Brève révision de la portée initiale
Nous avons parlé d’une personne du niveau de motivation initial. Le verset dans le texte est :
(3) Quiconque, homme ou femme, porte un intérêt (à réaliser), par quelque moyen que ce soit, le seul bonheur du samsara récurrent incontrôlable est connu comme une personne d’envergure spirituelle minimale.
La question de se relier correctement à un maître spirituel et celle de la précieuse renaissance humaine sont communes à l’entraînement des trois types de personnes : celles des portées initiale, intermédiaire et avancée. Le vrai sujet pour quelqu’un de portée initiale inclut la mort et l’impermanence, la souffrance des trois royaumes inférieurs, la prise de refuge et les pratiques de la causalité karmique, ainsi que le fait de garder spécifiquement l’autodiscipline éthique de s’abstenir de commettre les dix actes destructeurs.
Sur la base de cette restriction de commettre les dix actions destructrices, nous pouvons nous empêcher de tomber dans une renaissance dans un des trois royaumes inférieurs. Nous pouvons aussi nous assurer d’une renaissance soit comme être humain soit comme dieu. Ayant obtenu une précieuse renaissance humaine comme celle que nous avons, nous pouvons réaliser ce genre d’objectif. Même si nous réalisons cela, bien que ce soit très bien, ce n’est toujours pas suffisant.
Progression vers la portée intermédiaire
Où que nous puissions renaître dans l’existence récurrente incontrôlable, peu importe la richesse ou le haut statut que nous ayons, même comme empereur du monde ou comme dieu, cette fortune et cette position ne comportent rien que des problèmes et de la souffrance. Peu importe où nous pourrions renaître, c’est seulement dans une condition pleine de problèmes et de souffrance. Ce que nous devons voir, c’est que tout type de bonheur mondain est problématique et de la nature de la souffrance, et nous devons tourner le dos à travailler pour ces choses comme étant nos objectifs. Au lieu de cela, nous devons purement et simplement travailler à la libération de toute condition d’existence samsarique.
Cet état plus avancé de motivation est connu comme étant la portée intermédiaire. Précédemment, au niveau initial, nous travaillions à atteindre le bonheur mondain dans nos vies futures, et maintenant au niveau intermédiaire, nous nous détournons également de cela et souhaitons obtenir la libération de toute souffrance quelle qu’elle soit dans n’importe lequel des états d’existence récurrente incontrôlable. Nous voyons qu’ils ne sont rien que souffrance.
La souffrance de la souffrance
Aucune certitude
Le premier point concernant la souffrance est qu’il n’y a aucune certitude dans l’existence récurrente incontrôlable. Peu importe notre richesse, peu importe la quantité de biens que nous avons, ou le type de position élevée que nous pourrions occuper, ce sont des choses qui ne durent pas. Il n’y a aucune certitude quant au fait de les avoir et de les garder, et donc, à tout moment, nous pouvons les perdre et tomber dans un état de grande pauvreté ou dans une position modeste.
C’est quelque chose que nous pouvons tous voir par nous-mêmes. Nous avons vu qu’il n’y avait aucune certitude dans cette vie. Nous pouvons voir cela ne serait-ce que dans le cadre de cette vie quand, par exemple, quelqu’un qui occupait une position élevée comme officiel du gouvernement a été disgracié et peut-être même jeté en prison, et a néanmoins fait son retour plus tard et a de nouveau occupé un poste élevé au gouvernement.
D’autre part, nous pouvons voir comment quelqu’un qui était un ami très proche dans la première partie de notre vie, à cause d’un simple échange de mots durs, est devenu plus tard notre ennemi pour qui nous éprouvons une grande aversion. De même, nous pourrions avoir eu un ennemi dans la première partie de notre vie, quelqu’un que nous ne supportions pas, puis dans la dernière partie de notre vie cette personne est devenue un(e) ami(e) proche. Ce genre d’incertitude quant au statut est quelque chose que nous avons tous constaté.
Aucune satisfaction dans le samsara
Le point suivant à propos de la souffrance de la souffrance est qu’il n’y a aucune satisfaction dans l’existence samsarique. Peu importe la quantité de richesse que nous avons, même si nous possédions toute la richesse d’un pays entier, nous n’aurons jamais le sentiment que c’est suffisant. Nous ne serons pas satisfaits ; nous n’aurions d’autre souhait que d’en avoir plus. Il n’y a aucune espèce de satisfaction dans l’existence samsarique.
Devoir abandonner son corps encore et encore
Un autre point est que nous devons continuellement abandonner nos corps. Depuis des temps sans commencement, nous sommes nés puis nous avons dû mourir et abandonner notre corps pour renaître à nouveau. Encore et encore, nous abandonnons notre corps et, encore et encore, nous renaissons ; c’est juste sans fin. Si nous ne mettons pas un terme à notre existence samsarique récurrente incontrôlable, cela ne fera que continuer ainsi encore et encore dans le futur.
La souffrance de la souffrance dont les dieux font l’expérience
Cela est vrai même si nous renaissons comme dieu dans un des royaumes divins, où tout est très aimable et plaisant, où, par exemple, le sol est fait de pierres précieuses. Là, les dieux n’ont pas besoin de manger de nourriture grossière mais peuvent vivre de la nourriture de la concentration, sans avoir à exercer aucun effort ni effectuer aucun travail pour l’obtenir.
À mesure que l’on monte dans les royaumes plus élevés, le bonheur s’accroît de plus en plus ; malgré tout, ces dieux éprouvent une immense souffrance au moment de leurs morts. Bien que leurs vies se soient passées dans un grand bonheur mondain, au moment de la mort, par exemple, des choses comment à se produire qui ne s’étaient jamais produites avant. Ils commencent à sentir mauvais, leurs colliers de fleurs et leurs ornements commencent à pâlir et se flétrir et, avec l’approche de tous ces signes indiquant leur mort prochaine, ils éprouvent une prodigieuse somme de souffrance mentale. Les êtres qui ont pris renaissance dans les royaumes inférieurs comme les enfers éprouvent les plus grandes souffrances physiques ; cependant, en ce qui concerne la souffrance mentale, les dieux, quand ils reçoivent les signes de leur mort prochaine, éprouvent la plus grande souffrance mentale.
Si on compare la souffrance mentale au moment de la mort de quelqu’un venant d’un pays très pauvre à la quantité de souffrance mentale éprouvée par une personne très riche dans un pays prospère, alors la souffrance mentale de la personne riche est beaucoup plus grande. La quantité de souffrance mentale au moment de la mort pour un mendiant qui n’a absolument aucune possession et est complètement pauvre et démuni est bien moindre que celle de quelqu’un qui meurt en étant extrêmement riche et qui possède tellement de biens. C’est la raison pour laquelle la quantité de souffrance mentale que nous éprouvons dans l’existence samsarique récurrente incontrôlable est directement proportionnelle à la quantité de biens matériels et de prospérité que nous avons.
La souffrance de la souffrance dont les humains font l’expérience
Ensuite, considérons la souffrance des êtres humains. Tout d’abord, il y a l’extrême quantité de souffrance au moment de la naissance. Bien que nous ne nous en souvenions pas parce que cela nous est arrivé quand nous étions très jeune, néanmoins le moment de la naissance comporte la plus grande souffrance dont nous ayons à faire l’expérience.
Nous devrions considérer tout autant, par exemple, la somme de souffrance que nous éprouvons à être confiné dans une matrice pendant neuf mois et dix jours. Nous pouvons comprendre cela en considérant la manière dont nous ne pourrions pas supporter d’être enfermé dans une minuscule pièce sans fenêtres ni portes pendant juste quelques jours. Nous trouverions cela insupportable. Imaginez la souffrance d’être enfermé comme ça pendant neuf mois et dix jours !
De même, nous devrions considérer la souffrance de la maladie. C’est quelque chose que nous tous comprenons et avons constaté pas seulement dans le contexte de notre propre maladie. Nous pouvons voir aussi diverses personnes dans différents hôpitaux qui souffrent de terribles maladies et accidents. Nous pouvons voir également des gens dans des hôpitaux psychiatriques qui souffrent de puissantes afflictions mentales et de désordres psychologiques. Il y a tant de souffrances impliquées dans le fait d’être malade. Non seulement nous souffrons d’une maladie que nous avons, mais nous souffrons également en nous inquiétant d’en attraper une quand nous n’en avons pas.
En tant qu’êtres humains, la souffrance suivante est celle d’avoir à vieillir. La vieillesse est quelque chose qui vient très doucement, nous ne la voyons donc pas soudainement, mais la souffrance de la vieillesse est très grande et dure longtemps. Imaginons, si nous avions seize ou dix-sept ans et si, soudain, quand nous sommes allés dormir et nous sommes réveillés le lendemains matin, nous étions devenus tout à fait vieux. La souffrance impliquée en nous voyant subitement changé en vieillard serait incalculable. C’est comme si nous avions mis un masque.
Quand nous sommes malades ou vieux, même si nous aimerions beaucoup manger certaines nourritures, nous découvrons que nous ne sommes plus en mesure de les manger. Nous devons avaler des médicaments au goût terrible ou des choses de ce genre et, dans les deux cas, cela implique beaucoup de souffrance.
La souffrance de la naissance, de la vieillesse, de la maladie, et la souffrance d’avoir pris renaissance dans un des royaumes inférieurs sont toutes des exemples de ce qui est connu comme la souffrance de la souffrance, la souffrance de la misère. Ce sont des souffrances brutales et évidentes.
La souffrance du changement
Il existe également un genre plus subtil de souffrance, c’est la souffrance du changement. N’importe quel type d’objets matériels agréables que nous pouvons avoir et considérons comme capables de nous procurer le bonheur nous apporte en fait un bonheur qui est de la nature de la souffrance. Par exemple, si nous sommes en train de marcher, au bout d’un moment la marche se transforme en souffrance, et nous voulons nous arrêter de marcher et nous asseoir. Nous nous asseyons pour nous reposer et cela nous procure au début un sentiment de bonheur ; toutefois, en fait, ce n’est pas un bonheur qui dure. Il est en soi problématique et de la nature de la souffrance.
Rester assis n’est pas de la nature du bonheur. Le bonheur apparent que nous en tirons est véritablement un exemple de la souffrance du changement. Ce qui s’est passé, en fait, c’est que nous avons marché et avons fait l’expérience de trop marcher, aussi quand nous nous asseyons, bien qu’il semble que s’asseoir soit une source de bonheur, en réalité tout ce que cela fait c’est de diminuer la souffrance de marcher. Le bonheur de s’asseoir contrebalance la souffrance grossière de la marche, mais ne le fait que pour un court moment.
Ce que nous ressentons n’est pas de la nature du bonheur car, si c’était le cas, cela devrait rester du bonheur à tout moment. Or ce n’est pas le cas, parce qu’après être resté assis trop longtemps, notre dos commence alors à nous faire mal, et nous ressentons un inconfort. Alors, nous voulons nous lever à nouveau. Cela démontre clairement que notre station assise est de la nature de la souffrance. Ce n’est pas du bonheur simplement parce que cela annule légèrement la souffrance de la marche. En soi, ce n’est pas du bonheur, mais juste un autre genre de souffrance.
Un autre exemple concerne le fait de manger quand nous avons très faim. Nous mangeons et cela élimine la souffrance d’avoir faim ; néanmoins ce n’est pas quelque chose qui dure. Tout ce que cela fait, c’est de remplacer ou contrebalancer la souffrance évidente, manifeste, de la faim. Cela ne dure pas, car après un moment nous avons faim à nouveau.
De même, quand nous avons froid, nous voulons nous mettre au soleil. Nous nous exposons au soleil et à nouveau cela ne fait que remplacer la souffrance manifeste d’avoir froid. Cependant, le bonheur que nous en tirons n’est pas quelque chose de durable et, après être resté debout au soleil pendant un moment, nous avons trop chaud et commençons à nous inquiéter d’attraper peut-être un coup de soleil. Nous voulons donc rentrer nous mettre à l’ombre dans un endroit frais.
Tous ces exemples sont des exemples de la souffrance du changement. Ce dont nous faisons l’expérience paraît être du bonheur, mais cela se change en souffrance. C’est pourquoi il ne s’agit pas du tout de bonheur mais d’une autre forme de souffrance, laquelle est connue comme la « souffrance du changement ».
La souffrance toute-pénétrante
Le type suivant de souffrance est connu comme la « souffrance toute-pénétrante ». Un exemple nous en est fourni par nos agrégats souillés. Par exemple, nos corps ordinaires, simplement du fait de leur nature même, génèrent immédiatement de la souffrance. Nous avons un corps contaminé, un corps qui tombe malade, un corps blessé par différentes sortes de douleur et de souffrance du seul fait qu’il existe. Ceci est connu comme la souffrance toute-pénétrante ou « souffrance omnipénétrante ».
Pour les aryas, les êtres nobles, la souffrance toute-pénétrante d’avoir un corps souillé leur apparaît aussi douloureuse que d’avoir un cheveu dans l’œil. Et puisque cela paraît si douloureux, c’est une chose qu’ils veulent abandonner et dont ils veulent se débarrasser immédiatement. Pour nous, les êtres ordinaires, tout ce dont nous sommes conscients, c’est de la souffrance grossière de la souffrance. Nous ne sommes même pas conscients de cette souffrance omnipénétrante, laquelle nous semble aussi inoffensive que d’avoir un cheveu sur la paume de notre main.
Nous pouvons parler du samsara, ou de l’existence samsarique récurrente incontrôlable comme l’exemple même de la souffrance toute-pénétrante. Dans l’existence samsarique, notre conscience est sous le pouvoir d’émotions perturbatrices et de pulsions karmique contraignantes. Ainsi, elle n’est pas sous son propre pouvoir et n’a aucun contrôle sur elle-même. Ceci est également un exemple de souffrance omnipénétrante.
Comment nous débarrasser de la souffrance
Quelle conséquence y a-t-il à réfléchir à toute cette souffrance ? L’issue est que nous voudrons chercher une méthode pour nous en débarrasser. Cette souffrance n’est pas quelque chose de permanent ou de statique mais quelque chose qui change et est impermanent. Parce que la souffrance est impermanente, on dit que c’est un « phénomène affecté » (’dus-byas-kyi chos, phénomène conditionné).
Ce terme, « phénomène affecté », veut dire qu’il surgit à partir de causes. Si on demande quelles sont les causes qui font advenir la souffrance, on peut dire que les causes sont les pulsions karmiques contraignantes, ou karma, lesquelles nous poussent à commettre des actes compulsifs destructeurs. Or quelle est la cause du surgissement de ces pulsions karmiques contraignantes ? Elles surgissent à cause de diverses émotions perturbatrices. Si on demande d’où viennent ces diverses émotions perturbatrices, elles viennent de trois principales émotions : le désir et l’attachement, l’hostilité et la colère, et l’ignorance naïve. La racine, ou cause fondamentale, est la troisième, l’ignorance naïve. Les pulsions karmiques contraignantes et ces émotions perturbatrices sont connues comme la « deuxième noble vérité », les véritables origines de la souffrance.
Si nous décomposons les syllabes du mot tibétain pour la deuxième noble vérité – kun-’byung – que je traduis comme les véritables origines de la souffrance, littéralement cela signifie « producteur de tout ». « Tout » fait référence à la totalité de la souffrance. La connotation est que les pulsions karmiques contraignantes et les émotions perturbatrices sont ce à partir de quoi toutes les souffrances surgissent. C’est la raison pour laquelle elles sont connues comme les véritables origines de la souffrance ou la noble vérité des origines de la souffrance.
Comment se fait-il que l’ignorance naïve soit prise pour la racine de ces émotions perturbatrices et de la souffrance ? Examinons cela. Tout d’abord, nous avons tous un état d’esprit grâce auquel nous pensons « je » ou « moi ». En vérité, il y a deux sortes de « moi » qui apparaissent. Il y a un « moi » qui existe véritablement et un « moi » qui n’existe pas. Plus précisément, il y a le « moi » qui existe conventionnellement et le « moi » à réfuter, lequel n’existe pas. Ce dernier n’existe pas dans le sens où il ne correspond pas à ce qui existe réellement, mais néanmoins apparaît comme s’il existait et y correspondait. Pour autant, ce faux « moi », ce « moi » auto-établi ou existant de manière inhérente, n’existe en fait pas du tout. Malgré tout, notre esprit fait s’élever une apparence d’un « moi » qui semble auto-établi, et nous nous en saisissons comme s’il existait de la façon impossible dont il apparaît. L’ignorance naïve est l’émotion perturbatrice par laquelle nous sommes inconscients du fait que cette apparence ne correspond pas à la réalité ; nous croyons juste le contraire, nous croyons qu’elle y correspond.
Pour le dire simplement, nous réfléchissons en termes de « moi » auto-établi, lequel en fait n’existe pas. Parce que nous pensons en termes d’un tel « moi », alors nous pensons à « mon ami(e) » comme conséquence de cette pensée « moi ». Sur la base de la pensée « mon ami(e) », nous développons alors du désir et de l’attachement pour la personne. Sur la base de ce désir et de cet attachement, nous faisons l’expérience du surgissement d’impulsions karmiques compulsives qui nous poussent à commettre des actes karmiques compulsifs. Le potentiel karmique compulsif accumulé par ces pulsions et ces actes ont pour résultat notre expérience de la souffrance.
De même, quand nous pensons en termes de la catégorie d’un « moi » réellement auto-établi, cela conduit à penser à quelqu’un comme étant « mon ennemi ». Nous développons alors de l’hostilité et de la colère envers cet ennemi et, en conséquence, nous commettons des actes destructeurs lesquelles résultent en souffrance. La racine de tout ceci est notre état d’esprit avec lequel nous nous accrochons à un « moi » non existant comme si son existence était véritablement établie et que, par ignorance naïve, nous ne savons pas qu’il est faux. Nous croyons qu’il est vrai.
Quand nous procédons à des investigations sur la manière dont notre esprit se saisit de son objet, à savoir ce « moi » non existant, nous découvrons que l’objet auquel nous nous accrochons est, en fait, quelque chose qui n’existe pas. Quand nous réalisons que l’objet de cet esprit n’existe pas – qu’il n’existe pas une telle chose – la compréhension de cette absence totale est connue comme une « compréhension du vide (de la vacuité) », ou « absence de soi », ou « absence d’identité ».
Cet esprit qui comprend le manque d’identité véritable d’un « moi » détourne ou renverse l’attitude avec laquelle nous nous saisissons d’un « moi » qui existerait apparemment pour de vrai. De même, cela nous permet de nous détourner de la saisie d’objets existant apparemment pour de vrai, objets qui appartiendraient à ce « moi » comme s’il s’agissait de « mes choses ». L’esprit qui s’accroche aux choses comme ayant une existence auto-établie et l’esprit qui appréhende que de telles choses n’existent pas du tout sont en complète opposition ; l’un réfute l’autre.
La conscience discriminante
L’esprit qui comprend la non-existence de pareils objets impossibles est connu comme la « conscience discriminante (shes-rab, la sagesse) qui appréhende le vide ». Quand un esprit a une cognition non conceptuelle directe de ce vide, cet esprit est connu comme un « véritable chemin d’esprit », c’est-à-dire comme la noble vérité du chemin. Quand nous continuons de méditer sur ce chemin, cet esprit finira par débarrasser le continuum mental de la totalité des potentiels karmiques et émotions perturbatrices.
Quand tous ceux-ci auront été éliminés, l’absence de potentiels karmiques et d’émotions perturbatrices est connue comme une « véritable cessation », la noble vérité de la cessation. Elle advient à partir d’une cause qui est le véritable chemin, la noble vérité du chemin. Ces deux vérités sont établies comme cause et effet. L’une est la cause de l’autre, laquelle advient comme son résultat.
Les quatre nobles vérités
Les quatre nobles vérités, dès lors, peuvent être divisées en deux. La série de deux dont nous venons de parler est connue comme la « face purifiée ou purificatrice des nobles vérités ». Les deux premières nobles vérités seraient connues comme le « côté abusé ou illusoire des nobles vérités ». Les deux premières nobles vérités sont les véritables souffrances et les véritables origines de toutes les souffrances ; les véritables origines de toutes les souffrances sont ce qui fait advenir les premières, les véritables souffrances. Le fait que tous les phénomènes proviennent de ces causes comme étant les deux faces des nobles vérités a été déclaré par les bouddhas eux-mêmes.
Les trois entraînements supérieurs
Parmi les trois entraînements supérieurs, la conscience discriminante qui comprend le vide constitue ce qu’on appelle « l’entraînement à la conscience discriminante supérieure. » Ce qui agit comme cause de celle-ci et doit la précéder est l’entraînement à la concentration supérieure. La racine ou base à partir de laquelle ces deux s’élèvent est l’entraînement à l’autodiscipline éthique supérieure. C’est pourquoi, pour préserver l’autodiscipline éthique, s’abstenir des dix actions destructrices est quelque chose de très basique, fondamental et important car cela agit comme socle à partir duquel les autres entraînements supérieurs croissent. Leur nécessité est pareille à celle d’un champ pour faire pousser des cultures.
Les pratiques contenues dans les trois entraînements supérieurs constituent le sujet de ces trois entraînements. Les écrits qui parlent de ce sujet sont inclus dans les Trois Corbeilles, le Tripitaka.
- Le sujet concernant l’autodiscipline éthique se trouve dans la Corbeille du vinaya pour ce qui est des règles de la discipline monastique.
- Concernant le sujet de l’entraînement à la concentration supérieure, les textes qui en parlent sont réunis dans la Corbeille des soutras.
- On trouve le sujet sur l’entraînement à la conscience discriminante supérieure dans les textes de la Corbeille de l’abhidharma.
Les trois entraînements supérieurs, dès lors, forment la matière du Tripitaka, et les textes de ces Trois Corbeilles les exposent et les expliquent.
La durée des enseignements du Bouddha
Il a été prophétisé que la doctrine du Bouddha durerait 5.000 ans. Ces 5.000 années sont divisées en dix périodes de 500 ans :
- Durant la première de ces périodes de 500 ans, il y a un grand nombre d’arhats.
- Au cours de la deuxième période, nombreuses sont les personnes qui réalisent l’état de qui ne reviendra pas.
- Pendant la troisième période de 500 ans, un grand nombre atteignent l’état d’une personne entrée dans le courant.
Tous sont des aryas ou êtres nobles.
Dans la prochaine série de périodes de 500 ans :
- Dans la quatrième, il y a principalement celles et ceux qui pratiquent et maintiennent l’entraînement à la conscience discriminante supérieure.
- Au cours de la cinquième, il y a principalement celles et ceux qui maintiennent l’entraînement à la concentration supérieure,
- Et durant la dernière période de cette série, il y a celles et ceux qui maintiennent principalement l’entraînement à l’autodiscipline éthique supérieure.
Ces périodes sont connues comme des chapitres de temps, similaires à la manière dont nous voyons des chapitres utilisés dans un texte tel que S’engager dans la conduite d’un bodhisattva. Les trois premières périodes de 500 ans sont connues comme les chapitres résultants – autrement dit, les chapitres du résultat ou des fruits des pratiques. La deuxième série de trois périodes est connue comme les chapitres de la pratique, durant lesquels la pratique de chacun des entraînements supérieurs est prédominante, l’un suivant l’autre, en commençant par la conscience discriminante supérieure. Actuellement, nous en sommes au troisième de ces chapitres, la période où l’entraînement à l’autodiscipline éthique prédomine. Un peu plus de 300 ans de cette période de 500 ans se sont déjà écoulés, et il nous reste à peu près 200 ans.
Après cela, viendront les trois chapitres de 500 ans des textes scripturaux. Dans chacun, les textes de l’une des Trois Corbeilles prédominera :
- D’abord la Corbeille de l’abhidharma,
- Puis la Corbeille des soutras
- Et, dans le troisième, la Corbeille du vinaya.
Durant ces périodes, il n’y aura personne ayant de grandes vues pénétrantes de la pratique ou de réalisations de leurs résultats. Principalement, les gens seront impliqués dans la mémorisation et la récitation de ces textes.
Il y a dix périodes de 500 ans au total, et nous en avons déjà présenté neuf. La dernière sera :
- La période de 500 ans de nom seulement, ou simplement du bouddhisme dans un sens nominal. Pendant cette période, il y aura des personnes ordonnées au sens purement nominal. Autrement dit, elles porteront des robes, mais ce sera à peu près tout. Elles ne garderont aucun des vœux. Ce sera la dernière période.
L’époque où les enseignements disparaîtront complètement n’est pas encore venue, si on fait le calcul, il reste environ 2.200 ans avant que les enseignements ne soient complètement éteints. Nous devons donc nous efforcer d’obtenir dès maintenant la réalisation des quatre nobles vérités, et, principalement, la réalisation du vide. Si nous tournons le dos à tous les plaisirs mondains et au bonheur, comme il est dit dans le verset suivant, et obtenons cette réalisation du vide, nous serons capables de trancher la racine de l’existence samsarique récurrente incontrôlable.
Une personne de portée spirituelle intermédiaire
Résumant la motivation de la portée intermédiaire, Atisha dit :
(4) Quiconque ayant la nature de tourner le dos aux plaisirs de l’existence compulsive et de se détourner des pulsions négatives du karma, et qui porte un vif intérêt seulement à son propre état de paix est connu comme une personne d’envergure spirituelle intermédiaire.
La phrase : Quiconque ayant la nature de tourner le dos aux plaisirs de l’existence compulsive et de se détourner des pulsions négatives du karma, se réfère à quelqu’un qui travaille à un niveau intermédiaire et s’est détourné des actions destructrices. C’est quelqu’un qui a tourné le dos aux actes destructeurs en maintenant l’entraînement à l’autodiscipline éthique supérieure et, de là, continuant avec les deux autres entraînements. La pratique des trois entraînements supérieurs est destinée à ce qu’on soit capable de se détourner des émotions perturbatrices qui nous poussent à commettre des actes destructeurs.
Quand Atisha écrit : se détourner des pulsions négatives du karma, nous ne devrions pas penser simplement aux impulsions karmiques destructrices qui nous poussent à commettre les dix actes destructeurs. Y sont incluses les émotions perturbatrices qui les causent.
Quand Atisha écrit : et qui porte un vif intérêt seulement à son propre état de paix, cela fait référence au fait que, en s’en remettant à pareilles méthodes, de telles personnes sont capables d’atteindre la libération elles-mêmes. Une telle personne est connue comme une personne d’envergure spirituelle intermédiaire.
Si nous méditons vraiment comme cela et travaillons pour notre seul bien, nous atteignons ce qu’on appelle « le type le plus bas de libération ». En d’autres termes, nous sommes capables de nous libérer seul et non de libérer tous les êtres comme nous le ferions grâce à la réalisation de l’illumination.
Le chemin de pratique de quelqu’un de portée intermédiaire est considéré comme un chemin ordinaire. Autrement dit, nous ne devrions pas adopter l’aspect de ce niveau de motivation qui prend la libération individuelle pour son objectif final. Au lieu de cela, nous devrions nous entraîner à développer ces aspects du niveau intermédiaire de motivation qui sont partagés en commun avec le niveau avancé de motivation. Ceux-ci incluent de se détourner des préoccupations et des plaisirs mondains et du bonheur, ainsi que de l’existence samsarique récurrente incontrôlable.
Le renoncement, la détermination à être libre
Il y a deux types de renoncement ou détermination à être libre :
- La détermination à être libre grâce à laquelle nous nous détournons de la complète implication dans cette vie et travaillons avec ferveur uniquement dans ce but
- La détermination grâce à laquelle nous nous détournons de la complète implication dans les vies futures et travaillons avec ferveur juste à cela.
Si nous nous sommes détournés de la complète implication dans cette seule vie, nous pouvons nous empêcher de tomber dans l’un des trois états inférieurs. Si nous ne développons pas le second type de motivation à être libre grâce auquel nous nous détournons également d’une complète implication dans les vies futures, nous ne serons pas en mesure de nous détourner complètement de toute existence samsarique récurrente incontrôlable et du souhait de renaître comme humain ou comme dieu. Nous ne serons pas capables d’atteindre la libération.
L’état de libération de l’existence samsarique récurrente incontrôlable est quelque chose que nous pouvons accomplir sur la base de travail de la précieuse vie humaine dont nous disposons. Toutefois, se débarrasser uniquement de ses propres souffrances pour soi-même n’est pas suffisant. Avec cette précieuse renaissance humaine que nous avons, nous ne devrions pas seulement travailler à nous libérer nous-mêmes de toute souffrance ; nous devrions aussi travailler à libérer tous les autres de la souffrance. Toute la souffrance que nous endurons, toute notre souffrance, tout le monde l’éprouve également. Tout le monde éprouve les mêmes types de souffrances.
Mais, si nous ne sommes pas conscients de la totalité de nos propres souffrances et n’avons pas la détermination à nous en libérer, nous ne serons pas capables de devenir conscients de la souffrance des autres avec la même détermination à ce qu’ils en soient délivrés également. L’esprit avec lequel nous nous focalisons sur la souffrance des autres, animés de même souhait que le nôtre qu’ils en soient libérés, est connu comme la « compassion ».