karmiques physiques, répond aux apparences que nous percevons, et ces apparences comportent également certains types de vents.
Karma collectif et formation de l’univers
De manière générale, la structure de l’univers, ses lois physiques, etc., affectent aussi ce que nous faisons. Pour examiner ce point, revenons à notre discussion sur le Kalachakra. Le Kalachakra parle du parallélisme entre le monde externe et interne. Tout comme nous avons le mouvement des corps célestes à l’extérieur, mus par des vents, de même nous avons le mouvement des vents subtils dans le corps, lesquels fabriquent des apparences. Similairement, il existe un parallèle entre les cycles sans commencement de la naissance, de la vie, et de la mort d’un univers et la naissance, la vie et la mort d’un individu. Dans le cas de l’univers, ses cycles sont affectés par le karma collectif des êtres qui y naîtront, et dans le cas des individus, leurs cycles seront affectés par leur propre karma individuel.
Pour ce qui est du monde extérieur, le Kalachakra parle de particules d’espace. On trouve les particules d’espace dans de nombreux contextes différents. Elles comprennent l’espace entre les choses ou constituent le composant le plus ténu des objets matériels, étant l’espace entre les particules plus grossières. Une unique particule d’espace, pareille peut-être à une singularité quantique, est tout ce qui reste après l’effondrement d’un univers et la formation d’un autre univers. Cette particule d’espace contient des traces – littéralement des « graines » – d’éléments, mais associées aux forces de la physique qui combinent et tiennent ensemble les particules de ces éléments non opérant à ce stade. Elles ne commencent à se combiner que comme le résultat de l’effet exercé sur elles par le potentiel karmique collectif des êtres qui renaîtront dans l’univers qui émanera d’eux.
Au niveau d’un individu, analogue à une particule d’espace, il y a la goutte d’énergie créative, en bref, la goutte la plus subtile. Au moment de l’existence de la mort, entre la fin d’une vie et la formation de la suivante, le continuum d’une personne consiste juste en un esprit de claire lumière, le vent le plus subtil et la goutte la plus subtile. Comme dans le cas d’une particule d’espace, cette goutte très subtile contient aussi des traces des éléments à un état non combiné. Elles ne commencent seulement à se combiner pour constituer les éléments subtils du corps subtil de la prochaine vie que par le biais de l’effet des potentiels karmiques individuels de la personne. Les éléments grossiers de son corps de renaissance, bien sûr, évoluent à partir du sperme et de l’ovule des parents, si la renaissance est humaine ou animale.
Quand on parle de karma collectif, nous ne devrions pas y penser comme à un phénomène imputé sur la base d’un inconscient collectif que nous partagerions tous. Le karma collectif fait référence aux potentiels karmiques, lesquels sont des phénomènes imputés sur les « moi » (s) conventionnels d’une énorme quantité d’êtres qui tous ont le potentiel de mûrir dans une série singulière de caractéristiques d’un univers dans lequel ils renaîtront et qu’ils partageront à un certain moment. Dans cet univers, il y aura des vents qui dirigeront et réguleront la révolution des corps célestes, quelle sera la durée d’une journée et d’une année, il y aura des saisons, des jours et des nuits, toutes ces sortes de choses. La formation et la structure de tout cela seront affectées par les karmas collectifs des êtres qui renaîtront dans cet univers, mais les substances physiques qui constitueront cet univers dériveront des éléments de l’atome d’espace à partir duquel l’univers s’étend sous l’influence des potentiels karmiques collectifs de ces êtres. L’existence de ces traces peut seulement être établie en tant que simples concepts et noms auxquels ils se réfèrent. Leur existence ne peut pas être établie de leurs propres côtés. L’univers n’existe pas déjà au sein d’une particule d’espace, déjà fixé dans la manière dont il apparaîtra, attendant juste de surgir une fois affecté par le karma collectif. Il existe une relation intime entre la matière, l’énergie et l’esprit, mais elle n’est pas directe.
La façon dont Sa Sainteté l’explique est la suivante : bien que nous puissions dire que le karma collectif de l’esprit de claire lumière – et non à partir d’un quelconque esprit de claire lumière universel mais à partir des esprits individuels de claire lumière de tout le monde œuvrant ensemble – en un sens aide à façonner l’univers. On ne peut pas dire que le karma collectif crée l’univers à partir de rien ou d’une particule d’espace, mais le karma collectif affecte la forme de l’univers. Néanmoins, une fois qu’un univers commence un cycle de formation, de maintenance, et d’effondrement, alors comme le Théravada et Asanga l’expliquent, des ordres et des impulsions non karmiques prennent le dessus et opèrent. L’exemple que Sa Sainteté utilise toujours est la chute des feuilles d’un arbre en automne. À quel moment chaque feuille tombe, l’ordre dans lequel elles tombent et où chacune d’elles atterrit sur le sol sont déterminés par les principes de la physique, de la botanique, du temps qu’il fait, et le reste à l’avenant. Ce ne sont pas des facteurs karmiques.
Bien entendu, nous n’existons pas indépendamment de ces facteurs extérieurs. Nous faisons l’expérience du temps qu’il fait, mais dans le sens le plus fondamental nous ne créons pas le temps qu’il fait. Maintenant, bien sûr, nous affectons le temps – l’effet de serre, ce genre de chose – nous n’en sommes donc pas indépendants. La relation causale dans ce cas est très complexe, mais il y a des lois physiques et des lois de la nature et elles prennent le dessus, bien que les lois physiques et celles de la nature soient d’une certaine manière façonnées par les êtres qu’elles affectent. Toutefois, elles prennent alors le dessus, d’une façon impersonnelle, pour rendre compte, par exemple, de de la chute des feuilles d’un arbre. Telle est, ici, la façon dont Sa Sainteté essaie de résoudre ce réel dilemme pour expliquer ce dont nous faisons l’expérience, sans tomber dans le solipsisme où tout est juste créé à partir de nos esprits ou de nos potentiels karmiques.
Questions
Est-ce que les gens qui viennent à la fin d’une phase de l’univers contribuent à son commencement ?
Pas nécessairement. Ce serait comme de dire que tous les gens qui sont nés au Tibet et ont souffert de l’occupation chinoise étaient tous des Tibétains dans des vies antérieures et que ce qui leur arrive maintenant est dû à ce qu’ils ont fait dans le passé aux Chinois à l’époque de l’empereur Songtsen Gampo. Non. Ils auraient pu naître sous n’importe quelle autre forme en tout autre lieu, et renaître au moment de l’invasion chinoise. Cela ne rabaisse pas les causes historiques qui ont provoqué ce qui s’est passé. Ce sont des causes de types différents. Il en est de même en ce qui concerne l’univers.
Le bouddhisme parle d’univers sans nombre. Il n’y a donc pas qu’un seul univers. Un univers est plutôt grand, je veux dire ce que nous entendons par un univers entier. Eh bien, il existe un nombre incalculable de tels univers, et ils passent tous par leurs phases à une vitesse différente. Quand un univers s’étend, un autre se contracte, il y a donc toujours un endroit où des continuums mentaux peuvent renaître. Ce n’est pas comme s’il y avait un éon vide et que tout le monde se contente d’errer dans une sorte de bardo (état intermédiaire entre la mort et la renaissance), attendant qu’un univers entre en évolution. Nous dirions que les êtres qui auraient le potentiel karmique de renaître dans cet univers partagent le karma collectif qui le façonnera, et ne renaîtront pas juste au commencement de cet univers, car à ce stade il n’y a aucun être dans cet univers ; cela demande un temps considérable avant qu’il y ait des êtres. Un univers doit d’abord se former avant qu’il puisse y avoir des êtres en son sein et, alors qu’un univers s’effondre, il y aura également une autre longue période sans aucun être. Nous dirions donc que ceux qui auraient accumulé le potentiel karmique de renaître pendant toute la période où il y aura des êtres dans cet univers affecteraient la structure de cet univers.
Dès lors, cela devient une question métaphysique réellement délicate. Comment pouvons-nous dire qu’ils ont accumulé le potentiel karmique pour structurer un univers non-encore-advenu ? Pour aborder cette question, nous devons entrer dans la discussion sur la réalité du futur. L’univers non-encore-advenu, comme le demain non-encore-advenu, ne se produit pas maintenant, mais il s’agit d’un phénomène connaissable affirmativement, et il existe. Il existe dans le sens où il peut être validement connu de manière conceptuelle. Nous pouvons par exemple y penser et y faire des projets. « Il existe » ne veut pas dire qu’il se produit maintenant. Nous devons ici faire la différence entre quelque chose qui arrive maintenant et quelque chose de validement connaissable, ce que souvent nous ne faisons pas. Pour qu’une chose existe, cela ne veut pas dire qu’elle se produit maintenant. Selon le bouddhisme, ce qui existe est ce qui peut être connu de manière valide, et cela veut dire être connu soit par une cognition sensorielle non conceptuelle valide, soit par une cognition conceptuelle inférentielle valide.
Par exemple, la chute ne-se-produisant-plus de la Rome ancienne peut être validement connue de même que peuvent être validement connus les dinosaures vivants ne-se-manifestant-plus. Cela ne veut pas dire que nous puissions validement voir des dinosaures se promener autour de la Terre. Des dinosaures se manifestant ou vivant maintenant n’existent pas mais peuvent être validement connus. Néanmoins, des dinosaures qui n’existent plus peuvent être validement connus. Ils peuvent être validement connus par une cognition inférentielle valide fondée sur une cognition sensorielle valide de leurs ossements, qui constituent leurs restes. La cognition inférentielle valide est fondée en raison du fait que s’il y a des os d’une quelconque créature, ils sont les restes produits par un être ne vivant plus.
Maintenant la même chose est vraie pour un univers non-encore-advenu. Un univers non-encore-advenu peut être validement connu par nous conceptuellement sur la base d’une cognition inférentielle valide. Donc, un univers non-encore-advenu existe dans le sens où il peut être validement connaissable en se fondant sur le fait que tous les êtres ont le potentiel de renaître dans l’un de ces univers. Au moyen d’une cognition mentale valide, cependant, nous pouvons seulement imaginer une image mentale grossière pour nous représenter un tel univers ; nous ne pourrions pas le connaître précisément dans tous ses détails.
Nous avons déjà examiné avec beaucoup de détails la manière dont un bouddha connaît ce qui ne se produit plus et ce qui n’est pas encore advenu au moyen d’une cognition non conceptuelle valide. Nul besoin pour nous de le répéter maintenant. S’il vous plaît, rappelez-vous notre discussion sur la façon dont la cause et l’effet existent véritablement, et qu’au moment de la cause, le résultat n’existe ni de manière véritable et trouvable ni n’existe pas. Cela signifie qu’au moment de la cause, quand toutes les variables susceptibles de l’affecter sont complètes, le résultat peut être validement déduit par nous. Son existence, toutefois, ne peut seulement être établie que par ce à quoi le mot ou concept « résultat » fait référence sur la base de la réunion complète de toutes les causes ou conditions. Comme tel, le résultat, peut être validement connu au moment des causes en dépit du fait que le résultat ne se produit pas au moment de la cause, pas plus qu’il ne se tient en embuscade dans la cause, prêt à bondir.
Dans des univers différents, existent-ils de règles ou des lois physiques différentes ?
Nous devrions dire que ce serait probablement le cas. Selon moi, si on considère le plan des objets sensoriels désirables, le plan des formes éthériques, et le plan des êtres sans forme – qu’on appelle les mondes du désir, de la forme et du sans-forme – il y a des caractéristiques ainsi que des lois différentes qui opèrent dans chacun d’eux. Par exemple, il n’y a rien de destructeur dans les plans des formes éthériques et des êtres sans-forme, et au plan des formes éthériques il n’y a ni odeur ni goût. Si tel est le cas dans cet univers particulier, pourquoi n’y aurait-il pas différents plans d’existence dotés de caractéristiques différentes dans d’autres univers ?
Même au sein de cet univers, il y a tant de planètes différentes sur lesquelles on trouverait indubitablement des formes de vie et celles-ci pourraient vivre dans des environnements soumis à des températures et des gravités différentes. Même sur cette planète, la Terre, il y a des créatures qui vivent à des pressions intenses au fond des océans et à des températures extrêmes aussi bien froides que chaudes. Il y a différents éléments dans lesquels vivent des créatures. Certaines vivent dans l’eau, certaines dans l’air, certaines dans la terre. Qui sait quoi d’autre serait possible dans différents mondes et dans différents univers ?
Peut-il y avoir des lois physiques différentes dans des univers différents ? Pourquoi pas, mais elles devraient être en mesure de soutenir des renaissances dans cet univers sous des formes qui pourraient y vivre. Les lois physiques d’un univers ne sont pas des « choses » inhérentes, trouvables dans un univers existant indépendamment de tout le reste. Les lois physiques et les formules mathématiques sont juste des constructions conceptuelles qui nous aident à comprendre le fonctionnement d’un univers. Même dans notre univers, les scientifiques mettent à jour leurs théories, changeant et raffinant sans arrêt leurs compréhensions conceptuelles de l’univers.
Mécanique quantique et probabilité
J’aimerais introduire dans notre discussion sur le déterminisme quelques idées suggérées par la mécanique quantique. Bien que je ne sois en rien versé dans la mécanique quantique – et il se pourrait bien que mes spéculations ne soient pas scientifiquement exactes – mais essayons de jouer avec certaines idées fondées sur elle.
Quand on demande : « Qu’est-ce qu’une chose ? », une chose est ce à quoi le mot ou le concept fait référence, par exemple : une table est ce à quoi le concept et le mot « table » font référence. Peut-on dire que des choses comme de vraies tables et de vraies chaises existent ? Y a-t-il des tables et des chaises ? Les Guélougpas disent que, conventionnellement, quand on n’analyse pas leurs vérités, la superficielle et la plus profonde, il y a des tables et des chaises qui accomplissent des fonctions. Bon, qu’est-ce que cela signifie ? Existe-t-il une espèce de « méga-soupe » indifférenciée quelque part, et quand nous l’étiquetons avec un concept ou un mot, les objets auxquels ces concepts et ces mots se réfèrent viennent alors à l’existence véritable et apparaissent ? Certainement pas.
Qu’en est-il quand la mécanique quantique parle de la localisation d’une particule ? Avant de percevoir l’endroit où une particule pourrait être localisée, ce n’est pas qu’il y a un certain nombre prescrit de possibilités quantiques – or toutes existent réellement quelque part – et que quand nous percevons le lieu (la localisation), alors notre perception fait que la particule vient à l’existence véritable et apparaît à un endroit.
Les deux exemples sont identiques dans le fait de dire que des objets comme des tables sont créés par l’étiquetage mental. Dans le cas de la particule, ce serait créé par perception sensorielle et dans le cas de la table par étiquetage mental, mais la question est que dans les deux cas c’est l’esprit qui crée cela et cela devient alors véritablement existant.
Nous devons éliminer cette idée d’existence véritable en ce qui concerne la localisation d’une particule. Il n’est pas possible qu’elle soit véritablement nulle part et que, quand nous la voyons, elle se manifeste à l’existence véritable à un endroit. Il ne se peut pas également qu’elle se trouve pour de vrai simultanément en plusieurs endroits mais que nous ne pouvions tout simplement pas voir cela, mais le fait que nous regardions, de par son propre pouvoir, l’a placée pour de vrai à un endroit et non pour de vrai ailleurs. Il ne se peut pas également qu’elle soit pour de vrai seulement à un endroit tout le temps et que c’est seulement maintenant que nous la voyons.
Nous devons maintenant mettre ensemble cette analyse de la localisation d’une particule avec notre analyse des résultats karmiques. Est-il vrai que toutes les possibilités karmiques de ce qui pourrait surgir de nos potentiels existent véritablement, et puis, quand nous rencontrons une certaine circonstance, qu’une possibilité karmique vienne alors à l’existence et se produise et que nous en fassions l’expérience ? Et donc, toutes ces possibilités karmiques existeraient réellement pour de vrai quelque part et un bouddha les connaîtrait toutes ? Ou bien est-ce qu’il n’y aurait en réalité qu’une seule possibilité karmique, tel un objet qui n’est qu’une seule chose et que, quand nous rencontrons la circonstance propice à son déclenchement, nous la découvrons et en faisons l’expérience et qu’un bouddha savait à l’avance ce qui allait arriver ? Ce sont là toutes des erreurs.
Qu’en est-il alors de notre expérience des mûrissements de nos potentiels karmiques ? Ce n’est pas si facile, mais nous devons essayer d’éviter ces extrêmes, car il est vrai que, simultanément à la vision d’une chose, notre esprit limité fabrique une apparence de cette chose comme si elle existait vraiment.
En termes de possibilités quantiques, comment se fait-il qu’avant de l’observer une particule se trouve à différents endroits simultanément, et que quand nous la voyons, elle occupe alors une place. L’esprit a fabriqué une apparence, une véritable apparence d’existence de la particule à un endroit, n’est-ce pas ? En un sens, quand nous mettons toute l’explication de la mécanique quantique des choses ensemble et l’assemblons avec les enseignements bouddhiques, ils s’intègrent à la description de la manière dont nos esprits fabriquent des apparences d’existence véritable, ce qui est très intéressant. Nous devons donc transposer toute la discussion de la localisation d’une particule à la discussion du karma et des possibilités karmiques, ainsi qu’à toute la discussion sur le déterminisme ou le libre arbitre, etc. C’est pourquoi je dis que dans notre discussion du déterminisme, du libre arbitre, de ce que voit un bouddha, de ce qu’il connaît, etc., il nous est même difficile pour de considérer ces questions parce que la simple manière dont nous les abordons implique une existence véritable à tout le système. Voyez-vous, ici, le problème ?
Si nous parlons de choix, on a l’impression que les choix existent vraiment, que ce sont des choix existant véritablement, et qu’ils existent véritablement en tant que choix non-encore-advenus, et maintenant nous en choisissons un, nous faisons en sorte qu’il se produise et que les autres ne soient plus possibles. C’est une façon erronée de regarder les choses, dans le sens où les choses auraient une existence véritable. Mais dès que nous commençons à concevoir, ou essayons juste de poser la question : « Avons-nous des choix ? », cela implique que les choix existent vraiment quelque part. Ils ne se produisent pas encore et soit ils se trouvent de façon inhérente quelque part dans l’univers et ils n’ont plus alors qu’à se manifester – vous savez : le genre de chose de type Samkya – soit l’idée tout entière semble un peu étrange ici. C’est la connexion que nous devons faire avec la mécanique quantique.
Nul besoin d’entrer dans les détails au sujet de la mécanique quantique. C’est juste que, concernant les particules, il existe simplement une énorme fonction de probabilité de l’endroit où elles se trouvent, et dans la mesure où nous ne pouvons pas connaître à la fois la localisation et la vitesse au même moment, nous pouvons dire qu’elles sont simultanément partout. Toutes ces possibilités existent véritablement, en un sens, mais quand nous y regardons vraiment, finalement nous localisons une particule à un endroit particulier, et donc l’observateur interagit avec le système. Mais nous devons faire très, très attention à la façon dont nous comprenons cela.
Mais n’allons pas plus loin dans le discussion des possibilités en ce qui concerne les particules ; parlons d’elles en termes de karma. Il existe un nombre limité de choix étant donné les variables susceptibles d’affecter ce que nous faisons. Il nous semble qu’ils existent véritablement, et que maintenant nous allons en choisir un. Pareils à tous les plats affichés sur le menu, nous allons en choisir un, et cela fait que cela arrive. Ou bien est-ce qu’un bouddha savait qu’il y avait un menu, et qu’il le connaissait et savait à l’avance ce que nous allions choisir ?
En fait, il n’y a pas de menu. Les choses n’existent pas de cette façon. Même si nous parlons en termes de tendances, de graines, ce n’est pas comme si le résultat existait déjà dans la graine. La raison en est qu’il y a tellement de facteurs qui peuvent affecter le mûrissement de nos potentiels et tendances karmiques après que nous avons fait une action – par exemple, répéter ou ne jamais répéter l’action, regretter ou ne pas regretter ce que nous avons fait, le purifier, etc. Même les prières d’autres gens peuvent affecter, par exemple, ce qui va arriver au cours du bardo concernant notre prochaine renaissance. Est-ce que toutes ces possibilités étaient déjà présentes et existaient véritablement avant que le mûrissement ne se produise ? Non.
Il devient toujours très difficile de savoir « ce qu’un bouddha connaît ? » Malheureusement, la réponse est que nous devons devenir un bouddha avant de savoir ce qu’un bouddha connaît. Ce n’est pas une réponse très confortable, mais quand nous avons une difficulté à répondre à une question telle que le libre arbitre, le déterminisme, la prédestination, etc., souvent le problème est que les concepts impliqués dans la question sont erronés.
Cela renvoie aux quatorze questions auxquelles le Bouddha n’a pas répondu ; il ne leur a pas donné de réponse précise parce qu’elles étaient formulées de telle manière que, peu importait sa réponse, les gens comprendraient de travers. Par exemple, est-ce que l’univers a un commencement ou n’en a-t-il pas ? Eh bien, de toute évidence il y a des enseignements où il n’en a pas, mais quand nous nous interrogeons sur un univers véritablement existant, dire qu’il a ou n’a pas de commencement, nous aboutissons à une incompréhension. Quand on parle de choix véritablement existants – avons-nous ou n’avons-nous pas le choix ? – de nouveau, peu importe notre réponse, ce sera mal compris parce que nous considérons les choix comme des choix véritablement existants. Cela ne marchera tout simplement pas.