Conseils pour développer une pratique significative du tantra

La pratique de la sadhana dans notre propre langue

Pensez-vous qu'il serait bon de faire une grande partie de notre sadhana non pas en tibétain mais dans une langue plus facile à comprendre, comme l'anglais ou le norvégien ?

Si nous regardons la façon dont les Tibétains pratiquent leurs sadhanas, ils ne les récitent certainement pas en sanskrit, mais bien en tibétain. Sur cette base, on peut dire qu'il y a beaucoup de bénéfices et d'avantages à faire nos pratiques dans notre propre langue. Pratiquer de la sorte nous permet de comprendre plus clairement ce que nous sommes en train de réciter. Une sadhana est comme le scénario d'un opéra dans lequel nous devons générer les états d'esprit et les visualisations que les mots décrivent. C'est déjà assez difficile. Lorsque nous devons en plus comprendre ce que les mots eux-mêmes signifient, le défi est encore plus grand.

La difficulté, bien sûr, c'est de pouvoir avoir accès à une traduction précise et bonne, mais aussi belle, une traduction qui soit suffisamment plaisante pour être récitée de manière très mélodieuse. Il faudrait également que la traduction soit écrite de telle sorte qu’elle puisse être chantée. C'est un véritable défi et ce n'est pas facile à réaliser. Lorsque nous avons une sadhana dans notre propre langue qui est très difficile à réciter et qu'elle n'est pas clairement traduite, cela crée également des obstacles.

L'argument en faveur du maintien de la langue tibétaine, comme l'avait expliqué le prédécesseur de l’actuel Kalou Rimpotché, est que dans les centres du monde entier, toutes celles et ceux qui s’adonnent aux mêmes pratiques peuvent les réciter ensemble dans la même langue. C'est très utile pour construire une communauté. Chaque choix comporte donc ses avantages et ses inconvénients.

Je dois dire que, pendant la majeure partie de mes années de pratique de sadhanas, je les ai personnellement récitées en tibétain, mais c'est parce que je connais la langue. En la lisant, je savais ce que cela signifiait. Cela ne m’est jamais arrivé de ne pas comprendre ce que je récitais, sauf au tout début, lorsque je ne connaissais pas bien le tibétain et que je n'avais pas reçu d'explications sur le texte. Je pouvais lire le texte et chercher des mots dans le dictionnaire, mais je ne savais pas vraiment ce que je récitais. Pourtant, à ce stade, cela m'a déjà été très utile.

La raison en est que, venant de l'université de Harvard et donc d’un milieu intellectuel, j'étais très arrogant. Je ne voulais pas faire quelque chose sans comprendre ce que je faisais. J'ai reconnu que c'était un problème d'avoir l'attitude de me croire si important et de vouloir que les autres m’expliquent à « moi, personnellement». J'ai trouvé qu'il était très bon pour acquérir un sentiment d'humilité de simplement réciter les sadhanas même si je ne comprenais pas très bien ce que je faisais. Lorsque j'étais prêt, mes maîtres m'expliquaient ce que tout cela signifiait.

C'était avant qu'il n'y ait des traductions disponibles. J'ai commencé ces pratiques en 1970. C'était il y a longtemps. Plus tard, mon tibétain s'est amélioré, j'ai reçu les enseignements et j'ai fait les sadhanas en tibétain, jusqu’à un certain point où ma pratique a atteint un plateau et ne progressait plus. Je me contentais de dire « bla, bla, bla » sans vraiment y mettre de sens. C'est alors que j'ai commencé à les faire en anglais. Attention, il s'agissait de mes propres traductions, donc je savais ce qu'elles étaient censées signifier. Aujourd’hui, je les fais en anglais et je trouve que cela a plus de sens pour moi. J'ai donc essayé de les faire de trois manières différentes : en tibétain, sans savoir ce que les mots signifiaient, en tibétain tout en connaissant le tibétain et en anglais.

Lorsque nous faisons ces pratiques ensemble au sein d'une communauté, il se peut que nous adoptions un style particulier, surtout s'il s'agit d'une communauté internationale. Lorsque nous les faisons en privé, on peut choisir un autre style. Je pense que nous devons juger par nous-mêmes ce qui est le plus utile. Le but est, bien sûr, d'utiliser les textes de la sadhana comme un script et de générer réellement les visualisations et les états d'esprit décrits par les mots.

Comme je l'ai déjà dit, nous nous autogénérons, nous nous autotransformons, nous ne transformons pas seulement nos dires. C'est cela qui doit s’opérer. Toutefois, le tibétain reste actuellement la meilleure méthode quand il s’agit de psalmodier.

L'implication prématurée dans le Tantra

J'ai deux remarques à faire. Premièrement, en ce qui concerne la question précédente de savoir s'il faut pratiquer en tibétain ou en anglais, on m'a dit un jour que beaucoup de choses pouvaient être traduites, mais que certaines sadhanas étaient en fait révélées en tant que termas et qu'il ne fallait donc pas les traduire. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Ensuite, il me semble que les Occidentaux sont particulièrement fascinés par le tantra et le Vajrayana. Cela est lié à l'intérêt pour la magie et ce genre de choses. De même, le souhait d’atteindre l’illumination en une seule vie semble être une idée occidentale. Si j’ai bien compris votre présentation de ce matin, nous bâclons le Soutrayana alors que nous devrions accorder beaucoup plus d'attention à cette voie, plutôt que de sauter directement dans le ngondro, le dzogchen ou quoi que ce soit d'autre ?

En ce qui concerne le deuxième point, vous m'avez bien compris. Mon expérience m'a permis de constater que de nombreuses personnes s'engagent prématurément dans le tantra et que cela ne les aide pas du tout. Elles ont tendance à ne pas comprendre ce qu'elles font, et leur pratique tend à devenir presque un jeu consistant à jouer au yogi en s'impliquant uniquement dans tous les aspects rituels, mais sans rien appliquer véritablement à leur vie. Leur pratique devient totalement séparée de leur vie et n'apporte donc pas beaucoup d’amélioration quant au fait de surmonter la colère, l’attachement, l'égoïsme et ce genre de choses. C'est pourquoi je pense qu'il faut avoir le bagage et les qualifications nécessaires.

Ce problème soulève plusieurs questions. Tout d'abord, la pratique du Vajrayana, ou toute autre pratique bouddhique dans le Tibet traditionnel, était destinée à la communauté monastique. Les gens entraient au monastère à l'âge de sept ou huit ans et recevaient un enseignement complet des soutras avant de s'impliquer dans quoi que ce soit de plus avancé. Ils avaient donc le bagage nécessaire. Les laïcs étaient pour la plupart analphabètes et récitaient des mantras et des prières simples, faisaient des circumambulations, etc. Il était rare que les laïcs s'engagent dans des pratiques plus complexes et plus avancées.

C’est quelque chose d’assez commun dans le bouddhisme en général. Ce n'est qu'en Birmanie, au début du XXe siècle, que l'on a commencé à enseigner la méditation à l'ensemble de la population laïque. C'est un fait. Enseigner le Vajrayana à des laïcs, dont la grande majorité sont des Occidentaux, est une toute autre situation. Nous n'avons pas été exposés à cet enseignement fondamental des soutras et nous n'avons pas réfléchi et travaillé dessus depuis l'âge de huit ans. Tout à coup, sans aucun bagage, on nous enseigne ces pratiques tantriques. C'est prématuré.

Ensuite, et c’est un point qui est peut être difficile à entendre, le fait d'être des réfugiés a beaucoup changé la situation du bouddhisme tibétain. Au Tibet, avant 1959, la société soutenait la communauté monastique. Ce n’était jamais un réel souci de pouvoir nourrir et loger tous les moines et les moniales. Les infrastructures et le soutien étaient là, la société fonctionnait. Aujourd'hui, avec les Tibétains en exil en Inde et au Népal, ce n'est pas une mince affaire de nourrir, disons, quatre mille moines chaque jour, ou de les loger, etc. Ce n'est pas du tout une plaisanterie. Par conséquent, ces lamas, Khenpos, Guéshés et Rimpotchés, en particulier les Rimpotchés qui voyagent, subissent une pression inimaginable de la part des monastères pour ramener de l'argent afin d'aider à nourrir et à loger tous les moines et toutes les moniales. Cette pression est une réalité.

S'ils viennent enseigner des sujets très basiques, combien de personnes viendront écouter de tels enseignements sur le refuge, sans parler des royaumes infernaux ? Très peu feront le déplacement. Si l'on donne une initiation, tout le monde vient parce qu'on pense que c'est spécial et exotique, etc. C'est une pression qui existe surtout pour les rimpotchés qui ont la responsabilité de leurs monastères.

Un autre facteur entre en ligne de compte : la renaissance fait partie du bagage culturel de la population tibétaine et il est admis que la renaissance existe. Lorsque des lamas donnent des initiations à des Tibétains laïcs, seul un petit pourcentage de ceux qui y assistent va réellement pratiquer. L'idée principale de la majorité des participants est de planter des graines pour les vies futures. Nombreux sont ceux et celles qui viennent sans avoir l'intention de pratiquer. Ils ou elles réciteront peut-être quelques mantras, mais n'ont pas l'intention d'aller plus loin. Ils ou elles plantent donc des graines pour les vies futures, en se disant par exemple : « Dans ma prochaine vie, je comprendrai. » Nous entendons cela même chez les moines et les moniales : « Pour l'instant, je ne fais que planter des graines. »

C'est pourquoi les lamas tibétains, et plus particulièrement ceux de l'ancienne génération, pensent que les Occidentaux ont la même mentalité et que leur rôle en tant que lamas est de planter des graines pour les vies futures. Ils pensent que c'est merveilleux et formidable : les gens ont la motivation parfaite d’améliorer leurs vies futures, tout va bien, sauf que les Occidentaux ne croient pas aux vies futures et au fait de planter des graines, et qu'ils veulent agir tout de suite. Prenez, par exemple, les personnes qui reçoivent l'initiation de Kalachakra. Aucun Tibétain laïc ne serait jamais assez présomptueux pour penser qu'il pourrait pratiquer ce tantra car il s'agit de la pratique tantrique la plus complexe qui soit. Pourtant, il existe aujourd'hui en Occident un énorme réseau de pratiquants laïcs du Kalachakra dont un certain nombre qui sont très dévoués et veulent pratiquer le Kalachakra. Traditionnellement, cette pratique était limitée à quelques monastères spécialisés, car elle est très élaborée. C'est pourquoi nous nous engageons souvent dans des pratiques avancées de façon prématurée.

Un autre problème est que les grands lamas viennent en visite en Occident et ne reste que très peu de temps dans une même ville. Ils viennent et donnent l'initiation, puis repartent sans donner d'instructions, rien du tout. Les gens se lancent alors dans des aventures spirituelles étranges. Ils s'attendent à ce qu'après avoir fait 100 000 ceci et 100 000 cela, tous leurs problèmes disparaissent.

Certaines pratiques très avancées peuvent être présentées comme la voie facile ou rapide, où tout ce qu'il faut faire, c'est se détendre dans l'état naturel de l'esprit, etc. Sa Sainteté appelle cela de la propagande bouddhiste. Allons bon, bonnes gens, c'est un sujet difficile ! Oui, nous pouvons aller très loin très rapidement avec ces pratiques, mais nous devons être parfaitement préparés et déployer une quantité incroyable d'efforts. Que diriez-vous d'avoir une très bonne concentration, sans parler de la discipline et de toutes ces autres choses ? Oh, et au fait, il y a aussi les ngondro. Ce n'est pas si facile.

Ce que je veux dire, c'est qu'il s'agit de coproduction conditionnée. La situation dans laquelle se trouvent tant d'entre nous qui nous sommes engagés prématurément dans le tantra, est due à de nombreuses causes et conditions. Nous ne pouvons pas dire que c'est à cause de ceci ou de cela et rejeter toute la responsabilité sur une chose ou une autre. Telle est la situation dans laquelle nous nous trouvons. C'est pourquoi ce à quoi j’essaie de faire réfléchir et d’expliquer, c'est d'accepter la situation et de trouver le moyen d'en tirer le meilleur parti. La situation dans laquelle nous nous trouvons, c'est que nous sommes issus d'une culture qui ne croit pas aux vies futures, que nous sommes très occupés et que nous ne sommes pas en mesure de prendre trois ans de notre vie pour faire une retraite de méditation intense. Même si nous sommes capables de faire une longue retraite et peut-être de vivre un changement profond, lorsque nous revenons, nous ne sommes pas en mesure de reprendre notre ancien travail, notre famille et tout ce qui s'ensuit. Comment alors pouvons-nous tirer le meilleur parti de la situation ?

Un développement réaliste de la pratique du tantra

Qu’est-il possible de faire et d’attendre de la pratique du tantra, de manière réaliste, afin de ne pas être déçus ? J'ai l'intention d’expliquer un peu cela. Nous avons ces pratiques tantriques, elles sont très utiles pour la discipline et l'humilité si nous les pratiquons en tibétain. Avec le temps, nous assemblons peu à peu les morceaux et elles deviennent significatives, et nous complétons la structure de la sadhana. Si la sadhana dit : « Je prends refuge et dès à présent, je développe la bodhichitta et les quatre pensées incommensurables », le simple fait de dire cela ne transforme pas vraiment notre esprit, n'est-ce pas ? Nous devons avoir développé ces états d’esprit au préalable afin d’être en mesure de les générer réellement et rapidement lorsque nous les récitons.

Ce n'est pas quelque chose que l'on peut faire en un tour de main. Il faut beaucoup de pratique. Cependant, si nous avons une grande familiarité avec le sujet, disons la bodhichitta, nous n'avons pas besoin de passer par toutes les étapes telles que l’égalité de tous les êtres, le fait que tout le monde a été notre mère bienveillante, le fait d’avoir de la gratitude pour sa bonté, et ainsi de suite. Nous pouvons générer presque instantanément un objectif de bodhichitta.

Serkong Rimpotché était un maître merveilleux, en particulier dans sa façon d'enseigner le lamrim, les étapes progressives de la voie. Tous les enseignements du soutra peuvent être présentés dans des styles et des structures variés. Il y a par exemple les trois portées de motivation du lamrim, les quatre pensées qui orientent l'esprit vers le Dharma, mais aussi la façon dont ces enseignements sont organisés dans L'Ornement du joyau de la libération, ou encore l’affranchissement des quatre attachements selon la tradition Sakya ou les quatre Dharmas de Gampopa. Il existe également de nombreuses façons d’associer et de combiner tous ces styles.

Une fois, Serkong Rimpotché a enseigné tout le lamrim pendant un long week-end et a également présenté une pratique de Tchenrezig. À la fin, il a dit : « Maintenant, méditons. Parcourez tout le lamrim et faites ensuite la pratique de Tchenrezig. Faisons tout cela pendant deux minutes. » Les gens ont demandé comment il était possible de faire tout cela en un temps si restreint. Serkong Rimpotché a alors dit : « D'accord, trois minutes. »

Il a ensuite expliqué que lorsque nous sommes très bien entraînés, entre le moment où nous mettons un pied dans l'étrier d'une selle et celui où nous passons l’autre pied par dessus le cheval, nous devrions être capables de parcourir l'ensemble du lamrim et de le générer comme cela. C'est ce que nous visons.

Améliorer la visualisation

De même, lorsque nous pratiquons une sadhana, nous devons être capables de générer tous les points que nous récitons. Il est évident que nous commençons lentement, en développant chaque point l'un après l'autre. Une fois que nous nous sommes familiarisés avec l'ensemble de la structure du texte, nous pouvons suivre les conseils de Tsongkhapa sur la manière de visualiser. Il dit qu'il y a deux façons de procéder à une visualisation complexe. La première consiste à se concentrer sur une petite chose, comme le troisième œil, puis à ajouter progressivement des détails. Cependant, la méthode la plus courante et la plus utile pour le plus grand nombre consiste d'abord à essayer de visualiser le mandala entier et la forme entière de la déité, le tout, très grossièrement, sans détails, avec simplement le ressenti de la chose que nous sommes censés visualiser. Puis, lentement, à l'intérieur de cette structure plus large, nous ajoutons de plus en plus de détails. Plus nous sommes concentrés, plus les détails se précisent.

Par conséquent, si nous pratiquons une sadhana, nous devons d'abord nous familiariser avec la structure de l'ensemble, puis, sur la base de notre méditation dans la voie du soutra, nous pouvons détailler chacune des parties, comme nous le faisons avec la visualisation. Je pense que c'est la seule façon de procéder dès à présent si nous sommes déjà engagés dans une pratique quotidienne. C'est une question très importante pour nous tous.

Il y a un autre point que je voudrais mentionner concernant Serkong Rimpotché. Il était très terre à terre et compatissant. Il a dit que si nous constatons que nous avons reçu une initiation et pris un engagement de pratique prématurément et que nous ne sommes pas en mesure de le tenir, alors, dans notre esprit, nous pouvons le placer en haut d’une étagère avec respect. Reconnaissons que nous ne sommes pas prêts à l’honorer à l’heure actuelle, mais que nous avons l'intention d'y revenir lorsque nous serons prêts. Si nous faisons cela, c'est une façon très différente de gérer la situation que de dire : « J'ai été tellement idiot de faire cela, c’était stupide » et de l'oublier. Je trouve que c'est un conseil très utile si nous nous trouvons dans cette situation.

Des pratiques multiples et variées

J'ai fait un ngondro, que j’ai achevé il y a une dizaine d'années. Je pratique le gourou yoga, la récitation de mantras et le dzogchen et je ne veux pas apprendre de nouvelles sadhanas parce que je pense que cela prend trop d'énergie et de temps. Qu'en pensez-vous ?

Il y a un dicton qui a été prononcé il y a longtemps par un maître tibétain dont j’ai oublié le nom selon lequel les maîtres indiens ne pratiquaient qu'une seule déité et, grâce à cela, les accomplissaient ou les réalisaient toutes, alors que les Tibétains essaient de les pratiquer toutes et n'en réalisent aucune. Nous devons vraiment voir quelle est notre propre capacité. Pour la plupart d'entre nous, une seule pratique tantrique est plus que suffisante. Encore une fois, je me fie toujours au conseil de Sa Sainteté le Dalaï-Lama, qui dit que lorsque nous sommes prêts à consacrer sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre à notre pratique intensive, nous devons choisir une seule déité et une seule pratique, et c'est sur elles que nous nous concentrons. Avant cela, chaque pratique de déité met l'accent sur une partie de la pratique plutôt qu'une autre, ou la détaille davantage. Il y a des aspects plus élaborés, avec davantage d’étapes dans une pratique de déité que dans une autre, où seront développés d’autres points particuliers. Si nous en avons la capacité, nous pouvons faire plus d'une de ces pratiques de déité afin de se familiariser un peu plus avec tel ou tel aspect du tantra.

Les aspects de la pratique du tantra sur lesquels on met l'accent peuvent être la production de différentes émanations, le travail sur les chakras et les canaux, ou l'accès à l'esprit de claire lumière, et d'autres choses de ce genre. Pratiquer de la sorte ne sert qu'à acquérir une base solide, mais ensuite, lorsque nous sommes vraiment sérieux, nous devrions pratiquer une seule déité. Il ne s'agit pas de rivaliser pour savoir quelle pratique du tantra est la meilleure. On trouve la même chose dans les soutras du Mahayana. Tous disent qu’ils sont le meilleur et le plus merveilleux, et que, si nous le récitons, tous nos problèmes disparaîtront et que nous purifierons 72 000 éons de potentiel négatif, etc. De nombreux soutras du Mahayana font leur propre éloge de la sorte. Ceci doit être compris dans un certain contexte. Tous les enseignements du Mahayana ont pour but de nous mener à l'éveil. Ils nous y amèneront tous de la même manière, nous n'avons pas à nous inquiéter de cela.

En passant, permettez-moi de mentionner quelque chose à propos des soutras du Mahayana. Je ne sais pas si vous avez l'habitude de lire ces textes, mais ils sont en effet pleins d'éloges pour eux-mêmes. Dans les premiers temps, quand les soutras du Mahayana se sont répandus, il n'existait pratiquement pas de copies écrites. Pour réciter ces soutras, il fallait les mémoriser en les entendant récités à haute voix, ce qui demandait un effort considérable car ces soutras étaient longs.

Si nous y réfléchissons, je pense que si nous avons accumulé un potentiel négatif depuis des temps sans commencement, cela fait énormément de potentiel négatif. Nous avons accumulé ces potentiels pendant d'innombrables éons. Les soutras disent que nous devons passer trois innombrables éons, ce qui signifie trois millions d’éons, à accumuler de la force positive pour surmonter tout cela. Si un soutra dit qu'en le récitant, nous pouvons purifier 72 000 éons de ce potentiel négatif, ce n'est en fait qu'une goutte d'eau dans l’océan, mais cela nous donne néanmoins l'espoir d'aller un peu plus loin. Je pense que c'est là l'intention de ces formulations.

C'est exactement la même intention que dans les soutras du Mahayana selon lesquels lorsque le Bouddha enseignait, c'était devant un nombre considérable de personnes : on parle parfois de 720 000 devas et 42 500 gandharvas présents, etc. Nous pourrions nous interroger sur tout cela, mais, une fois encore, il s'agit du Mahayana, le vaste véhicule. Nous voulons ouvrir nos esprits et nos cœurs à l'immensité des êtres innombrables. Nous devons par exemple essayer d'imaginer le Bouddha sur le Pic des Vautours en train de délivrer ces soutras. Le Pic des Vautours est un lieu fantastique. Il y a cette montagne et cette corniche qui dépasse à son sommet et, de là, on a une vue sur une vallée gigantesque. Si nous nous asseyons là, ce que nous pouvons faire, et que nous imaginons cette vallée remplie d'êtres, alors nous commençons à comprendre ce qu'est le Mahayana. Lorsque nous parlons de tous les êtres sensibles, il s'agit d'un très grand nombre. Ces grands nombres décrits dans les soutras sont en fait très utiles pour commencer à penser à « tous les êtres sensibles ».

Il ne faut pas s'inquiéter ou s'irriter de la façon dont ils ont obtenu ces chiffres. Comment se fait-il qu'il s'agisse de 36 millions et non de 37 ? Je ne pense pas que ce soit la question. Il s'agit de nous encourager et d'ouvrir nos esprits à penser à l'immensité du Mahayana. Ce n'est qu'une parenthèse, mais je trouve ce point très utile. Sinon, il est très facile de briser les vœux de bodhisattva en rejetant les soutras du Mahayana et en ayant un peu honte d'eux, comme s'ils contenaient des choses étranges. Au contraire, nous pouvons voir que le Bouddha a toujours utilisé des méthodes habiles pour nous aider à élargir notre esprit, en particulier dans le Mahayana. Nous devons prendre au sérieux le fait que nous travaillons pour aider tous les êtres sensibles et, en raison du temps sans commencement, tenir compte de l'ampleur des efforts nécessaires pour surmonter l'inertie de l'ignorance sans commencement.

Clarification au sujet du Sambhogakaya

Je me demande si vous pourriez nous parler des trois Kayas (les trois corps-de-bouddha), en particulier du Sambhogakaya, parce que beaucoup d'entre nous, y compris moi-même, avons des difficultés à comprendre ce que cela signifie. Vous avez dit, par exemple, que dans les soutras du Mahayana, il y a d'innombrables êtres et de gandharvas et que ceux-ci ne sont absolument pas des êtres humains. Ce sont des sortes d'êtres spirituels sur un plan différent. Cela a-t-il un rapport avec le niveau de réalité du Sambhogakaya ?

Non, pas vraiment. Il existe des présentations différentes du Sambhogakaya, la première provient du soutra et la seconde du tantra, en particulier le tantra anouttarayoga, le niveau le plus élevé du tantra.

Dans le soutra, il y a cinq facteurs qui sont certains au sujet des Sambhogakayas :

  • Ils enseignent à un public d’aryas bodhisattvas. Il s'agit de bodhisattvas qui ont eu une connaissance non conceptuelle du vide ou de la vacuité. Il ne s'agit pas des habituels devas, gandharvas, déités, etc., qui constituent l'auditoire des soutras du Mahayana.
  • Ils enseignent dans des champs de bouddhas, aussi appelés terres pures.
  • Ils enseignent toujours le Mahayana.
  • Ils présentent toutes les caractéristiques physiques majeures et mineures d'un bouddha.
  • Ils sont éternels, sans discontinuer.

Si nous parlons du point de vue du mahamoudra, il y a la nature vide de l'esprit et la nature omnisciente de l'esprit, et c'est le Dharmakaya. Le Dharmakaya communique naturellement vers l'extérieur pour être bénéfique à autrui. Il communique au moyen de formes subtiles, c’est le Sambhogakaya. Enfin, le Sambhogakaya émane d’apparences plus grossières, qui sont le Nirmanakaya. Les émanations du Nirmanakaya enseignent aux êtres ordinaires, tandis que celles du Sambhogakaya enseignent aux aryas bodhisattvas. C'est pourquoi il existe deux niveaux différents d'apparences. Ils sont destinés à deux types d’audiences spécifiques.

Dans le tantra, le Sambhogakaya est identifié au discours éveillé d'un bouddha, lequel discours est là aussi une manière subtile de communiquer avec le monde extérieur, tandis que le Nirmanakaya est une émanation des apparences physiques d’un bouddha. Le tantra de Kalachakra explique que le Sambhogakaya est à la fois un discours éveillé et une apparence physique subtile.

En ce qui concerne les questions linguistiques, le Sambhogakaya est généralement traduit par « corps de jouissance », mais ce n'est pas vraiment sa signification. C'est l'une des significations du mot sanskrit sambhoga, si l'on se réfère au dictionnaire. Parmi ses différentes significations, il y a aussi celle de « manger ». Les Tibétains le traduisent par le mot qui signifie « faire usage ». C'est généralement ainsi qu'il est décrit. C'est le corps d'un bouddha qui peut utiliser pleinement les enseignements du Mahayana en les dispensant aux aryas bodhisattvas résidant dans les terres pures. C'est la signification de sambhoga dans Sambhogakaya. Cela n’a rien à avoir avec la jouissance, comme s'il s'agissait d'un corps pour le divertissement. Ce n'est pas un corps de divertissement.

Le rythme de la pratique du tantra

Pourriez-vous nous parler de l’allure à laquelle il faut aller dans la méditation pour générer le bon état d'esprit ou pour contrer les distractions, etc. S'agit-il d'une question personnelle ou y a-t-il quelque chose de général à ce sujet ?

Serkong Rimpotché l'a très bien expliqué. Il a dit que lorsque le Seigneur de la mort arrive, il n'attend pas que nous nous asseyions droit, que nous prenions une bonne motivation et que nous générions le bon état d’esprit posément. Lorsque le Seigneur de la mort arrive, nous devons générer l'état d'esprit adéquat en un instant, nous devons agir promptement. L’objectif est donc d’être capable de générer l'état d'esprit approprié en un instant. La question est de savoir comment y parvenir ? Comment s'entraîner pour en arriver là ? Au début, nous devons aller lentement et si nous avons le loisir et le temps de pratiquer lentement, c'est merveilleux.

Certaines communautés monastiques chantent incroyablement lentement. Dans le monastère de Serkong Rimpotché, celui que je connais bien et où j'ai passé du temps, à certaines périodes de l'année, les moines se réunissaient et récitaient le tantra de Guhyasamaja, en le chantant d'une manière très spéciale. Ils pouvaient consacrer une minute à chaque syllabe pendant toute la durée du chant, et cela pouvait prendre une journée entière pour parcourir un seul chapitre. Si nous voulons aller à l'extrême, c'est une solution. L’autre exemple est celui du monastère de Sa Sainteté, Namgyal Dratsang, où ils font tout à toute vitesse. Lorsque Sa Sainteté procède à l'initiation de Kalachakra, les moines doivent faire l'auto-initiation le matin avant, ce qui prend environ quatre fois plus de temps que la cérémonie d'initiation elle-même.

Ils le font à toute vitesse, et il leur faut tout de même cinq heures. Je me suis assis avec eux pendant qu'ils faisaient cela, et il était difficile pour mes yeux de suivre le texte aussi rapidement. Pour toutes les initiations que Sa Sainteté donne au grand public, il vient en amont pour exécuter l'auto-initiation. La rapidité avec laquelle Sa Sainteté est capable de réciter et de faire toute la pratique est inimaginable. C'est l'autre extrême.

Je pense que le critère le plus important est de le faire à une vitesse qui lui donne encore un sens. Ce n'est pas facile. Ceci est très bien décrit dans la théorie de la cognition du bouddhisme. Nous récitons les mots en les classant dans des catégories audio. Quelle que soit la manière dont nous prononçons un mot, il entre dans la catégorie du son de ce même mot. Mais nous devons également classer le mot dans une catégorie de sens, afin qu'il ait une signification. Il est très facile de n'avoir que des mots et aucun sens. Ce sont deux choses bien distinctes. Nous pouvons avoir les mots en pilotage automatique et notre esprit peut penser à toutes sortes d'autres choses. Il est très intéressant de constater que la théorie de la cognition décrit ce phénomène en faisant intervenir deux facteurs distincts : les catégories audio et les catégories de sens.

Que nous récitions le texte à haute voix ou dans notre tête n’est pas la question, l’enjeu est d’être conscient du sens des mots, même si les mots sont dans notre propre langue. Chacun d'entre nous doit décider s'il va réciter à voix haute, ce qui prend beaucoup plus de temps, ou bien à voix basse ou dans sa tête. Lorsque nous le faisons dans notre tête, bien que cela soit beaucoup plus rapide, nous risquons davantage de ne pas y mettre du sens.

Il existe également des styles différents en ce qui concerne la façon dont nous récitons les mantras. Il y a une différence évidente entre une récitation mentale et une récitation verbale. Nous devons juger par nous-mêmes, mais l'essentiel est que notre pratique ait un sens et ne se limite pas à de simples mots.

Les caractéristiques d'un sangha occidental sain

Lama Changchub nous encourage toujours à faire de notre mieux pour être le Noble Sangha. Même si nous ne sommes pas des aryas bodhisattvas, nous devrions faire de notre mieux. Puisque vous êtes à la fois un érudit et un pratiquant, j'aimerais savoir quelles sont les caractéristiques communes d'un sangha mondain sain, quelles sont les observations que vous avez pu faire lors de vos voyages, et s'il y a des caractéristiques auxquelles on peut aspirer ou que vous avez remarquées dans un sangha sain ?

C'est une très bonne question. L'un des vœux tantriques est de ne jamais se mettre en colère contre nos frères et sœurs vajras. Un frère ou une sœur vajra est défini comme toute personne ayant reçu une initiation du même Lama que nous. Il n'est pas nécessaire qu'il s'agisse de la même initiation ou qu'elle ait lieu en même temps. En effet, dans le cadre de l'initiation, nous imaginons que nous devenons un enfant, c'est-à-dire que nous naissons par l'intermédiaire du maître tantrique.

Il est assez difficile, au sein de notre communauté, de faire preuve de patience les uns envers les autres et de ne pas se mettre en colère. Dans la plupart des communautés, il y a généralement des personnes qui sont vraiment difficiles et fatigantes, avec lesquelles nous devons tous être patients. Les différents vœux monastiques, de bodhisattva et tantriques contiennent de nombreuses directives pour aider à construire une communauté. En fait, la plupart des vœux monastiques ont été conçus pour aider à créer une telle communauté.

Ce que je trouve triste, c'est que dans certaines communautés bouddhistes, les gens viennent et pratiquent ensemble, mais tout le monde est silencieux, personne n’interagit les uns avec les autres et tout le monde repart sans avoir rien échangé. Si quelqu'un tombe malade ou à un problème, personne ne va lui apporter son aide. Je pense que nous pouvons apprendre beaucoup de nos communautés chrétiennes. Si nous voulons être une communauté comme dans les monastères, alors si quelqu'un est malade, nous prenons soin de lui. Si quelqu'un est dans le besoin, nous l'aidons. Les gens restent en contact. Je pense que c'est essentiel si l'on veut être une communauté et si l'on veut bénéficier des avantages d'être une communauté. La communauté doit se préoccuper des autres et les membres doivent se connaître les uns les autres.

Pour apprendre à se connaître, il faut communiquer. Dans certaines circonstances, le fait de se taire et de ne pas parler présente des avantages. Cependant, si cela conduit à ce que personne ne se connaisse et à ce que chacun soit dans sa bulle, alors vous ne devez garder le silence que dans certaines situations appropriées. Dans d'autres situations, les membres de la communauté doivent se parler, apprendre à se connaître et se montrer amicaux les uns envers les autres.

La communauté doit également s'ouvrir aux nouveaux arrivants en leur donnant le sentiment d'être les bienvenus. C'est très important. L'un des vœux de bodhisattva et du tantra est de ne pas renoncer à l'amour. Ne pas renoncer à l'amour pour qui que ce soit. C'est le souhait que les autres soient heureux et qu'ils aient les conditions de l’être. Qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie les accueillir et ne pas les exclure, ne pas se dire « ne me dérange pas ».

Ce qui est également très triste dans certaines communautés, c'est que les enfants ne sont pas les bienvenus. Cela exclut les familles et, très souvent, il n'y a que des personnes âgées sans jeunes enfants ou des célibataires. J'ai assisté une fois à un groupe où quelqu'un avait amené son enfant de deux ans à la session. Celui-ci courait dans tous les sens pendant l'enseignement. Je n’enseignais pas ce jour-là, j’étais un simple invité. L’enseignant en question a fait remarquer que le petit garçon était notre professeur de patience, c’était la leçon du jour pour ne pas être contrarié par ce petit garçon qui courait dans tous les sens. Après tout, si nous pensons à la renaissance, nous redeviendrons des petits enfants un jour. Soyez accueillants et, s'il y a des enfants, prévoyez une garderie. Ce genre de choses est très important.

Si quelqu'un est malade ou à l'hôpital, allez lui rendre visite. En somme, aidez-vous les uns les autres et apportez votre soutien. Il y a certains aspects de la pratique que nous voulons garder privés entre nous et le maître, et c’est très bien ainsi. Cependant, il y a d'autres choses qui peuvent être partagées. Par exemple, dans mon groupe à Berlin, la plupart d'entre nous allons ensemble au restaurant après les enseignements. C'est un petit groupe. C'est à dessein que je le garde petit. J'organise les enseignements dans mon appartement, pour cinq à douze personnes au maximum, et je ne fais pas de publicité. Les gens peuvent toujours l'écouter en podcast ou sur d’autres supports. Cela me convient, je ne suis pas là pour l'argent ou quoi que ce soit d’autre.

Dans le groupe, tout le monde se connaît et nous avons des sessions au cours desquelles nous parlons de la manière dont nous avons appliqué les enseignements dans notre vie cette semaine-là. C'est de cela dont il s'agit. Il ne s'agit pas d'un simple passe-temps que nous pratiquons à côté de nos autres activités, comme réciter une sadhana au lieu d'aller au cinéma ou quelque chose de ce genre. Nous nous demandons vraiment comment nous appliquons les enseignements dans notre vie. Cela nous a-t-il aidés et, si oui, comment ? Si nous sommes confrontés à un problème, nous en parlons au groupe. Ce n’est pas vraiment comme dans les groupes tels que les Alcooliques Anonymes, mais nous parlons de nos problèmes au groupe et nous essayons de voir quelle serait la manière dharmique d'y faire face. Comment pouvons-nous nous aider les uns les autres ?

Nous formons ainsi une véritable communauté bouddhiste. Je pense que c'est très utile. Bien sûr, s'il y a beaucoup de monde, ce n'est pas si facile, mais nous pouvons nous diviser en petits groupes. Ce sont là des conseils utiles tirés de ma propre expérience. Dans nos vies, en particulier dans notre monde moderne, nous sommes tellement isolés, et les réseaux sociaux n'aident pas vraiment non plus. Ils donnent l'impression d'être connectés, mais en réalité nous restons assis chez nous le nez sur un écran en regardant les gens s’amuser, et cela peut nous faire sentir encore plus isolés.

Lorsque nous nous retrouvons face à face dans notre cours hebdomadaire, nous laissons nos appareils numériques à la maison ou nous les mettons de côté pendant ce temps, et nous appliquons simplement les enseignements. C'est particulièrement le cas lorsque j'enseigne des méditations telles que celles que j'ai développées et qui s'intitulent « Développer une sensibilité équilibrée ». Il s'agit d'un programme d'entraînement pour surmonter l'hypersensibilité ou l'insensibilité aux effets de notre comportement, sur nous-mêmes et sur les autres, ainsi qu'à notre propre situation et à celle des autres. L'ensemble de l’entraînement est fondé sur le Dharma. J’y élargis les méthodes que nous utilisons dans les méditations bouddhiques plus classiques pratiquées en groupe.

Par exemple, plutôt que de s'asseoir pour ressentir de l'amour pour un groupe d'êtres visualisés, ce qui ne nous met pas au défi de la même manière que de traiter avec des personnes réelles, nous méditons en cercle et nous nous regardons les uns les autres. Si nous nous contentons de visualiser les gens, ils ne nous regarderont pas dans les yeux. Bien sûr, le fait de visualiser les autres et de leur témoigner de l'amour a ses avantages, en particulier lorsque nous sommes seuls. Cependant, si nous voulons méditer sur le fait que tout le monde a été notre mère dans une vie antérieure et a été bon avec nous, il est beaucoup plus puissant de regarder chaque personne dans le cercle et de penser : « Tu as été une mère pour moi, tu as été une mère pour moi, et tu as été une mère pour moi. » Nous essayons de générer ce sentiment au contact d’êtres humains. « Puisses-tu être heureux, puisses-tu être heureuse, et puisses-tu être heureux. » Nous essayons de le ressentir et de l'adresser à chaque personne du groupe. 

Si nous faisons cela, la pratique devient beaucoup plus puissante et commence à avoir une composante émotionnelle, ce qui est très difficile à générer avec une simple visualisation. Cela devient plus concret. Il est alors plus facile de pratiquer cet exercice lorsque nous sommes assis dans un bus, dans le métro ou dans les embouteillages. Regardez tous les gens qui sont également coincés dans les embouteillages et réalisez que personne ne veut être dans cette situation. Nous ne sommes pas les seuls à vouloir rentrer chez nous ou à vouloir nous rendre quelque part. Alors, au lieu de maudire la personne qui se trouve dans la voiture à côté de nous, générez un sentiment d'amour envers elle. Telle est l’application pratique de la méditation. Sinon, nous nous apitoyons dans les bouchons alors que c'est l'occasion rêvée de s'entraîner.

Pratiquer réellement les uns avec les autres est utile pour construire une communauté. Nous ne restons pas simplement assis seuls dans notre coin en faisant des visualisations. Il s'agit plutôt d'essayer de concrétiser ces états d'esprit positifs et de s'entraider. Si quelqu'un a des difficultés, mettez en application le Dharma. C'est très utile. Par exemple, un membre du groupe peut arriver un jour et vouloir parler d'une personne au travail qui est très difficile et bla, bla, bla. D'accord, comment faire face à cette situation ? Il est très utile pour la communauté et pour chaque personne d'essayer de trouver une stratégie fondée sur le Dharma pour faire face à ce problème de la vie courante.

Merci pour l’inspiration que vous venez de nous donner à propos de la communauté et des avantages à avoir un petit groupe. Je me demande combien de temps un tel groupe, qui semble très terre à terre ou très proche de la vie réelle, passe du temps ensemble ? Dans mon cas, si je participe à un cours dans notre communauté, c'est peut-être occasionnellement au printemps ou à l'automne. Cependant, vous semblez dire qu’il serait très bon de continuer de se voir pendant un certain temps pour apprendre à se connaître et assurer un suivi. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Il y a une différence entre un séminaire d'un week-end, où les gens viennent de partout, et un cours hebdomadaire régulier. Je parle de mon cours hebdomadaire et, dans ce cours, il y a des gens qui viennent depuis des années. De temps en temps, de nouvelles personnes se joignent à nous, et elles se sentent les bienvenues. Tout le monde ne vient pas chaque semaine, c’est évident. C'est très différent de l’organisation traditionnelle des monastères où tout le monde vient à chaque session et où il n'y a pas d'excuse pour en manquer une. La réalité est que nous sommes très occupés et que nous ne pouvons pas toujours venir. La présence au cours est donc flexible.

Par ailleurs, lorsque j'enseigne cet entraînement pour développer une sensibilité équilibrée lors d'un week-end, nous pouvons toujours nous asseoir en cercle et s'il y a beaucoup de monde, nous faisons deux ou trois cercles. Cela n'a pas d'importance. Dans ce cas, nous n'apprenons pas à connaître personnellement toutes les personnes présentes. Ce n'est pas grave. Lorsque nous sommes dans le bus ou dans les bouchons, nous ne pouvons pas apprendre à connaître personnellement tout le monde non plus. Néanmoins, nous pouvons générer le sentiment suivant : « Puissiez-vous être heureux, et je ne vais pas vous juger. » C'est un aspect très important : s’abstenir de tout jugement. Nous voulons simplement aider. C'est un cadeau extraordinaire que nous pouvons offrir. C'est le don de l'équanimité.

Il existe de nombreuses formes de générosité, et l’une d'entre elles est la générosité de l'équanimité. Qu'est-ce que cela signifie ? « Je ne vais pas m'attacher à toi, je ne vais pas te rejeter et je ne vais pas t’ignorer. » Ce sont les trois poisons, si l'on veut utiliser la terminologie bouddhique. Nous ne nous attachons pas, nous ne rejetons pas et nous n'ignorons pas. C'est un merveilleux cadeau que nous pouvons offrir aussi bien à nos proches qu’à des étrangers. Si nous voulons développer des amitiés personnelles au sein d'une communauté qui prend soin les uns des autres, il est évident qu'il faut que les gens viennent régulièrement.

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