Les quatre systèmes de pensée bouddhique sur le thème de l’illusion

Le contexte

Dans les monastères bouddhiques de la tradition indienne du Mahayana, comme le monastère de Nalanda, les moines étudiaient quatre systèmes de pensée philosophique bouddhique. Les deux premiers – le Vaibhashika et le Sautrantika – étaient des subdivisions de l’école Sarvastivada de la tradition du Hinayana. Les deux autres – le Chittamatra (Cittamatra) et le Madhyamaka – étaient des subdivisions de la tradition du Mahayana. Les Tibétains ont suivi cette coutume, mais ont procédé à d’autres subdivisions au sein de ces quatre systèmes. Par exemple, dans le Madhyamaka, ils ont différencié le Madhyamaka-Svatantrika du Madhyamaka-Prasanguika (Prasangika). Dans le Madhyamaka-Svatantrika, l’école Guéloug (Gelug) a poussé plus loin la classification des auteurs en Svatantrika-Yogachara (Yogacara) ou Svatantrika-Sautrantika. Les différentes écoles non guélougs ont encore subdivisé différemment le Madhyamaka.

D’autre part, différents maîtres au sein de chaque lignée tibétaine ont interprété différemment la gamme de systèmes philosophiques du bouddhisme indien. En général, les écoles Sakya, Kagyu et Nyingma partagent une interprétation précoce. En ce qui concerne le Madhyamaka, cette interprétation précoce s’appuie en particulier sur l’orientation svatantrika-yogachara des deux maîtres de Nalanda qui ont introduit le bouddhisme indien au Tibet : Shantarakshita et Kamalashila. C’est à cause de cela que la terminologie du Chittamatra est tellement importante dans la présentation non guéloug du tantra. Tsongkhapa, se reposant sur les travaux d’un autre maître de Nalanda, Bouddhapalita, a radicalement réinterprété les systèmes de pensée philosophique, surtout le Svatantrika et le Prasanguika. Les Guélougs défendent cette interprétation.

Il suffit de quelques exemples pour mettre en évidence certaines différences existant entre ces deux lignes principales d’interprétation. Par exemple, les non-Guélougs soutiennent que le Svatantrika et le Prasanguika ne diffèrent pas dans leurs explications sur les objets infirmés par la vacuité, les obscurcissements cognitifs et émotionnels et les étapes pour s’en débarrasser. Les différences entre ces deux divisions du Madhyamaka résident principalement dans l’approche de la logique et dans la question de savoir si l’on peut, oui ou non, faire une affirmation positive à propos de quoi que ce soit. Les Guélougs soutiennent que les assertions des deux divisions du Madhyamaka diffèrent en ce qui concerne les objets infirmés par la vacuité, les obscurcissements cognitifs et émotionnels et les étapes pour s’en débarrasser. Ainsi, les non-Guélougs acceptent le Filigrane des réalisations (mNgon-rtogs rgyan, skt. Abhisamaya-alamkara) comme présentation des étapes de la voie pour tout le Madhyamaka, tandis que les Guélougs ne l’acceptent que pour le Svatantrika et reconnaissent une présentation prasanguika qui est extrêmement différente. De même, les non-Guélougs acceptent la présentation Sautrantika fondamentale de la théorie de la cognition, tandis que les Guélougs défendent une présentation prasanguika différente comme explication la plus profonde.

Cependant, même au sein de l’école Guéloug, différents maîtres ont présenté différemment plusieurs détails. Nous limiterons ici notre discussion à la présentation générale Guéloug.

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