Les projections

Introduction à la vacuité (le vide)

La vacuité, le vide, est un thème à la fois central et crucial dans les enseignements bouddhiques. La vacuité, le vide, désigne une absence ; quelque chose est absent, quelque chose n’est pas là. Ce qui est absent, c’est une façon impossible d’exister ; ce qui est absent, c’est quelque chose qui n’a jamais existé. Il est très important de comprendre les tenants et les aboutissants de cette affirmation. C’est toute la problématique de la projection qu’il nous faut décortiquer. Nous sommes toutes et tous, tant que nous sommes, plongés dans une grande confusion, parfois dans une confusion très grossière dont nous sommes éventuellement conscients, mais il y a aussi des niveaux de confusion très subtils.    

Nous projetons toutes sortes de choses, lesquelles ne sont que pures fantasmagories. Nous croyons en leur réalité, puis nous réagissons de manière inappropriée. Par exemple, quand notre bien-aimé(e) à qui nous sommes très attaché a du retard à notre rendez-vous à cause de la circulation, notre esprit projette : « Tu es en retard parce que tu ne m’aimes plus, tu m’as abandonné, tu ne reviendras jamais ». À cause de notre manque de confiance en nous et de notre attachement, nous devenons très malheureux. Puis, quand notre bien-aimé(e) arrive enfin, nous nous fâchons contre lui ou contre elle : « Pourquoi es-tu en retard ? » et nous ne lui donnons même pas la chance de s’expliquer. 

Ces choses arrivent tout le temps, sous une forme ou sous une autre. Nous avons toutes sortes de projections saugrenues à propos de nous-même, d’autrui, des situations dans le monde, etc. Croyant que nos projections correspondent effectivement à la réalité, nous nous créons de plus en plus de souffrances et de problèmes et nous en créons de plus en plus à autrui. Or, la vacuité ne sert qu’à une chose : nous amener à comprendre que nos projections ne correspondent à rien de réel. En gros, ce qui est absent, ce qui n’est pas là, c’est un réel référent à nos projections. Celles-ci ne correspondent à rien. Qu’est-ce qui est absent ? Ce qui est absent, c’est un référent qui serait réel, lequel, pour commencer, n’a jamais été là. Autrement dit : ce qui est absent, c’est un référent impossible. 

Maintenant, certes, il y a, dans ce qui est impossible, beaucoup de niveaux différents de subtilité. Quand on s’applique à comprendre la vacuité, il faut déconstruire nos projections, nos mythes personnels et sociaux, parce qu’il y a beaucoup de mythes que nous projetons, que toute la société projette, il n’y a pas seulement nos projections personnelles. Il nous faut procéder pas à pas pour pouvoir les déconstruire et tâcher de nous rendre compte que chaque couche de projection est à mettre au rebut. 

Il est vraiment important de comprendre que nous n’avons pas seulement nos propres mythes et nos propres projections, mais que certains sont partagées par toute la société dans son ensemble ; par exemple : « L’ennemi national, ces gens-là, ils sont tous mauvais », et ce genre de choses. C’est le niveau le plus grossier, mais il y en a de plus subtils. 

L’enjeu de toute cette discussion sur les projections consiste à essayer de comprendre qu’elles sont des causes de souffrance, comprendre qu’elles sont la cause de nos problèmes, la cause des problèmes de tout un chacun : ce sont les projections de quelque chose d’impossible. Dans la mesure où nous voulons vaincre nos difficultés et résoudre nos problèmes, nous avons besoin de cette compréhension, et tout le monde est dans le même cas. Si nous voulons venir à bout de nos problèmes et de nos tourments et atteindre la libération, alors, pour l’essentiel, il nous faut comprendre que les projections ne correspondent à rien de réel ; pour l’essentiel, il nous faut cesser de croire à nos projections fausses. Nous devons penser : « C’est du n’importe quoi », et ne pas y croire.    

Laissez-moi prendre comme exemple le scorpion que nous venons de trouver ici sur le sol il y a quelques minutes. Notre esprit pourrait lui prêter l’apparence d’un monstre. Si nous croyons que cette apparence correspond à la réalité, nous éprouvons une grande frayeur ; la frayeur n’est pas un état d’esprit très agréable. Cependant, le fait de comprendre que ce scorpion n’est pas un monstre ne signifie pas pour autant que le scorpion n’existe pas et qu’il n’est pas dangereux. Certes, il est dangereux. Il faut l’évacuer très prudemment de la pièce, glisser un morceau de papier en-dessous, mettre quelque chose au-dessus et l’emmener dehors. La compréhension de la vacuité ne veut pas dire que nous ne prenons pas garde au scorpion. La prudence est de mise. Je parle à un niveau très superficiel ; la vacuité est beaucoup plus subtile que cela, mais si, à travers ce simple exemple, nous nous rendons compte que ce scorpion n’existe pas en tant que monstre, alors nous pouvons le confronter sans avoir peur. Nous ne sommes pas bouleversés par son apparition.       

Ainsi pouvons-nous trouver maintes situations dans lesquelles une telle compréhension est très utile, même à un niveau très superficiel. Nous aimons beaucoup quelqu’un, par exemple, nous lui sommes très attaché, mais voilà qu’il ne nous appelle pas et ne vient pas au rendez-vous comme convenu. Le temps passe, nous n’avons toujours pas de nouvelles, nous voici maintenant très contrarié. Quelle est la projection qui se trouve derrière notre contrariété ? C’est précisément ce qu’il convient d’analyser. « Qu’est-ce qui cloche dans la façon dont m’apparaît la situation ? » Il y a beaucoup de choses qui clochent, mais il est très courant de penser que « je suis la personne la plus importante au monde » et, en particulier, « je suis la chose la plus importante dans la vie de cette autre personne, elle n’a rien d’autre que moi dans sa vie. Tout ce qu’elle fait tourne autour de moi. Si elle n’appelle pas, c’est parce qu’elle ne m’aime pas », ou quelque chose de ce genre.  

Ce n’est pas la réalité. Les gens ont leur vie ; ils n’ont pas que nous, ils ont d’autres personnes dans leur vie, il leur arrive beaucoup de choses et beaucoup d’autres gens ont des interactions avec eux. Quand bien même il s’agirait de notre conjoint, beaucoup de choses se passent dans sa vie en plus de nous-même. Ces pensées nous ramènent un peu sur terre eu égard à nos relations avec cette personne. Puis, quand nous la revoyons, il est possible que nous découvrions qu’elle a été très prise par quelque chose, ou que quelque chose d’important lui est arrivé. Alors nous pouvons lui demander calmement ce qu’il s’est passé. Afin de surmonter notre souffrance et notre misérabilisme par rapport à toute cette situation, alors même que notre esprit lui prête l’apparence de « je suis la seule raison pour laquelle des choses adviennent dans la vie de cette personne », nous nous raisonnons : « Allons donc ! C’est ridicule ! » et nous n’y croyons pas.  

Si quelqu’un est en retard au rendez-vous, ou si notre adolescent est en retard pour rentrer à la maison le soir, il se peut que nous projetions l’idée qu’il a eu un accident et que cette idée ne cesse de nous tourmenter. La même analyse s’applique dans ce cas. Se soucier de la sécurité de nos enfants n’est pas la même chose qu’entretenir une inquiétude obsessive à leur sujet. Dans la plupart des cas, s’ils sont en retard, ce n’est pas parce que quelque chose d’horrible leur est arrivé. Nous avons besoin de garder notre calme et de faire montre de patience en attendant qu’ils rentrent à la maison. Après tout, rentrer tard est typique des ados.  

Quoiqu’il en soit, si nous voulons réellement être capables d’aider autrui, ce dont nous avons réellement besoin, c’est d’arriver au point où notre esprit cesse de projeter de tels scénarios. Cela parce que, même si nous ne croyons pas à toutes les chimères que nos projections font apparaître, nous ne pouvons pas voir clairement la réalité tant que notre esprit continue de les projeter. Il est donc important de nous habituer encore et encore à utiliser la vacuité. Que fait-on quand on se focalise sur la vacuité ? On se focalise sur : « Cette chose n’existe pas. Il n’y a pas de réel référent qui correspond à ce que mon esprit projette ».  

Maintenant, quand nous nous focalisons sur « cette chose n’existe pas », rien n’apparaît, il n’y a rien. Prenons d’abord un exemple plus simple. Par exemple, nous nous concentrons sur « il n’y pas de chocolat ici sur le sol ». Sur quoi nous concentrons-nous dans ce cas ? Qu’est-ce qui apparaît ? Rien. D’abord il est possible que le sol apparaisse, mais ce n’est pas le sol qui nous intéresse principalement. Nous sommes focalisés sur « il n’y a pas de chocolat ». Plus nous nous fixons sur cette absence de chocolat, plus…que se passe-t-il ? Notre esprit cesse de projeter « chocolat ». Nous avons beau espérer qu’il y ait du chocolat, il n’y en a pas. Nous allons voir dans le frigo : pas de chocolat. Nous allons voir dans le placard : pas de chocolat. Alors nous nous asseyons et, enfin, nous comprenons : « Il n’y en a pas ». « Rien » n’apparaît. Nous comprenons que cela signifie qu’il n’y a pas de chocolat ; il n’y en a pas. Du coup, notre esprit ne projette plus ni « chocolat » ni « espoir qu’il y ait du chocolat ». À force d’habitude, notre esprit finira par cesser de projeter « chocolat ». 

Mais le chocolat est quelque chose qui existe. Il se peut qu’il n’y en ait pas chez nous, mais le chocolat existe quelque part ailleurs. Or, ce dont parle la vacuité, c’est de l’absence de quelque chose qui n’existe pas, qui n’a jamais existé et qui n’existera jamais. Supposons que nous projetions, par exemple – c’est l’exemple que j’aime bien utiliser car il est très courant – nous projetons « prince charmant ou princesse charmante sur un cheval blanc », le compagnon, la compagne parfait(e) idéal(e) que nous rêvons de rencontrer pour « vivre très heureux ensemble pour toujours » comme dans les contes. Nous espérons toutes et tous, ou la plupart d’entre nous ont espéré et espèrent peut-être encore, trouver le prince charmant ou la princesse charmante sur un cheval blanc, le compagnon, la compagne idéal(e). Donc, évidemment, nous projetons ce rêve sur la personne que nous rencontrons dans l’espoir qu’elle y sera conforme. Mais quand il s’avère que ce n’est pas le cas, nous sommes très déçus et frustrés.  

Aussi triste que ce soit, il nous faut comprendre qu’il n’y en pas : personne n’existe en tant que prince ou princesse sur un cheval blanc. Finalement, dès lors que nous serons suffisamment habitués à cette idée et que nous croirons vraiment, au niveau affectif, qu’« une telle chose n’existe pas » et que tout le monde a rencontré son prince charmant « sauf moi, pauvre de moi, je suis nul » – car le fait est qu’ « une telle chose n’existe pas, parce que c’est impossible » – alors notre esprit cessera de chercher le prince ou la princesse charmant(e). Nous allons peut-être nous lamenter au début : « Ah ! Comme c’est triste qu’une telle chose n'existe pas ! » Le grand maître indien Shantidéva a dit que c’est comme un petit enfant qui pleure quand son château de sable s’écroule lors de la montée des eaux.  

En réalité, le fait qu’une telle chose n’existe pas est un soulagement. C’est un véritable soulagement, une grande joie que de nous rendre compte que – comme le dit l’expression – « nous nous sommes cogné la tête contre un mur » à la recherche de quelque chose qui n’existe pas. Non seulement nous voulons cesser de souffrir et, donc, cesser de croire que notre compagnon ou compagne est le prince charmant ou la princesse charmante, mais nous voulons aussi cesser une telle projection, car cela nous permettra de voir notre compagnon ou compagne telle qu’il ou elle est et, donc, d’être dans une bien meilleure position pour pouvoir lui apporter notre aide… Bon, je simplifie énormément les choses, mais il n’en reste pas moins que c’est le principe général qu’il convient de suivre. Si nous voulons atteindre la libération, il faut arriver à obtenir de notre esprit la cessation des projections. 

Il nous faut donc comprendre la vacuité, cette absence totale d’un réel référent des fantasmagories que notre esprit projette, et nous familiariser encore et encore avec elle pour que, comme dans notre premier exemple avec l’absence de chocolat, notre esprit cesse sa projection dès lors qu’il se focalise sur « une telle chose n’existe pas ». Ensuite, par étapes, nous procédons à la déconstruction afin que notre esprit cesse de projeter des niveaux de plus en plus subtils de ce qui est impossible. Certes, chaque niveau que nous déconstruisons a son utilité, mais il est important de ne pas s’arrêter en route. 

En fait, c’est un sujet très difficile. Il y a beaucoup, beaucoup de choses difficiles dans la compréhension de la vacuité. Personne n’a jamais dit que la vacuité est facile à comprendre. Quoiqu’il en soit, il est important d’identifier nos projections, parce que nous croyons vraiment qu’elles sont réelles. Nous n’avons pas le sentiment que « c’est du n’importe quoi projeté par mon esprit » ; pour y arriver, beaucoup de travail et une grande ouverture d’esprit sont nécessaires. Il nous faut étudier et apprendre ce que sont ces choses que notre esprit projette, et il faut que quelqu’un ou quelque chose, un livre ou un enseignant, nous le montre. Ce n’est pas si évident, nous devons y réfléchir, essayer de comprendre ce qu’il se passe, procéder à une véritable auto-analyse et examiner la façon dont le monde nous apparaît et comment les autres personnes nous apparaissent, et comment nous apparaissons nous-même à nous-même. Cela requiert une longue et vaste réflexion, une réflexion est active, pour essayer de comprendre et de reconnaître ce qui est en train d’apparaître. 

Comprendre les projections

Dans le bouddhisme il y a tellement de pratiques qui ont trait à la façon dont les choses apparaissent ! Ces pratiques sont très utiles pour nous aider à comprendre nos projections. Je suis assis en face de vous et cela pourrait m’effrayer, par exemple, je peux penser : « Tous ces gens me regardent, me jugent », « que vont-ils penser de moi ? » La situation peut me rendre très nerveux et devenir une vraie torture pour moi. Dans ce cas, quel est le problème ? Le problème, c’est que je pense uniquement en termes de « moi, moi, moi » et que tout tourne autour de « moi » et de ce que vous pensez de « moi ». 

Il est vrai que je suis assis ici et que la plupart d’entre vous me regardent. Et alors ? Nous sommes en train de parler des projections. Au lieu de vous voir comme des personnes qui sont en train de me juger et qui, probablement, ne m’aiment pas ou pensent que je suis un imbécile, je peux changer mon attitude. Le bouddhisme parle toujours d’échanger notre attitude contre une autre plus positive, plus bénéfique. Je peux vous voir comme mes meilleurs amis, comme mes frères et sœurs, comme mes parents ou mes enfants et vous donner très consciencieusement des explications comme je le ferais pour mon meilleur ami. Il m’importe aussi que vous compreniez, alors il y a pour le moins une bonne part de bienveillance, sinon d’amour, dans cette approche. De plus, je ne vais pas prétendre quoi que ce soit. Comment peut-on prétendre quelque chose avec son frère, sa sœur, son meilleur ami ? Si je pense de cette façon, avec ce changement d’attitude, je deviens très relax et passe une très bonne soirée avec vous.

Qu’est-ce qui est impliqué ici ? C’est bien une projection, n’est-ce-pas ? En réalité, je ne connais personne d’entre vous… je veux dire, je connais une ou deux personnes un petit peu, et je connais déjà Claudia, mais pour ce qui est de la majorité d’entre vous, on ne s’est pas rencontrés auparavant. Aussi n’est-il pas vrai que vous êtes mes meilleurs amis, au moins dans cette vie. Dans le bouddhisme nous parlons de vies antérieures, du coup vous étiez peut-être mes meilleurs amis il y longtemps, dans une autre vie, certainement – c’est sur cette pensée que je m’appuie. Alors ce que je projette – à savoir : que vous êtes mes meilleurs amis – n’est pas complètement irraisonnable. Dans le bouddhisme, nous disons que tout le monde a été notre mère dans une vie antérieure ; mais si cette pensée présente une difficulté pour nous, nous pouvons toujours penser que tout le monde a été notre meilleur ami. Selon cette logique, chaque personne a aussi été notre pire ennemi dans une vie antérieure, mais cette pensée n’aide pas.  

Vous êtes assis là et sans doute me jugez-vous. Et alors ? Si vous voulez me juger, vous le ferez. Que vous me jugiez n’est pas le problème. Là n’est pas le problème. Le problème est que je suis focalisé sur « moi » et que je me soucie de « moi ». Qu’allez-vous penser de « moi » ? Je me soucie de « moi » car je veux que tout le monde m’aime, « moi ». Je veux dire, tout le monde veut être aimé par tout le monde, n’est-ce pas ? 

Mais rappelons-nous que tout le monde n’aimait pas le Bouddha, alors « si tout le monde n’aimait pas le Bouddha, pourquoi tout le monde m’aimerait-il ? » Cette pensée est très utile mais un peu loin de nous, alors rappelons-nous que tout le monde n’aime pas Sa Sainteté le Dalaï-Lama. Prenez les Chinois, les Chinois ne l’aiment pas. Donc, si vous pensez du mal de moi, c’est ok. Voilà le principe. Il s’agit en premier lieu de comprendre que nos expériences sont basées sur nos projections. Une fois que nous l’avons compris, nous pouvons changer la projection. Au lieu de projeter quelque chose qui va nous mettre mal à l’aise, du genre : « Vous allez tous me juger », nous projetons quelque chose qui nous aide, par exemple : « Vous êtes tous mes meilleurs amis ». 

Puis, en fin de compte, pas besoin de projeter quoi que ce soit. Chacun de vous est une personne individuelle, vous pouvez me juger, être un ami intime ou un ennemi. Ok, pas de problème. Cependant, ainsi que Sa Sainteté le fait remarquer, tout le monde est un être humain – enfin, pas tout le monde, un chien n’est pas un être humain – mais en tout cas, tout le monde veut être heureux et personne ne veut être malheureux. Alors parlons à autrui comme à nos semblables, et il n’y aura pas de problème.

Je pense que ces exemples illustrent le fait qu’on procède par étapes pour utiliser des projections qui vont nous permettre de diminuer et de faire cesser nos tourments et nos problèmes, définitivement. Mais quel que soit le type de projection, utile ou inutile, il est crucial de comprendre que ce qui nous rend malheureux, c’est la pensée « moi, moi, moi », « tout tourne autour de moi » et « que pensent les autres de moi ? » Voilà la cause des problèmes.  

En ce moment nous sommes dans une interaction. Quand bien même nous comprenons que les projections selon lesquelles « vous êtes mes juges », « vous ne m’aimez pas », « vous n’allez pas m’aimer », etc., sont du n’importe quoi, et quand bien même nous n’y croyons pas, il n’en reste pas moins que notre esprit projette encore. C’est ainsi que notre esprit fonctionne : il projette. Donc mieux vaut projeter quelque chose de bénéfique, comme : « Vous êtes tous mes meilleurs amis ». Cela me permet de vous aider dans une certaine mesure, mais pas complètement. Pourquoi pas complètement ? Parce que, éventuellement, vous me jugez et que, éventuellement, en fait, vous ne m’aimez pas. 

Pour que je puisse réellement vous aider, je dois d’abord être capable de confronter la réalité, et non pas seulement de projeter que « tout le monde m’aime, tout le monde est mon meilleur ami ». Dès lors que je n’ai plus peur de vous et que je ne me focalise plus seulement sur « moi, moi, moi », je suis prêt à éliminer les gentilles projections, à m’ouvrir vraiment et à gérer la réalité de chaque personne individuellement. Certains d’entre vous ne m’aiment pas, d’autres m’aiment bien ; certains pourraient devenir des amis intimes, d’autres veulent rester à distance, et ainsi de suite. On gère la situation telle qu’elle est.

Je viens de donner un aperçu de la manière d’utiliser la vacuité et les absurdités que projette notre esprit. Tantôt nos projections sont bénéfiques ; tantôt elles ne sont d’aucune aide, tantôt nous projetons quelque chose d’utile ; mais, au bout du compte, nous voulons parvenir à cesser totalement les projections.   

Cette introduction a donné une toute petite idée de ce dont nous parlons. Je pense que c’est assez pour ce soir. Nous pouvons maintenant prendre quelques questions puis, à partir de demain, nous parlerons un petit peu plus en détail du « n’importe quoi » que notre esprit projette, et de comment faire pour le reconnaître et le déconstruire.  

Questions

Si nous déconstruisons tellement, n’allons-nous pas déconstruire nos bons sentiments ? 

Pas forcément. La vacuité n’est pas nihiliste. Nous n’affirmons pas que rien n’existe, nous n’affirmons pas qu’il n’y a rien du tout. Nous voulons simplement nous débarrasser de nos projections fantasmagoriques et de nos exagérations.

Quand nous parlons d’avidité, d’attachement et de colère, nous parlons essentiellement d’une exagération des points positif et des points négatifs de quelque chose. Or, l’énergie qui sous-tend l’exagération des points positifs peut être utile. Si notre désir d’avoir quelque chose exagère les qualités de…disons, d’une crème glacée…ou de l’argent, cet état d’esprit devient très perturbant. Cependant, quand nous nous débarrassons de cette exagération, nous avons encore besoin de cette énergie qui dit : « Je veux atteindre quelque chose », par exemple : « pour vous aider ». Cette énergie aspire simplement à quelque chose qui, dans ce cas, est positif et utile ; nous avons besoin de cette énergie. Donc, quand nous déconstruisons, nous ne déconstruisons que l’exagération qui consiste à croire que « la réussite ou l’échec de l’aide que je t’apporte dépend totalement de moi », « si tu surmontes tes problèmes et si tu vis heureux, c’est uniquement grâce à moi », « si ça marche, je suis le plus fort, si ça ne marche pas, c’est ma faute et je suis coupable. » Nous voulons nous débarrasser de ces projections. Ce sont des exagérations. 

Quand nous déconstruisons, il nous reste le souhait d’aider autrui – il nous reste l’amour ou le souhait que les autres soient heureux, et la compassion ou le souhait qu’ils soient libres de toute souffrance. C’est ce qu’il nous reste, mais avec une attitude réaliste. C’est comme, excusez-moi si vous êtes végétariens, mais si je peux prendre cet exemple : c’est comme un morceau de viande. On veut couper le gras qui l’entoure pour ne garder que la partie nutritive.   

Vous voyez ce que je veux dire ? C’est comme quand on a de la compassion pour quelqu’un et qu’on se laisse emporter : c’est le gras autour du morceau de viande. Un autre exemple : c’est comme si votre enfant se blessait et que vous ne puissiez rien faire d’autre que « ouh ouh ouh ! », vous vous mettez à crier, à pleurer, à gémir, encore et encore et ne faites rien pour l’aider. Vous vous lamentez : « Pauvre de moi ! Je ne peux vraiment pas m’occuper de ça ! » Mettons ces sornettes à la poubelle et considérons la situation : « Ah ! Mon enfant s’est blessé » et prenons soin de lui avec compassion. Les sentiments de compassion n’ont pas besoin de drame ni de mélodrame pour être positifs. 

Il semble qu’il soit très difficile de distinguer entre la réalité et l’exagération.

C’est exact, il est très difficile de les différencier. C’est pour cela que nous avons besoin d’un enseignant. La lecture seule n’apporterait peut-être pas la même clarté. Nous avons besoin de quelqu’un qui va répondre à nos questions et nous montrer les choses. Mais même avec un enseignant qui nous guide personnellement, ce qui est rare, nous avons toujours besoin d’un esprit ouvert. Si nous ne sommes pas ouverts, le Bouddha en personne pourrait essayer de nous inculquer quelque chose, ce serait en vain. Pour ouvrir notre esprit, le bouddhisme enseigne des méthodes qu’on appelle « purification et accumulation de force positive ». Il y a beaucoup de pratiques qui aident à s’ouvrir et à surmonter les blocs mentaux et affectifs. Ensuite les enseignants peuvent nous aider. 

Guéshé Wangyal avait toujours des gens qui construisaient des choses pour lui et il exerçait une supervision étroite. Il avait un élève, un ami à moi, qui participait à la construction d’une maison d’habitation pour les étudiants et pour Guéshé-la. Un jour, alors qu’il était sur le toit de la maison, Guéshé-la est monté sur la toiture, est allé tout droit vers son ami, son élève, et s’est mis à lui crier : « Tu fais n’importe quoi ! Tu fais un vrai gâchis ! Dégage ! » Mon ami a rétorqué : « Que voulez-vous dire par là ? Je fais exactement ce que vous m’avez dit de faire ! » Alors Guéshé-la répondit : « Tu vois, c’est ça « le moi », « le faux moi ». C’est de cette projection que tu dois te débarrasser ». 

Guéshé Wangyal était maître en la matière. Il était âgé quand je l’ai rencontré. Un jour, nous étions quelques-uns assis dans son salon, une femme est entrée. Elle avait l’air très bouleversé et voulait s’entretenir en privé avec Guéshé-la au sujet de quelque problème personnel. Guéshé-la lui dit : « Ça va, pas de souci, nous sommes ici entre amis. Vous pouvez parler librement. » Elle a rapporté son histoire avec grande difficulté car il lui était très pénible au plan émotionnel de revivre les évènements. Quand elle a eu fini, Guéshé-la porta sa main à son oreille et dit : « Qu’est-ce que vous avez dit ? Je ne vous ai pas entendue. Répétez et parlez plus fort, je suis dur d’oreille ». Elle a dû répéter son histoire en criant chaque mot dans l’oreille de Guéshé-la. Quelquefois il lui demandait de répéter deux, trois, quatre fois le même mot, et quand elle a eu fini son récit, elle se rendit compte par elle-même, sans que Guéshé-la eut besoin de dire quelque chose, qu’elle en avait fait une montagne, qu’elle exagérait et qu’elle était bien trop bouleversée. Alors elle a pu se calmer. 

Pour pouvoir agir de cette façon, il faut vraiment être un grand maître, savoir avec qui on peut le faire et avec qui on ne peut pas. Pour certaines personnes, ce serait une aide ; mais pour d’autres, ce serait une catastrophe. C’est pour cela qu’on a besoin d’être ouverts et prêts ; ensuite, auprès d’un enseignant habile, on peut se rendre compte de nos exagérations et de nos projections. En tant qu’enseignant, il est très difficile d’évaluer précisément qui est prêt pour une certaine méthode et qui ne l’est pas. C’est pour cela qu’il faut vraiment nous débarrasser de nos projections, surtout celles concernant les personnes que nous essayons d’aider. Or, il est très difficile de faire la différence entre nos projections et la réalité, parce que nos projections nous semblent si réelles. Non seulement elles nous semblent réelles mais, en plus, nous réagissons très émotionnellement quand elles se présentent.

Si je devais croire que tout est une projection, ce pourrait être dangereux. Je pourrais devenir « j’m’en foutiste » et prendre des dangers pour des projections. 

D’où l’exemple du scorpion. Nous cessons de projeter que le scorpion est un monstre, mais il ne devient pas moins dangereux pour autant, donc il faut faire attention. Comme je l’ai dit, et je crois qu’il est très important de le répéter encore et encore, la vacuité ne nie pas tout, n’élimine pas tout. Ce que nous éliminons, ce sont les projections de ce qui n’est pas réel, les projections de ce qui est impossible. 

À partir du moment où je me rends compte de tous les problèmes causés par mes projections, en particulier dans mes relations, je peux essayer de les réduire de mon côté, mais les projections des autres sont toujours là. Quelqu’un peut dire : « Tu es la pire personne que je connaisse », et j’ai beau ne pas me projeter comme un petit moi lamentable « Ah ! Pauvre de moi ! », et j’ai beau me rendre compte que « c’est sa projection à lui ou à elle », comment gérer la situation ?

Je crois que c’est le Bouddha qui a dit : « Si quelqu’un veut t’offrir un cadeau et que tu ne l’acceptes pas, qui a le cadeau ? » La personne qui a offert le cadeau l’a toujours entre ses mains puisque nous ne l’avons pas accepté, donc c’est toujours le sien. Si quelqu’un projette quelque chose sur nous, il est très difficile de lui faire cesser sa projection ; mais au moins, de notre côté, nous ne l’acceptons pas et nous ne réagissons pas dans son sens.

Prenons un exemple au lieu de rester dans la théorie. Supposons que nous soyons dans une relation et que l’autre personne nous dise : « Tu ne m’aimes pas ». Bon, c’est peut-être vrai, je veux dire, il est possible que nous ne l’aimions pas, mais disons que ce n’est pas vrai. Nous disons donc : « Ce n’est pas vrai ». Nous pouvons le dire avec un sentiment de colère ou avec un sentiment beaucoup plus calme. 

Si, sur la base d’un sentiment de colère, nous nions ne pas aimer la personne, alors nous nous fâchons contre elle ou bien nous sommes mal à l’aise, contrarié ou autre. Or c’est exactement ÇA dont nous voulons nous débarrasser. Ce que nous voulons, c’est pouvoir répondre sans nous sentir contrarié. Il y a beaucoup de façons de gérer la situation. Le fait de garder notre calme nous permet de l’examiner : « Y a-t-il une raison à cette accusation ? Se peut-il que j’ignore la personne, ou est-ce autre chose ? » Puis, si nous pensons que la personne est rationnelle, nous pouvons en parler ensemble, voir s’il y a une part de vrai, voir aussi la part de non-vrai.

Soit dit en passant que dans ce type de situation, que ce soit l’autre qui projette sur nous ou nous qui projetions sur l’autre, ce qui aide beaucoup c’est de faire un rapport d’analogie avec les différentes monnaies. Par exemple, quelqu’un attend de nous un paiement dans une certaine devise, disons, en euros, et nous disons : « Désolé, je n’ai pas d’euros mais je peux vous payer en dollars ». Chacun peut payer avec une devise différente, et chacun peut témoigner son amour et son affection d’une manière différente. « Je ne peux sans doute pas te témoigner mes sentiments de la manière que tu aimerais que je le fasse, je ne peux pas te donner l’argent en euros, bien que c’est ce que tu veux, mais je peux te le donner en dollars. C’est la manière dont je peux te témoigner mon affection ». Nous insistons : « Bien sûr que je t’aime, je fais ceci, cela, ceci et cela, c’est ma manière de montrer que je t’aime ». Inversement, si nous voulons un paiement en dollars mais que notre bien-aimé(e) nous donne des euros, il est bon de reconnaître qu’il ou elle paie dans une autre devise. C’est très utile. L’autre personne n’a que des roupies ou des lires, cette monnaie n’a plus cours, mais c’est tout ce qu’elle a. 

L’important est de ne pas nous laisser gagner par des émotions négatives à cause de la projection d’autrui, à l’instar de la projection de quelqu’un qui nous reproche de ne pas l’aimer. Nous n’acceptons pas la projection de cette personne, mais nous la gérons parce que c’est sa projection. C’est ce qu’elle ressent, alors nous gérons, mais d’une façon plus rationnelle. Cependant, il arrive parfois que nous ayons affaire à quelqu’un qui se comporte comme un petit enfant, par exemple, quand nous avons un enfant de deux ou trois ans à qui nous disons : « Il est l’heure d’aller au lit » et qu’il se met à crier : « Je te déteste ! Je te déteste ! » de toute évidence, c’est une projection, mais nous ne la prenons pas au sérieux et nous n’y croyons pas « ouh ouh, mon enfant me déteste » ; nous nous contentons de dire : « Il est l’heure d’aller au lit ».

Quelquefois, quand la personne est vraiment fâchée, ce n’est pas le moment de discuter plus longtemps ; il faut attendre jusqu’au lendemain. Dans ce cas, nous disons : « Regarde, c’est un moment plein d’affect, trop fort émotionnellement. Ce n’est peut-être pas le meilleur moment d’en parler, mieux vaut remettre notre discussion à demain ». C’est comparable à mettre le bébé au lit, nous reprendrons la discussion quand la personne aura recouvré son calme. 

Si, à travers la compréhension de la vacuité, le « moi » s’effondre, qui comprend la vacuité ?

Il n’est pas vrai que le « moi » s’effondre. Ce qui s’effondre, c’est l’exagération de la façon dont le « moi » existe.

Il y a donc un « moi » intrinsèque…

Pr Berzin : Nous avons là un problème de terminologie, je ne suis donc pas sûr de ce que vous entendez par « existence intrinsèque du moi ». En tout cas, si c’est la croyance en un mode d’existence impossible du « moi », une fois que celle-ci n’est plus, il reste ce que nous appelons le « moi conventionnel ». Je suis assis ici, je vous parle, vous posez une question – c’est ce qui est en train d’avoir lieu. Je vous écoute ; ce n’est pas quelqu’un d’autre qui vous écoute, ce n’est pas non plus personne qui vous écoute. Et c’est vous qui posez une question, ce n’est pas quelqu’un d’autre et ce n’est pas personne.

Si le problème est l’attachement au « moi », et je crois en ce « moi conventionnel », je pourrais m’attacher de nouveau à ce « moi conventionnel »…

Qui s’attache au « moi » conventionnel ? Est-ce quelqu’un d’autre ? Y a-t-il deux personnes ici : « moi » et le « moi conventionnel » ?

S’il y a « moi », je pourrais avoir peur de mourir...

Vous voyez, dans cet exposé d’introduction j’ai essayé de faire un peu ressortir le fait qu’il est extrêmement important d’étudier, de recevoir des instructions, de réfléchir beaucoup et de nous ouvrir suffisamment pour arriver à comprendre ce que sont réellement les projections, pour arriver à comprendre ce qui est impossible et ce qui est possible. Tant que nous n’avons pas une idée très précise et très claire de ce qui est possible et de ce qui est impossible, il y a le danger, soit de nier trop les choses, soit de ne pas les nier assez.  

Nous avons affaire à des questions extrêmement subtiles. On s’assoit et on essaie de reconnaître ces choses nous-même, sans guide – il se peut que nous y réussissions, mais il y a de grandes chances pour que nous restions très longtemps assis là sans les reconnaître correctement et sans aller suffisamment au fond. Néanmoins, si nous reconnaissons clairement le « moi conventionnel » et la façon dont il existe réellement, et si nous éliminons « le gras » de l’exagération de ce qui n’existe pas ou de ce qui est impossible, alors il n’y a pas de raison d’avoir peur de la mort. Il n’y a pas de raison de s’attacher à quoi que ce soit. Le problème n’est plus. La cause du problème n’est plus. La cause du problème n’est plus, par conséquent le problème n’est plus. Si nous avons encore peur de la mort, cela montre que notre compréhension de la vacuité manque de profondeur.  

C’est pour cela que je suis ici.

Parfait, cela signifie que vous avez peur de la mort. C’est une peur à prendre très au sérieux, une peur qu’ont la plupart des gens et à laquelle il est très important de se confronter. Y faire face et essayer de la gérer est une chose très positive car beaucoup de gens qui nient la mort, qui ne veulent pas y penser et ne veulent pas s’y confronter, sont ensuite absolument terrifiés à la fin de leur vie.

Vous avez dit que les projections négatives peuvent être transformées en projections positives. Dans ce cas, il y a des projections de toutes façons. Alors ne vaudrait-il pas mieux nous focaliser sur l’intention et la motivation ?

L’intention et la motivation sont très importantes quelle que soit la méthode employée pour traiter un problème. L’intention et la motivation sont ce avec quoi nous commençons pour surmonter une difficulté, mais ensuite il nous faut appliquer une méthode. Il est possible que notre route croise celle de quelqu’un qui a eu un accident et a fait une chute sur la chaussée. Nous pourrions avoir, en tant que motivation, la compassion et l’intention de l’aider, mais ce n’est pas suffisant car nous pourrions avoir aussi la projection et l’attitude suivantes : « Ah ! Comme c’est horrible ! Je ne peux rien faire, c’est trop pour moi ! Tout ce sang, c’est épouvantable ! » et faire une crise de nerfs. Malgré notre désir d’aider, nous ne pouvons pas aider car nous sommes débordés par les émotions.

Néanmoins, si nous changeons notre projection : « Et si c’est moi qui étais allongé là ? Je voudrais que quelqu’un m’aide, et non pas que quelqu’un fasse une crise de nerfs » ou encore : « Et si c’était mon enfant, qu’importe l’horreur de la situation, je ferais quelque chose ». Toutefois, comme je l’ai dit, ce n’est pas la solution de fond. Le mieux est de ne rien projeter du tout. « J’ai la motivation, j’ai l’intention, alors je gère, c’est tout. Je vois ce que suis capable de faire et ce que je ne suis pas capable de faire, et ma meilleure façon d’aider est peut-être d’appeler un médecin ».

Dédicace

Terminons maintenant par une dédicace. Il est très important de finir par la dédicace. Je donne souvent l’exemple de l’ordinateur dans la mesure où nous sommes familiers avec les ordinateurs. Nous écrivons un document puis nous voulons le sauvegarder. C’est la même chose avec l’accumulation de force positive. Si nous ne faisons rien de spécial, les valeurs par défaut s’appliqueront ; il en résultera que la force positive et la compréhension que nous aurons acquises au cours de notre discussion de ce soir iront dans le fichier « samsara » et serviront à améliorer notre samsara. Cela se passera automatiquement si nous ne faisons rien à la fin, s’il n’y a pas de dédicace.

Or, nous ne voulons pas que cette force positive aille dans le fichier « samsara ». Nous voulons appuyer sur le bouton de la dédicace et la sauvegarder dans le fichier « illumination » : « Puisse cette force positive agir comme cause d’atteinte de l’illumination ». Mais ce ne pourra être effectif que si nous dédions la force positive de cette manière, autrement elle servira tout juste à…disons… à avoir une conversation agréable ou intéressante avec quelqu’un autour d’une tasse de café. On aura un gentil samsara, mais cela ne conduira ni à la libération ni à l’illumination. La dédicace consiste à mettre la force positive dans le fichier « illumination » et à la sauvegarder. 

Mais notre ordinateur ne fonctionne pas simplement par commande vocale ; on ne peut pas juste se contenter de réciter les mots « puisse cette force positive agir comme cause d’atteinte de l’illumination pour le bénéfice de toutes et tous ». Il nous faut impérativement appuyer sur le bouton. Nous avons donc impérativement besoin d’avoir en notre for intérieur l’intention et le désir très puissants de diriger cette énergie vers l’illumination. Il faut que notre énergie ait une trajectoire, ce n’est pas du bla-bla-bla, ce ne sont pas des paroles en l’air. Gardons à l’esprit ces explications et récitons « quelle que soit la force positive… »

Ah ! Encore une chose à propos de la « force positive » : c’est ma traduction du mot « mérite ». « Mérite », ça fait un peu comme chez les scouts, on reçoit un badge à la fin si on a assez de points. Je n’aime pas ce terme, à sa place j’utilise « force positive ». Reprenons : « Quelle que soit la force positive et la compréhension qui résultent de cette discussion, puissent-elles agir comme cause d’atteinte de l’illumination pour le bénéfice de toutes et tous. »

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