Se calmer
Nous avons commencé l’entraînement en esquissant brièvement l’exercice visant à calmer l’esprit. Quand on dit « calmer l’esprit », cela ne veut pas dire tourner tous les boutons comme pour éteindre une radio, cela signifie plutôt faire taire les choses superflues, non nécessaires, qui encombrent notre esprit afin d’être plus ouverts et positifs. Mais, comme on l’a fait remarquer, si on se contente de faire ça, ou si c’est fait de manière incorrecte, on aura tendance alors à s’isoler des autres et à ne plus éprouver de sentiments du tout. Si on en arrive là, en se coupant de tout, c’est qu’on est allé trop loin.
Quand on dit qu’il faut faire taire dans notre esprit les choses problématiques et superflues, on cherche également à apaiser notre nervosité, nos soucis et nos peurs. Pour certaines personnes, de toute évidence, ce n’est pas si facile à faire. Mais si nous sommes dans un groupe où tout le monde est d’accord pour ne pas porter de jugements les uns sur les autres, cela peut s’avérer d’une grande aide.
Le cœur bienveillant
Venons-en maintenant au cœur bienveillant, à l’attitude bienveillante ; de nouveau on regarde les gens représentés sur l’affiche. Ce que nous faisons en premier c’est de nous calmer – c’est la première étape – et de considérer ces personnes une par une. On commence la séquence avec l’une des photographies et une fois qu’on est capable de générer l’attitude bienveillante en utilisant l’argument logique, on se concentre alors sur une autre personne.
Tout d’abord on fait taire toute pensée discursive. « Pensée discursive » veut dire le « bla, bla, bla », le bavardage dans notre tête. Si on veut apaiser cela, on se concentre sur la respiration. C’est l’un des emplois spécifiques de la respiration. Dans la tradition Théravada d’où découle le mouvement vipassana, la respiration constitue l’objet de focalisation de nombreuses méditations différentes. Mais quand on examine les traditions du Mahayana, on privilégie la respiration comme objet de concentration plus particulièrement pour les gens qui ont beaucoup de pensées discursives. Leur esprit est trop actif ; ils parlent dans leur tête sans arrêt. Se concentrer sur la respiration les aide à se calmer.
En essayant cela, on découvrira que bien qu’on se focalise sur la respiration, malgré tout une partie de l’esprit continue de bavarder. Néanmoins, cet exercice s’avère toujours assez utile, en particulier si on a un problème – ce qui m’arrive souvent – comme, par exemple, d’avoir un air de musique ou une chanson qui vous trotte sans fin dans la tête. On entend quelque chose, et d’une certaine façon l’esprit s’en empare et s’y accroche pour la journée entière, ce qui est parfaitement stupide. Il est très difficile d’y mettre un terme. Plusieurs méthodes peuvent se révéler utiles.
Méthodes pour calmer l’esprit
Une des méthodes utilisées dans le tantra est de réciter un mantra, si bien qu’on utilise cette énergie verbale pour autre chose, en l’occurrence la récitation d’un mantra. Une autre méthode consiste à analyser une chose, on essaie donc de lui trouver une solution. Certains disent que si on fait un sudoku, un de ces carrés magiques ou quelque chose du genre, on oblige l’esprit à faire une chose qui requiert d’utiliser son intellect de façon analytique. Cela aura pour effet de faire cesser la chanson dans votre tête, et ça marche. Ou bien encore de faire simplement des mathématiques. On se remplit la tête de chiffres.
La troisième méthode qu’on trouve dans de très nombreux textes est de se concentrer sur la respiration. On doit donc avoir recours à une méthode ou une autre pour aider l’esprit à se calmer – mon avis étant qu’il existe de très nombreuses méthodes, et donc, si l’une ne marche pas, qu’on en essaie une autre.
C’est un préliminaire utile. Avant même d’essayer consciemment d’apaiser l’esprit, on se concentre un peu sur la respiration, puis, s’il n’y a plus de vagabondage mental ni de pensées discursives, on laisse aller. Faites cela, s’il vous plaît.
Je dois aussi mentionner, comme faisant partie des méthodes générales de méditation, que si on se sent abattu et qu’on a affaire à quelqu’un, il peut être utile d’imaginer une lumière vive. De toute évidence, si on est environné d’une lumière brillante, cela stimulera l’esprit et si en plus on l’imagine à une certaine hauteur et non pas à ras de terre, cela aidera aussi l’esprit à être un peu plus clair, moins terne.
La véritable pratique pour générer un cœur bienveillant
Nous regardons maintenant une des photographies et délaissons toute pensée verbale, tout jugement qui pourrait surgir. Puis on pense :
- Vous êtes un être humain et éprouvez des sentiments.
- Vous êtes un être humain et éprouvez des sentiments tout comme moi.
- L’état d’esprit dans lequel vous êtes affectera notre échange, tout comme le mien.
- Je ne vais pas fabriquer d’histoires à votre sujet, ni m’en raconter.
- Vous êtes un être humain et éprouvez des sentiments tout comme moi.
- L’état d’esprit dans lequel vous êtes affectera notre échange, tout comme le mien.
- Par conséquent, la manière dont je vous traite et ce que je dis aura un impact sur vos sentiments.
- Donc, de même que j’espère que vous prendrez soin de moi et de mes sentiments au cours de notre échange, de même je prends soin de vous. Je me préoccupe de vos sentiments.
- Je ne vais pas me raconter des histoires ni porter de jugement à votre sujet.
- Vous êtes un être humain et éprouvez des sentiments.
- Je prends soin de vous, je me préoccupe de vos sentiments.
Puis nous tournons le regard vers le bas, et laissons se décanter l’émotion de cette expérience.
Maintenir l’attention
Si notre esprit bat la campagne, constamment distrait, la question est de savoir pourquoi ? Voilà une chose intéressante à élucider en ce qui nous concerne. Peut-être est-ce parce ce vers quoi notre esprit s’échappe est particulièrement attirant à nos yeux et qu’on y est attaché comme, par exemple, de penser à quelqu’un qu’on aime, quelque chose de cet ordre.
Cela peut être aussi parce qu’une chose nous préoccupe, mais cela peut être aussi dû à la peur ou au malaise d’avoir à rencontrer quelqu’un pour de vrai, et c’est pourquoi notre esprit s’en détourne. Si on est la proie de beaucoup de vagabondage mental, en particulier s’il s’agit de futilités, ce qui signifie que l’esprit s’échappe vers un objet de désir auquel on est attaché, alors on doit procéder à une vraie investigation pour en connaître la raison. Quelle en est la véritable cause ? C’est important, car cela constitue une grande interférence non seulement dans nos relations personnelles mais également dans notre travail et notre vie quotidienne. Dans le bouddhisme l’approche générale est toujours d’identifier le problème, puis d’essayer d’en déterminer les causes pour, enfin, chercher à les éliminer.
C’est un processus des plus logiques, et, comme nous l’avons mentionné, la façon de maintenir l’attention, qui est la colle permettant de demeurer fixé sur un objet, est de s’en rappeler au moment où on l’oublie et où l’esprit s’échappe, et de se dire : « Reviens, reviens, reviens. Écoute ce que l’autre personne est en train de dire ; c’est un être humain. Elle ne veut pas qu’on l’ignore, tout comme je ne veux pas qu’on m’ignore. »
Accroître notre intérêt pour les autres
Quand on parle avec quelqu’un et qu’on lui explique quelque chose qu’on considère comme important et que, après quelques phrases, cette personne nous dit : « Ah ! Quoi ? Qu’est-ce que vous avez dit ? Je n’écoutais pas », on se sent mal. Bon, elle aussi a des sentiments et se sent mal si on n’écoute pas ce qu’elle dit parce qu’on trouve ça sans intérêt. Ce qui aide à ramener notre attention et à rester concentré, c’est de se rappeler que : « Vous avez des sentiments tout comme moi. » C’est là tout l’enjeu de cet entraînement de la sensibilité.
Ce qu’on doit accroître dans ce cas, c’est notre intérêt. Je m’intéresse à l’autre et à ce qu’il dit, même si objectivement ce qu’il dit est ennuyeux et stupide. Toutefois, quand les gens nous adresse la parole, leur intention n’est pas : « Je vais dire quelque chose de vraiment ennuyeux qui vous accablera ». Ce n’est pas ainsi qu’ils considèrent leurs propos, n’est-ce pas ?
Le problème de la projection
Un autre problème qui survient quand on essaie de calmer notre esprit c’est que souvent nous projetons des choses sur les gens. Parmi les plus dérangeantes, il y a celle de projeter sur eux des attentes en espérant qu’ils agiront comme quelqu’un d’autre. On le remarque dans les relations amoureuses où on entretient une liaison avec quelqu’un, une amie ou un ami, et qu’on se sépare pour débuter une relation avec quelqu’un d’autre. On projette sur cette personne l’idée qu’elle nous traitera de la même façon, et donc qu’elle nous rabaissera ou nous abandonnera, quelque chose de cet ordre. Ou bien on imagine qu’elle aura les mêmes caractéristiques et les mêmes goûts que la personne précédente, et donc on ne se relie pas à elle, on se relie à la projection de quelqu’un d’autre que l’on plaque sur elle.
C’est très, très commun, en particulier chez les gens qui on été victimes de violences ou simplement maltraités. Ils projettent alors cette attente sur d’autres pour qui cette attitude est complètement injuste et déloyale.
Voici maintenant une sous-catégorie au fait de se calmer : « Je ne vais pas raconter sur vous des histoires de votre passé, ni remettre sur le tapis des faits qui n’ont rien à voir avec le moment présent. De même, je ne vais pas projeter sur vous des histoires d’autres personnes. Je vais me relier à vous tel que vous êtes maintenant. » Je ne vais pas me dire : « Il y a trente ans vous m’avez dit ça et ça », comme si vous vous trouviez toujours au même endroit ; or vous ne l’êtes pas. Ou bien : « Il y a trente ans j’ai été abandonné par quelqu’un d’autre et maintenant c’est vous qui allez me laisser tomber. » Ce n’est pas rester dans le moment présent.
Comment regarder quelqu’un
Dans la phase d’apaisement suivante, on doit s’asseoir en cercle et essayer de se regarder les uns les autres avec un esprit calme. C’est un plus grand défi que de regarder les photographies.
La chose à laquelle on doit faire attention, c’est, tout d’abord, de ne pas se regarder fixement comme si on était au zoo à regarder des animaux. Nous ne sommes pas au zoo ! De même, on doit surveiller sa nervosité. La nervosité se manifestera d’elle-même par le rire. Du fait qu’on se sent mal à l’aise, une des façons de compenser cela est de rire nerveusement, un mécanisme psychologique standard, et cela arrive indéniablement dans certains groupes, en particulier quand on fait cet exercice pour la première fois. On essaie donc de ne pas se comporter comme une meute de chiens et qu’un des chiens se met à aboyer et que tous les autres se mettent à faire pareil. On essaie de ne pas céder ni se joindre au rire, cela risque d’être contagieux. On lâche prise.
Certaines personnes se sentiront mal à l’aise et baisseront les yeux, ou garderont les yeux fermés afin de ne pas voir les autres. Si cela vous rend vraiment mal à l’aise de regarder les autres, ne le faites pas. De même, ne restez pas à regarder fixement une personne ; cela fera aussi que cette personne se sentira mal à l’aise. Au fur et à mesure que votre regard balaie l’assemblée, contentez-vous de garder l’esprit calme.
Encore un point : quand on fait cet exercice en groupe, il n’est pas recommandé de regarder profondément dans les yeux chacune des personnes, en particulier quand deux personnes du groupe se connaissent. Quand on promène son regard à la ronde et que nos yeux rencontrent ceux d’une autre personne, on ne se laisse pas prendre à cet échange en regardant fixement cette personne, on continue de promener votre regard. On risque de s’égarer à regarder cette autre personne et comme celle-ci vous regarde à son tour, cela pourrait s’avérer très « tentateur », passez-moi l’expression. Rappelez-vous, il ne s’agit pas d’un exercice de concentration en un point consistant à se focaliser sur quelqu’un, il s’agit juste d’un exercice pour être en mesure d’être avec un groupe de gens et de les voir sans faire de commentaires à propos de chacun. Le but, c’est d’avoir et de garder l’esprit ouvert à tous.
Quand on fait cet exercice un à un, de personne à personne, comme quand on parle à quelqu’un, comment se regarde-t-on l’un l’autre ? C’est une question très intéressante. Quand on est juste à côté de quelqu’un et qu’on lui parle, si on le regarde fixement dans les yeux et qu’il fait de même, d’une certaine façon on s’égare. On se met à planer en quelque sorte et la conversation cesse. Mais, d’un autre côté, si on parle à quelqu’un et qu’on regarde au loin alors que la personne se trouve là, ou qu’on ne regarde jamais la personne, c’est très inconfortable. « Hé ! Je suis ici, pas là-bas. » Pour trouver cet équilibre entre regarder la personne sans la fixer et se perdre dans cet échange n’est pas si facile, en vérité. Si on commence à analyser, cela dépend de la relation qu’on a avec cette autre personne. Si on éprouve beaucoup de désir pour elle, alors on a tendance à s’égarer dans un phénomène du type « oh ! je suis amoureux(se) ».
Il peut aussi y avoir de la colère à cette occasion, « grrrr », et on regarde l’autre de façon terrible : « Je suis vraiment en colère après vous. » Mais quand on adopte une attitude bienveillante envers la personne et qu’on est détendu et ouvert, on peut la regarder sans la fixer avec insistance. Tandis qu’on lui parle, on peut la regarder dans les yeux, et du fait qu’on est détendu et qu’on prend soin d’elle, on n’est pas inquiet. On n’est pas sensible à l’extrême ni tracassé par le fait qu’on vous rejette ou qu’on ne vous aime pas. On ne pense pas seulement « moi, moi, moi » ni « que va-t-on penser de moi ? » Du fait qu’on est détendu, on n’est pas prisonnier du regard de l’autre.
La difficulté, c’est quand deux personnes ne sont pas au même stade de leur développement. L’une des personnes – mettons vous – est détendue, mais l’autre ne vous regarde pas mais regarde le mur pendant qu’elle vous parle. J’avais un professeur qui faisait ça quand je faisais mes études supérieures, il était mon conseiller. Chaque fois que je lui adressais la parole, il ne me regardait jamais. Il était Japonais. C’était donc peut-être culturel, malgré tout cela me mettait mal à l’aise.
L’autre extrême c’est quand on parle avec quelqu’un de véhément. Cette personne se tient trop près de nous et il y a cette sorte d’instinct animal comme quoi elle va nous planter son doigt dans l’œil, ou quelque chose du genre. Elle est trop intense et cela aussi nous met mal à l’aise. Le problème, quand on se retrouve dans cette position et que l’autre est hors de contrôle, c’est d’essayer de rester malgré tout détendu et ne pas perdre soi-même son contrôle à son tour. C’est beaucoup plus difficile. Alors on doit réaliser et se dire : « Bon, vous êtes un être humain et vous avez vos propres problèmes », quelque chose de cet ordre. Cela rentre dans le cadre d’un autre exercice, à savoir « combiner chaleur et compréhension ».
Lâcher prise progressivement
Au début, quand vous regardez les gens autour de vous, des pensées, des jugements, des histoires surgiront plus facilement, mais, à mesure qu’on poursuit l’exercice, on commence à se souvenir de lâcher prise. Petit à petit, on est capable de laisser tomber les histoires et le bavardage mental des pensées concernant les gens que l’on regarde. Une fois qu’on a acquis une certaine familiarité avec cette pratique, on verra que cela se produira également dans notre vie quotidienne. On voit quelqu’un et, dans un premier temps, ce genre de pensées s’élèvera « oh, comme c’est joli », ou bien « quel affreux vêtement il ou elle porte », peu importe ce qui surgira. D’habitude, ce sera un commentaire critique, mais toute la question, alors, est de laisser cela de côté. Il sera intéressant de noter quel genre de personne déclenche plus de jugements critiques que d’autres, c’est très intéressant.
Je me suis astreint récemment à un régime très strict et j’ai perdu environ quatorze kilos. J’ai remarqué que ce qui déclenchait de ma part le plus de commentaires, c’est quand je voyais dans la rue des personnes avec de l’embonpoint. « Comme cette personne est grosse… » Pourquoi ? C’est parce que c’était ce contre quoi moi-même je m’étais battu afin de me débarrasser de mon surpoids. Et, bien sûr, on projette cela sur l’autre, et ce qui vous ennuie le plus à propos de vous-même vous gênera chez l’autre comme reflété par un effet de miroir.
Analyser les autres et en tirer des conclusions
Certains, quand ils voient d’autres gens, essaient à partir de leur banque de données interne d’identifier ce à quoi telle ou telle personne ressemble. Cela ne se situe pas tout à fait sur un plan critique, et leur motivation en faisant cela peut même être plutôt bonne, mais, malgré tout, cette façon de faire a tendance à reléguer les gens au niveau d’objets plus qu’à celui d’êtres humains dotés de sentiments.
À partir de ce genre de données, il est possible d’utiliser notre analyse des gens afin d’avoir une bonne idée de la stratégie à employer quand on les aborde. Toutefois, pour être en mesure d’analyser de façon correcte – fonction à laquelle on s’entraînera au cours d’exercices ultérieurs – nous disposons des cinq sortes de conscience profonde. Grâce à elles, on récolte l’information, on voit les schémas, etc. Cela s’avère nécessaire dans nos échanges avec les autres. Une condition préalable en ce qui les concerne, c’est de ne faire de projection avant d’avoir suffisamment de données pour être en mesure de faire une analyse correcte. De même, on n’en tire pas de conclusions hâtives, prématurées.
Un exemple : « Je vois telle personne ; elle est grosse ; si elle est grosse, c’est qu’elle ne fait pas attention à elle. » J’en tire alors toutes sortes de conclusions à son sujet sans vraiment la connaître. L’analogie à laquelle je pense ce sont les sites de rencontre sur Internet, ou bien le niveau d’interaction sur Facebook, où on fonde son analyse de la personne seulement sur son profil et non sur la personne elle-même. De nouveau, c’est tirer une conclusion fondée sur une impression superficielle ou sur une caractéristique qui n’est qu’une simple caractéristique ; ce n’est pas la personne réelle. C’est simplement ce qu’elle a écrit pour remplir un questionnaire.
L’enjeu principal dans le fait de calmer l’esprit est de rester ouvert à l’actualité de l’autre. Si la personne est totalement non communicative, comme dans le cas d’un thérapeute en butte à quelqu’un de complètement renfermé, alors j’ai connu certains thérapeutes qui s’appuyaient sur la numérologie ou l’astrologie, ou quelque chose de cet ordre, pour se faire une idée d’un moyen par où commencer à communiquer avec la personne. Mais si on n’est pas dans ce genre de situation, s’en remettre à leur profil sur Facebook est plutôt superficiel. Très souvent, cela repose sur le type d’image que la personne aimerait donner d’elle-même, projection qui n’est pas vraiment authentique.
L’esprit calme associé à l’attitude bienveillante
Ajoutons maintenant, à l’exercice consistant à regarder les personnes du groupe avec un esprit calme, l’« attitude bienveillante ». Dans cet exercice, on se concentre sur chaque personne l’une après l’autre, mais sans se focaliser sur quelqu’un qui est en train de se concentrer sur vous, car alors cela pourrait devenir un peu gênant. Ce sera l’étape suivante, quand on fait l’exercice en tête-à-tête.
La façon de procéder consiste à regarder d’abord chacune des personnes qui nous entourent avec un esprit calme. Puis, en passant par chaque étape pour produire l’attitude bienveillante – « Vous êtes un être humain et vous éprouvez des sentiments tout comme moi » – muni de cette reconnaissance on regarde d’abord une personne, puis la suivante, au fur et à mesure qu’on fait le tour du cercle. « Vous êtes un être humain et vous éprouvez des sentiments tout comme moi. Et vous aussi vous êtes un être humain, et vous également, et ainsi de suite. » De cette façon on fait le tour du cercle en passant en revue chacun des points principaux, et on finit par générer une attitude bienveillante envers chacune des personnes.
Tout d’abord, on se contente de se calmer l’esprit en dirigeant le regard vers le bas et en se concentrant sur la respiration. C’est un peu comme le hall d’accueil de chaque exercice et également la porte de sortie à mesure qu’on laisse reposer l’expérience émotionnelle de l’exercice. C’est là une manière bien plus douce de pratiquer ces exercices.
Puis on relève les yeux et on regarde l’assemblée avec un esprit apaisé :
- Je ne vais pas me raconter d’histoires à votre sujet dans ma tête ; je ne vais pas faire de commentaires ; je ne porterai pas de jugement.
- Vous êtes un être humain et vous éprouvez des sentiments tout comme moi.
- Vous êtes une être humain réel et vous avez des sentiments ; des sentiments réels tout comme moi.
- Pas d’histoires ni de commentaires.
- L’état d’esprit dans lequel vous êtes affectera notre échange, tout comme le mien l’affectera.
- La manière dont je vous traite et ce que je dis auront un impact sur vos sentiments.
- Par conséquent, tout comme j’espère que vous prendrez soin de moi et de mes sentiments au cours de notre échange, de même je prends soin de vous. Je me préoccupe de vos sentiments.
- Je ne vais pas fabriquer ni raconter d’histoires à votre sujet.
- Être humain doté de sentiments.
- Je me soucie de vous et de vos sentiments.
Ce sont les mots clés qu’on peut se répéter dans la tête, et non pas seulement m’entendre les dire. « Je ne vais pas fabriquer ni raconter d’histoires à votre sujet. Être humain doté de sentiments. Je prends soin de vous. Je prends soin. »
Bien. Laissons l’expérience se décanter.
Les avantages de travailler avec des gens divers
Pour certains, il est difficile de se focaliser sur un grand nombre de personnes de cette façon, il serait donc peut-être plus facile de s’entraîner dans un groupe plus petit. Mais là où il est utile d’avoir cette attitude bienveillante avec un large groupe c’est quand on doit s’adresser en public à une audience. Certaines personnes sont très nerveuses et embarrassées d’avoir à le faire. Toutefois, si on réalise que tout le monde dans l’audience est juste un être humain comme soi, alors il n’y a pas de quoi se sentir effrayé.
Je trouve utile au sein d’un large groupe de gens, comme dans un bus ou un wagon de métro, de réaliser que tout le monde dans ce moyen de transport est un être humain doté de sentiments. Mais pour pratiquer en groupe, parfois c’est plus facile de le faire en petit comité. Toutefois, un groupe mélangé possède l’avantage d’offrir des gens qu’on connaît éventuellement et d’autres qui nous sont étrangers, et c’est utile. Quand on fait l’exercice avec des photographies, on utilise différentes séries, pas uniquement des photographies d’étrangers prises dans des magazines. En premier, on utilise des photographies de quelqu’un qu’on ne connaît pas, puis on utilise ses propres photographies de quelqu’un qu’on connaît personnellement, avec qui on entretient de bonnes relations, puis d’une personne qui est une simple connaissance – on ne la connaît pas très bien – enfin de quelqu’un qu’on n’aime pas. On peut aussi disposer les quatre sortes de photographies devant soi et essayer d’avoir le même esprit tranquille et la même attitude bienveillante envers les quatre. Cela représente un plus grand défi, mais cela vaut vraiment la peine d’y travailler.
Pratiquer la bienveillance envers soi à l’aide d’un miroir
Pour développer la pratique du calme et de la bienveillance envers soi, on peut se regarder dans un miroir. Il faut que le miroir soit assez grand pour refléter le visage dans son entier, pas juste le nez ! Ici, dans cette salle, nous disposons d’un large miroir qui habille le mur dans sa totalité, nous pouvons donc tous nous asseoir devant et diriger ces attitudes sur nous, tout en faisant partie d’un groupe. D’abord, nous nous calmons en nous concentrant simplement sur la respiration. Ensuite nous nous regardons puis nous regardons l’ensemble du groupe dans le miroir avec un esprit calme, puis avec une attitude bienveillante.
- Je ne vais pas faire de commentaires critiques à mon propos, ou raconter des histoires, je reste simplement calme.
- Je suis un être humain et j’ai des sentiments comme tout un chacun.
- La manière dont je me considère et me traite affecte mes sentiments, tout comme la manière dont les autres me considèrent et me traitent affecte la façon dont je me sens.
- Par conséquent, de même que j’espère que les autres prennent soin de moi et de mes sentiments au cours de nos échanges, de même je prends soin de moi ;
- Je prends soin de mes sentiments.
- Je prends soin de mes sentiments envers moi-même.
- Je prends soin de la façon dont je me traite.
- Je ne vais pas fabriquer ni raconter d’histoires à mon sujet.
- Je prends soin de moi.
- Je suis un être humain comme tous les autres dans le miroir.
- Je ne suis pas différent, je suis juste un autre être humain, juste un autre pingouin dans le troupeau en Antarctique.
- Je suis juste une autre personne.
- Tout comme je prends soin de vous, je prends soin de moi.
- Tout comme vous avez des sentiments, j’ai des sentiments.
- Je prends soin de vous, je prends soin de moi.
- Il y a équilibre entre soi et les autres.
Puis nous dirigeons le regard vers le bas et laissons l’expérience se décanter.
L’étape suivante : échanger positivement avec les autres
Quand on se contente simplement de faire cet exercice, à savoir générer un esprit apaisé et un cœur bienveillant, bien entendu ce n’est pas suffisant. Ce sont juste les deux jambes sur lesquelles tout l’entraînement repose. Sur cette base, on poursuit notre développement plus avant ainsi que la manière dont on se relie véritablement aux autres. L’étape suivante consiste à échanger avec eux de façon équilibrée et sensible. Le but n’est pas uniquement d’être capable de regarder les gens sans les juger avec bienveillance. C’est juste un début.
Notre interaction avec les autres peut se passer à plusieurs niveaux. Prenons par exemple le fait d’être dans un bus ou un wagon de métro bondé. Il y a foule. Comment se sent-on ? On peut juste penser : « moi, moi, moi, coincé parmi tous ces gens horribles qui transpirent et sentent mauvais tout autour », et se sentir très mal à l’aise. Ou bien on peut se dire : « Je vais simplement faire comme s’ils n’existaient pas et me noyer dans la musique de mon iPod. Et si par chance j’arrive à libérer ma main, je jouerai à un jeu sur mon téléphone mobile. »
D’une certaine façon, nous érigeons des murs autour de nous afin d’essayer de rester en lieu sûr à l’intérieur de nous, ce qui est un sentiment très fragile et précaire en vérité. On se protège contre l’insécurité. Ou bien on pourrait développer l’attitude bienveillante comme quoi tout le monde dans ce bus ou ce wagon de métro est un être humain, tout le monde a des sentiments, tout le monde est également oppressé par la foule des gens. On se sent alors relié les uns aux autres, grâce à cette expérience commune, et bien que ce ne soit pas très agréable d’être comprimé comme ça, malgré tout, notre sentiment d’être relié nous procure une sensation chaleureuse au niveau du cœur. On se sent à l’aise et confortable en pensant qu’on est tous dans la même situation, plutôt que de penser simplement « moi, moi, moi, pauvre moi ». Cela change complètement notre façon de percevoir et d’expérimenter ce trajet dans un moyen de transport bondé.
Si on se sent détendu et à l’aise, il y aura peut-être même un sourire sur notre visage. Non pas un sourire qui ferait qu’on nous prendrait pour un simple d’esprit, mais un sourire détendu, agréable qui ferait que les gens autour de nous, oppressés tout comme nous, se sentiraient un peu plus à l’aise. « Après tout, ce n’est pas si terrible. »
Résumé
S’entraîner à acquérir une sensibilité équilibrée envers les autres et soi-même nous aidera énormément dans la vie de tous les jours. On évitera un grand nombre de déconvenues et de difficultés quand on réalisera que chaque personne est un être humain doué de sentiments, tout comme soi. En étant ni trop sensible ni trop peu à leurs sentiments, on traitera les autres et on leur parlera de manière prévenante et attentionnée. Ni trop sensible ni trop peu, la même chose est vraie en ce qui concerne nos propres sentiments et comment notre comportement les affecte. Le fait de développer de manière égale un esprit calme et non critique ainsi qu’une attitude bienveillante tant envers les autres qu’envers soi-même posera les fondations pour acquérir l’équilibre émotionnel qui nous permettra de mener une vie plus gratifiante et pleine de sens, et d’être à même d’aider chacun de la meilleure façon.