Surmonter les obstacles grâce aux enseignements de portée initiale du Lam-rim

Introduction

Demain est le jour de la fête bouddhique connue sous le nom de Lhabab Duchen en tibétain, ou la « Descente du ciel des Trente-Trois » en français. La meilleure façon de célébrer ce jour spécial est de recevoir un enseignement bouddhique sur les quatre nobles vérités, le premier enseignement que le Bouddha a délivré après son illumination. Mais, en particulier, je veux plus parler de ce dont  Sa sainteté le Dalaï-Lama parle toujours avec grand soin, amour et compassion, à savoir le chemin que nous devons suivre, avec une motivation de bodhichitta, afin d’améliorer non seulement nos propres situations, mais aussi la situation actuelle du monde entier. J’aimerais discuter de cela dans la perspective des trois portées progressives du lam-rim et de la manière dont les méthodes qu’elles fournissent nous aident à surmonter les obstacles qui nous empêchent d’améliorer ces deux façons d’aborder les choses.

Comme le dit Sa Sainteté, l’esprit de bodhichitta est très important. Même si nous n’avons pas la bodhichitta de manière forte et manifeste en nous, rappelez-vous que pour le moins nous en avons tous le potentiel à l’intérieur de nous. Aussi, quand nous nous réveillons chaque matin, nous devrions immédiatement essayer de nous souvenir de la bodhichitta. La compassion, en particulier telle qu’elle est débattue dans les textes Madhyamaka, est essentielle au début, au milieu, et à la fin du chemin. Tous les matins, faites remonter à l’esprit ce sentiment de l’importance de la compassion. Ceci aide à installer la journée qui s’annonce.

Explication de Lhabab Duchen et pensées à développer en ce jour spécial

Je ne vais pas m’étendre en grand détail sur l’histoire de ce jour sacré, mais, essentiellement, il célèbre la circonstance où le Bouddha est revenu sur terre après s’être rendu dans cette résidence céleste des trente-trois dieux. Il y était allé pour donner des enseignements à sa mère, qui y avait pris renaissance, et aux êtres spéciaux qui y demeuraient. Or, sur terre, le Bouddha manquait réellement aux gens, c’est pourquoi Maugdalyayana qui était l’un des principaux disciples du Bouddha fut dépêché comme représentant pour faire la requête au Bouddha de revenir sur terre et de continuer à enseigner le Dharma. Donc, d’une certaine manière, ce festival particulier nous encourage à penser combien le Bouddha et ses enseignements nous manqueraient s’ils n’étaient plus disponibles.

Une autre façon d’envisager Lhabab Duchen est de se demander tout d’abord pourquoi le Bouddha est monté à ce Ciel des Trente-Trois. Ce n’était pas parce qu’il était stressé et avait besoin de vacances ! L’histoire derrière ce festival est que le Bouddha se rappelle la bonté de sa mère et qu’il manifeste ensuite les activités contenues dans le premier des trois points de la méthode en sept point de la cause et de l’effet pour développer la bodhichitta. Ces trois points sont :

  • Distinguer tous les êtres comme ayant été nos mères
  • Se souvenir de la bonté de nos mères
  • Souhaiter les payer en retour de leur bonté.

Le Bouddha a démontré ces trois points en faisant ce qu’il a fait. Si le Bouddha a agi ainsi, nous devrions également agir de toutes les manières possibles pour faire montre de la reconnaissance et de la gratitude que nous avons envers nos gourous et nos parents pour leur bonté. Bien qu’il n’y ait pas de « Jour des Maîtres » dans la tradition bouddhique, ce festival pourrait être considéré comme un mélange entre le Jour du Bouddha, le Jour de Maîtres et la Fête des Mères.

Le Bouddha est donc monté au Ciel des Trente-Trois et, en combinant les enseignements des soutras sur les quatre nobles vérités et les enseignements du tantra sur la déesse à l’ombrelle blanche, Sitatapatra, il guida sa mère afin qu’elle réalise le chemin de la vision et par la suite se libère de la renaissance samsarique et de toutes ses souffrances. Pour le Bouddha, il n’y avait pas de plus grande façon de payer en retour la bonté de sa mère que d’agir de la sorte. Vous pouvez voir le conseil que le Bouddha nous donne.

La portée initiale : éviter une renaissance dans les royaumes inférieurs et parvenir à une renaissance dans les royaumes supérieurs

En relation avec ces deux journées où j’ai la chance de vous parler, je veux placer le centre d’intérêt sur les trois portées progressives du lam-rim, et sur ce qui nous empêche vraiment d’atteindre chacun de ces stades. Même si beaucoup d’entre nous ici avons une assez longue expérience dans le Dharma, si nous sommes vraiment honnêtes avec nous-mêmes, pouvons-nous dire que nous avons atteint la portée la plus élevée ? Qu’en est-il de la portée intermédiaire ? Voire même de la plus petite, la portée initiale ? Chacune de ces portées est difficile à développer. Je veux donc examiner ce qui nous empêche d’être capables de cultiver les pratiques associées aux personnes ayant pour motivation ces trois portées.

La portée initiale est celle qu’on appelle la « petite portée ». Mais ne soyez pas dupes de ce nom ! Ne regardez pas la portée moindre en pensant qu’elle n’est pas si importante, que nous pouvons juste la laisser de côté et aller de l’avant. En tant que portée initiale, elle est très importante ; elle est la fondation sur laquelle les autres étages sont édifiés.

Pensons aux qualités spéciales que nous avons besoin de développer en relation avec la portée moindre. Par exemple, quand nous parlons de la portée plus grande, la portée avancée, nous disons qu’il est question surtout du développement de la bodhichitta. Qu’en est-il alors de la portée moindre ? S’agit-il seulement d’être effrayés par les souffrances des royaumes inférieurs ? Non, il n’en est pas ainsi.

Dépasser la fascination pour les apparences de cette vie

Bien sûr, afin de parcourir les étapes du chemin jusqu’à la pleine illumination, nous avons besoin du renoncement et de la bodhichitta propres aux deux portées plus élevées. Mais nous avons également réellement besoin de la bonne fondation des pratiques associées à la portée moindre. Dépasser notre fascination pour les apparences de cette vie est d’une importance particulière. C’est une des choses dont nous devons nous débarrasser. Si nous ne pouvons pas le faire, nous ne parviendrons jamais réellement au stade où nous pouvons songer à nous préparer pour les vies futures. Nous devons donc trouver un moyen pour gérer notre fascination pour les apparences de cette vie et notre attachement à elles.

Ce dont nous avons besoin, alors, est une forme de méthode avec laquelle nous pouvons traiter cette question. Les grands lamas Kadampas disaient toujours que l’un des points de méditation et de contemplation essentiels est l’impermanence. Quand nous commençons à comprendre la cause et l’effet, ainsi que l’impermanence, nous voyons que notre pratique n’est pas seulement pour le bien de cette vie. Au-delà de cela, nous devons trouver un moyen de nous désengager de notre attachement aux merveilles du samsara dans n’importe quelle vie future que nous pourrions avoir, et de façon générale. Malgré tout, dans cette portée particulière, nous devons surmonter nos attachements aux apparences de cette vie. Il y a des gens qui pratiquent depuis longtemps, des gens qui pratiquent et étudient depuis leur jeune âge, il y a ceux qui vont dans les montagnes et s’engagent dans une pratique sérieuse, mais honnêtement, si nous n’avons pas fait de l’abandon des apparences de cette vie notre pratique principale, alors il sera très difficile de développer toutes les autres pratiques.

L’impermanence et la mort

La compréhension de l’impermanence tombe sous le coup de la portée initiale, mais cependant, quand on examine les instructions pour contempler l’impermanence, il y a un certain nombre d’étapes. La première est de comprendre qu’il est garanti que la mort nous visitera tous, et la deuxième, que l’heure de la mort est incertaine. Je Tsongkhapa dit que de ces deux, la seconde est la plus importante.

Mais est-ce que ces deux points seuls font une pratique complète du Dharma ? Je ne le pense pas. En fait, j’ai de nombreux amis, bouddhistes et non-bouddhistes, qui comprennent ces points et ressentent alors, qu’à cause d’eux, nous ferions mieux de prendre du bon temps du mieux que nous pouvons maintenant. Nous avons donc besoin de quelque chose de plus que de juste ces deux points. C’est pourquoi le troisième aspect de notre méditation sur la mort et l’impermanence est essentiel. Ce troisième aspect est de se rappeler qu’au moment de la mort, seule notre pratique du Dharma nous aidera.

Ceci est un point réellement important. Au moment de mourir, nos amis, notre famille et nos possessions ne peuvent nous aider. Seule notre pratique du Dharma nous sera bénéfique. Quand nous parlons de la portée moindre et d’abandonner le fait de nous accrocher et de nous attacher à cette vie, il peut s’avérer difficile d’imaginer comment, si nous le faisons, nous pourrions poursuivre nos activités quotidiennes, notre travail, nos relations avec les gens, etc. Bien sûr, il est très difficile de se débarrasser immédiatement de cette saisie et de cet attachement à ce que nous ressentons comme les merveilles de cette vie, et cela ne se produira pas réellement avant que nous ne soyons parvenus à la portée intermédiaire. Mais il est malgré tout possible de le réduire, d’atténuer notre attachement aux apparences de cette vie. Ce point relève de la portée moindre.

Les souffrances des états inférieurs de renaissance

Dans la Grande Exposition des étapes progressives du chemin vers l’illumination de Je Tsongkhapa, dans la section consacrée à la portée moindre, il parle de la prodigieuse somme de souffrance des royaumes inférieurs. Il n’est pas toujours facile d’accepter ce qui est dit là. Il parle également d’utiliser la méditation sur la mort et l’impermanence comme moyen pour réduire notre attachement à cette vie. Il nous fournit des méthodes pour éviter de renaître dans les royaumes inférieurs et pour parvenir à une forme de renaissance supérieure.

Dans la description des souffrances des royaumes inférieurs, il mentionne les êtres des enfers, les fantômes affamés ou prédateurs, et les animaux. Les gens disent que ce sont des choses que l’on ne peut pas voir, hormis les animaux. Mais mon maître disait souvent, alors que, bien entendu, il est difficile de voir directement ces véritables royaumes eux-mêmes, il y a certains éléments de la souffrance qu’on y endure que nous pouvons voir, même dans l’expérience humaine. Par exemple, il est possible que quelqu’un tombe très malade et ne puisse avaler que quelques gouttes d’eau à la fois, et soit continuellement assoiffé. Ces sortes de sensations sont associées avec les royaumes inférieurs, bien que ces expérience dans le royaume humain ne soient pas exactement les mêmes, elles pourraient être une transposition des expériences de ces royaumes inférieurs.

Il y a des potentiels karmiques issus de causes karmiques très spécifiques qui, une fois activées, nous projettent dans une renaissance au sein de ces royaumes inférieurs. Et quand elles le font, en tant que fantôme affamé ou être des enfers, nous devons passer des milliers et des milliers d’années piégés dans une situation terrible. Quand je parle des expériences similaires que nous pouvons constater dans notre expérience humaine, je ne parle pas des causes karmiques plénières qui nous projettent dans ces royaumes, mais plus des sentiments ou des sensations qu’implique le fait d’être coincés dans ces genres d’endroits. C’est une chose que nous pouvons évaluer, si nous y pensons réellement. Mais si nous en arrivons à croire que les souffrances de ces royaumes inférieurs existent réellement, nous sommes horrifiés à l’idée de renaître comme un poulet, un poisson ou un insecte. Voyez seulement comment ils s’entretuent et se dévorent les uns les autres et comment ils sont exploités par nous, les humains. Ils n’ont aucune espèce de droits humains. Ils n’ont aucun droit, pas même les droits des êtres infernaux !

Les lois de la causalité karmique

Est-ce que cela pourrait nous arriver ? Telle est la question. Serait-ce si difficile à croire ? Ce que cette discussion met en évidence pour nous, c’est la nécessité de comprendre les lois de la causalité karmique et la question des vies passées et futures. Le Commentaire sur la cognition valide, Pramanavarttika, de Dharmakirti, fournit le raisonnement sur la manière dont la conscience de cette vie s’est manifestée dans une vie précédente, et dans une vie précédant cette dernière, et cela encore et encore depuis des temps sans commencement. Certains d’entre vous pourraient être nouveaux et trouver tout cela difficile à accepter. Mais si vous consultez le deuxième chapitre du Pramanavarttika, vous verrez les raisonnements logiques de l’existence des vies passées et futures. Si ceci est un matériau nouveau pour vous, s’il vous plaît, prêtez-y attention. Si vous avez étudié depuis des années, vous avez déjà probablement une croyance confiante et forte dans l’existence véritable de ces choses.

À quoi devons-nous penser en lien avec les souffrances des royaumes inférieurs ? Le mieux est de réfléchir aux causes qui activent une renaissance dans ces lieux – chose que nous ne faisons pas. Nous ne nous abstenons pas d’agir, de parler et de penser de façon destructive. Et, plus important encore, nous devons réfléchir à ce que nous devons faire pour stopper la possibilité d’en expérimenter les souffrances grâce aux lois karmiques de la cause et de l’effet.

Contempler les méthodes pour dépasser le fait d’être sous le contrôle de la causalité karmique est habituellement plutôt associé à la portée intermédiaire, où nous pensons surmonter le fait de renaître dans n’importe lequel des six royaumes d’existence. Mais nous devons également rapporter ce point à notre pratique du Dharma dans la portée initiale, où nous considérons les lois karmiques de la cause et de l’effet pour voir comment éviter de renaître dans les royaumes inférieurs. Fondamentalement, nous devons cesser de commettre les actions destructrices qui provoquent notre renaissance dans les royaumes inférieurs. Dans le deuxième chapitre de L’Entrée dans la Voie du Milieu, Chandrakirti dit que, pour s’assurer d’une renaissance dans l’un des états supérieurs, il n’y a rien qui surpasse la pratique de l’autodiscipline éthique – l’autodiscipline qui consiste à s’abstenir d’avoir un comportement destructeur.

La portée initiale : les trois facteurs à contempler 

Il y a trois facteurs que nous devons contempler en relation avec la portée moindre.

  • Le premier facteur est de contempler les souffrances des royaumes inférieurs. Si nous ne pouvons pas encore accepter l’idée des royaumes infernaux ou celle du royaume des fantômes affamés, pour le moment nous pouvons juste penser aux terribles souffrances du royaume animal.
  • Le deuxième facteur à contempler est celui de la cause de toutes les souffrances dans les royaumes inférieurs. Fondamentalement, cela concerne la façon dont nous sommes totalement inconscients de la causalité karmique, et donc que nous pensons, parlons et agissons de manière destructrice car nous ne sommes pas conscients des résultats à long terme d’un tel comportement, résultats dont nous ferons l’expérience dans le futur.
  • Le troisième facteur à contempler est la lucidité que nous devons développer pour contrer tout cela. Dans ce cas, nous devons développer la conscience discriminante de la causalité karmique et pratiquer alors l’autodiscipline éthique.

La combinaison de ces trois facteurs est ce sur quoi nous devons nous focaliser dans la portée moindre, ou portée initiale.

Sans doute, nombre d’entre vous ont étudié depuis longtemps, et vous avez donc probablement une forme de foi confiante dans le karma de projection : l’impulsion karmique qui nous « projette » dans les vies futures. Réfléchissons à un exemple concernant le fait de mentir, de dire un mensonge grave. Pour que notre action de mentir donne lieu aux conséquences les plus complètes, de nombreuses conditions doivent être présentes. Alors seulement notre mensonge pourra être qualifié de complet. C’est le cas avec toutes les actions karmiques, qu’elles soient destructrices ou constructives. Donc, dans le cas du mensonge, il y a certaines qualifications qu’il doit remplir pour être le « paquet complet du mensonge ». Mais, même si certaines des conditions ne sont pas complètement remplies, cela ne veut pas dire que notre mensonge n’aura pas de résultats négatifs. 

Le résultat de mûrissement de ce « paquet complet du mensonge » sera de renaître dans les royaumes inférieurs. Mais, en ce qui nous concerne, nous pensons : « D’accord, c’est juste pour les gros mensonges. Je fais de temps en temps quelques petits mensonges pieux sans conséquences. » Probablement nous ne pensons pas que nous irons vraiment dans les royaumes inférieurs pour ça. Nous avons plus de doutes à ce sujet. Nous pensons : « Probablement pas. » Le plus vraisemblable est que nous aurons le sentiment que ces choses ne nous précipiteront pas dans les royaumes inférieurs.

Mais qu’en savons-nous ? En matière de compréhension des connexions extrêmement subtiles entre les actions karmiques et leurs résultats, c’est seulement le Bouddha qui comprend pleinement ces causes et ces effets karmiques subtils. Si nous avons réellement le sentiment que les « petits mensonges » sont absolument corrects, alors c’est un signe que nous n’avons pas vraiment une foi confiante et une croyance dans les lois de la causalité karmique ou dans les conséquences négatives que de telles actions peuvent produire, comme de renaître dans les royaumes inférieurs. Le plus probable, c’est que nous aurons le sentiment que c’est acceptable de faire de petits mensonges. Mais pour acquérir une croyance forte et confiante dans les connexions causales karmiques subtiles, nous ne pouvons pas juste rester assis et dire : « Je crois », et nous forcer simplement à croire. Cela ne fonctionne pas ainsi.

Avoir confiance dans les enseignements du Bouddha

Pour développer une compréhension correcte et acquérir une foi confiante dans les enseignements les plus subtils du Bouddha, tels que les fonctionnements de la loi de causalité, il est utile une fois encore de consulter le Pramanavarttika de Dharmakirti, dans lequel il nous propose quelques suggestions très précieuses. Supposons que nous discutions des qualités du Bouddha. Imaginons que quelqu’un nous ait dit que grâce à sa vision extrasensorielle augmentée, le Bouddha peut voir à d’immenses distances ou que, quand le Bouddha regarde dans l’océan, il peut voir tous les êtres vivants qui s’y trouvent, et que donc nous devrions avoir foi en lui. Bien, il se peut que nous pensions alors : « Pourquoi devrais-je croire en tout ça ? » Et Dharmakirti de dire que ce n’est pas vraiment une bonne façon de créer une foi confiante dans le Bouddha et dans ce qu’il enseigne.

Il dit que la meilleure façon, c’est de dire que le Bouddha est quelqu’un qui a exposé, en détail, les étapes du chemin et expliqué que n’importe qui peut les suivre pour atteindre la libération et l’état pleinement omniscient de la bouddhéité complète. Il a dit cela en se fondant sur sa propre expérience personnelle pour avoir parcouru ces chemins lui-même avec succès mais en prévenant les gens de ne pas les accepter juste par simple foi aveugle en lui, mais de les tester comme quand on achète de l’or. Quand nous examinons et analysons, avec logique et raison, les méthodes définies par ces étapes et mettons les étapes initiales en pratique et faisons l’expérience par nous-mêmes qu’elles mènent validement à leurs buts déclarés, nous pouvons en déduire que le reste des étapes est également valide.

Si le Bouddha, doté d’une grande compassion pour tous les êtres, d’omniscience, et des puissantes capacités à venir en aide à tout le monde, fut capable d’atteindre ces réalisations à cause de sa grande compassion pour nous, alors pourquoi essaierait-il de nous tromper ou de nous mentir ? Tout ce que le Bouddha a enseigné est de nous amener plus près de la libération de la souffrance et de la confusion, il n’y a donc aucun moyen pour que le Bouddha ait essayé de nous tromper. C’est la raison pour laquelle nous pouvons implicitement croire, avec une foi confiante, que ce que le Bouddha a dit à propos des connexions karmiques subtiles des causes et des effets – même si elles dépassent notre entendement ordinaire – doit aussi être vrai. Pourquoi le Bouddha mentirait-il à ce propos ?

Telle est la manière dont Dharmakirti dit avoir développé une foi confiante en le Bouddha. Dharmakirti a été un grand maître à Nalanda, et sans la tradition de Nalanda, les enseignements n’auraient probablement pas survécu jusqu’à nos jours. C’est pourquoi Sa Sainteté le Dalaï-Lama dit que nous devrions avoir une immense gratitude envers la tradition de Nalanda, pour avoir été capable de préserver cette incroyable façon de s’engager dans les enseignements bouddhiques.

Foi confiante et foi aveugle

J’ai employé le mot « foi » ici, et je sais que, pour certains Occidentaux, ce sujet peut être un sujet délicat. Laissez-moi donc parler de la différence entre foi confiante ou stable et foi aveugle. Quand nous avons cette confiance, en se servant de l’analyse ci-dessus, à savoir que le Bouddha, en aucune façon, ne cherche à nous tromper, nous avons une foi confiante et stable. La foi aveugle se manifeste plus quand nous développons presque instantanément une foi en une chose sans réellement trop vérifier. Ce genre de foi est très précaire. Des idées fausses peuvent surgir très facilement. Des sentiments peuvent s’élever en nous, et nous les suivons presque immédiatement sans les vérifier.

C’est l’une de nos responsabilités d’être conscients de savoir si les choses auxquelles nous pensons sont véritablement valides ou non. Considérant des sujets comme la loi karmique de la causalité, ce que nous devrions faire, c’est de vérifier des points comme le chemin vers la libération, la pleine illumination, et de les vérifier de manière exhaustive. De même, nous pouvons étudier et considérer les raisonnements qui soutiennent l’idée de la causalité karmique. Il existe une façon logique de vérifier les choses très soigneusement, par opposition aux soudaines explosions d’inspiration que nous avons souvent. Nous devrions faire cela de telle sorte que nous ayons un engagement plus stable à l’égard du chemin.

Laissez-moi vous donner un exemple. Disons que nous avons des maux de tête et avons besoin de trouver un médicament. En réalité, tous les médicaments ne marchent pas de la même façon pour tout le monde. Il se peut donc que nous en passions par un processus raisonnable d’essai de différentes marques d’antidouleurs, les essayant pour voir si ces derniers agissent. Quand nous trouvons une marque qui fonctionne bien pour nous, nous achèterons toujours cette marque. Et cela ne se limite pas seulement aux maux de tête. Nous commençons à avoir confiance en cette marque, si bien que si nous avons une autre maladie, comme un mal d’estomac ou des nausées, nous achetons également leurs médicaments pour ces affections.

Nous développons automatiquement de la « foi » dans les produits de cette compagnie parce qu’ils marchent et nous aident. Similairement, quand nous développons de la foi dans les enseignements du Bouddha : le fait qu’il ait montré le juste chemin vers la libération et la manière de surmonter nos problèmes ainsi que la cause de tous les problèmes – à savoir nos esprits ignorants – nous avons alors automatiquement foi et confiance dans les autres enseignements du Bouddha, lesquels pourraient ne pas être si faciles à comprendre. Quand nous voyons, même assez tôt sur le chemin, comment les méthodes qu’il a enseignées fonctionnent et comment elles nous ont aidés à surmonter certains des problèmes que nous rencontrons dans la vie, alors plus tard, quand on en vient à parler de ces résultats karmiques subtils, nous avons foi et confiance automatiquement dans le Bouddha. 

Débat autour de la place de la foi dans les chemins hindou et bouddhique

Il y a des gens qui avancent que la différence entre le bouddhisme et l’hindouisme est que la voie bouddhique est fondée sur la logique et la raison, tandis que la voie hindoue de Shiva repose sur la foi. La voie bouddhique a clairement défini des étapes logiques et a une fin, laquelle est atteinte après de nombreuses vies. La voie hindoue de Shiva ne possède pas de telles étapes et n’a pas de fin. Elle repose purement et simplement sur la foi.

Ils utilisent l’analogie de tomber d’une haute falaise dans un précipice. Et donc, certains maîtres hindous contemporains disent que dans le bouddhisme, c’est comme de tomber dans un fossé qui a un fond. Quand vous touchez le fond, vous êtes écrasé comme une pastèque et donc, si vous pensez à la fin, vous serez très effrayé. La voie hindoue de Shiva, en revanche, n’a pas de fin et c’est comme de tomber dans un puits sans fond. Tomber à jamais est, à leurs yeux, le chemin et ne comporte aucune crainte.

Ils disent aussi que Shiva a enseigné 114 chemins et que le chemin de la conscience fondé sur la logique et la raison que le Bouddha a enseigné est simplement l’un d’entre eux. Dans ce sens, également, le bouddhisme leur apparaît comme limité. En s’appuyant sur cet argument, ils disent que le fait d’être fondé sur la logique et la raison est un piège, or j’aime débattre avec eux sur ce point. Mis à part la fausse conception que le but final est la complète annihilation et que c’est donc quelque chose que l’on doit craindre, je rétorquerais que plutôt que de dire que la voie bouddhique de la raison est juste une partie du chemin de la foi, la voie bouddhique inclut la foi, mais une foi fondée sur la raison, et non une foi aveugle.

De l’importance d’une foi stable fondée sur la logique et le raisonnement

Ce qui nous arrive avec la foi aveugle, c’est que nous devenons immédiatement excités quand nous recevons des enseignements, que ce soit sur les soutras ou les tantras, et nous voulons aussitôt y pénétrer profondément. Et souvent, nous mêlons cela à nos propres désirs et souhaits, et très vite nous disons : « Oh, c’est mon gourou ! » Puis, après quelques mois, il se peut que le gourou agisse d’une façon inhabituelle à laquelle nous ne nous attendions pas. Nous commençons à remarquer ses fautes, et nous sommes frustrés, et nous nous en allons. Si nous avions fondé notre engagement dans le Dharma en le considérant comme un chemin vers la libération – au lieu d’être juste excités et de suivre hâtivement un gourou – cela aurait conduit à une foi beaucoup plus stable, comme celle mentionnée par Dharmakirti.

La foi que nous avons dans le Bouddha, et la foi consécutive que nous avons dans ses enseignements sur la loi karmique de cause et d’effet, reposent sur un processus qui commence par la compréhension sans erreur des quatre nobles vérités. Quand nous voyons la validité des quatre nobles vérités et du chemin de libération défini par elles, nous comprenons que le maître, le Bouddha, est également sans faute et valide. Donc, quand nous disons que comprendre les subtilités de tous les détails de la loi karmique de causalité est une chose que seul un bouddha peut comprendre, nous développons la foi comme quoi ce que le Bouddha a dit à ce propos est correct, mais notre foi est fondée sur la raison et c’est la raison pour laquelle nous avons foi et confiance dans le Bouddha. Aussi, dans ce sens, le chemin de la logique et de la raison inclut le chemin de la foi, et non l’inverse.

Remarques de conclusion

Ici, j’ai essayé de couvrir brièvement la portée inférieure, ensuite je parlerai des portées intermédiaire et supérieure. Come je l’ai dit plus tôt, la chose principale avec Lhabab Duchen est de regarder les actes du Bouddha, et la raison pour laquelle il est allé jusqu’au Ciel des Trente-Trois. La chose la plus importante à retenir est que même s’il est le Bouddha, il voulait payer en retour la bonté de sa mère, et il s’est rendu là pour donner des enseignements. Il ne lui a pas acheté des choses coûteuses. C’est cela la véritable « action de grâce » [la fête de « Thanksgiving » en anglais], pas la dinde ! 

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